CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1En 2000 au Centre Georges Pompidou à Paris, Pierre Guyotat lit avant publication les premières pages de Progénitures, événement qui ouvre la décennie littéraire sur l’oralité et sa manifestation dans un lieu emblématique de l’art moderne. Le livre, publié pourtant par la traditionnelle maison Gallimard, est accompagné d’un CD, consacrant ainsi la démultiplication des supports et des médias pour la création littéraire contemporaine. En 1998, François Bon publie Prison, récit composé en partie des textes que les détenus de la prison de Gradignan ont produits au cours de l’atelier d’écriture qu’il y a mené, tandis que Jean-Luc Raharimanana publiait en 1997 Le Puits, pièce de théâtre participative écrite à partir d’un atelier avec des lycéens qui l’interprèteront eux-mêmes sur différentes scènes françaises. L’anthropologue Éric Chauvier publie en 2006 une enquête autour de la disparition d’une jeune Rom à Bordeaux, interrogeant les limites de la littérature et de l’ethnographie dans un livre intitulé Anthropologie qui réécrit Nadja de Breton. Depuis 2007, Olivia Rosenthal investit des milieux réels spécifiques, un hôpital, les Pompes funèbres de Paris reconverties en centre culturel, une prison et construit des « architectures de paroles », projet littéraire multiforme nourri de la parole des acteurs sociaux, malades, ouvriers, prisonniers, donnant lieu aussi bien à des livres, des pièces sonores ou des performances. À partir de l’automne 2008, une fois par mois au Centre Pompidou, Jean-Yves Jouannais expose et commente des extraits de son Encyclopédie des guerres, destinée à ne jamais être publiée et à n’exister que sur le mode performatif et éphémère de la conférence, ou sur celui participatif d’une bourse des livres ou sur tout autre mode, à l’exclusion du livre imprimé. Le très littéraire Éric Chevillard publie depuis septembre 2009 un journal sous la forme d’un blog, « L’autofictif », dont la règle est de produire chaque jour trois paragraphes, dans une production fondée sur l’organisation et la contrainte du quotidien de l’auteur, le circonstanciel et l’improvisation, le work in progress et l’intégration des lecteurs permise par l’immédiateté de la diffusion et de la réception par internet. Enfin en 2007, le conseil régional d’Île-de-France lançait un programme de cinquante-sept résidences d’écrivain à réaliser en deux ans, chacune basée sur l’association avec un lieu culturel ou scolaire, développant l’idée à la fois de la création en situation, de l’intervention directe de l’écrivain dans la cité et de sa fonction sociale. Performances, lectures publiques, explorations et immersions diverses, enquêtes, collaborations artistiques et pluridisciplinaires, utilisation de langages ou de médias multiples, écritures numériques, animation de stages, d’ateliers, programmation, etc. : autant d’exemples de pratiques littéraires qui ont en commun de déborder le cadre du livre et le geste d’écriture, de démultiplier les possibilités d’intervention et de création des écrivains, possibilités parmi lesquelles le livre occupe toujours une place centrale mais désormais partagée, et de se faire in situ, sur les scènes des théâtres, dans les centres d’art, dans les bibliothèques ou dans la ville. Une littérature qui se fait donc « en contexte » et non dans la seule communication in absentia de l’écriture, du cabinet de travail ou de la lecture muette et solitaire des textes. Je propose de regrouper ces pratiques littéraires sous l’énoncé de « littérature contextuelle », en référence à la notion d’« art contextuel » inventée par l’artiste polonais Jan Swidzinski dans un manifeste intitulé « L’art comme art contextuel [1] » et popularisée récemment par l’essai de l’historien de l’art Paul Ardenne, Un art contextuel[2].

2Beaucoup de ces pratiques ne sont pas nouvelles. Ainsi les formes de « poésie marchée » et d’explorations urbaines (depuis la flânerie baudelairienne jusqu’aux dérives situationnistes), la performance et la poésie sonore (depuis Dada jusqu’à Fluxus et Bernard Heidsieck) relevaient d’une volonté de sortir de l’assise du livre, de mettre la poésie debout, avec le corps du poète, d’en faire une action. Plus généralement, l’art moderne a conduit de nombreux artistes à « annexer la réalité » (Paul Ardenne), en intervenant dans le champ social et en quittant l’idéalisme de l’œuvre achevée au profit du processus, de la production de formes de vie, d’actions collectives et éphémères réalisant l’adéquation recherchée de l’art et de l’existence. Ce qui en revanche est significatif aujourd’hui, c’est la généralisation de ces pratiques au-delà des seuls territoires de la « littérature d’avant-garde », c’est leur multiplicité et leur caractère massif, la plupart des écrivains, pour des raisons diverses (artistiques, promotionnelles, etc.), développant une ou plusieurs de ces actions et déployant leur œuvre selon une double pulsation, intensive/extensive, dans le livre et hors de lui, in-shore et off-shore[3]. C’est donc à une transformation profonde qu’on a assisté ces dernières années, transformation affectant non pas quelques pratiques isolées ou marginales mais l’ensemble du champ. Si bien que les actions les plus inventives côtoient les formes les plus publicitaires d’intervention dans l’espace public et le développement de la création en situation est contemporain d’un nouvel entertainment littéraire, soutenu par le marketing éditorial et la vogue des grands festivals. L’ensemble définit notre temps qui est celui de l’exposition littéraire. Je m’intéresserai dans les propos qui suivent aux pratiques contextuelles et artistiques des écrivains, mais sans jamais perdre de vue le contexte culturel dans lequel elles émergent dans lequel se retrouvent aussi bien la littérature de recherche que la littérature de consommation et où se croisent expérimentations esthétiques et logiques promotionnelles.

3La sortie de la littérature hors du livre suit un mouvement général propre à l’art aujourd’hui. L’art actuel, comme l’écrit Jacques Rancière, se définit par le fait que « toutes les compétences artistiques spécifiques tendent à sortir de leur domaine propre et à échanger leurs places et leurs pouvoirs [4] ». Chaque art est mu par la volonté d’élargir ses limites et perd en définition ce qu’il gagne en extension. En suivant ce mouvement, la littérature contemporaine ne s’écrit donc plus dans une singularité irréductible, mais dans le présent commun de l’art, caractérisé par l’impureté et l’hybridation des langages. La littérature contemporaine n’est pas concernée, comme c’était le cas dans les années 1960, par la problématique de sa définition mais par celle de son illimitation. La tentative de repousser les limites de l’art littéraire, qui est le propre de toute littérature authentique, n’est donc plus interne au langage, à son être propre, elle se fait désormais par les relations externes aux autres arts et au monde. C’est ainsi la fin d’une forme de fétichisme du livre et de l’écriture, d’une sacralisation de la littérature, de sa gloire passée ou de son déclin présent. Vivant dans un monde d’images et de sons, nourri par une culture éclectique, l’écrivain actuel ne vit plus dans le mythe romantique de la séparation ou dans celui de l’artisan spécialisé et spécialiste, responsable de son seul art. Il entre dans des collaborations artistiques et sociales, expérimente lui-même des procédures pour lesquelles il n’a pas de compétences établies, celles du plasticien, du comédien, du pédagogue ou du sociologue, avec lesquelles il bricole et perfectionne peu à peu de nouveaux modes d’actions littéraires. Prenant acte de l’affaiblissement et du décentrement de la position de la littérature dans la culture contemporaine, il intègre naturellement les lieux de l’art, les scènes de théâtre, les milieux sociaux, là où il est possible de gagner en visibilité, en puissance symbolique, en « modernité », ainsi que de déplacer sa discipline, de l’interroger et de la doter de possibilités nouvelles. Car il s’agit bien d’enjeux pour la littérature d’aujourd’hui : comment occuper les lieux de l’art en tant qu’écrivain ? Qu’est-ce que réaliser des performances d’écrivain et non de comédien ? Comment y produire des effets de littérature ? Qu’est-ce qui caractérise l’enquête littéraire, comment la parole des acteurs sociaux y est-elle recueillie puis transcrite, selon quel degré d’implication de l’auteur dans son objet, qu’est-ce que la littérature saisit en plus ou en moins de la réalité, qu’échoue-t-elle aussi à montrer ?

4Tout art met en jeu un type particulier d’exposition. Le livre en est pour la littérature le « site » traditionnel et essentiel, avec son esthétique, son économie, son rapport au public, son mode de diffusion. Vouloir exposer la littérature au dehors du livre, c’est donc vouloir modifier cette plateforme, élargir sa surface, contester son hégémonie, trouver d’autres sites. La littérature contextuelle relève donc d’une « politique » de l’exposition. Dans cette remise en cause de l’exposition littéraire par le seul livre, dans cette recherche de nouvelles situations pour la littérature, l’art contemporain a joué un rôle de premier plan. Une première fois, en influençant les écrivains par les potentialités offertes par la démultiplication des langages et des médias utilisés par les artistes. Je qualifierai ce premier moment d’« esthétique » : celui qui élargit le territoire de la littérature en investissant les lieux et les moyens des autres arts. Une littérature exposée et performée donc, selon un régime spectaculaire et hybride. La deuxième fois, c’est en influençant les écrivains par les actions décrites par Paul Ardenne dans Un art contextuel, à savoir : une volonté de sortir des lieux officiels de monstration de l’art, une critique de la notion même d’exposition artistique au profit de l’intervention des artistes dans le champ social, une critique aussi de l’œuvre achevée au profit du processus et du projet, de la réactivité au contexte et de la participation collective. Je qualifierai de « social » ou « relationnel » ce second moment de la littérature contextuelle, qui substitue les paradigmes de la relation et de l’intervention à ceux de l’exposition et de la représentation.

5Le moment « esthétique » vient essentiellement de la poésie. Il s’est imposé durant la deuxième moitié des années 1990, autour d’Olivier Cadiot, de Pierre Alferi, des poètes publiés notamment par la revue Nioques et la maison d’édition Al Dante, comme Christophe Tarkos, Christophe Fiat, Nathalie Quintane, Charles Pennequin et d’autres. Cette génération (au sens large) rompait avec différentes traditions poétiques, métaphysique, lyrique, néo-classique qui faisaient alors retour en France. Rupture faite, en s’appuyant certes sur les grandes figures de la modernité poétique mais surtout, c’est le fait décisif, en intégrant les modes opératoires d’autres arts et en s’appuyant sur eux. Dès lors, c’est tout le centre de gravité de la poésie qui se déplaçait vers le monde de l’art contemporain. Beaucoup plus qu’une simple sortie du livre, la poésie opérait donc une sortie bien plus radicale, celle de la littérature, de sa vieillerie et de ses scléroses, de son retard au regard des arts plastiques ayant poursuivi dans la voie de la modernité et de l’expérimentation. Pour beaucoup, la poésie devint dès lors une branche de l’art contemporain, territoire plus vaste et offrant davantage de possibilités que celui de la littérature. Ceux-là enseignent en école d’art (Pierre Alferi notamment), vivent et travaillent avec des plasticiens (Nathalie Quintane), écrivent pour l’opéra, avec des musiciens, se produisent dans les galeries, les musées, les théâtres, multiplient les collaborations, dont certaines se prolongent sur des années, formant des collectifs à géométrie variable, des troupes comme au théâtre (ainsi celle que forment l’écrivain Olivier Cadiot, le metteur en scène Ludovic Lagarde, le comédien Laurent Poitrenaux et le musicien Rodolphe Burger). Du côté de la lecture et de la performance, il s’agissait de remiser à la fois toute lecture d’auteur qui ne soit pas en elle-même un acte artistique ainsi que les lectures déclamatoires des comédiens sacralisant le texte poétique. Il s’agissait aussi d’élargir la performance poétique au-delà de la tradition de la poésie sonore, d’en varier les postures, d’expérimenter ses potentialités narratives, scéniques, gestuelles, d’y intégrer l’image, le son, la musique. À côté de la performance, ces poètes ont exploré d’autres médias et d’autres arts et produit des œuvres vidéo, des « vidéos poèmes » et des « films parlants » (Pierre Alferi), des poèmes photographiques, numériques, des dessins poèmes, dans une recherche qui n’a plus rien à voir avec la quête fusionnelle d’un art total, mais qui relève de l’expérimentation tous azimuts, se servant de l’innovation technologique, utilisant tous les moyens d’expression sans restriction, les télescopant, les montant les uns avec les autres afin d’enrichir toujours plus les possibilités d’expression poétique. Tout comme l’artiste plasticien, le poète contemporain n’inscrit désormais plus son art dans un seul médium, ici en l’occurrence le texte, mais use de tous les langages à sa disposition. Ce moment esthétique de la littérature contextuelle n’a depuis cessé de se développer et dépasse désormais largement le seul champ de la poésie. De nombreux écrivains et des romanciers pratiquent la performance et la scène, certains de manière systématique comme Chloé Delaume, d’autres de façon plus ponctuelle mais très cohérente, comme Céline Minard ou Antoine Volodine.

6Ce que cherche ainsi la littérature exposée, performée, c’est un redoublement de puissance esthétique à partir de l’œuvre littéraire première. Ce qui caractérise au départ ces textes littéraires, c’est leur puissance intrinsèque qui conduit leurs écrivains à vouloir les mener au-dehors du livre. Les œuvres littéraires de la « littérature exposée » sont ainsi souvent des œuvres de l’excès et du délire, analysables dans les termes de Gilles Deleuze dans Critique et Clinique (1993). Tout l’enjeu de la littérature pour le philosophe est de créer « des événements à la frontière du langage » : « passage de la vie dans le langage », invention d’un « peuple qui manque », création de « visions et d’auditions non-langagières, mais que seul le langage rend possible. Aussi y a-t-il une peinture et une musique propres à l’écriture, comme des effets de couleurs et de sonorités qui s’élèvent au-dessus des mots », faisant de l’écrivain tout aussi bien un « coloriste » et un « musicien ». Si la littérature est d’abord affaire de mots et de syntaxe, pour Deleuze écrire « c’est aussi devenir autre chose qu’écrivain. À ceux qui lui demandent en quoi consiste l’écriture, Virginia Woolf répond : “Qui vous parle d’écrire ? L’écrivain n’en parle pas, soucieux d’autre chose”. [5] » D’une manière très proche, Olivier Cadiot dit s’intéresser de moins en moins dans son travail littéraire aux problématiques d’écriture et de plus en plus à la lecture, c’est-à-dire aux effets que ses livres provoquent chez ceux qui les reçoivent. Préparés comme des « engins », ils visent aussi bien la lecture silencieuse qui s’effectue dans la boîte noire du lecteur, l’écoute du public lors de ses propres lectures-performances que les spectateurs des pièces créées par Ludovic Lagarde à partir de ces textes. Olivier Cadiot toutefois n’écrit pas pour le théâtre. C’est en eux-mêmes que ses textes produisent des effets théâtraux qui proviennent du sujet même de ses livres et de la façon de le composer. Ainsi Un nid pour quoi faire, monté durant le dernier festival d’Avignon (2010), a été écrit durant les élections présidentielles françaises de 2007. Son sujet est le nouveau langage politique qui s’est inventé durant cette campagne, fait de marketing, de violence et de subversion des tabous. L’action du livre se déroule dans un chalet suisse et superpose différentes strates narratives et différentes incarnations du pouvoir politique (une cour iranienne en exil, Napoléon à Saint-Hélène, Saint-Simon, etc.). Il s’agissait par là de voir ce que donne le pouvoir quand il est ainsi concentré. « Prendre l’Élysée et le mettre dans un mobile home », « torturer » le pouvoir, le faire « crier » : c’est ainsi qu’Olivier Cadiot définit son travail littéraire dans ce livre [6]. Celui de Ludovic Lagarde consiste à prolonger et convertir l’œuvre littéraire en œuvre théâtrale et à démultiplier son potentiel de délire, en le dépliant dans la troisième dimension de la scène et en articulant le texte au corps, à l’image, à la musique. En travaillant ainsi à partir d’un texte littéraire non écrit pour le théâtre, Ludovic Lagarde, mais on pourrait dire la même chose de François Verret montant L’Homme sans qualités de Musil (Chantier Musil, 2003) ou de Guy Cassiers mettant en scène Au-dessous du volcan de Malcom Lowry (Théâtre de la Ville, Paris, 2009), renouvelle l’art du théâtre. Chez ces trois metteurs en scène, on retrouve des méthodologies communes : multiplication des langages et médias mis en œuvre (vidéo, danse, jeu) dont le texte n’est qu’un élément, organisation de cette hétérogénéité en différents plans d’action disjoints les uns par rapport aux autres, utilisation d’un micro par le comédien afin de désincarner sa voix. La parole théâtrale caractéristique d’un régime de Présence et de Profondeur est ainsi subvertie par le régime de Surface et d’Absence des signes/formes du texte écrit. La configuration proprement théâtrale d’une communauté réunie autour d’une même action est elle aussi subvertie par le texte littéraire. La scène théâtrale s’offre comme un espace de lecture propre à chaque spectateur : le regard s’attache différemment à certains plans, cartographie l’espace scénique selon des trajets à la temporalité singulière, tandis que l’oreille éloigne ou rapproche les différentes sections sonores. C’est donc non seulement la littérature qui se transforme au contact des autres arts mais les autres arts, ici en l’occurrence le théâtre, avec elle. Et de manière générale, la littérature exposée est une littérature « mutante », qui cherche à créer dans ses changements de scènes et de médias, dans les mélanges inédits avec les autres langages et ses greffes parfois monstrueuses, de nouveaux affects et de nouvelles expériences esthétiques.

7Réaliser des performances, entrer dans le monde du théâtre, être reconnu dans le champ des arts plastiques, c’est aussi parfois s’assurer d’une reconnaissance et de revenus que n’offrent pas l’écriture de livres et le système de l’édition. Les pratiques contextuelles répondent ainsi aussi à la précarité économique dans laquelle se trouvent la poésie et plus généralement la littérature de recherche. Pour certains écrivains-poètes, elles sont une manière de rendre visible cette précarité, d’interroger la condition sociale de l’écrivain et sa dépendance à l’égard du système de l’édition et de la presse. En allant chercher d’autres scènes d’exposition et d’autres économies culturelles, ils court-circuitent celles de la littérature, monnayent leurs actions, conquièrent de l’indépendance et introduisent la question de l’argent dans un monde où la rétribution symbolique vaut souvent comme rétribution financière. C’est aussi une façon de prendre de court les instances officielles de légitimation, de faire imploser le milieu des gens de lettres et de la poésie, en reconfigurant les publics et en introduisant des auteurs qui sont des outsiders, soit parce qu’ils viennent du monde de l’art (Édouard Levé, Stéphane Bérard), soit parce qu’ils proviennent de milieux socioprofessionnels honnis (tel gendarme devenu poète : Charles Pennequin) ou qu’ils revendiquent leur amateurisme, leurs techniques approximatives qui hérissent les gardiens de la « vraie poésie » (ou du vrai théâtre, du vrai cinéma, etc.) mais n’en ont pas moins produit parmi les textes et les expériences esthétiques les plus passionnants de ces dernières années.

8À la différence de la littérature exposée et performée, les pratiques « relationnelles » ne consistent pas à investir les lieux de l’art mais le champ social. Il s’agit aussi moins d’élargir le territoire de la littérature que d’interroger sa nature, d’expérimenter les liens qu’elle tisse avec la société, les lecteurs, les réseaux et de repenser le statut du créateur et la nature de l’œuvre littéraire à travers les relations établies durant son élaboration et sa réception. Ce moment « social » de la littérature contextuelle est beaucoup plus récent que son moment « esthétique ». Il est aussi moins balisé et repéré par la critique contemporaine. J’indiquerai ici les figures qui me semblent les plus emblématiques. Une cartographie et une analyse plus poussées de ses pratiques et de ses acteurs restent à faire.

9Il est tout d’abord le fait d’une nouvelle génération, cette fois souvent de prosateurs, exerçant dans des genres non-fictionnels comme le reportage, le documentaire ou l’enquête. Cette génération se retrouve dans une critique de la fictionnalisation du monde, que ce soit par le storytelling politique, le journalisme de masse ou l’industrie de l’entertainment. Refusant de rajouter de la fiction aux fictions déjà existantes, de nombreux écrivains sortent de leur « atelier » pour s’immerger dans la réalité et en reconquérir une expérience singulière et critique. Cette fois, il ne s’agit plus d’exposer la littérature aux autres langages artistiques mais à ce qui n’est ni art ni littérature et de l’affecter en retour, dans une relation à double sens : à la littérature de donner forme à ce qui dans le réel échappe à la fiction des représentations, au réel de transformer l’expression littéraire. Dans Un livre blanc, Philippe Vasset part de la phrase de Jean Baudrillard qui veut que dans le monde actuel « la carte crée le territoire » pour explorer les zones laissées blanches sur la carte IGN représentant Paris et sa banlieue. Cette démarche consistant à « sortir de la carte » est emblématique de cette nouvelle écriture du réel et d’une littérature en immersion. Pour Philippe Vasset, le principe de la dérive, surréaliste ou situationniste, où le merveilleux surgit au hasard de l’exploration urbaine, ne suffit plus, l’espace des villes étant désormais ultra-balisé et contrôlé. Il faut désormais une démarche volontaire et contraignante pour découvrir les espaces qui échappent à cette uniformisation et révèlent un autre point de vue sur la ville. Un livre blanc est ainsi le récit d’une quête littéraire, celle d’une langue, qui comme la ville rêvée par l’auteur, serait trouée d’espaces blancs et de vides communiquant les uns avec les autres et trouverait dans l’hyper-réalisme du documentaire le pouvoir d’enchantement des anciens romans d’aventure que l’écrivain affectionne [7].

10Si cette nouvelle génération d’explorateurs urbains rend hommage dans ses livres à ses prédécesseurs écrivains (comme Jean Rolin, François Maspero ou François Bon), elle souligne aussi l’importance que revêt à ses yeux des sociologues comme Marc Augé ou Pierre Sansot. Cette référence aux sciences humaines est caractéristique du moment « social » de la littérature contextuelle. Occupant le même terrain, elle travaille simultanément à l’indifférenciation et à la différenciation à l’égard de ces sciences, différenciation passant par la mise en œuvre d’une démarche artistique fondée sur l’affirmation de la subjectivité de l’écrivain, une attention particulière à l’étrange et au singulier et la recherche d’une formalisation esthétique du récit. Décentrement disciplinaire donc vers les sciences sociales, implication de la subjectivité et recherche d’une textualité alternative aux modes majoritaires de la narration romanesque : trois pôles qui définissent la plupart de ces textes qui échappent aux classifications habituelles, tenant par exemple autant de la poésie que du documentaire et proposant là encore (mais différemment) une esthétique « mutante ». L’exemple le plus frappant de cette esthétique se trouve dans deux récits écrits pas l’anthropologue Éric Chauvier. Le premier, Anthropologie, raconte la quête que l’auteur a menée pour retrouver une jeune Rom croisée à un carrefour d’une banlieue de grande ville, dont le regard et la présence l’ont sidéré. Dans le second, Si l’enfant ne réagit pas, c’est à nouveau une jeune femme en situation de rupture, Joy, qui fait dévier cette fois l’enquête sociologique de commande que le chercheur devait mener dans un centre éducatif pour mineurs. Le travail d’Éric Chauvier consiste à montrer l’insuffisance des théories sociales et de l’expertise face à la part irréductible des individus et du quotidien. Il traque l’anomalie, le monstrueux, la beauté singulière, tout ce qui permet d’échapper au « cauchemar social ». Pour saisir cette singularité, l’anthropologue est conduit à mettre en jeu sa subjectivité la plus intime (« l’observation réalise l’observateur ») ainsi qu’une écriture. Ses textes sont dépouillés de tout appareillage scientifique, ils activent un intertexte littéraire, Breton, Sarraute, etc., et ils sont publiés par Allia, un éditeur généraliste. Ils ne sont pourtant pas de la littérature. Éric Chauvier écrit en anthropologue et sa démarche a des prédécesseurs au sein de sa discipline, que ce soit dans l’ethnographie participante ou dans l’anthropologie du quotidien. Mais ce qui est passionnant pour le champ littéraire contemporain, c’est qu’il opère le chemin inverse de celui des écrivains contextuels par un déplacement de sa discipline, une reconfiguration de ses objets, de son écriture et de son public. Son anthropologie littéraire produit des textes incertains, entre deux disciplines, à la mesure de l’étrangeté de ses objets. Dans l’exposition de la littérature qui caractérise notre époque, exposition au sens de mise en danger, les textes littéraires les plus frappants ne sont pas forcément des textes de « littérature ». Les limites du corpus sont aujourd’hui très instables.

11Une dimension importante de la littérature relationnelle consiste aussi dans le travail sur la parole des acteurs sociaux. De nombreux auteurs écrivent à partir d’entretiens, dans une réflexion qui est à la fois de nature éthique et sociologique (comment ne pas trahir cette parole, quelle position doit adopter l’enquêteur) et littéraire (comment composer la polyphonie des voix, comment monter ensemble différents niveaux textuels, documentaires, mémoriels, fictionnels pour former un récit). Dans le cadre d’une résidence à Montevideo à Marseille, Sonia Chiambretto recueille des témoignages de personnes appartenant à des communautés ayant connu l’exil et la guerre en Europe, en liaison avec son histoire personnelle et écrit une trilogie qui tient à la fois de la poésie et du théâtre : CHTO (à partir d’entretiens réalisés auprès d’une réfugiée tchéchène) suivi de 12 Sœurs slovaques et Mon képi blanc. Même démarche relationnelle qui consiste à transformer l’écriture au contact de la parole sociale, même écriture en situation issue d’une résidence, pour trois textes d’Olivia Rosenthal (On n’est pas là pour disparaître, Viande froide et « Maison d’arrêt Paris-La Santé, 42 rue de la Santé, 75014 Paris ») qui s’immerge alors dans un lieu qu’elle restitue par la parole de ceux qui l’habitent ou y travaillent, avec une attention là encore à l’anomalie et à la singularité des discours.

12Les ateliers d’écriture participent eux aussi évidemment de ce moment social. Pour François Bon, ils sont d’abord partie prenante de son travail d’écrivain, bien avant leur mission pédagogique ou sociale. Ce que François Bon cherche depuis plus de quinze ans dans cette pratique, en intervenant en particulier dans les milieux où se manifestent le plus les fractures de la société, c’est là encore une transformation de ses propres représentations et de son écriture. En échange (l’atelier d’écriture se fonde sur cette idée de l’échange), l’auteur cherche à faire advenir chez ceux qu’il fait écrire, dans Prison notamment, une expression personnelle débarrassée de la gangue et des poncifs de la langue collective. C’est là finalement l’intérêt paradoxal des ateliers d’écriture pour François Bon : s’ils ont une fonction sociale, elle est de désocialiser pour permettre l’expression d’un sujet. La littérature relationnelle, dans tous les cas que je viens d’aborder, est très loin d’une quelconque illusion communicationnelle, réparatrice ou médiatrice [8]. Elle fait au contraire à chaque fois surgir l’irréductible dans le social, se situe dans une critique des représentations acquises et cherche les moyens pour leur échapper.

13Elle conduit aussi à une modification de statut de l’œuvre littéraire, de sa fabrication et du statut de l’auteur. Les livres correspondant au versant esthétique de la littérature contextuelle, même mettant en œuvre l’hétérogénéité des langages, même affectés par les pratiques performatives et se prolongeant en elles, sont des livres fermés et des œuvres achevées. Ceux écrits en régime relationnel sont des livres ouverts. Soit parce qu’ils sont de nature participative pour les textes produits dans le cadre d’ateliers d’écriture ou d’entretiens. Soit parce qu’ils ne sont qu’un moment dans un processus d’actions en relation les unes avec les autres. Le propre de l’œuvre relationnelle est de déborder le cadre du livre. Elle commence avant lui, dans le travail d’immersion, la performance en situation, le positionnement du regard, la conduite des entretiens, le livre n’étant à la limite qu’une étape d’enregistrement et de formalisation d’une expérience qui constitue l’essentiel. Elle se poursuit après lui, le livre prenant dès lors une fonction programmatique, pouvant être prolongée dans des pièces sonores ou des performances, sur d’autres supports, dans des collaborations diverses, pouvant même donner lieu à de nouvelles expériences dans le réel ou même être prolongées par d’autres. Aussi pour les pratiques relationnelles, l’exposition est ponctuelle, davantage diverse dans ses modes et dans ses lieux, plus immatérielle aussi, furtive et parfois même quasi-invisible.

14Aussi, un pas supplémentaire est franchi lorsque disparaît l’étape du livre et que l’œuvre comme relation remplace l’œuvre comme objet. Il y a une évolution de cet ordre dans le trajet de François Bon, dont l’écriture de livres « littéraires » se fait de plus en plus rare, au profit notamment de différents types d’ateliers d’écriture et de son site internet. En concevant ainsi la pédagogie ou l’écriture en réseau comme des actes littéraires à part entière, François Bon retrouve quelques-unes des positions les plus radicales des artistes conceptuels, pour qui « tout ce qui participe à l’émancipation et à l’existence de l’art, pouvait, à un moment donné de son application, se voir octroyé le titre d’œuvre d’art [9] ». Mais c’est surtout l’Encyclopédie des guerres de Jean-Yves Jouannais qui constitue l’entreprise la plus passionnante et au fond la seule de ce « désœuvrement » de la littérature. À raison d’une séance par mois, l’auteur d’Artistes sans œuvres livre par la lecture et le commentaire au public de Beaubourg les nouvelles pages d’une œuvre qui ne sera jamais publiée. Dans le dispositif que Jean-Yves Jouannais invente, c’est le livre qui constitue le dehors de la conférence, un livre inaccessible au public évidemment, dont on ne verrait que quelques pages sur la table de conférence, mais dont l’auteur ne cesse de parler, renvoyant par exemple à une entrée à la lettre P alors qu’on se trouve à la lettre C. Or le spectateur voit mal quand il parviendra enfin à cette entrée, vu la lenteur avec laquelle l’ensemble progresse, l’auteur ne cessant de revenir de séance en séance sur les entrées précédentes, ajoutant des citations, des sous-entrées, des commentaires. Un livre donc seulement à titre d’hypothèse, afin de faire advenir un geste artistique qui n’existe que dans la relation au public, un geste qui contrairement à la publication d’un livre s’inscrit dans la durée, dans le retour par épisode de la conférence mensuelle, relation à des spectateurs embarqués dans une aventure indistincte et sans terme dont ils sont par leur seule présence partie prenante, participation qui peut aller aussi au-delà, dans les discussions permises par le pot organisé systématiquement à la fin de chaque séance et que Jouannais intègre parfois dans la conférence suivante.

15Malgré leur apparente marginalité, la richesse et la diversité des formes contextuelles de littérature font que celles-ci s’imposent désormais dans le paysage culturel français et bénéficient même d’un large consensus : on célèbre le mariage de la littérature avec les autres arts, tous les types de performances publiques, les interventions des écrivains dans le champ social ainsi que les croisements disciplinaires. Leur succès tient notamment au fait qu’elles répondent à la demande des institutions culturelles et politiques, soucieuses de promouvoir la littérature et le livre auprès du grand public, d’élargir sa diffusion et de la rendre attractive. Le développement des festivals littéraires participe aussi de cette sortie de la littérature hors de son cadre traditionnel, tout comme le marketing éditorial et médiatique. Encore une fois l’exposition définit le moment historique dans lequel nous sommes. Ce moment est contradictoire, y participent de façon antagoniste des écrivains, des institutions, la presse, le commerce. Il génère des phénomènes médiatiques, des effets de mode ainsi que les œuvres les plus hors-normes et les plus importantes de notre époque. On remarquera sur ce point que ce sont les formes les plus académiques, les lectures d’auteurs ou de comédiens par exemple, qui participent le mieux et bénéficient le plus de la demande actuelle de « spectacle » et de « situations ». Les poètes performers eux sont rarement invités dans les grands festivals littéraires.

16De ce succès des pratiques contextuelles, en particulier les plus consensuelles, on peut dès lors souhaiter prendre le contre-pied, comme le fait par exemple Alain Fleischer dans une exposition, Choses lues, choses vues, conçue comme un manifeste pour la lecture. L’artiste « transforme une célèbre salle de lecture » de la bibliothèque Richelieu à Paris « en salle d’exposition des lectures », en montrant, sur une centaine d’écrans vidéo se trouvant sur les places où travaillent habituellement ceux qui viennent en bibliothèque, des lecteurs, célèbres ou anonymes, en train de lire un texte singulier dans un lieu de leur choix [10]. Partant de la phrase de Jean-Luc Godard disant que ce qu’il y a de plus intéressant à filmer sont les gens qui lisent, Fleischer renverse la logique des pratiques contextuelles, en faisant non seulement de la lecture un spectacle, mais en montrant que de toutes les activités culturelles la lecture, cosa mentale, est la plus contextuelle et la plus libre, celle qu’on peut pratiquer partout grâce à la technologie minimale du livre. La critique de l’objet-livre, de sa fermeture et de son système demande en outre à être dialectisée à partir du moment où elle provient aussi désormais des groupes industriels œuvrant à l’avènement d’une culture numérique néolibérale.

17On peut aussi imaginer un troisième moment des pratiques contextuelles, un nouveau champ d’exploration, qui naîtrait à la fois de la lassitude à voir récupérées dans le spectacle culturel les pratiques indisciplinaires de la littérature hors livre et d’une critique plus construite du système littéraire et médiatique. Un moment qui dans le sillage des actions relationnelles, travaillerait davantage en marge des lieux institutionnels, de façon moins visible, à la constitution de formes de vie et de projets collectifs. Un moment qui de la catégorie d’exposition activerait davantage le sens de la « situation » plutôt que du « spectacle ». Là encore les arts ont une longueur d’avance sur la littérature. Je pense à des exemples aussi divers que celui de « Bocal », expérience pédagogique et artistique menée par un collectif de chercheurs, de danseurs et d’écrivains, sous la houlette du chorégraphe Boris Charmatz et née du constat de la nécessité de réformer l’enseignement de la danse en France. Je pense aussi à l’association « La Source du Lion » à Casablanca dont les actions artistiques dans le parc laissé à l’abandon de l’Hermitage, devenu déchetterie et lieu de drogues, ont forcé les autorités à entreprendre sa réhabilitation afin de le redonner aux gens du quartier. Du côté de la littérature, je pense à ce que représente comme critique du système et du milieu l’Encyclopédie des guerres de Jean-Yves Jouannais avec son refus de la publication et l’exemple joyeux et productif qu’il constitue pour s’en émanciper [11]. Je pense aussi à la façon dont la rénovation d’une ferme dans un village de l’Oise participe pleinement pour l’écrivain Zahia Rahmani à son travail littéraire, fondé sur la restauration des mémoires individuelle et collective et l’entrecroisement des problématiques de l’exil et du territoire [12]. Je pense enfin à la Société Européenne des Auteurs autour de l’écrivain Camille de Toledo et son projet de créer à un niveau européen une communauté littéraire d’écrivains, de lecteurs et d’éditeurs, et à l’utopie linguistique qui l’habite, celle de faire de la traduction la langue officielle de l’Europe [13]. Je laisse volontairement en suspend la qualification de ce troisième moment de la littérature contextuelle, de cette situation nouvelle et hypothétique.

Notes

  • [1]
    Jan Swidzinski, « L’art comme art contextuel », manifeste, Varsovie, 1976. Publication accessible dans la revue canadienne Inter, 1991, n° 68, p. 35-50, dans le cadre d’un dossier consacré à l’artiste coordonné par Richard Martel (renseignements donnés par Paul Ardenne).
  • [2]
    Paul Ardenne, Un art contextuel. Création artistique en milieu urbain, en situation, d’intervention, de participation, Paris, Flammarion, 2002.
  • [3]
    L’expression est de l’écrivain et performer Daniel Foucard.
  • [4]
    Jacques Rancière, Le Spectateur émancipé, Paris, La Fabrique, 2009, p. 27.
  • [5]
    Toutes les citations qui précèdent sont extraites des premières pages de Gilles Deleuze, Critique et Clinique, Paris, Minuit, 1993.
  • [6]
    Ces expressions sont d’Olivier Cadiot interviewé par Sylvain Bourmeau pour le site www.mediapart.fr, 26 juillet 2010.
  • [7]
    Cf. l’entretien avec Philippe Vasset dans ce numéro.
  • [8]
    C’est ici que mon usage du terme « relationnel » se distingue clairement de celui qu’en fait Nicolas Bourriaud dans L’Esthétique relationnelle (Les Presses du réel, 1998).
  • [9]
    Richard Martel, dossier « Vingt ans d’art contextuel », Inter, n° 8, p. 36.
  • [10]
    Je reprends ici les termes de présentation employés pour l’exposition.
  • [11]
    Cf. dans ce numéro l’entretien avec Jean-Yves Jouannais.
  • [12]
    L’Oise est le département où s’est installée la famille de Zahia Rahmani en 1967 et où elle a grandi. Cette maison était à l’abandon, après le suicide de son ancien propriétaire, un agriculteur. Avec son compagnon cinéaste Nikola Chesnais et quelques amis, ils la remettent sur pied pour y vivre et en faire un lieu d’échanges et de travail.
  • [13]
    Cf. le site de la SEA (www.seasea.org) et Camille de Toledo, « L’utopie linguistique », Le Hêtre et le Bouleau, Seuil, 2009.
Français

Résumé

Les vingt dernières années en France ont vu la littérature se déplacer vers des pratiques contextuelles qui débordent le cadre du livre et modifient les conditions de son expression et de sa réception. Deux moments à cette évolution : un moment esthétique, où la littérature élargit son territoire en investissant les lieux et les langages des autres arts ; un moment social, qui conduit les écrivains à intervenir dans l’espace public et à se considérer comme créateurs de « relations » autant que d’objets finis. Mais les pratiques contextuelles semblent aujourd’hui victimes de leur succès. Un nouveau souffle est dès lors à rechercher du côté d’une émancipation plus grande à l’égard du marché et des institutions, que semblent porter certains projets individuels ou collectifs récents.

English

A Contextual Literature

A Contextual Literature

The last twenty years have seen literature in France move towards practices of contextualization which go beyond the book and modify the conditions of its expression and reception. Two moments are key to this evolution: an aesthetic one, where literature widens its field by investing in the spaces and languages of other arts; a social one, where writers are led to intervene in the public sphere and see themselves as creating “relations” as much as objects. But such practices now seem the victims of their own success. A renewal should be looked for where emancipation vis-à-vis institutions and markets is greatest, an emancipation which a number of recent collective and individual projects seem to carry.

David Ruffel
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 10/02/2011
https://doi.org/10.3917/litt.160.0061
Pour citer cet article
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