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En moins de deux ans, Brigida a refait deux fois sa carte d’identité. En 2017, elle a changé sa photographie et son prénom – de Roger à Brigida –, après avoir féminisé sa mention de sexe à l’état civil. Puis, en 2019, elle a ajouté la rubrique « identité culturelle : Suyu Jach’a Carangas [en aymara : Nation Jach’a Carangas] » et, à nouveau, rectifié sa photographie. À cette occasion, Brigida avait tressé ses cheveux et revêtu la blouse blanche brodée et la jupe bouffante (pollera) verte qu’elle arborait lors de ses séjours dans la communauté paysanne de son père. Deux mois plus tard, elle ne s’habillait plus que comme chola, ainsi qu’on nomme les femmes qui portent cette jupe et les cheveux tressés. Héritée du vêtement colonial des migrantes rurales qui délaissaient en ville l’habit paysan pour se vêtir à l’espagnol, la pollera est aujourd’hui devenue un marqueur d’identité indigène. Elle est à la fois portée par les urbaines des milieux populaires (artisan, commerçant, minier, etc.) et par les paysannes. Et c’est en pollera qu’en octobre 2019, Brigida s’est présentée aux élections législatives comme représentante indigène de sa circonscription, sans mentionner sa transition de genre.
Dans l’article de Brubaker publié dans ce numéro, deux transitions – celle d’un homme vers femme et celle d’une femme blanche vers femme noire – mettent en lumière ce qui distingue les régimes d’authentification du sexe et de la race. L’intérêt de la trajectoire de Roger-Brigida est d’exposer leur co-construction…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 15/06/2022
- https://doi.org/10.3917/moco.007.0048
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