Les récits politiques font une large place à la guerre. Le plus souvent, les récits de guerre sont l’œuvre des vainqueurs. De nos jours, toutefois, c’est plutôt la guerre des récits qui désigne le vainqueur.
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Nike, une des marques les plus célèbres de la planète, a choisi pour slogan Just do it. Il suffit d’y croire, d’écouter le désir qui est en soi, pour « le » faire. Les héros individualistes, post modernes, performants et parfaitement adaptés au monde du branding, du logo au wosh et du storytelling, dorment peut-être en nous. Nous qui demain deviendrons ce que nous sommes : des vainqueurs. Mais des vainqueurs politiquement corrects et dans le seul domaine où ce désir puisse s’exalter sans honte (voire s’accommoder de relents nationalistes) : le sport.
Mais Nikè, fille de Pallas et de Styx, fut la déesse ailée des Grecs. La célébration de la victoire est « monumentale » au sens étymologique : elle avertit, rappelle à la postérité ce qui mérite de faire trace et exemple.
Outre qu’elle s’inscrit dans la continuité qui nous rattache à nos pères, la victoire a une vertu politique ou géopolitique : elle règle un différend de façon durable et inscrit dans l’histoire un nouvel ordre (une nouvelle paix, en vertu de l’adage de saint Augustin pour qui « nous faisons la guerre en vue de la paix »), notamment un ordre territorial et juridique. Il est permis de critiquer l’ancienne histoire « événementielle » qui se résumait à une suite de batailles et de traités transférant telle province, établissant telle souveraineté ou recomposant tel empire, mais elle reflétait une constante de la culture européenne : la victoire comme juge du destin des peuples. Elle est d’abord victoire sur le doute : après la signature du traité (ou la disparition des vaincus), l’affaire est entendue, au moins jusqu’à la prochaine remise en cause liée à un nouvel équilibre de puissance…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 13/03/2013
- https://doi.org/10.3917/mediu.034.0143