CAIRN.INFO : Matières à réflexion
linkThis article is available in English on Cairn International

Le mot « secret » souffre d’abord d’inflation médiatique : le secret des médecines douces, des cadres qui réussissent, des amours d’un people, du prochain feuilleton de TF1, cela signifie en réalité : scoop, nouveau et excitant, une « nouvelle » peut-être connue de milliers de gens, mais pas encore publiée à des millions d’exemplaires. À l’inverse, le Secret avec majuscule devient facilement système d’explication global. C’est le cas pour toutes les formes d’hermétisme : elles supposent partout des correspondances occultes. Pour elles, Secret est l’autre nom du Monde et toute apparence recèle un sens.
Les variantes séculières de la théorie du complot ne font pas autrement : une conspiration des puissants (gouvernements, groupes occultes) dissimule sous une « vérité officielle » et force manipulations médiatiques un plan en cours de réalisation. Plan que révèle l’interprétation suspicieuse des fausses apparences. Voir la littérature de type Da Vinci code ou les théories pour qui le 11 Septembre est un leurre du complexe militaro-industriel. Aucun avion ne s’étant écrasé sur le Pentagone et rien n’étant ce qu’il semble, la vérité est forcément ailleurs. Une obsession comparable du décryptage nourrit la conviction de ceux qui pensent comme Guy Debord que « le secret domine le monde, et d’abord comme secret de la domination » (il serait donc ce que dissimule le spectacle, le mécanisme ignoré de l’aliénation de l’idéologie et de l’obéissance).
Même si nous le distinguons bien de l’inconnu, de l’ineffable ou du mystère et de tout ce qui excède nos possibilités cognitives, même si nous nous méfions de la paranoïa qu’il encourage ou du délire d’interprétation qu’il favorise, le secret nous provoque par son omniprésence…

linkThis article is available in English on Cairn International
Français

Résumé

Si toute transmission exige un corps spécialisé, les sociétés secrètes constituèrent historiquement le noyau dur de celui-ci. Mais le secret est aussi le sel de nos vies : être un sujet (moral, psychologique, politique), c’est avoir des secrets. Il est donc logique que nos sociétés dites d’information accordent un pouvoir croissant à toutes sortes de secrets, économiques, stratégiques, scientifiques, bancaires... La transparence des affaires humaines n’est pas pour demain.

François-Bernard Huyghe
François-Bernard Huyghe est docteur d’État en Sciences Politiques, habilité à diriger des recherches en sciences de l’information et communication. Il intervient comme formateur et consultant. Dernier livre paru : Comprendre le pouvoir stratégique des médias, Eyrolles, septembre 2005.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Sur décision de l’éditeur, l’accès à cet article n’est disponible que pour les institutions clientes d’un bouquet Cairn.info. L'achat à l'unité (Pay Per View) a été désactivé pour les utilisateurs particuliers.
Mis en ligne sur Cairn.info le 31/01/2013
https://doi.org/10.3917/mediu.008.0080
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Association Médium © Association Médium. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...