En 1956, j’ai vu le jour dans une famille de colons implantée à la Martinique depuis la fin du xviie siècle. A cette époque, la Martinique connaissait une situation postcoloniale.
Jusqu’à la fin des années 60, il était fréquent de voir dans les campagnes des familles vivant dans des cases rudimentaires « en bois ti’baum », avec un sol en terre battue, une simple lampe à pétrole pour s’éclairer et une vieille bonbonne ayant déjà servi à l’importation de diverses marchandises en guise de système d’eau courante.
Il n’était pas rare de croiser sur les routes des marchandes portant en équilibre sur leur tête des trays (plateaux) contenant leur charge de produits, accompagnées par leurs enfants aux pieds nus, ou de rencontrer des personnes atteintes d’éléphantiasis dont les jambes étaient hideusement déformées.
Au détour d’une rivière, on pouvait encore voir quantité de vêtements séchant sur de grosses pierres rondes ou simplement étalés sur les buissons proches, tandis que nombre de mères, actives et penchées sur leur tâche, battaient et brossaient le linge dans l’eau. Pour un peu, dans ces moments suspendus, il semblait que le monde rural s’étalait en couleurs, en chants et en jeux, en donnant l’apparence de la quiétude.
Les rares publicités vantaient alors les produits de beauté destinés aux Blancs et les catalogues de vente par correspondance incitaient à l’achat de produits inadaptés à nos régions…
La société d’Habitation vivait ses derniers soubresauts structurels…