CAIRN.INFO : Matières à réflexion

En guise d’exergue : armes, devises, hiéroglyphes, emblèmes ou le kaléidoscope générique

1Sans refaire ici l’histoire de la vogue conjuguée des images héraldiques et des devises, rappelons qu’à l’origine [1], les armoiries sont de véritables signes de reconnaissance militaire sur les champs de bataille ou lors des tournois, avant de devenir marque d’identité par l’énonciation d’une filiation, d’une appartenance à un groupe, et/ou objet décoratif dans l’usage quotidien. Véritables images conceptuelles, elles peuvent se transmettre sous forme d’énoncé et apparaître, outre sur le costume et le harnachement militaires, sur toute une série de supports visibles (vêtements, sceaux, mobilier, livres, vaisselle, bijoux et autres objets personnels, monuments) tandis que leur création et leur lecture obéissent à une technique rigoureuse très codifiée [2]. Signifiant l’appartenance à la noblesse, à la roture, ou à une corporation, elles deviennent héréditaires. Certes, les armes fictives échues aux héros littéraires reçoivent une explication étiologique [3] et les armes « parlantes » énoncent le nom de leur porteur sous forme de rébus. Mais progressivement se perdent les motifs personnels et historiques qui ont pu déterminer le choix de telle ou telle figure sur l’écu. Parallèlement, la devise médiévale, constituée d’un simple mot ou d’une sentence, acccompagne parfois la représentation des armes et définit un objectif moral auquel le porteur doit s’efforcer de tendre, se rendant ainsi digne d’arborer les armoiries familiales dont il hérite. L’étymologie est éclairante : le terme « devise » vient de l’ancien français « devis » (fin xiie siècle) qui, issu lui-même du latin diuidere, signifie à la fois « division » ou « différence », « récit », « blason » mais aussi « dessein, plan ». Mais « devise » (fin xie siècle) reçoit, en plus des sens de « devis », ceux de « signe distinctif », « dernière volonté » ou « volonté, désir » [4]. La finalité de la devise est bien de distinguer son porteur en le séparant des autres, autant par le blason, les armes et autres signes extérieurs distinctifs que par quelque qualité morale spécifique, quelque projet, volonté ou dessein de vie énoncé sous forme de brève sentence. Le terme italien impresa, même s’il finit au xvie siècle par désigner une pratique tout à fait spécifique, se réfère en partie, lui aussi, à l’ancien français « emprise », qui désigne le contrat moral par lequel le chevalier se lie à son suzerain et plus largement, la règle de conduite, l’entreprise qu’il se fixe comme défenseur du Christ ou encore comme serviteur d’amour de sa Dame [5]. Dans ce dernier cas, le signe de reconnaissance devient au contraire souvent symbole obscur.

2Le travail personnel du porteur sur ou en marge des armoiries qui lui sont transmises s’accentue à partir du xive siècle. D’une part, la vogue du type de « l’écu timbré et soutenu » permet l’adjonction de signes parahéraldiques, en particulier le cimier, chargé parfois d’exprimer symboliquement certaines options privées du propriétaire. D’autre part, le badge permet au porteur de se créer des armes personnelles célébrant son nom, ses convictions politiques ou ses vertus, à l’aide de plantes, d’animaux ou d’objets, c’est-à-dire des armes dotées d’un pouvoir symbolique [6].

3Or, dans la première moitié du xve siècle, la lecture et la pratique des armoiries, mais aussi la composition des devises sont bouleversées par la redécouverte de l’Antiquité grecque et latine. L’intérêt des humanistes pour ses textes et pour ses vestiges archéologiques souvent fragmentaires et énigmatiques — monuments, bas-reliefs, peintures, sculptures, monnaies — stimulent le goût des cours et des cercles de lettrés italiens pour les objets et compositions symboliques et allégoriques et pour leur interprétation. Ainsi se répand la mode des médailles personnelles initiée dès 1440 par Pisanello et Boldù. Dotées, à l’avers, d’une effigie accompagnée d’une inscription et, au revers, d’une composition allégorique, parfois surmontée d’une légende, ces médailles s’inscrivent dans la tradition du sceau personnel médiéval mais doivent beaucoup aussi aux monnaies antiques. Celles-ci, souvent, célèbrent métaphoriquement ou métonymiquement un personnage par l’un de ses exploits, un monument ou bâtiment qu’il a fait ériger en telle ou telle occasion, un objet caractérisant sa fonction ou son rang, un rébus énonçant son nom, un animal définissant ses vertus, son caractère ou son signe zodiacal ou des allégories personnifiant ses qualités morales. Cette omniprésence, sur les médailles, du signe métaphorique à déchiffrer en liaison avec les vertus et le programme moral d’un porteur, renforce également le goût pour la création et l’interprétation des imprese pendant tout le xvie siècle et pour les réflexions théoriques qui suivent sa diffusion [7]. Sans entrer dans le détail de cette pratique complexe, précisons qu’au xvie siècle, la devise est une forme liée à un porteur et donc à un contexte historico-biographique, qui associe sémantiquement une figure — objet, plante, animal — et un « mot » ou motto[8]. Figure et motto entretiennent l’un avec l’autre un rapport dialectique propre au symbole, en particulier à l’association arbitraire mais dynamique et réciproque qu’il permet entre un objet iconique et un contenu noétique abstrait, moral ou philosophique. L’« âme » de la devise — le motto — saisit et souligne, par une formulation marquante sous forme de concetto volontairement concis, voire elliptique, le ou les traits saillants caractéristiques de la figure employée comme image, le « corps » [9]. Ce trait est susceptible d’une dérivation métaphorique qui lui permet simultanément de renvoyer à une qualité morale propre au porteur de ladite devise, révélée en telle ou telle occasion remarquable de son existence.

4Il n’est pas étonnant qu’apparaisse, un peu plus tard que la médaille, l’« invention » du langage hiéroglyphique. Il n’est pas ici question d’en décrire à nouveau la genèse, mais il est nécessaire de rappeler le caractère fructueux de ce qui est au départ un contresens radical. Le prestige des signes égyptiens doublé de l’incapacité à les déchiffrer amène les humanistes, dès Alberti [10], à formuler l’hypothèse d’une langue sacrée à caractère symbolique : à la figuration d’un signe iconique est attachée un concept, directement accessible aux initiés. Mais la définition de ce modèle éloigne de l’Égypte. Avec la découverte des Hieroglyphica d’Horapollon [11], c’est en réalité l’Antiquité grecque et latine qui fournit à la fois le répertoire essentiel des signes, mais aussi les modalités de leur déchiffrement allégorique et les multiples interprétations que l’on peut en faire. Car la polysémie, l’ambivalence et le caractère nécessairement arbitraire et conventionnel du sens qu’on lui prête sont la loi implicite du hiéroglyphe et contribuent à magnifier la difficulté de ce langage équivoque. D’où la vertu ésotérique que leur prêtent les néo-platoniciens de la Renaissance, tel Ficin à la suite de Plotin et de Jamblique, qui voient là un langage divin accessible par intuition noétique et contemplative [12], ou le rôle de protection des mystères de la sagesse que leur attribue Érasme dans son adage Festina lente. En fait, à l’opposé des théories néo-platoniciennes sur le hiéroglyphe comme intuition inorganique d’un concept sacré, Francesco Colonna, dans son Hypnerotomachia Poliphili parue en 1499, jette véritablement des principes opératoires pour la pratique discursive des hiéroglyphes symboliques : la figure hiéroglyphique peut entrer dans l’axe syntagmatique d’un énoncé et désigner, par sa position et ses relations avec les autres, des rapports proprement grammaticaux. Cette démarche créatrice et fondatrice propose de manière implicite une démarche herméneutique. Les bas-reliefs et médaillons colonnesques fourniront la méthode de lecture de bon nombres d’objets antiques, médailles, sculptures, bas-reliefs, etc. [13]. C’est précisément l’attitude d’un Valeriano qui se sert explicitement de la technique conjuguée d’Horapollon et de Colonna pour annexer et interpréter, sous la caution pseudo-égyptienne du hiéroglyphe, le symbole antique en général.

5C’est dans ce contexte que s’enracine le genre de l’emblème. Né en 1531 avec le recueil d’André Alciat, il est au départ un texte épigrammatique latin, imité le plus souvent des pièces ecphrastiques et symboliques de l’Anthologie grecque, et ce n’est que suite à une manipulation éditoriale qu’il s’accompagne d’une illustration, qui le promet à un considérable succès [14]. Rappelons d’ailleurs que les différente étapes de l’épigramme emblématique — énonciation des constituants iconiques du signe symbolique, proposition d’une interprétation allégorique, rappel de l’étiologie de cette association signifiant / signifié — trouvent une « troublante » corroboration dans le hiéroglyphe tel qu’il apparaît chez Horapollon [15]. Rappelons aussi que, si l’un des objectifs qu’Alciat fixe à ses emblèmes consiste précisément en la fabrication d’insignes personnels utilisables sur différents supports (médailles du chapeau, broderies sur les vêtements) [16], ce sont inversement des blasons, des armes et des devises qui alimentent parfois l’emblème en amont. En effet, l’herméneutique hiéroglyphique ravive et généralise de fait une ancienne attitude face à l’héraldique. Alciat montre, dans le premier de ses Emblèmes, dédié au Duc de Milan Maximilien, une modalité symbolique et personnalisée de lecture des armoiries, qui rappelle la démarche étiologique que l’on pratiquait au Moyen Âge pour les armoiries imaginaires des héros historiques ou littéraires, Énée, César ou les Chevaliers de la Table Ronde.

6*

7Grand admirateur et disciple d’Alciat, Achille Bocchi est l’auteur d’un livre d’emblèmes latins intitulé Symbolicae Quaestiones, paru en 1555 à Bologne et illustré par Giulio Bonasone [17]. L’ouvrage exploite à plusieurs reprises des blasons, des médailles, des devises et des matériaux vexillifères, en particulier des étendards de villes célèbres comme Bologne ou Venise. Ne pouvant prétendre à l’exhaustivité, nous nous pencherons plus spécifiquement sur quelques exemples d’armes et de devises, éventuellement couplées les unes aux autres. Dans un premier temps, nous tenterons de démontrer comment les divers éléments du blason se prêtent parfaitement aux principes de l’emblème et cèlent symboliquement un programme idéologique qui ne s’entend qu’en relation avec un porteur. La seconde partie s’attachera à décrire comment la devise, matériau propice à l’exploration allégorique, peut voir son unité originelle dissoute par l’exégèse symbolique propre à l’emblème. Ses éléments, disloqués, peuvent être alors re-sémantisés et recomposés selon une nouvelle configuration, manifestant ainsi une ductilité et une perméabilité génériques tout à fait remarquables.

La lecture « hiéroglyphique » du blason

Une méthode exemplaire : l’interprétation du blason personnel de Bocchi

8Au début du recueil, dans le Symbolon 5, Bocchi se livre à l’analyse allégorique de son propre blason et de ses composantes. La lecture de ces armes qui ne reste pas fragmentaire mais dessine implicitement un dessein de vie, une entreprise dont il faudra reconstituer les enjeux. Fidèle à la méthode de l’anabase prônée par Claudie Balavoine pour la lecture emblématique, nous commencerons par examiner l’épigramme, dont voici la traduction : [18]

(Motto de la gravure :
INSIGNIA GENTILITIA BOCCHIORVM)(INSIGNES GENTILICES DES BOCCHI)
PVRA MENTE DEVM OMNIBVS COLENDVM.CHACUN DOIT VÉNÉRER DIEU D’UNE ÂME PURE.
Aurea norma tribus stellis circumdata signatLe chevron d’or en équerre par trois étoiles ceint,
Caeruleo Bocchi stemma tuum in spatio.Marque, sur champ d’azur, ô Bocchi, ton blason.
5At niueus galeae passis olor insidet alis,Un cygne blanc sur le casque, les ailes éployées,
Rostro aliud qui uomit aetherium.Libère de son bec un autre astre d’éther.
Optima nimirum Ratio est illa aurea norma,L’équerre d’or, bien sûr, est la Raison parfaite,
Quae trino atque uno a lumine lumen habet.Tirant sa clarté d’une clarté triple et une ;
Hic candor uitae illaesus diuinaque fandiLà, pureté de vie sans tache, abondance divine
Copia ; praesidio hinc additur omne decus.Du verbe ; là, gloire du heaume, en protection.
Maurus auis quondam haec uestris insignia BocchusBocchus, l’aïeul maure, jadis, vous livra ces insignes
10Et gentilitium nomen habere dedit.Et vous permit d’avoir son nom pour gentilice.
Ad summam tota semper ratione colendumEn somme, il faut toujours, de toute sa raison, aimer
Esse Deum tota mente nomisma monet.Dieu : tout l’esprit de l’écu nous y engage18.

9L’épigramme fait usage du vocabulaire spécifique des armoiries : les termes stemma (v. 1), insignia (v. 9, repris dans le motto de la gravure) désignent l’ensemble constitué par l’écu, le timbre et le cimier, tandis que le vocable nomisma (v. 11), qui peut désigner dans un autre contexte le sceau ou la pièce de monnaie [19], évoque ici exclusivement l’écu.

10L’épigramme elle-même comprend six distiques élégiaques répartis selon un plan très équilibré. Le texte débute par la description des éléments (2 distiques), se poursuit par leur exégèse allégorique (2 distiques) et s’achève en élargissant le propos, en amont par l’évocation des origines de l’insigne donné par Bocchus le Maure (2 distiques), en aval par l’indication de sa portée, de sa finalité éthique ou religieuse (2 distiques). Ces éléments se trouvent illustrés partiellement par la gravure qui fait face à l’épigramme (fig. 1) et qui, comme c’est souvent le cas dans l’emblème bocchien, tend à s’éloigner parfois du texte pour poursuivre un discours autonome.

Fig. 1

Achille Bocchi, Symbolicarum Quaestionum… libri quinque

Fig. 1

Achille Bocchi, Symbolicarum Quaestionum… libri quinque

(Bologne, Academia Bocchiana, 1555, Symb. 5)

Des signes…

11Ce blason relève du « type à l’écu soutenu et timbré » et comprend tout d’abord un écu armorié, que la gravure nous montre échancré inégalement à dextre et senestre, tandis que sa forme de targe rappelle les écus allemands. La description héraldique de l’écu, « d’azur au chevron retrait en équerre d’or, entouré de trois étoiles du même » montre une composition assez courante qu’il est aisé de reconstituer à partir des termes latins de l’épigramme (1er distique). En effet, le champ de l’écu reçoit pour émail la couleur azur (caeruleo, v. 2), mention que le noir et blanc de la gravure ne peut évidemment pas reconstituer. L’écu accueille pour pièce héraldique un chevron en équerre, dit retrait, car l’une de ses extrémité ne touche pas la bordure de l’écu, comme on peut le constater sur la gravure. Le chevron a pour émail le métal or (aurea norma, v. 5). Autour de la pièce héraldique viennent se disposer trois meubles ou figures propres, ici trois étoiles, deux en chef et une en pointe. La formule obscure de l’épigramme indiquant que la clarté de l’équerre prend sa source dans celle des étoiles (Quae trino atque uno a lumine lumen habet, v. 6) laisse entendre que l’émail de ces dernières est également l’or. Le blason comporte aussi un timbre constitué d’un casque de chevalier (galeae, v. 3), qui apparaît, sur la gravure, pourvu d’une visière à quatre grilles. (Rappelons que Bocchi avait acquis le titre d’eques auratus[20] ). Sur la gravure, le casque reçoit, en outre, une tresque, couronne d’étoffe torsadée, insigne redondant de la qualité de chevalier. Le timbre, quant à lui, est surmonté d’un cimier zoomorphe, un cygne (olor, v. 3) aux ailes éployées (passis alis, v. 3) portant une étoile dans son bec (Rostro aliud sydus qui uomit aetherium, v. 4). Le détail du vomissement par la bouche rappelle l’écu des Visconti portant la guivre décrit par Alciat [21] mais aussi la saisissante description du casque de Turnus par Virgile, surmonté d’une chimère qui lance des flammes [22]. La gravure ajoute des détails à la description épigrammatique. Ainsi, sur l’image, l’écu est représenté avec des soutiens, c’est-à-dire cinq figures végétales. Mais la gravure transpose de manière tout à fait virtuose le cinquième distique de l’épigramme : le geste du roi Bocchus qui, de son trône, livre l’écu aux mains de Bocchi, qui le reçoit dans la position agenouillée du vassal, permet à la fois de faire des deux personnages des tenants traditionnels du blason, mais aussi de lire cet écu comme des armoiries de succession, le roi livrant à la fois des armes et son nom. La paronomase (Bocchus/Bocchius) constitue ici l’essentiel de la motivation de cette généalogie fictive et de cette transmission onomastique imaginaire. Bocchi veut se rattacher à la légendaire figure du roi de Maurétanie Bocchus, beau-père de Jugurtha. Outre leur caractère quelque peu exotique, ces origines permettent à Bocchi de se présenter comme l’héritier des qualités d’un personnage que Salluste, dans son Bellum Iugurthinum, évoque comme un chef militaire à l’intuition politique remarquable. Bocchus, effectivement, finit par se rallier à la grandeur de Rome, et Pline lui attribue la rédaction d’une Histoire naturelle. C’est sans doute par cette « chevalerie » des lettres latines que se fait l’héritage. Que ce soit Bocchi lui-même qui, sur la gravure, réceptionne les armes de son ancêtre, permet d’indiquer qu’elles ne sont pas simplement reçues en héritage, mais interprétées voire personnalisées en fonction même du porteur. C’est la lecture hiéroglyphique du blason qui permet de déchiffrer les intentions de son possesseur : chaque signe reçoit un sens motivé avec une clarté plus ou moins grande, avant d’être fondu à l’intérieur d’une syntaxe discursive.

…au sens

12Sur l’écu, le champ d’azur signifie symboliquement, à cause de sa couleur, l’espace céleste, sur lequel viennent s’inscrire les trois étoiles d’or. Leur couleur est l’or qui rougeoie et qui est assimilé, dès l’Antiquité, au feu et à l’éther brûlant [23]. Ces étoiles, au nombre de trois, sont en outre disposés en triangle : deux en chef et une en pointe. Elles constituent une représentation symbolique du dieu chrétien trinitaire (Deum, v. 12), à la fois triple et un (trino atque uno a lumine, v. 6). Le chevron équerre d’or en retrait signifie ratio, à cause d’une image de Cicéron [24], qui associe justement par métaphore la figure géométrique rigoureuse de l’équerre à l’activité régulatrice de la raison (ratio), en particulier lorsqu’elle est productrice de doctrine (ratio), à l’aune de laquelle il faut mesurer la droiture des actions. Ce chevron lui-même est d’or, couleur qui atteste sa parenté avec les étoiles qui le ceignent (circumdata), et dont il reçoit en quelque sorte sa matière. Cette communauté d’essence est d’ailleurs renforcée par la forme pyramidale de chacune des figures. Pourquoi cette insistance sur l’unité du triangle, dont les sommets sont interchangeables ? La fin du poème l’énonce en termes ambigus.

13En effet, le dernier distique, au ton prescriptif (monet, colendum) et généralisant (semper), révèle la valeur exhortative des armes. Elles forment, telle la devise, un projet de vie auquel il faut se conformer. L’expression ad summam joue à la fois sur le sens de « pour finir », mais aussi de « pour faire la somme », c’est-à-dire désigne le moment le plus important de l’herméneutique hiéroglyphique, le moment où l’on additionne les sens de chaque signe pour reconstituer leur discours global. Le symbole qui voile et protège, exige et induit en même temps la recherche d’un plus haut sens, la poursuite de l’hyponoia, c’est-à-dire d’un contenu abstrait de nature spirituelle. Le terme tota mente appliqué à l’écu signale cette idée de pensée cachée, tandis que le vocable monet insiste sur sa dimension didactique et instructive. Bocchi suggère dans son blason la nature du culte qu’il faut rendre à la divinité. Tout tourne autour de ratio. Mais la ratio n’est pas seulement ici, comme on pourrait le croire, la faible intelligence humaine avide de raisonnements impuissants. Découpée sur l’azur éthérée, dotée d’une forme aussi parfaite et équilibrée que celle du cercle, elle est sans doute la perfecta ratio évoquée par Cicéron, lecteur de Platon et des Stoïciens, c’est-à-dire l’âme du monde, à laquelle se joint l’âme du sage qui a dépassé les contingences humaines. Mais Ratio, nous l’avons déjà dit, signifie aussi « doctrine ». L’image du triangle qui lui est attaché, double homothétique du triangle stellaire, indique que la doctrine religieuse doit imiter l’essence trinitaire de la divinité et la proclamer comme un dogme : à la fois triple et une. En forme d’équerre, elle est un guide pour redresser et étayer la raison humaine. La revendication de la doctrine trinitaire n’est pas neutre en cette époque d’anabaptisme et d’antitrinitarisme. Bocchi, bien que défenseur de Camillo Renato clarifie ici ses positions religieuses et, en affirmant qu’il croit en ce mystère de la foi chrétienne, ne se place pas du côté de certaines idées d’inspiration réformée [25].

14Cette insistance sur le secret et la dissimulation, qui n’est pas seulement nicodémiste mais sans doute aussi pédagogique — ne pas révéler à son auditeur ce qu’il n’est pas prêt à entendre — se confirme dans la symbolique des autres éléments qui accompagnent l’écu. Le timbre en forme de casque est pris ici non seulement comme ornement (decus) qui dit le rang de son porteur, mais ajoute (addit) sa signification originale : protéger (praesidio). Ce sens, assez clair vu la destination utilitaire de l’objet, est précisée ailleurs par Colonna [26] et Valeriano [27]. Mais comment ce signe honorifique peut-il protéger l’écu ?

15C’est alors qu’intervient le cimier. Celui-ci, un cygne aux ailes éployées, est directement à rattacher à la vocation de Bocchi luimême, entre poésie et philosophie. Le cygne est l’emblème des poètes et des exemples fameux le confirment, que ce soit le chant magnifique des cygnes à l’agonie dans le Phédon[28], la métamorphose d’Horace [29], le rêve de Socrate où Platon lui apparaît sous forme de l’oiseau mythique [30], ou encore l’emblème d’Alciat intitulé Insignia poetarum, où le cygne joue le rôle non pas de cimier mais de portant [31]. L’étoile qui sort du bec rappelle les trois étoiles de l’écu. Elle signale cette parole généreuse qui se déploie (c’est le sens des ailes) sous l’inspiration divine, et rappelle la parenté entre le verbe poétique et la doctrine religieuse trinitaire. La parole du poète, qui a digéré le verbe divin, le restitue sous une forme à la fois semblable et distincte, qui garde quelque chose de ses origines sans se confondre avec elles : la distinction stella/sidus le marque clairement. Cette régurgitation mystérieuse n’est pas si éloignée d’un trait physiologique prêté par les naturalistes antiques au pélican, dont la signification christique n’est plus à rappeler [32]. C’est donc le cygne-poète, assis sur le casque, qui joue cette fonction de protection. La position du cygne (à la fois assis et sur le casque) traduit au sens propre l’étymologie de praesidio, praesidere, « être assis devant » d’où « protéger ». Par son chant, il divulgue et préserve à la fois le mystère trinitaire, tout comme le symbole proposé ici.

16Il est remarquable que, dès le début de l’ouvrage, Bocchi lise ses armes comme une sorte de résumé hiéroglyphique de son projet littéraire et religieux. Cette méthode se poursuit ailleurs, en particulier dans le Symbolon 122, qui a donné lieu à divers contresens, et sur lequel nous allons à présent nous pencher.

Le blason de Sebastiano Corrado ou les mystères du cœur

17Il convient ici de prendre connaissance de l’épigramme (en distiques élégiaques) et de son intertexte avant de se pencher sur la gravure, qui réalise à sa manière le programme symbolique suggéré par le poème.

(Motto de la gravure : IN CORDE PVRO VIS SITA PRVDENTIAE.)(LA FORCE DE PRUDENCE RÉSIDE DANS UN COEUR PUR.)
SEBASTIANO CORRADO.À SEBASTIANO CORRRADO.
Cor fons uenarum ; illinc semita spirituum ; illudDu cœur, la source des veines, part le chemin du souffle ;
Sensibus et uitae creditur esse caput.Des sens et de la vie, croit-on, il est principe.
5Quin si animus deus est, animus cor, cor deus ergo est.L’esprit est dieu, le cœur, esprit ; et donc le cœur est dieu.
10Mens quoque sub puro corde profunda manet.Au fond d’un cœur pur, l’âme aussi demeure enfouie.
Hinc cordatus homo ; hinc laudauit corculum, honestoDe là, l’intelligent de cœur : de là, Rome guerrière
Nomine, Nasicam martia Roma suum.Nomma bellement Nasica, « savant de cœur ».
Olim adeo Etruscis summa obseruantia, summaLes haruspices étrusques, jadis, au cœur portèrent
Religio fuerat cordis haruspicibus.La plus grande attention et le plus grand respect.
Corde silente etenim uel deficiente, minacisCar si le cœur ne battait pas, ou venait à manquer,
Omnia fortunae plena fuere malis.La menace du sort emplissait tout de maux.
15Sed raptum a coruo Hermocrati dis forte litantiUn corbeau prit un cœur qu’Hermocrate aux dieux sacrifiait :
Cor felix quondam fecerat auspicium.Il avait constitué jadis un bon présage.
Casto atque integro, mihi crede, litatio cordeCrois-moi : aucun sacrifice fait d’un cœur pur et chaste
Nulla potest summo gratior esse Deo.Ne pourrait mieux réjouir le dieu tout-puissant.
Auspiciis Academiae Corrade secundisHeureux présage, Corrado, pour notre Académie,
20Hocce tibi nomen coelitus impositum.Ce nom te fut donné de céleste origine.
Excors nostra, tuo sine corde, futura iuuentusLoin de ton cœur sage, cœur fol aura notre jeunesse,
Ipsa tuum concors expetit auxilium.Elle qui, d’un seul cœur, recherche ton appui.
Huic fons consilii, huic uiuendi semita recteSource de prudence, chemin pour vivre droitement,
Huic tu diuini numinis instar eris.Tu seras pour elle comme son bon génie [33].

18Comme l’avait déjà remarqué E. Watson, Bocchi décline dans l’épigramme tout un ensemble de vocables dérivés du terme cor ou faisantcentendre cette syllabe (cordatus, corculus, coruus, excors, oncordia) [34]. Nous ajoutons que Bocchi travaille sur un jeu de fausse étymologie à partir du nom du dédicataire, Cor-rado, littéralement « je purifie mon cœur » [35]. Ce programme du cœur purifié ou égratigné (rado peut signifier aussi « écorcher ») trouvait son exacte réalisation iconographique dans les armes parlantes du blason de Corrado, dont l’écu propose, comme on le voit sur la gravure (fig. 2), un cœur enflammé, véritable badge. L’allusion au feu purificateur est d’autant plus ingénieuse et vraisemblable que Corrado avait fondé et dirigé à Regio l’Accademia degli Accesi, l’« Académie des Enflammés ». On ajoutera que le motto qui surmonte la gravure In corde puro uis sita prudentiae constitue une sorte de lecture hiéroglyphique du blason de Corrado et de ses signes para-héraldiques. On peut donc associer les deux énoncés à la manière de Colonna pour tenter de les faire se correspondre : cœur enflammé à l’intérieur de l’écu = in corde puro ; heaume = uis ; pélican = prudentia (mais aussi sacrifice de soi, par sacrifice du cœur que l’on perce [36]) ; pélican sur le casque = génitif (uis prudentiæ).

Fig. 2

Achille Bocchi, Symbolicarum Quaestionum… libri quinque

Fig. 2

Achille Bocchi, Symbolicarum Quaestionum… libri quinque

(Bologne, Academia Bocchiana, 1555, Symb. 120 [122])

19Dans l’épigramme, Bocchi effectue une progression en trois temps. D’abord, une mise au point topique sur les trois facultés permises par le cœur : comme principe vital et biologique, en liaison avec les veines, le spiritus et la sensation, d’après le De Anima d’Aristote et Galien (v. 1-2) ; comme siège de la faculté divine et contemplative, associée au démon ou génie, véritable dieu de la personne, deus (v. 3) ; comme lieu de l’intelligence (v. 4). À ce propos, Bocchi analyse des formules comme cordatus ou corculum, « intelligent », en s’inspirant d’un passage cicéronien (Tusculanes, I, 18) qui repose, lui aussi, sur l’exemple de Scipion Nasica Corculus. Ensuite, Bocchi se place délibérément dans le champ religieux. Il évoque ainsi l’importance du cœur dans l’haruspicine étrusque (v. 7-8) ainsi que les présages défavorables lorsque celui-ci ne bat pas ou est absent [37].

20L’exemple d’Hermocrate, en réalité Hermocharès [38], fondateur de la ville de Kardia, et du corbeau qui arrache le cœur dans les extæ de la victime immolée, étiologie du nom de la ville, laissent bien entendre cette importance fondamentale du cœur. Ni Elizabeth Watson ni Annarita Angelini n’y font allusion dans les passages qu’elles consacrent à l’emblème [39]. Ce présage envoyé à Hermocharès [40] est double : d’une part, le cœur enlevé par l’oiseau est symbole de vie, d’autre part, le corbeau lui-même, qui est assimilé à la corneille, est un bon présage en soi [41] et constitue un exemple de longévité [42]. Notons l’énigmatique formule qui, avec les termes litatio et corde, semble conclure l’épisode d’Hermocharès, et qui embraye en fait sur une sorte de maxime générale qui célèbre le cœur comme lieu idéal du culte à rendre à Dieu v. 13-14 : Casto atque integro, mihi crede, litatio corde/ Nulla potes summo gratior esse Deo. L’épigramme lance alors un appel à la présence de Corrado au sein de l’Académie Bocchienne [43] afin qu’il soit le guide de la jeunesse qui la fréquente (v. 15-18). Bocchi joue à nouveau sur le mot cor avec le sens d’intelligence (ex-cors, tuo sine corde) et d’unanimité pacifique (con-cor-dia). Le texte se referme sur lui-même (v. 19-20), mimant dans sa forme même la circularité du cœur-organe : on retrouve la thématique et les termes du premier vers (fons, semita) du cœur source de pensée (fons consilii) et de vie, non pas biologique mais morale (uiuendi semita recte), dans laquelle Corrado jouera un rôle de guide spirituel (diuini numinis instar eris).

21La gravure choisit de relater l’apologue d’Hermocharès de manière diachronique : devant un autel où se consume le sacrifice d’un taureau, on aperçoit Hermocharès, avec sa tenue guerrière, en prière, agenouillé, les mains jointes. À l’arrière-plan, des ouvriers s’affairent à l’édification de la ville de Cardia, conformément au texte, et non pas, comme le suggérait E. Watson, à la construction d’une villa de Plaisance pour Corrado dans les environs de Bologne. On aperçoit le corbeau sur l’autel, arrachant son butin dans le ventre ouvert du boeuf immolé, et on retrouve l’oiseau, survolant la scène de droite à gauche, avec le cœur enflammé dans le bec. Ce cœur enflammé permet une transition visuelle avec le blason de Corrado, dessiné sur la face de l’autel visible pour le lecteur. Mais l’élément subversif réside sans aucun doute dans formule néo-testamentaire de la gravure kardiognôstès ho theos[44], « Dieu scrute les cœurs », qui remplit l’office de devise en dessous du blason.

22Cette formule nous rappelle que, dans le texte comme dans l’image, la véritable réflexion de l’emblème porte sur la nature du culte à rendre à Dieu. On soulignera en particulier l’allusion à la pratique religieuse antique de l’haruspicine ou celle au « sacrifice pratiqué dans un cœur chaste et honnête », seul agréable à Dieu (v. 13-14). De fait, derrière le masque de l’exemple antique, l’épigramme ne cesse de répéter un principe fondamental de l’idéologie des cercles évangélistes, dont le cœur est le mot d’ordre symbolique [45] : aux cérémonies extérieures et au culte ostensible, il faut préférer l’authenticité d’une religion intérieure et sincère, entièrement pétrie de charité. Comme ne cesse de le marteler Érasme dans ses paraphrases aux Évangiles, à quoi bon les gestes cultuels, puisque seule compte la vrai foi, celle qui cherche le secret du cœur et l’obscurité de l’intériorité pour établir un pacte entre l’individu et le Christ ? Participer aux cérémonies ne sert à rien, si l’intention n’est pas pure, si le cœur n’y est pas.

23Mais il est possible d’aller plus loin. Si le cœur est l’organe de l’amor in deum, il est aussi l’arche intérieure qui permet de dissimuler ses vraies convictions religieuses et d’échapper à la censure des hommes en toute tranquillité de conscience. Dieu, qui seul compte, peut y lire comme en un livre ouvert. Corrado devient alors véritablement, non pas un directeur de conscience, mais un officiant du nicodémisme, celui qui peut initier la jeunesse de l’académie bocchienne aux stratégies de la prudence (fons consilii) et à la manière de conduire une vie qui, quoique pétrie d’évangélisme, peut s’accomplir sans encombres (uiuendi semita recte) [46]. Le terme recte prend alors, non pas le sens philosophique de « juste », mais de « en toute sécurité, sans avoir rien à craindre », ce qui est conforme à l’option du nicodémisme.

24L’exemple du blason de Corrado permet de constater que la devise, jointe à des armes fictives et quasi-parlantes, a permis de faire basculer l’emblème vers une interprétation religieuse cryptée qui ne peut se déchiffrer que d’une manière allusive et en relation avec un porteur. Ce goût conjugué pour l’énigme et l’ostentation, le jeu et la dissimulation, la référence à l’actualité et la célébration d’un personnage nous semble fortement influencé par les pratiques littéraires au sein des académies italiennes.

25Mais Bocchi se réfère également aux devises telles qu’on les pratique au xvie siècle, c’est-à-dire sans qu’elles ne soient plus associées aux armes mais constituent une sorte de genre littéraire à part entière. Comment en faire usage au sein de l’emblème ?

Les métamorphoses de la devise

26La devise, comme noeud d’expression elliptique au sens métaphorique associée à des objets symboliques, en relation avec un individu et son histoire privée, peut fournir une matière emblématique particulièrement riche et complexe. La référence à des devises préexistantes, illustrées au départ dans des tableaux, des armes familiales ou des revers de médailles personnelles, peut se faire, chez Bocchi, sous forme de citation iconographique dans une gravure, de citation textuelle par l’entremise d’épigrammes ecphrastiques, ou des deux à la fois [47]. Mais par un subtil jeu rhapsodique, le tissage unissant les res et les uerba au sein d’une devise préexistante — toujours reconnaissable — se trouve parfois partiellement défait par l’emblème sous couvert de décryptage puis recomposé pour former un nouvel ensemble. En nous appuyant sur l’étude du Symb. 111, exemplaire à bien des égards, nous tenterons de souligner les modalités de cette hybridation féconde entre l’emblème et des genres périphériques comme la devise ou l’adage, dont l’unité se définit par le recours à l’eikôn visuelle ou verbale. Dans le Symb. 111, la devise est au centre de l’emblème, qui travaille à la défaire pour en recomposer les différents éléments au sein d’une nouvelle configuration allégorique.

27Commençons par traduire l’épigramme de l’emblème composée en distiques élégiaques : [48]

(Motto de la gravure : ILLAESVS CANDOR SEMPER VBIQVE MANET)(LA PURETÉ RADIEUSE DEMEURE SANS TACHE TOUJOURS ET PARTOUT.)
5IVLIO MEDICIO CARDINALI, QVI POSTEA FVITAU CARDINAL JULES DE MÉDICIS QUI DEVINT
CLEMENS VII. PON <TIFEX> MA <XIMVS>PAR LA SUITE LE PAPE CLÉMENT VII.
Clara olim rebus, fortissime Iule, secundisJadis, dans le succès, la force de ton caractère
Illa tui semper uis animi fuerat,S’était toujours illustrée, ô très vaillant Jules.
Sed tamen aduersis multo praeclarior extat,Pourtant, dans le malheur, bien plus encore elle s’illustre,
Vt nitidus mediis Hesperus in tenebris,Tel Hespérus50, brillant au milieu des ténèbres,
Namque tibi plures adsunt, mirabile, amiciCar en ce temps si dur, tu as plus d’amis pour t’aider
10Tempore tam duro hoc, rarior hostis obest,— quelle merveille ! — et moins d’ennemis pour te nuire.
Extinctaeque faces prorsus Liuoris iniquiLes brandons d’inique Haine se sont tout consumés,
Ac tuus illaesus Candor, ut ante, manet.Et ta Pureté, comme avant, reste sans tache.
Quin mage floret adhuc. Haud illum iniuria saeuiElle fleurit bien plus encor : ni l’injure du temps
Temporis, haud hominum conficiunt scelera.Cruel, ni les crimes humains ne l’affaiblissent.
15Esse quid hoc dicam ? Magna est fortuna potensqueDois-je dire pourquoi ? Grande et puissante est la Fortune,
Sed Virtus longe maior, Iule, tua.Mais bien plus grande encore, ô Jules, est ta Vertu !
Nec tu Fortunam, iam te Fortuna uereturTu ne crains pas la Fortune, c’est elle qui te craint
Et colit et summi numinis instar habet.A présent et t’honore tel le dieu suprême.
Haec tibi mox iussu uirtutis deferet ultroBientôt, sur l’ordre de Vertu, elle t’apportera
Quod prius Inuidia distulit imperium51.En sus l’empire, soustrait jadis par l’Envie.

28Cette épigramme est dédiée à Jules de Médicis, le neveu de Laurent le Magnifique, qui deviendra pape sous le nom de Clément VII, en succédant le 19 novembre 1523 au Batave Adrien VI. La mise en scène épidictique et la rhétorique de l’éloge s’articulent, une fois encore, autour de plusieurs hypertextes, une devise inventée par Clément VII et un emblème d’Alciat, unis probablement par l’intermédiaire d’une référence implicite à Cicéron. [49]

Une situation politique tourmentée

29L’épigramme, très politique, fait allusion à la période très troublée qui précède l’accession de Jules de Médicis au trône pontifical. Nommé archevêque de Florence et cardinal en 1512, puis vice-chancelier papal par son cousin le pape Léon X (mort en 1521), il contribue à étendre le pouvoir de sa famille et doit faire face, en janvier 1521, au clan antimédicéen qui monte une conjuration contre lui, lors de son retour à Florence après l’élection d’Adrien VI. Parmi les conjurés, on compte Giovanni Battista Soderini, Cosimo Rucellai et Nicolas Machiavel. Plus tard, l’élection papale de 1523 se fait non sans peine, au terme d’âpres débats au sein du conclave, qui évince le Cardinal Farnèse (futur Pape Paul III en 1534) pour lui préférer Jules de Médicis. Dès son intronisation et malgré la réconciliation théorique qu’elle suppose avec ses adversaires, Clément VII doit faire face à l’hostilité croissante de la famille gibeline des Colonna [50].

30L’épigramme s’efforce de restituer ces fluctuations chronologiques en évoquant tout d’abord les temps heureux (rebus secundis, v. 1) d’autrefois (olim, v. 1), puis la période troublée du présent (Aduersis rebus, v. 3 ; tempore tam duro hoc, v. 6 ; iniuria…/Temporis, v. 9-10 ; hominumscelera, v. 10), dont la difficulté est néanmoins tempérée par les comparatifs (plures amici, v. 5 ; rarior hostis, v. 6), qui amorcent un processus d’embellie. On assiste ensuite à un spectaculaire renversement de situation, où la vertu du pape triomphe des aléas de la fortune et de la haine. Ce renversement se marque dans la syntaxe par l’inversion de l’objet et du sujet mis en relief par le jeu de polyptotes (Nec tu Fortunam, iam te Fortuna, v. 13) et déborde dans le présent lui même, comme l’indiquent l’adverbe iam, « désormais » et les temps verbaux (ueretur, v. 13 ; habet, v.14). Enfin, le texte se clôt sur l’évocation d’un avenir radieux, au futur proche (deferet, v. 15), dont l’imminence quasi-tangible rélègue le malheur dans le passé (prius, temps du parfait pour distulit, v. 16).

31Cette instabilité conjoncturelle doit rendre plus frappant encore la continuité et la permanence qui caractérise la uis animi, la force d’âme ou fortitudo du cardinal, comme l’indique le motto de la gravure, semper ubique manet, l’adverbe semper au vers 2, ou le terme illaesus au vers 8, dont le préfixe in- atteste le caractère incorruptible, ou encore l’expression ut ante manet du vers 8. Mais désireux de renchérir, Bocchi met en place un processus de croissance/ décroissance corrélatif : plus la situation se dégrade, plus le courage du cardinal est remarquable et remarqué (multo praeclarior, v. 3 ; quin mage, v. 9 ; longe maior, v. 13), comme mis à l’épreuve et grandi par les attaques qu’il subit.

32Une concaténation métaphorique permet la visualisation de ces divers éléments au sein d’une véritable mise en scène allégorique, qui se superpose à l’affrontement amici / hostes autour de la personne du cardinal et dont l’enjeu est l’imperium. La uis animi du cardinal, qui devient Virtus à la fin du poème, est qualifié de clara, « illustre », c’està-dire, au sens propre, qui « rayonne, qui jette de l’éclat ». Cet adjectif, relayé par nitidus « étincelant » au vers 4, amène l’image de l’astre de Vénus (Hesperus) qui rayonne dans les ténèbres, puis la célébration du candor, blancheur éclatante qui fusionne les deux réalités par un jeu sens concret/ sens abstrait : c’est à la fois l’éclat de l’astre et l’éclat de la pureté intérieure du cardinal. Le terme floret au vers 9, qui désigne l’abondance florale, active la référence à l’instauration de l’Âge d’or, préparée par l’astre vénusien, qui ouvre un nouveau jour et une nouvelle ère, et la référence au candor du souverain, propice à engendrer la paix et l’équité. À ces allégories positives, caractérisées par la clarté et l’éclat, se heurtent et s’opposent, dans le style épique des Gigantomachies où l’on dénombre les forces (magnapotensque, v. 11 ; longe maior, v. 12), des 7 allégories négatives issues des ténèbres (mediisin tenebris, v. 4) : c’est tout d’abord le Temps, figure de la cruauté (duro, v. 6 ; saeui, v. 9), puis Liuor, l’Envie, appelée Inuidia au vers 16. La couleur bleu sombre et les torches charbonneuses (extinctae faces, v. 7) de cette allégorie constituent des exacts contraires du Candor matérialisé par l’astre rayonnant. On remarquera qu’à illaesus et à son préfixe privatif in-, qui caractérisent Candor, répond très symmétriquement iniqui, lui aussi doté du privatif in-, qui caractérise Liuor (v. 7) et s’oppose à la justice du prince parèdre de l’Âge d’or.

33La figure de Tempus est, au terme du poème, relayé par la figure de Fortuna, qui se retrouve face à face avec Virtus, qui la domine et à qui elle est obligée d’obéir. Cette lutte inégale est préparée dès le début, nous l’avons dit, par la correspondance des comparatifs plures (amici) et rarior (hostis). Mais elle se poursuit au fil du texte par les termes illaesus (« sans blessure ») et haud conficiunt (« ne réussissent pas à abattre »). Elle s’achève enfin par la vision du triomphe de la Vertu qui oblige (iussu uirtutis, v. 15) la Fortune à vénérer le cardinal à l’égal d’un dieu (ueretur, v. 13 ; colit et summis numinis instar habet, v. 14). Ce triomphe s’accomplit sous la forme d’une reddition voire d’une donation, à la manière de celle de Constantin, puisque la Fortune apporte au cardinal le pouvoir pontifical, confisqué par ses ennemis (distulit).

La devise de Clément VII

34Mais on notera que l’expression candor illæsus apparaît dans le motto surmontant la gravure qui accompagne l’épigramme (Fig. 3). Elle apparaissait également au vers 8 du texte (ac tuus illæsus candor, ut ante, manet). Cette expression laconique est une référence à l’âme de la devise personnelle de Clément VII, inspirée précisément par la conjoncture difficile qu’a dû affronter le pape. L’expression partage le poème bocchien en deux parties égales et exhibe par là-même son rôle-clé pour l’interprétation. Comme le rappelle Paolo Giovio, la devise inventée par le trésorier Buoninsegni [51] pour Clément VII, vise à affirmer la constance d’une pureté morale face aux attaques ennemies [52]. Le corps de la devise se présente sous la forme suivante (Fig. 4) : une boule de cristal, posée sur un tronc d’arbre sectionné, reçoit les rayons du soleil et les réfracte sur un arbre du côté opposé, dont le bois s’enflamme aussitôt, tandis que l’âme de la devise, candor illæsus, s’inscrit sur une bannière qui enlace le tronc supportant la boule de cristal. Cette devise est une synthèse de motifs plus anciens, comme le broncone de Laurent le Magnifique et la palla des Médicis [53]. Elle reflète en outre les spéculations physiciennes de Buoninsegni [54]. Mais son intérêt est triple, comme le rappelle A. Chastel qui rapproche ce processus des schémas scientifiques de Léonard [55] : elle montre que le verre reste intact, que les rameaux de l’arbre, atteints par les rayons diffractés s’enflamment et se consument en brandons, que la couleur blanche de la bannière reste immuable. Il faut également préciser que la boule évoque sans ambiguïté le symbole papal du globus mundi, emblème d’une domination spirituelle sans partage sur l’ensemble des terres. L’opposition entre le blanc et le bois enflammé est encore plus appuyée dans la célèbre réalisation de cette devise par l’école de Giulio Romano, dans la Salle de Constantin au Vatican, « devise de Clément VII écrite, sculptée et peinte par les Arts ». En effet, l’arbre sur lequel viennent se concentrer les rayons réfractés par la boule de cristal est celui-là même autour duquel vient s’enrouler la bannière sur laquelle l’allégorie ailée de la Peinture rédige, à l’aide d’une plume, le motto encore inachevé : le bois touché prend aussitôt feu, tandis que le tissu immaculé, juste au-dessous, demeure sans dommage malgré les rayons qui le frappent. Dans le texte de Bocchi, un certain nombre de caractéristiques visuelles du corps de la devise de Clément VII se retrouvent mais organisées différemment. Ainsi, l’éclat de la boule de cristal qui diffracte les rayons solaires se voit remplacé ici par l’éclat de l’astre de Vénus qui annonce le lever du jour. Le candor n’est plus matérialisé par la bannière immaculée qui reçoit le motto de la devise mais par l’astre lui-même. Mais l’arbre consumé de la devise originelle et ses brandons calcinés trouvent leur réplique dans les extinctae faces que tient Liuor. Nous reviendrons un peu plus loin sur la composition de la gravure de l’emblème, qui suit elleaussi un parcours autonome, ne reprenant pas tous les éléments de l’épigramme, et qui ne s’inspire que de loin du corps de la devise de Clément VII, tel qu’on le trouve réalisé chez Giovio ou au Vatican.

Alciat et Cicéron

35La vision de Fortune qui se soumet aux ordres de la Vertu (iussu Virtutis) à la fin de l’épigramme de Bocchi, est inspirée par une formule que l’on trouve dans la correspondance de Cicéron sous la forme duce uirtute, fortuna comite. Dans une lettre adressée à Plancus, consul désigné, Cicéron explique que la uirtus (la qualité du uir, du « héros », par figure étymologique) est un mélange de talent (ingenium) et d’énergie poussant à l’action et au travail (industria) :

Fig. 3

Achille Bocchi, Symbolicarum Quaestionum… libri quinque

Fig. 3

Achille Bocchi, Symbolicarum Quaestionum… libri quinque

(Bologne, Academia Bocchiana, 1555, Symb. 109 [111])
Fig. 4

Paolo Giovio, Dialogo dell’imprese militari e amorose

Fig. 4

Paolo Giovio, Dialogo dell’imprese militari e amorose

(Rome, 1555, Devise de Clément VII)

36

Omnia summa consecutus es uirtute duce, comite fortuna, eaque es adeptus adolescens multis inuidentibus, quos ingenio industriaque fregisti.[56]

37

Tu as obtenu les plus hautes distinctions, sous la conduite de la vertu, avec la fortune pour compagne, et tu les as acquises dans ta jeunesse, suscitant la haine de nombreuses personnes, que tu as brisées par ton intelligence et ton énergie.

38Rappelons que la phrase, reprise par Érasme sous forme d’adage [57], inspira également Jason de Mayne, illustre jurisconsulte et maître d’Alciat, qui voulut faire figurer sur le portail de son palazzo la devise uirtuti fortuna comes, « Fortune est compagne de Vertu », voulant montrer que son talent intellectuel l’avait haussé à une excellente situation, alliant gloire et prospérité, comme l’explique Paolo Giovio qui voit pourtant là une devise insatisfaisante car privée de corps [58]. Alciat luimême reprit le Virtuti fortuna comes pour motto d’un de ses emblèmes, dont l’épigramme décrivait et interprétait justement sa propre devise — sans âme, rappelle Giovio [59] —, où l’on voyait, entre deux cornes d’abondance se dresser un caducée muni de deux ailes autour duquel s’enroulaient deux serpents. Les deux cornes d’abondance symbolisent la prospérité (en particulier financière) qui vient récompenser les serviteurs du logos, conçu dans son antique et cicéronienne unité entre sagesse et éloquence (Pollentes sic mente uiros fandique peritos) [60].

39Toutefois, c’est moins Alciat que Cicéron qui inspire ici Bocchi. On voit bien comment, au doublet Virtus/ Fortuna, le texte de Cicéron adjoint, en la suggérant, la présence d’une troisième personnification allégorique, Inuidia (multis inuidentibus), qui contribue à la visualisation claire d’un contexte politique, parfaitement transposable au cas du futur Clément VII. Or cette allégorie si importante disparaît dans la gravure, presqu’entièrement organisée sur une rhétorique épidictique.

Les choix encomiastiques de la gravure

40Sur la gravure, Pallas, incarnation de la Virtus, casquée, cuirassée, portant égide et lance, désigne du doigt le futur Clément VII assis à sa droite. Ce doigt pointé, appuyé par le regard, est la traduction iconique du mot iussu, pour que la Fortune remette au souverain la tiare pontificale qu’elle tient de la main droite. La Fortune est parfaitement reconnaissable à ses ailes, au globe qui roule sous son pied et au gouvernail qu’elle tient de l’autre main. Le futur Clément VII exhibe de la main droite une sphère de cristal, entourée d’un halo lumineux. Ce globe est le seul résidu, dans la gravure bocchienne, de la devise authentique inventée pour le futur pape. Le rayonnement qui émane spontanément de la sphère lui donne l’apparence d’un astre, mentionné dans l’épigramme. L’objet n’est pas l’instrument d’une expérience scientifique, brillant d’une clarté empruntée au soleil, mais bel et bien le symbole stellaire de la pureté d’âme du cardinal qui justifie le geste de désignation de Pallas récompensant ainsi la vertu.

41La gravure est, en fait, structurée autour d’un motif récurrent, la boule. Celle-ci est présente sous le pied de la Fortune et dans la main de Jules de Médicis, par référence, nous l’avons dit, à sa devise et à son accession au pontificat. Mais on la retrouve aussi dans son blason de Cardinal suspendu au plafond, où figurent les six palle d’or des Médicis. Les trois objets, outre leur configuration semblable, se trouvent en fait reliés entre eux par de subtils liens de pouvoir et de soumission. Entre la palla de la Fortune, la palla de cristal tenue par Jules de Médicis et les palle des Médicis se tient précisément Palla-s, qui soumet la Fortune au cardinal et… à sa famille. Rappelons que Pallas, dans tout le recueil bocchien, est l’incarnation de la Virtus, c’est-à-dire de l’action droite réglé sur les injonctions de la raison, de la Mens. La gravure a choisi de ne pas évoquer le triomphe de Virtus sur Inuidia mais de Virtus sur Fortuna.

42La réalisation la plus célèbre de la devise de Clément VII, nous l’avons dit, se trouvait dans la Chambre de Constantin au Vatican, peinte par l’atelier de Giulio Romano entre la fin de 1523 et l’automne 1525. On la voyait en frise au-dessus du Baptême de Constantin, jointe au Semper, l’une des devises de Léon X. Mais on la retrouvait aussi, seule, au-dessus de la Donation de Constantin, dans sa version « sculptée et peinte par les arts » [61]. Le programme raphaëlesque avait, en effet, pour objectif de désigner, à travers les figures antiques, les acteurs de la vie politique contemporaine [62], et tentait de montrer la soumission du pouvoir militaire au pouvoir spirituel. À l’époque, on lisait cette peinture comme une admonestation à Charles Quint de se soumettre à l’Église et, en particulier, au pape Clément VII. La gravure de Bonasone reproduit à sa manière cette association idéologique entre la boule de cristal et l’idée de donation. Ici, ce n’est point Constantin qui vient remettre la ville à l’évêque de Rome. C’est la Fortune, aux ordres de Pallas en armure, qui apporte au cardinal la tiare pontificale, légitimation officielle du pouvoir spirituel qu’il tient déjà dans ses mains, sous la forme de la boule scintillante. Cette correspondance entre la gravure et le programme iconographique de Rome ne saurait être le fruit du hasard.

43D’autre part, si l’épigramme célèbre visiblement l’accession au trône pontifical du cardinal Jules de Médicis, c’est-à-dire en 1523, un fait atteste que la gravure, elle, n’a pu être exécutée qu’après 1527, date du sac de Rome : Bonasone a représenté Clément VII portant la barbe. Au début du xvie siècle, cet ornement, considéré comme inconvenant pour tout membre du haut-clergé, rappelait l’ermite ou l’Oriental, et le choix de Jules II de se faire représenter avec la barbe par Raphaël prenait alors une dimension symbolique de protestation personnelle contre les événements contemporains, c’est-à-dire l’invasion de l’Italie de 1510 à 1512 [63]. Imitant Jules II, Clément VII rompait délibérément avec l’ordonnance d’Adrien VI, qui interdisait aux ecclésiastiques le port de la barbe, réservé aux soldats, et il affichait ainsi son deuil, après le sac de Rome de 1527. Il est d’ailleurs approuvé par Valeriano qui, dans un pamphlet intitulé Pro sacerdotum barbis de 1531, justifie le poil comme un signe de sérieux, de dignité et de moralité et renvoie aux portraits publics de Jules II et aux monnaies de Clément, où tous deux portent la barbe [64]. Un portrait de Clément VII, peint par Sebastiano del Piombo en 1532 et conservé à la Pinacothèque de Parme, représente le pape avec une longue barbe, que le prélat arbore également sur une gravure sur cuivre de 1530, réalisée par Nicolas Hogenberg pour célébrer la procession triomphale qui fait suite au couronnement de Charles Quint à Bologne [65]. Enfin, un portrait de Giorgio Vasari, exécuté aux alentours de 1560 et conservé dans la salle de Clément VII au Palazzo Vecchio de Florence, nous montre le pape doté d’une barbe, siégeant aux côtés de Charles Quint. Ce détail de la gravure de l’emblème réalisée par Bonasone permet d’ailleurs de comprendre que l’épigramme, qui mentionne que le Cardinal de Médicis postea fuit Clemens VII, pouvait se lire également à la lueur des événements de 1527, comme une sorte de message de réconfort et de célébration adressé au Pape. Malgré le triomphe militaire de ses ennemis, Clément VII retrouve, par sa vertu, le pouvoir spirituel que lui avaient retiré les vicissitudes de la fortune. Celle-ci, à nouveau soumise, devient une Dikè Némésis, qui rend à chacun ce é qui lui revient selon son mérite.

Conclusion

44L’intérêt pour les armes et les blasons, ainsi que l’utilisation des imprese répondent, dans les emblèmes de Bocchi, comme dans ceux d’Alciat, à plusieurs motivations. Ils sont tout d’abord de précieux réservoirs de symboles pour l’invention emblématique, au même titre que les ouvrages antiques ou les vestiges archéologiques, à la lueur desquels ils sont lus, interprétés, voire reconfigurés. On peut constater effectivement que l’examen du matériel héraldique dans l’emblème bocchien est systématiquement allégorique. De plus, l’écu et les signes para-héraldiques, comme l’impresa, se prêtent particulièrement bien, du fait de leur complexité et leur enchevêtrement de res et de uerba, à une approche « hiéroglyphique » qui obéit à une syntaxe précise : l’emblème, à la fois lisible et visible, marque bien la circulation du sens et les liens tissés entre les éléments signifiants. Bocchi s’autorise d’ailleurs le droit à la citation infidèle et à l’imitation créative, en remaniant et en retouchant des armes et devises préexistantes : l’attention et la culture du lecteur sont alors sollicitées. Mais plus encore que l’originalité des symboles employés et des concepts qui leur sont attachés, c’est l’art de la citation et du réemploi d’objets et de formules topiques dans un contexte neuf ou personnalisé, c’est-à-dire le processus de dispositio plus que d’inuentio, qui paraît ici privilégié. D’où, nous semble-t-il, le caractère déceptif et parfois stérile de nombre d’études sur la devise qui tentent de clarifier uniquement sur un plan théorique, formel et hors contexte les mécanismes à l’œuvre. Or on le voit à travers les exemples que nous avons étudiés : c’est précisément en contexte qu’armes et devises prennent un sens spécifique.

45On remarquera enfin que, là où Alciat préférait l’efficacité laconique des badges, plus facilement reproductibles sur les objets et vêtements, Bocchi préfère les grandes compositions allégoriques et la rhétorique monumentale, plus propres à la décoration de palais. L’amitié qui attache cet auteur à la curie du Vatican ou au siège d’illustres académies permet d’expliquer ce penchant pour la peinture pariétale.

46Mais quel énoncé produisent ces signes unis entre eux et quelles sont les clés pour les lire ? Comme l’exige la pratique de l’allégorie et de l’hyponoia, la figure iconique et sa description sont reliées certes, à un contenu noétique abstrait, de nature philosophique, éthique ou religieuse. Mais l’intérêt des armes et des devises, c’est qu’elles gravitent toujours autour d’une personnalité et qu’elles rattachent donc la généralité des figures et les dogmes abstraits qu’elles cryptent à la chair d’un destin privé et aux aléas de la biographie. La présence, parfois explicitement mentionnée par l’emblème d’un dédicataire ou d’un porteur, s’avère donc précieuse pour l’exégète confronté à l’ambiguïté et à l’arbitraire constitutif de ce langage des symboles. Il pourra ainsi pénétrer dans les implicites culturels et les allusions historiques tacites qui motivent l’association entre un signe, un sens et un individu, autant de données qui, par définition, ne sont pas restitués par l’œuvre littéraire. Car si la référence aux auteurs et aux savoirs anciens permet de décoder l’essentiel des significations dissimulées derrière les figures iconiques, l’ombre du destinataire est la seule donnée qui puisse faire du symbole autre chose qu’un matériau exhumé et mort, et distinguer la création emblématique de la pure enquête archéologique et de la dévotion passéiste, bien étrangère aux humanistes de la Renaissance : elle assure la reviviscence de l’Antique.

Notes

  • [1]
    Michel Pastoureau rappelle que, contrairement à certaines positions scientifiques qui ont été tenues avec plus ou moins de succès dès le xvie siècle, l’origine des armoiries n’est pas à chercher dans l’Antiquité, malgré l’exemple fameux des boucliers des Sept contre Thèbes d’Eschyle. Voir M. Pastoureau, « L’apparition des armoiries en Occident : état du problème », Bibliothèque de l’École des Chartes, 134, 1976, p. 281-300, en particulier p. 283 et 287.
  • [2]
    Sur tous ces aspects, voir M. Pastoureau, Figures et couleurs : étude sur la symbolique et la sensibilité médiévales, Paris, 1986, en particulier « L’image héraldique », p. 115-123 et « Arma senescunt, insignia florescunt. Note sur les origines de l’emblème », p. 125-132. Sur les codes héraldiques, voir T. Woodcock et J.-M. Robinson, The Oxford Guide to Heraldry, Oxford, 1990, M. Pastoureau, Les Armoiries, Turnhout et Louvain, 1976 et Traité d’Héraldique, Paris, 1993.
  • [3]
    Voir G.-J. Brault, Early Blazon. Heraldic Terminology in the Twelfth and Thirteenth Centuries with Special Reference to Arthurian Literature, Oxford, 1972, p. 169-70 ; K. Lipincott, « The Genesis and Signifiance of the Italian Impresa », in Chivalry in the Renaissance, S. Anglo (éd.), Woodbridge, 1990, p. 49-76. Voir aussi M. Pastoureau, « L’apparition des armoiries… », art. cité, p. 286 ; Armorial des chevaliers de la Table Ronde, Paris, 1983 ; « L’héraldique imaginaire », Perspectives médiévales, 10, 1984 et « Les armoiries littéraires, de Chrétien de Troyes à Balzac », in Figures de l’héraldique, Paris, Gallimard, 1996, p. 87-8. Pour des exemples d’amoiries imaginaires voir C.-F. Ménestrier, Le véritable art du blason et l’origine des armoiries, Paris, 1671.
  • [4]
    Voir A.-J. Greimas, Dictionnaire de l’ancien français : le Moyen Âge, Paris, Larousse, 1994 (1re éd. 1979), p. 177-178, s.v. Deviser. Voir aussi Daniel Russell, The Emblem and Device in France, Lexington, KY, 1985, p. 34-35 et K. Lipincott, « The Genesis and Signifiance… », art. cité, p. 51-52.
  • [5]
    Sur cet aspect, voir K. Lipincott, « The Genesis and Signifiance… », art. cité, p. 61-63. Kirsten Lipincott souligne en particuler que l’impresa italienne, si elle est bien importée de France, en particulier des cours d’Anjou, de Bourgogne ou de Provence, est antérieure aux invasions italiennes de Charles VIII et Louis XII.
  • [6]
    Voir M. Pastoureau, « Arma senescunt, insignia florescunt… », art. cité, p. 127-129.
  • [7]
    Voir les études de Robert Klein, « La théorie de l’expression figurée dans les traités italiens sur les Imprese, 1555-1562 », dans La forme et l’intelligible, écrits sur la Renaissance et l’art moderne, Paris, Gallimard, 1970, p. 125-150 ; Armando Maggi, Identità e impresa rinascimentale, Ravenne, 1998 et Dorigen Caldwell, « Studies in the Sixteenth-Century Italian Impresa », Emblematica, 11, 2001.
  • [8]
    Encore que Paolo Giovio, le premier théoricien de la devise, dans son ouvrage Dialogo dell’imprese militari e amorose (1551), accorde qu’il existe des devises sans corps ou sans âme.
  • [9]
    Pour une étude plus complète de ses deux termes et l’évolution de leur signification dans les traités consacrés à la devise, voir Donato Mansueto, « The Impossible Proportion : Body and Soul in Some Theories of the Impresa », Emblematica, 11, 2001, p. 5-29.
  • [10]
    Voir le De Re aedificatoria libri decem, 8, 4.
  • [11]
    Le manuscrit d’Andros, découvert en 1519 par Cristoforo Buondelmonti, n’est édité en grec qu’en 1505 par Alde Manuce. Néanmoins, des copies manuscrites circulent pendant le xve siècle.
  • [12]
    Alberti au contraire, dans le passage cité du De re aedificatoria, en célèbre l’évidence et la possibilité de devenir un langage universel pour les lettrés et de fournir des inscriptions idéales pouvant être lues à toute époque.
  • [13]
    Voir l’article fondateur de G. Pozzi, « Les hiéroglyphes de l’Hypnerotomachia Poliphili », in L’Emblème à la Renaissance, textes recueillis par Y. Giraud, Paris, Sedes, 1982, p. 15-27.
  • [14]
    Sur l’origine de l’emblème, voir D. Drysdall, « Préhistoire de l’emblème : commentaires et emplois du terme avant Alciat », Nouvelle Revue du Seizième siècle, 1988, 6, p. 29-44. Sur l’usage alciatique de ce terme pour désigner exclusivement des pièces poétiques, voir H. Miedema, « The term emblema in Alciati », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 1968, 31, p. 234-250, C. Balavoine, « Les Emblèmes d’Alciat : sens et contresens », in L’Emblème à la Renaissance, éd. citée, p. 49-59. Les hypothèses de P. Laurens et F. Vuilleumier sur la nature pré-emblématique des Antiquités Milanaises et leur influence directe sur la genèse formelle du recueil (« De l’archéologie à l’emblème : la genèse du Liber Alciati », Revue de l’Art, 101, 1993, p. 86-95) n’ont pas convaincu H. Miedema, « Alciati’s Emblema Once again », Emblematica, 7, 2, 1993.
  • [15]
    Voir E. Klecker dans ce volume. Ce fait a déjà été souligné par C. Balavoine, « Le modèle hiéroglyphique », in Le Modèle à la Renaissance, J. Lafond (éd.), Paris, Vrin, 1986, p. 221.
  • [16]
    Voir la dédicace des Emblèmes à Conrad Peutinger dans l’édition d’Heinrich Steyner de 1531 à Augsburg. Sur ce texte, voir C. Balavoine, « Archéologie de l’emblème littéraire : la dédicace à Conrad Peutinger des Emblemata d’André Alciat », in Emblèmes et devises au temps de la Renaissance, op. cit., p. 9-21.
  • [17]
    Sur ce recueil, voir Elizabeth See Watson, Achille Bocchi and the Emblem Book as Symbolic Form, Cambridge University Press, 1993 et Anne Rolet, Les Symbolicæ Quæstiones d’Achille Bocchi (1555) : recherche sur les modèles littéraires, philosophiques et spirituels d’un recueil d’emblèmes à l’époque de la Réforme (édition, traduction et étude d’ensemble), thèse de doctorat de l’Université de Tours et du Centre d’Études Supérieures de la Renaissance, 1998, 4 vol., 1440 p. (à paraître chez Brépols).
  • [18]
    A. Bocchii, Symbolicarum Quaestionum libri quinque…, Bononiae, ex Academia Bocchiana, 1555, Symb. 5.
  • [19]
    Susceptibles d’ailleurs de recevoir des armoiries.
  • [20]
    Ce titre purement honorifique pouvait être décerné par l’Empereur ou le Pape aux universitaires, pour célébrer une grande occasion, par exemple lors du sacre de Charles Quint par Clément VII en 1530. Voir Anne Rolet, « Achille Bocchi’s Symbolicae Quaestiones (1555) » in Mundus emblematicus, Studies in Neo-Latin Emblem Books, Karl Enenkel et Arnoud Visser, Brepols (éd.), Imago Figurata, t. 4, 2003, p. 101-130, en particulier p. 103-104, note 23.
  • [21]
    Alciat, Emblemata, n° 1, Super insigni Ducatus Mediolanensis, Lyon, Bonhomme, 1551, p. 9.
  • [22]
    Virgile, Énéide, 7, 785.
  • [23]
    Voir par exemple Lucrèce, 6, 205 : color aureus ignis et Ovide, Mét., 13, 587 : aureus ether.
  • [24]
    Cicéron, Pro Murena, 3 : Et primum M. Catoni uitam ad certam rationis normam dirigenti […] respondebo.
  • [25]
    Sur la question de la religion de Bocchi et son influence sur le recueil, voir le volume IV de notre thèse, « Elaboration et cryptage d’un programme religieux d’inspiration réformée ». Voir aussi les études pionnières de A. Rotondò, « Per la storia dell’eresia a Bologna nel secolo XVI », Rinascimento, 1962, p 107-136, C. Ginzburg, Il Nicodemismo : Simulazione et dissimulazione religiosa nell’Europa del’ 500, Turin, 1970, p. 179-181 ; D. Cantimori, « Aspetti della propaganda religiosa nell’Europa del Cinquecento », Umanesimo e religione nel Rinascimento, Turin, 1975, p. 175-178 ; M. Tafuri, Venezia e il Rinascimento : Religione, scienza, archittetura, Turin, 1985 ; p. 97-101. Plus récemment, on peut se rapporter aux pages éclairantes de G. Dall’Ollio, Eretici e Inquisitori nella Bologna del Cinquecento, Bologne, 1999, p. 130-131 et A. Prosperi, L’eresia del Libro Grande : storia di Giorgio Siculo e della sua setta, Milan, 2001,p. 135-136.
  • [26]
    Francesco Colonna, Hypnerotomachia Poliphili, Venise, Alde, 1499, M. Ariani et M. Gabriele (éd.), Milan, Adelphi, 1998. Ce rapprochement m’avait été suggéré par Claudie Balavoine lors de ma soutenance de thèse.
  • [27]
    P. Valeriano, Hieroglyphica, Bâle, Isingrin 1556.
  • [28]
    Platon, Phédon.
  • [29]
    Horace, Odes, 4, 1.
  • [30]
    Diogène Laërce, Vies des philosophes : Socrate.
  • [31]
    Alciat, Emblemata, Lyon, Bonhomme, 1551, n° 183, p. 197, v. 4 : doctaque sustineat stemmata pulcher olor. « Et que le cygne splendide supporte les armes savantes. »
  • [32]
    Voir infra. N
  • [33]
    Achille Bocchi, Symbolicae Quaestiones, éd. citée, Symb. 120 [en réalité n° 122, suite à une numérotation fautive en série dans cette édition à partir du Symb. 60].
  • [34]
    E. Watson, Achille Bocchi…, op. cit., p. 108.
  • [35]
    Sur Sebastiano Corrado, qui occupa la chaire ad studia humanitatis au Studio de Bologne entre 1545 et 1556, date de sa mort, voir G. Zaccagnini, Storia dello Studio di Bologna durante il Rinascimento, Genève, 1930, p. 284-285. F.R. De’Angelis, s.v. « Corradi, Sebastiano », in DBI, t. 19, p. 322-323 ; S. Pagliani, Nella Commemorazione del IV centenario del cardinale S. Pighino et del Sebastiano Corrado. Cenni storici, Reggio Emilia, 1905.
  • [36]
    Cette interprétation du pélican comme symbole de la prudentia se retrouve dans le Symb. 131 [= 129 dans l’édition de 1555] dédié au Cardinal d’Augsbourg, Othon. Ce symbolon joue sur le blason du prélat, tenu par deux allégories féminines, Prudentia (reconnaissable au serpent et (au miroir) et Benignitas, deux vertus que Bocchi associe d’après les moeurs du pélican : l’oiseau avale les coquillages puis les régurgite pour mieux les ouvrir (voir Cicéron, De Natura deorum, 2, 124, Aristote, Histoire des animaux, 9, 10 et Pline, 10, 115). L’oiseau figure ainsi le sage qui, de la bêtise du peuple, restitue la sagesse (prudentia) ; il fait revenir ses petits à la vie en s’ouvrant la poitrine, donc en s’écorchant le cœur, et en les aspergeant de son sang, devenant l’image christique de la charitas ou benignitas.
  • [37]
    Notez les réminiscences probables de Cicéron, De Diuinatione, 1, 119 à propos des présages entourant la mort de César.
  • [38]
    L’exemple est rapporté par Alessandro d’Alessandri, qui confond lui aussi Hermocratès et Hermocharès dans ses Genialium dierum libri sex, Paris, 1532, V, 25. Le fondateur de la ville est en réalité Hermocharès, comme le rappelle Étienne de Byzance, Ethica (epitome), s.v. Kardia, A. Meineke (éd.), Berlin, Reiner, 1849 (reprint 1958), p. 358 (nous traduisons) : « Kardia : ville de Chersonnèse de Thrace. Alors que son fondateur, Hermocharès, accomplissait un sacrifice, un corbeau arracha le cœur de la victime et prit son envol pour le déposer précisément à cet endroit, qui porte aujourd’hui son nom. »
  • [39]
    Voir E. Watson, Achille Bocchi…, op. cit., p. 108 et A. Angelini, Simboli et Questioni L’eterodossia culturale di Achille bocchi e dell’ Hermathena, Bologne, Pendragon, 2003, p. 160-161.
  • [40]
    Peut-être faut-il voir une allusion supplémentaire au cœur dans le mot cor-uus.
  • [41]
    Voir par exemple Cicéron, De natura deorum, 3, 14 ; De diuinatione, 1, 12 ; Virgile, Bucoliques, 9, 15, etc.
  • [42]
    Cicéron, Tusculanes, 3, 63 ; Ovide, Mét. 7, 274 ; Martial, 10, 67, 5.
  • [43]
    Sur cette institution et l’emblème qui lui est consacré, voir A. Rolet, « L’Accademia Bocchiana ou l’idée de la parfaite académie », Actes du colloque Les Académies françaises et italiennes de la Renaissance : idéaux et pratiques, P. Galand-Hallyn, J. Vignes, M. Deramaix, G. Vagenheim (dir.), Paris, 21-24 juin 2003 (à paraître chez Droz en 2007).
  • [44]
    Voir Actes de Apôtres, 1, 24 et 15, 8 ; voir aussi Clément d’Alexandrie, Stromates, 2, 13, 56.
  • [45]
    Voir notre thèse de doctorat, op. cit., vol. IV, p. 1207-1242 ; voir aussi Anne Rolet, « Achille Bocchi’s Symbolicae Quaestiones… », art. cité, p. 123-129 et nos articles à paraître : « Aspects de l’évangélisme d’Achille Bocchi, entre mots et images : l’utilisation de deux gravures de Marcantonio Raimondi d’après Raphaël dans les Symbolicae Quaestiones (1555) », Emblemata Sacra Conference : Rhetoric and Hermeneutics in Illustrated Religious Literature, Ralph Dekoninck et Agnès Guiderdoni-Bruslé (dir.), Université Catholique de Louvain, 27-29 janvier 2005 (sous presse) et « L’Énigme du Mercure à la Ménorah d’Achille Bocchi : syncrétisme philosophique et pluralité confessionnelle », Colloque L’Énigmatique à la Renaissance, organisé par l’Association « Renaissance, Humanisme, Réforme » sous la direction d’Alain Tournon, Lyon, septembre 2005.
  • [46]
    Sur le lien de Corrado avec les cercles réformés, voir E. Watson, Achille Bocchi…, op. cit, p. 177, n. 59.
  • [47]
    Pour d’autres études de devises chez Bocchi, voir nos articles « L’Academia Bocchiana ou l’idée de la parfaite académie », art. cité, et « Une lecture humaniste de quelques exempla historiques antiques : variations emblématiques autour de la iustitia principis dans les Symbolicæ Quæstiones d’Achille Bocchi (1555) », Actes du colloque Les représentations de l’Histoire : récit(s) et idéologie, Nantes, octobre 2001, G. Lachenaud et D. Longrée (éd.), Rennes, PUR, 2003, vol. 2, p. 173-201.
  • [48]
    C’est-à-dire Vénus, étoile du matin.
  • [49]
    Achille Bocchi, Symbolicarum Quaestionum…, éd. citée, Symb. 109 [= 111].
  • [50]
    Voir J. Hook, « Clement VII, the Colonna and Charles V », European Studies Review, 1972. Le point culminant de cette hostilité se situera en 1527, lorsque les Colonna enverront des troupes piller le Vatican.
  • [51]
    Voir M. Luzzati, « Domenico Buoninsegni », DBI, 15, p. 252-254.
  • [52]
    Paolo Giovio, Dialogo dell’imprese militari e amorose, Maria Luisa Doglio (éd.), Rome, Bulzoni, 1978, p. 66 (nous traduisons) : « Le pape Clément VII, voulant montrer au monde que la pureté de son âme ne pouvait être offensée ni par les méchantes gens ni par la force, se servit de cette devise au moment où ses ennemis, du temps du pape Adrien, fomentaient une conjuration pour lui ôter la vie et sa situation, mais ils n’eurent pas l’heur de pouvoir mener à bien leur projet. » Voir aussi le tétrastique moral dans Le sententiose imprese di Mgr. Paulo Giovio et del Signor Gabriel Symeoni, ridotte in rima per il detto Symeoni, Lyon, 1561, p. 57 et Capaccio, Delle Imprese, Naples, 1592, I, viii, p. 21.
  • [53]
    Voir André Chastel, Le sac de Rome, 1527, Paris, Gallimard, 1984, p. 206-210 et M. Perry, « Candor illæsus : The “Impresa ” of Clement VII and other Medici Devices in the Vatican Stanze », in The Burlingon Magazine, oct. 1977, p. 676-686, et en particulier p. 683-684.
  • [54]
    P. Giovio, Dialogo dell’imprese…, éd. citée, p. 66.
  • [55]
    A. Chastel, Le sac de Rome, op. cit., p. 207.
  • [56]
    Cicéron, Ad fam., 10, 3.
  • [57]
    Erasme, Adagia, 4, 10, 47 : Virtute duce, comite fortuna.
  • [58]
    P. Giovio, Dialogo dell’imprese…, éd. citée, p. 40-41.
  • [59]
    Ibid., p. 140.
  • [60]
    Voir A. Alciat, Emblemata, n° 118, Virtuti Fortuna comes, 1551, Lyon, Bonhomme, p. 130 : Anguibus implicitis, geminis caduceus alis / Inter Amalthaeae cornua rectus adest./ Pollentes sic mente uiros fandique peritos/ Indicat ut rerum copia multa beet. « Accompagné de serpents enlacés, le caducée aux ailes géminées se dresse entre les cornes d’Amalthée. Il montre que les hommes qui se distinguent par leur intelligence et se montrent doués pour l’éloquence connaissent le bonheur d’une abondance généreuse de biens. »
  • [61]
    Sur l’importance de cette alliance, qui célèbre le rôle important de mécène joué par Clément VII après l’intermède culturellement stérile d’Adrien VI, voir A. Chastel, Le sac de Rome, p. 208-209.
  • [62]
    Sur le cryptage iconographique des prétentions pontificales sur l’Empereur et sur Rome réalisé par les fresques vaticanes, ibid., p. 82-83.
  • [63]
    Voir J.M. Zucker, « Raphael and the Beard of Pope Julius II », The Art Bulletin, LIX, déc. 1977, p. 524 et suiv.En ligne
  • [64]
    Voir A. Chastel, Le sac de Rome, op. cit., p. 262.
  • [65]
    Voir Il trionfo di Carlo V, 1530 : storia di stampe ducali dal ritrovemento al restauro, Catalogue de l’exposition du 27 juillet au 31 août 1991, Salle du Trône, Palazzo Ducale à Urbania, sous la direction de F. Paoli, Urbania, 1991.
English

Seeking the Origins of Emblems: Coats of Arms and Devices

Abstract

Close readings of three of Bocchi’s emblems show their inspiration in mottoes and coats of arms, which reminds us of the personal nature of the genre, a recognition necessary to interpretation, especially inasmuch as so many are dedicated.

Anne Rolet
Université de Nantes
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2010
https://doi.org/10.3917/litt.145.0053
Pour citer cet article
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