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Manning jugé, Snowden pourchassé, Assange assiégé, nous enseignent que :1. Trop de secret tue le secret. Si les États-Unis ne classifiaient pas des millions de documents et ne confiaient pas le soin de les gérer à des milliers de codeurs et analystes, il n’y aurait pas autant de fuites. La bureaucratie est l’écosystème du lanceur d’alerte.2. Le contenu du secret, c’est l’existence du secret : tout le monde s’en doutait (nous savions depuis l’affaire ECHELON dans les années 90 qu’il existait de « grandes oreilles d’oncle Sam », nous nous doutions des erreurs de l’armée ou des positions de la diplomatie américaines), mais personne ne peut plus ignorer l’ampleur de la dissimulation.3. Le droit politique de savoir repose sur l’impossibilité technologique de renfermer. Il suffit d’une connexion Internet pour que la planète ait accès à des documents originaux prouvant l’espionnage, la bavure ou le déni de droit.4. Le software menace le soft power. Une plate-forme de type WikiLeaks ou le contenu du disque dur de Snowden font plus pour écorner l’image de l’Amérique d’Obama que les morts d’Afghanistan ou que les détenus de Guantanamo. Par rétorsion, Washington juge les porteurs d’alerte, accuse ses espions d’espionnage ou leur suscite une cascade d’ennuis : techniques (perte d’adresse Internet ou de compte PayPal) et juridiques (inculpation pour une affaire de sexe).5. L’idéologie de la transparence dissimule la pratique de l’occultation. Le pays qui entend imposer la gouvernance globale et soutient les cyberdissidences contre les dictatures nous espionne…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 30/09/2013
- https://doi.org/10.3917/mediu.037.0126