Article
Le texte qu’on va lire est constitué d’extraits des sous-titres de mon film Tsahal (1994). Le film dure cinq heures, la deuxième partie tout entière est consacrée aux problèmes posés alors à Israël par l’occupation et par la critique qu’en font eux-mêmes, lucidement, les Israéliens.
CLAUDE LANZMANN — Quel est ce sentiment ?
AVI YAFFE (Sergent) — La peur ? Vos genoux sont faibles. Difficile de tenir debout. Vous avez des « papillons » dans le ventre.
C. L. — Des papillons…
A. Y. — Sueur froide. Et bien des choses qui ne s’expliquent pas. Vos mains tremblent. Mais ça passe. Chacun… Comment dire ? Chacun réagit différemment. Pour certains, ça dure trente secondes, pour d’autres, plusieurs minutes, d’autres en ont pour la vie. La peur est naturelle.
C. L. — La peur de la mort.
A. Y. — La peur de la mort, oui. Les gens ne veulent pas mourir. Même ceux qui disent s’en moquer. Il y a ce vouloir vivre.
C. L. — Personne ne veut mourir.
A. Y. — Personne.
YUVAL NERIA (Lieutenant-colonel, réserve) — Je ne pensais pas tellement à ma vie. Survivre n’était pas si important. Soudain, je me suis retrouvé vivant et c’était une surprise. L’idée de vivre, non de mourir, n’a rien de naturel après une guerre comme Yom Kippour. Il faut décider de vivre. C’est un effort. J’ai de la chance parce que j’ai survécu, mais ce n’était pas vraiment une chance, car la plupart de mes amis, 90 %, et même plus, ont été tués. 90 %. Prenez notre bataillon, par exemple, sur le canal de Suez…
Plan
Auteur
- Mis en ligne sur Cairn.info le 04/03/2014
- https://doi.org/10.3917/ltm.651.0023
Veuillez patienter...