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Longtemps, la censure consista à supprimer des « choses » honteuses : un article programmé n’était pas imprimé, un tableau était retiré du mur, un livre de la vente. Opinion, discours ou image une fois condamnés, il fallait faire disparaître le support matériel pour que le message n’atteigne pas le public. À la source, en empêchant de dire ou représenter, ou, après coup, en retirant l’objet du scandale (voire son auteur) de l’espace public, la censure surveille supports, trajet, distribution ou exposition pour préserver du contact avec mots ou images.
Comme nous le notions dans un numéro précédent , cela renvoie à plusieurs notions : offense aux bonnes mœurs ou à la pudeur, danger objectif de diffuser des secrets, incitation à la débauche, à la violence, aux troubles sociaux. Plus récemment, l’interdit s’est davantage référé à la « victime » et au dommage subi par sa dignité ou sa sensibilité. Corollaire : certaines notions, idées ou représentations ne relèveraient pas de l’expression, de l’opinion, de l’art…, ce seraient des quasi violences sur les esprits ou sur les affects. Les effacer ne supprimerait que la liberté de faire souffrir.
C’est cette double possibilité – justifier l’interdit politiquement et l’exercer pratiquement – qu’Internet parut remettre en cause.
Selon la Déclaration d’indépendance du cyberespace (1996), de John Perry Barlow : « Nous créons un monde où chacun, où qu’il se trouve, peut exprimer ses idées, aussi singulières qu’elles puissent être, sans craindre d’être réduit au silence ou à une norme », car, ajoutait-il, les « notions juridiques de propriété, d’expression, d’identité, de mouvement et de contexte ne s’appliquent pas à nous…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 09/07/2018
- https://doi.org/10.3917/mediu.056.0103