Droit de tuer, sacrifice de soi, vie sauvée, vie donnée : la mort violente obéit désormais à des économies stratégiques et symboliques qui redessinent la figure de la victime, du héros et du martyr.
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La condamnation de jihadistes français par la justice irakienne (demain, peut-être ailleurs) pose la question du droit de tuer et de mourir. Si nos compatriotes vont commettre à l’étranger des crimes - ici politiques, impliquant le massacre de civils et déclaration de guerre explicite et à l’Irak et à la France - ils risquent d’être condamnés dans les pays qui pratiquent la peine capitale. Soit la sentence est exécutée - ici par un gouvernement que nous soutenons militairement et dont nous reconnaissons la souveraineté et la légitimité. Soit, par un accord quelconque, la mort est commuée en détention à perpétuité. Et, dans ce cas, les condamnés doivent théoriquement passer le reste de leur jour là-bas ou dans une prison française. Dans le premier cas, nous imaginons mal que la chose se fasse sans compensation financière (frais de justice, entretien d’une dizaine de jeunes gens censés vivre quelques décennies encore, plus leurs gardiens, plus une sorte de prix du sang et de la douleur infligés aux Irakiens). Nous imaginons encore plus mal comment faire admettre à l’opinion ce qui ressemblera à une rançon destinée à apaiser les belles âmes pétitionnaires.
En cas de transfert en France « pour le compte » de l’Irak – mais nous n’y croyons guère –, la même opinion acceptera aussi difficilement que des gens qui se sont aussi explicitement déclarés ennemis d’une patrie qu’ils ont reniée, vivent dans nos prisons : ils en sortiront sans doute un jour, risquent de s’évader et, entre-temps pourront recruter grâce à leur prestige de combattants…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 29/08/2019
- https://doi.org/10.3917/mediu.060.0126