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L’utopie originelle d’Internet a connu un récent coup de jeune : tout communique, rien ne s’impose, la démocratie est à un clic d’ici. Mais, à l’enthousiasme médiatique qui appelle « révolutions 2.0 » les révoltes arabes succède le doute : les réseaux peuvent-ils durablement changer le monde ? Certes pas si l’on n’y voit qu’un dispositif de communication entre individus ne partageant que ces technologies. En amont des conversations et des indignations sur Facebook, il y a des identités culturelles ; elles sont marquées par des héritages, des combats et des médias antérieurs, animées de la même impatience politique. D’une révolution médiologique l’autre, ceci emboîte le pas à cela. Mais, en changeant et l’échelle et la scène vers où convergent les regards, le virtuel réorganise ces communautés : changement de génération, traversée des frontières, alliance de l’image et du texte. Partant de liens faibles, épisodiques et futiles, une appartenance devient interaction et fonctionne en boucle avec la rue. Les engagements militants récupèrent alors la force des affinités triviales et tribales (musiques, vêtements, mode, rumeurs...).Face à la prolifération des paroles, l’autorité monolithique, cathodique et autiste ne peut résister. Elle perd la première bataille, celle de l’attention, et leur aura ne protège plus guère les pouvoirs déconnectés. Que la contestation paraisse sans chef ne l’empêche pas de recevoir des soutiens logistiques offerts en sous-main. Mais l’État n’a pas dit son dernier mot…
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Cité par
- Mis en ligne sur Cairn.info le 22/02/2013
- https://doi.org/10.3917/mediu.029.0004