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Pas de guerre sans frontière, pas de frontière sans guerre (au moins comme péril à exorciser). Dans son étymologie française, « frontière » est un concept militaire. Apparu en 1213 pour désigner une armée qui établit sa ligne de front, le mot renvoie à la limitation entre deux États à partir de 1360. Cette ligne invisible sert d’isobare entre puissances et volontés politiques : elle en transcrit l’équilibre sur la carte.
Les frontières peuvent susciter les conflits (à titre d’enjeu), les empêcher (tant qu’elles sont respectées), mais aussi les prouver : leur viol – des hommes en armes faisant violence sur le territoire étranger – constitue souvent le début des guerres effectives.
Dans un schéma canonique, la reconnaissance des frontières est censée garantir la paix, or nous faisons toujours la guerre pour une « meilleure paix » ; pour faire la guerre, il faut pénétrer en pays ennemi. Corollaire : le franchissement de la frontière, acte de guerre, ouvre la belligérance ; le lieu des hostilités (théâtre) en détermine la nature, donc le statut des acteurs : ennemi « juste » ou illégitime.
Mieux : la frontière sert à qualifier la guerre. Suivant son « lieu », elle est symétrique, « publique », internationale, régulière, « authentique », et oppose deux entités souveraines. Ou la guerre est dite « interne », irrégulière, voire « civile » si un des camps ne jouit pas d’un certain statut lié à la souveraineté. Encore a-t-on distingué parmi ces conflits internes ceux qui dressent une population contre une occupation étrangère, ceux, révolutionnaires, opposant des factions pour s’emparer de l’État, et enfin des guerres séparatistes (donc pour se doter de frontières)…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 24/02/2013
- https://doi.org/10.3917/mediu.024.0035