Au mythe de la transparence et de l’accès universel à l’information, on oppose ici la face dissimulée de l’Internet, l’utilisation clandestine des données, le règne du code, les luttes cachées : le secret n’est pas un phénomène résiduel du numérique, il lui est consubstantiel.
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Le secret ou plutôt les secrets structurent le cyberespace : chaque dispositif informatique destiné à réserver aux initiés un monopole du contrôle et du savoir engendre d’autres dispositifs – de dissimulation et de contre-dissimulation – en cascade. L’utopie de la disponibilité illimitée de l’information et de l’expression incontrôlée des citoyens se paie d’une contrepartie : la dissimulation délibérée.
Longtemps, conserver un secret a consisté à obtenir le silence des hommes, par la menace ou par le serment, ou à enfermer des choses, comme un bout de papier. Le principe de la cryptologie – dissimuler le sens sous la complexité de signes dépourvus de sens apparent – date de l’Antiquité. Le numérique lui a donné une expansion inimaginable : le code comme dispositif de commandement et de restriction d’accès envahit tout le cyberespace. De là une pluralité de stratégies d’occultation ou de découverte, y compris via des algorithmes, ces informations qui commandent aux informations, ou via les systèmes d’information, qui ont leurs propres zones d’ombres et de vulnérabilité.
Longtemps aussi, avoir un secret a consisté à cacher une information vraie (ou que l’on croyait telle). Désormais, c’est aussi garder l’accès à ses bases de données, s’assurer contre le risque de l’intoxication ou de l’information désorganisatrice, tels les virus. C’est contrôler des passages et des flux plutôt que des contenus. La technologie change les facilités, les finalités et les fragilités du secret comme elle bouleverse celles de la communication…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 30/09/2013
- https://doi.org/10.3917/mediu.037.0026