CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1L’expression « dynamique des groupes » est due à Kurt Lewin. À vrai dire, il ne vint au groupe que par sérendipité.

Sérendipité ou malentendu ?

2En effet, la première partie de sa carrière scientifique, près de vingt ans en Allemagne et de trois à quatre ans aux États-Unis au début des années 30, s’était focalisée sur l’approche expérimentale de la motivation aboutissant à sa théorie du champ (son leit motiv berlinois) et à une tentative de formalisation « topologique ». Pour les anglophones, elle se résuma, outre quelques articles confirmatifs, à deux ouvrages : A Dynamic Theory of Personality (1935), collection d’articles traduits de l’allemand, et Principles of Topological Psychology (1936), exposé de concepts clefs à un niveau d’abstraction élevé, écrit en allemand mais publié en anglais. Notons que beaucoup d’auteurs qui citent Lewin se réfèrent à ces seuls ouvrages qui n’ont pas grand chose à voir avec la dynamique des groupes.

3Le hasard veut que, nommé à l’Université de l’Iowa, il fit savoir être en quête d’un étudiant susceptible d’appliquer la théorie des groupes. Il s’agissait dans son esprit de cette théorie mathématique dite des « groupes », esquissée par Galois la nuit précédant sa mort, théorie qu’il voulait confronter à sa théorie du champ. Ron Lippitt, doctorant, diplômé en travail social, vint effectivement l’entretenir de groupes mais avec le souci d’analyser l’effet de modes différents de leadership sur un groupe d’adolescents. Lewin, intéressé, n’éclaira Lippitt de l’existence du malentendu initial que plusieurs mois après, alors qu’ils étaient engagés de concert dans le développement d’un projet original.

4C’est effectivement sous la direction de Lewin que Ron Lippitt, avec la collaboration ultérieure de White, entama et développa ce qui est parfois considéré comme la recherche expérimentale initiale en matière groupale. À vrai dire elle concernait les modes et les styles d’animation (leadership en anglais) dans le souci de privilégier une approche se voulant « démocratique ». Ron Lippitt (1981 ; p. 13) écrit à ce sujet :

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« Je crois qu’il est ici d’un intérêt capital, quand nous considérons l’interaction entre la longue histoire du travail social de groupe et la discipline sur le point de naître qui était alors la dynamique des groupes, de remarquer que la formation de base comme praticien du travail en groupe fut la condition nécessaire pour acquérir la maîtrise des talents permettant une intervention expérimentalement valide dans une expérimentation systématique portant sur le groupe. Historiquement nous pouvons dire que la dynamique des groupes est née avec cette expérimentation qui suscita l’intérêt de Kurt Lewin et libéra son énergie créative dans le sens d’une réflexion à propos des petits groupes comme objet d’intérêt théorique et expérimental ».

La seconde vie de Kurt Lewin

6Effectivement Lewin entama, à partir de là, un virage inopiné de son parcours scientifique en se recentrant sur le psychosocial. Les travaux ultérieurs de ses collaborateurs portèrent sur la décision de groupe, le moral des groupes et tutti quanti. Bien des études analogues (beaucoup non publiées : secret militaire !) furent des faits de guerre : la nécessité de recherches conduisant à un savoir actionnable permit, dans l’urgence, non seulement d’investiguer scientifiquement mais surtout d’agir sur les personnes de façon à les rendre socialement efficientes ou à tout le moins suffisamment efficaces.

7Tout comme la guerre de 14-18 permit le développement de la psychotechnique, la guerre de 40-45 révéla les psychologues sociaux. À l’O.S.S. (Office of Strategic Services) travaillèrent la plupart des psychologues sociaux et anthropologues culturels américains d’alors : citons notamment E. Ballachey, U. Bronfenbrenner, D. Krech, D. Fiske, J. Gardner, J. Getzels, J. Miller, O. Mowrer, H. Murray, Th. Newcomb, E. Tolman, et bien d’autres… Ils se trouvaient face à des problèmes de sélection, d’appropriation, de formation, la plupart nécessitant une résolution à très court terme.

8En Angleterre simultanément, Bion (qui psychanalysa Beckett…) instituait le « groupe sans leader » pour une sélection urgente, ab ovo, des futurs cadres d’une armée à construire. Aux États-Unis, pour ce faire, on utilisait également des groupes de faible dimension mais on privilégiait l’utilisation de ‘situations miniature’ susceptibles de faciliter un apprentissage rapide, et on mettait l’accent sur les jeux de rôle. Il semble bien qu’en ce qui concerne l’invention et la mise sur pied d’épreuves situationnelles, d’exercices structurés et de situations miniature, un rôle particulièrement important fut joué par H. Murray (l’homme du T.A.T.). Lewin travailla pour l’O.S.S., en fonction de conseiller, à des tâches restées largement confidentielles. Lippitt fut chargé d’une école d’entraînement à la guerre psychologique, branche Extrême-Orient.

9L’utilité des psychologues sociaux, agissant efficacement dans des situations réelles en temps de guerre, est apparue à ce point patente qu’on a offert à Lewin, de fonder au M.I.T. (une école d’ingénieurs, établissement élitiste s’il en est !!) un centre de recherche et de formation groupales conjuguées.

10Lors de cette seconde phase de son parcours scientifique, à Iowa City et pendant les années de guerre, Lewin s’est centré sur des problèmes sociaux effectifs, concrets et singuliers, de manière aussi rigoureuse que possible. Le fait d’approcher en priorité des groupes sociaux à dimension restreinte reposait pour lui sur des raisons de commodité scientifique, même si les préoccupations de Lewin concernaient avant tout la Société globale, ses formations sociales et le développement de l’esprit démocratique. C’est en ce sens que Lippitt qualifiait son maître : « a scientific citizen ». De tels travaux ont d’ailleurs témoigné de la possibilité de mener une psychologie sociale appliquée à des problèmes d’actualité et ce de manière scientifique.

11Cependant il concevait la science comme un univers de constructs, entendus comme des édifices conceptuels, des dispositifs structurés, circonscrivant des isolats abordables selon une méthode se voulant rigoureuse.

12En un premier temps, lorsque Kurt Lewin commença à s’intéresser aux groupes, il alla à contre-courant des bien-pensants de la communauté scientifique en développant le concept de « totalité dynamique » : nombreux étaient les psychologues d’alors qui niaient fermement l’existence ou à tout le moins la réalité des groupes. En expérimentant sur des groupes sociaux organisés, Lewin fit reprendre vie et réalité au concept de groupe et le rapprocha de son utilisation sociologique.

13La définition la plus précise qu’a élaborée Lewin du groupe se trouve à mon sens dans un article de 1940 (« The Background of Conflict in Marriage » republié par G. Weiss Lewin, 1948 ; p. 84) :

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« Il est de nos jours largement reconnu qu’un groupe est plus que, ou plus exactement, différent de la somme de ses membres. Il a sa propre structure, et des relations propres avec d’autres groupes. L’essence du groupe n’est pas la similarité ni la dissimilarité de ses membres, mais leur interdépendance. Chaque groupe peut être caractérisé comme une ‘totalité dynamique’ ; ceci signifie qu’un changement dans l’état d’une de ses sous-parties change l’état de n’importe quelle autre sous-partie. Le degré d’interdépendance des sous-parties de l’ensemble des membres du groupe varie le long d’un axe allant d’un amas flou (a loose mass) jusqu’à une unicité compacte. Ceci dépend, parmi d’autres facteurs, de la dimension, de l’organisation et de l’intimité du groupe ».

15On trouve chez Lewin, disséminées dans ses écrits, des considérations du type : on peut démontrer que le groupe a en soi quelque chose de plus que l’ensemble des individus ; l’unité d’un groupe peut être définie opérationnellement à partir de l’interdépendance de ses parties ; chaque totalité dynamique a des propriétés qui lui sont propres ; un tout peut être instable en dépit du fait que ses parties sont stables ; le groupe est une totalité dynamique… champ de forces au sein duquel se produisent des phénomènes différents de ceux de la psychologie individuelle.

16Ces propos, innovants pour l’époque, suscitèrent de fortes résistances dans le monde académique et scientifique des psychologues. Ces résistances auraient-elles disparu ? Je m’interroge…

17À titre exemplatif, rappelons l’insistance psychologi-sante de Berkowitz (1962, p. 167) :

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« Admettant tout cela, l’auteur que je suis est néanmoins enclin à souligner l’importance des considérations relatives aux individualités dans le champ des relations entre groupes.
Les échanges entre groupes se réduisent en fin de compte à un problème de psychologie de l’individu. Ce sont des individus qui partent en guerre ; les batailles sont menées par des individus, et la paix est établie par des individus. C’est l’individu qui adopte les croyances prévalentes dans sa société, même si la mesure dans laquelle ces opinions sont partagées par un tas de gens est un facteur qui détermine (governing) sa promptitude à les adopter, et c’est lui qui transmet ensuite ces vues à d’autres individus. Finalement c’est une personne singulière qui attaque la minorité ethnique crainte et mal-aimée, même si plusieurs autres gens autour de lui partagent ses sentiments et sont très importants pour déterminer sa volonté d’agresser cette minorité.
Des principes théoriques peuvent être formulés en référence au groupe comme une unité et cela peut être précieux pour comprendre l’hostilité entre groupes. Mais de telles abstractions se réfèrent à des collections de gens et sont rendues possibles par des uniformités (interindividuelles) de comportement entre individus ».

19Ce à quoi Tajfel (1972, pp. 97-98) s’autorisa une aimable parodie :

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« Admettant tout cela (à savoir les considérations biologiques et psychologiques), l’auteur que je suis est néanmoins enclin à souligner l’importance de considérer le champ des relations entre groupes en termes de structure sociale.
Ce sont des gouvernements qui décident de partir en guerre ; les batailles sont menées par des armées et la paix est établie par des gouvernements. Les conditions sociales dans lesquelles des groupes de gens vivent déterminent largement leurs croyances et la mesure dans laquelle elles sont partagées.
Au bout du compte, l’attaque d’une personne singulière contre un groupe ethnique minoritaire qu’il déteste ou craint demeurerait un cas banal si ce n’était le fait qu’il agit à l’unisson d’autres qui partagent ses sentiments et sont très importants pour déterminer sa volonté d’agresser cette minorité.
Des principes théoriques peuvent être formulés basés sur l’individu comme unité et cela peut être très précieux pour comprendre l’hostilité entre groupes. Mais de telles abstractions ne pourraient se référer qu’à des collectivités sans structure de gens et ne sont rendues possibles que par les uniformités de comportement entre individus qui sont dues au fait que les gens vivent dans un contexte social qui possède ses propres lois et structures ».

1946-1947 : Le chant du cygne ou les derniers mois de K. Lewin

21Au-delà de l’emploi de dynamique en tant qu’adjectif, l’expression substantifiée de « Dynamics of group action » n’apparût comme titre d’article qu’en 1944. Celle de « dynamique des groupes » ne fut introduite formellement de façon substantifiée qu’en 1945 lorsqu’il s’est agi de trouver un nom au centre à fonder au M.I.T. Sont venus s’y former des gens venant d’horizons divers et pas seulement des chercheurs en psychologie. Lewin d’ailleurs, peu soucieux de taxonomie et d’exclusivisme scientifique, était par-dessus tout préoccupé d’associer recherche et action et de jeter des ponts entre les disciplines et les secteurs d’activité.

22Le construct « dynamique » a été peaufiné par Lewin avant 1940. À cette époque il n’avait pas envisagé toutes les implications d’un construct « restreint » du groupe psycho-social, restreint car décanté pour pouvoir contrôler un maximum d’interactions repé-rables (en anglais, l’équivalent de restreint n’existant pas, face-to-face est plus exact que small).

23Le construct « dynamique des groupes restreints » doublant l’approche expérimentale d’une approche expérienciée, ne s’est qu’esquissée en lui, l’année précédant son décès et cela à nouveau par sérendipité.

24On aurait pu s’attendre à ce que Lewin définisse quelque part l’expression « dynamique des groupes », somme toute nouvelle en sciences humaines. Hélas la taxinomie n’était pas sa tasse de thé. Il n’a même pas proposé de définition précise dans l’article intitulé « Frontiers in Group Dynamics » figurant dans le numéro initial (juin 1947, n°1, pp. 5-41) du périodique Human Relations, lancé conjointement par le Tavistock Institute of Human Relations de Londres et le Research Center for Group Dynamics. Il importe de noter que le manuscrit du dit article avait été terminé en 1945.

25David Krech et Richard Crutchfield, dans Théorie et problèmes de psychologie sociale qui fut longtemps le manuel le plus couru en langue française (traduction – partielle – de l’américain, 1948, Paris, Presses Universitaires de France, 1952, pp. 22-23) initièrent une formulation se voulant précise, forcément restrictive, devenue depuis une définition passe-partout :

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« La dynamique (…) désigne (…) l’ensemble des changements adaptatifs qui se produisent dans la structure de l’ensemble du groupe à la suite des changements ‘d’une partie quelconque’ de ce groupe (…) la définition (…) suggère (…) quelque chose d’analogue à la self-distribution des forces dans un champ forces physiques…. Tout changement de potentiel en un seul point détermine un changement de potentiel en de nombreux autres points ».

27Krech et Crutchfield circonscrivent la dynamique des groupes comme étant la discipline scientifique qui relie les conduites d’un groupe au système de forces agissant en son sein. Ils semblent avoir été les premiers à incorporer ce concept dans un manuel de psychologie sociale publié en 1948 mais terminé en juin 1947, alors que Lewin venait de mourir le 11 février. Leur définition se fonde sur les écrits de Lewin antérieurs à sa période « groupale » : les recherches de Berlin et les débuts de son séjour aux États-Unis. Krech et Crutchfield étaient en effet, depuis 1935, membres du « groupe de topologie », ce club de fans du Kurt Lewin première mouture, fondé en 1933 à son arrivée aux États-Unis. Ils n’ont par ailleurs aucunement participé et en tout cas n’ont pas pris conscience de l’importance des événements de 1946 pour le développement de la dynamique des groupes.

Les prémisses d’un renouveau

28Qu’au départ d’une analogie avec tel secteur de la physique, la dynamique des groupes soit définie en se référant aux travaux prégroupaux de Lewin n’est pas gênant. Mais l’évolution de la discipline les deux dernières années de vie de Lewin, et bien plus largement depuis, accule inévitablement à reformuler le concept.

29La troisième phase de l’œuvre de Lewin, timidement esquissée en temps de guerre, s’institua lors des deux dernières années de sa vie. S’y élabore, progressivement, une méthodologie de l’autoformation groupale : les participants sont eux-même objet de leur perception, de leur analyse et de leur action.

30Se sont dessinées les prémisses d’un construct méthodologique original, doublé des constituants d’un paradigme indissociable, une dynamique des groupes non seulement expérimentale mais aussi expérienciée.

31En effet c’est en 1946 qu’ont été jetées les bases d’une méthodologie expérienciée et actionnable, à partir de la conjonction de quatre éléments :

  • la décision d’entraîner à l’animation les candidats psychologues sociaux (qu’il voulait à la fois scientifiques rigoureux et praticiens opérationnels) : Lippitt en était chargé. Bien sûr la formation pratique à l’animation postule un travail sur soi, sur ses façons de paraître, d’agir, d’être, ce qui suscita maintes réticences. Aussi, après la mort de Lewin, Lippitt ne parvint-il plus à intégrer l’initiation à l’animation au curriculum de formation des psychologues sociaux ;
  • la mise sur pied, entre collaborateurs de Lewin (lesquels s’harmonisaient bien mal entre eux), de réunions avec pour seul objectif de communiquer entre eux, de parler vrai, hors échanges scientifiques ;
  • lors d’ateliers de formation dans le Connecticut, l’irruption de participants (avec l’accord de Lewin contre l’avis initial de ses collaborateurs) dans les séances d’évaluation du staff : les cobayes prenant la parole, se dessinait le futur training group mais aussi la phase d’élucidation terminant chaque exercice structuré ;
  • la préparation d’une session résidentielle d’été qui se voulait formation pratique au groupe et qui devait se tenir en isolat, à Bethel. Trois points firent l’objet d’une préparation minutieuse : les premiers basic skills training groups ; une panoplie d’exercices structurés, jeux de rôle et études de cas ; la constitution d’équipes d’animateurs formateurs flanqués d’observateurs.

Une mise en acte posthume

32Hélas Lewin mourut inopinément le 11 février 1947. Ses collaborateurs furent acculés à mener sans lui Bethel, cette mise en place d’une méthodologie à la fois expérienciée et actionnable. De ce fait, la formulation du construct lewinien « dynamique des groupes restreints » et le paradigme subséquent (l’ensemble des traits communs partagés par les dynamiciens de groupe) ont été largement posthumes : un certain nombre de ses collaborateurs et élèves, d’abord ceux qui avaient de lui une connaissance orale importante quasi quotidienne, Benne, Bradford, Lippitt, et plus tard Gibb, Golembiewski, Bass, Argyris et bien d’autres y ont contribué aux États-Unis.

33Il est à remarquer que les pratiques groupales à Bethel ont été axées certes, à concurrence de cinq séances par semaine, sur le « training-group » mais aussi et tout autant sur l’élaboration et l’application d’innombrables situations miniature, jeux de rôle, planifications et exercices structurés, outils inductifs d’apprentissage accéléré.

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« La tâche donnée aux sujets (…) est un prétexte pour faire fonctionner le groupe ; il suffit de choisir une tâche qui motive réellement les sujets… L’expérimentation n’est plus tâtonnante, mais suit un schéma hypothético-déductif »
(Anzieu et Martin, 1994, p.139).

35Élucider une situation sociale concrète à partir d’un champ abstrait de forces soigneusement sélectionnées permettait des avancées à petits pas, par approximations successives.

36Cependant la conjonction d’une méthodologie à la fois expérimentale et expérienciée fut largement combattue par certains dans la mesure où le caractère expériencié accule en général à un travail sur soi, tâche parfois pénible !

37D’ailleurs, comme le fait remarquer très justement Jean-Léon Beauvois (1995, p. 153) « ce sont davantage les orientations de Lewin (sa métathéorie) qui seront influentes que sa théorie proprement dite ».

38Malheureusement les divergences entre les collaborateurs de Lewin, patentes depuis toujours, ne firent que s’accroître après son décès.

L’immédiat après Lewin

39Après le décès de Lewin, la dynamique des groupes naissante a souffert de l’absence d’une personnalité non seulement suffisamment forte mais encore ouverte et flexible, qui soit en mesure d’intégrer théorie, techniques, recherche, formation, intervention, action.

40Festinger était parti en Californie, et d’ailleurs il ne s’était jamais réellement intéressé à la dynamique des groupes en dehors de sa collaboration à la remarquable analyse d’une secte religieuse en mal de fin du monde (Festinger, Riecken et Schachter, 1956) : il développa – brillamment – d’autres secteurs.

41Le successeur de Lewin à la direction du Research Center for Group Dynamics, centre émigré à l’Université du Michigan et coulé au sein de l’énorme Institut de recherches sociales, fut Dorwin Cartwright. Personnalité brillante et dominante, formalisante et mathématisante, il était avant tout un « académique » : il a largement contribué à rétrécir les intérêts dynamico-groupaux.

42Quant aux pères fondateurs de l’expérience initiante des National Training Laboratories à Bethel (dont les sessions s’intégrèrent en une organisation autonome, dénommée NTL Institute for Applied Behavioral Science) Bradford, Lippitt, Sheats, Benne, Zander, orphelins de Lewin, ils ne se sont plus jamais trouvé de père commun. Le charisme et la chaleur humaine de Lewin semblent avoir été seuls à même de concilier et polariser les personnalités distinctes, aux intérêts contradictoires, de ses disciples. Et surtout son humilité, ne le portant pas à revendiquer une image « académique », ainsi que sa flexibilité le rendant capable de prendre en considération les événements les plus inattendus et à théoriser à partir d’incidents singuliers ou quotidiens, ont fait cruellement défaut.

43On ne saura jamais comment Lewin, s’il avait vécu, eût développé la dynamique des groupes en tenant compte des métamorphoses de dernière heure, de l’évolution de la méthodologie des exercices structurés et des situations miniatures, des aléas des training-groups et du sensitivity training, comme d’ailleurs des écrits simultanés de Bion, des avatars de l’approche psychanalytique des groupes ou de la « thérapie groupale pour gens normaux » ou encore du changement planifié et de l’analyse institutionnelle… Il est une évidence : la dynamique des groupes éclose de son vivant n’est pas la dynamique des groupes telle qu’elle s’est façonnée ou, plus souvent, défaite.

La mort du père

44Un processus de fossilisation semble s’être institué via la personnalité dominante de Cartwright. Dès 1953 il publia une anthologie (Cartwright et Zander, 1953) qui connut trois éditions (1953, 1960, 1968) : elle fut longtemps la bible des psychologues groupaux américains.

45Il est caractéristique et regrettable que, six ans après la mort de Lewin, malgré ses initiatives pour lever les blocages communicationnels existant entre ses collaborateurs et les amener à se former à l’animation, en dépit de l’expérience du Connecticut et de l’essor des sessions pratiques à Bethel, Cartwright et Zander escamotent délibérément dans leur ouvrage toute la dynamique effective – actionnable et affective ! – des groupes restreints

46En préface, ils expliquent avoir décidé d’omettre plusieurs textes importants :

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« spécialement ces textes d’avant-garde (pioneering ones) qui traitent de problèmes formulés à ce point récemment qu’ils se présentent comme des ponts isolés menant à des territoires inexplorés. Nous avons regretté particulièrement d’avoir à omettre le travail stimulant mené par (…) les membres du Tavistock Institute of Human Relations (…) et nombre de (…) recherches concoctées au National Training Laboratory for Group Development ».

48Signalons que c’est le seul endroit de l’ouvrage où ces deux organismes (NTL et Tavistock), poliment mentionnés mais sciemment évacués, sont cités.

49Rationaliser à partir d’une « non-considération des ponts menant à des territoires inexplorés » évoque explicitement le « meurtre du père ». En effet, c’était un leit-motiv de Lewin d’évoquer l’image de ponts à bâtir : chacun de ses collaborateurs l’avait entendue maintes fois. En 1926 déjà (Vorsatz, Wille und Bedürfnis) il comparaît sa tâche à la construction d’un pont au-dessus de la gorge qui sépare théorie et réalité concrète. Gertrud Weiss Lewin, dans sa préface à Resolving social conflict (1948, p. XVI), rappelle :

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« l’intense joie, presque l’extase, que ressentait mon mari chaque fois qu’il conduisait sa voiture sur les grands ponts américains, au-dessus de la rivière Hudson, au-dessus de la baie de San Francisco… Sans aucun doute il concevait son propre champ d’action comme tout aussi capable de faire se rejoindre ce qui semblait être des morceaux de territoire extrêmement séparés l’un de l’autre ».

51L’argument de la non intégration de textes d’avant-garde ou trop actuels en 1953 ne peut tenir quinze ans après. Or, en 1968, dans la 3è édition de Group Dynamics les concepts de training-group, d’action research, de sensitivity training ne figurent même pas à l’index ; des textes particulièrement significatifs, issus du N.T.L. ou du Tavistock sont toujours absents : communication intra-groupale, approche clinique, social skill, team building, inconnus au bataillon. La dynamique de groupes, façon Cartwright, apparaît comme une discipline tronquée où seul est représenté le pôle expérimental, remarquablement d’ailleurs. Cartwright (opus cité, p. XI) s’autojustifie :

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« À peu d’exceptions près, nous n’avons inclus que des exposés présentant des données empiriques fondées sur une recherche quantitative. »

53K. Back déjà subodorait une opposition délibérée, un a priori définitif (1973, p. 54) :

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« Les effets du premier laboratoire (de Bethel) furent évidents en ce qui concerne son organisation parente, le Research Center for Group Dynamics. Certains membres du staff, que les ateliers avaient impressionnés, avaient manifesté l’intention de mener des training-groups dans le cadre de leur programme d’enseignement. Cependant, ceux des membres du staff qui étaient davantage orientés ‘académiquement’ s’opposèrent fermement à cette suggestion. Un débat aboutit à la décision de ne pas transformer les séminaires généraux en sessions instituant un feedback groupal ».

55En définitive, une poignée d’années après le décès de Kurt Lewin, l’orientation d’une dynamique des groupes expérienciée et actionnable était ostracisée sous le couvert d’une respectabilité académique à défendre, enfermée dans sa tour d’ivoire.

56Et pourtant, lorsque Lewin, dans sa dernière année de vie, dressait avec Lippitt, Bradford, Benne et quelques autres, les plans de la première session d’été en pratique de groupes, il la concevait comme un « laboratoire de formation ». En réalité l’activité se centrait sur l’apprentissage d’un certain type de vie en société via des situations participantes. Kenneth Benne rappelle en 1976 le souci de Lewin de « ré-éduquer » des pratiques discriminatoires. Lewin craignait de voir la démocratie se fissurer si les scientifiques, les éducateurs, les hommes d’action sociale ne s’unissaient pas pour éliminer l’injustice sociale.

57En ce sens Anzieu (1972, p. 161) avait raison quand il considérait le système lewinien comme une des pédagogies les plus valables qu’il connaisse.

Une méprise européenne

58À de rares exceptions près (Anne Ancelin-Schützenberger, Charles Mertens de Wilmars, Pierre De Visscher) les premiers Européens francophones à prendre contact avec la dynamique des groupes américaine des années 1950, le firent par le biais d’un bref séjour d’été à Bethel. Ce fut le cas de Faucheux, Anzieu, Pagès et d’une poignée d’autres qui y vécurent l’expérience d’une session de quelques semaines, en isolat. Ils en retinrent surtout l’invention du sensitivity training, et ce à un moment où celui-ci avait perdu ses animateurs initiaux. En effet, les animateurs des cinq premiers basic skill training groups étaient : Benne, Bradford, Sheats, Lippitt, Zander. Ils étaient respectivement philosophe, formateur d’adultes, sociologue, travailleurs sociaux. Très vite ces animateurs de la première heure furent remplacés par des psychologues cliniciens alors freudiens ou rogériens. (cf. Stock et Thelen, 1959). De surcroît Bion publia en 1948 et 1949 ses Experiences in Groups. Or Human Relations se lisait à Bethel. Une psychologie groupale « clinique » s’esquisse alors, influant sur les modes d’animation du training-group. En sus, les incursions de Jaques en milieu industriel (1951) confortent un modèle d’animation emprunté à la psychanalyse : détachement de l’intervenant, travail sur la relation animateur-participants, examen des résistances à partir de faits groupaux significatifs…

59Au départ d’une telle insistance, fut privilégiée en Europe une approche exclusivement psychanalytique des groupes. Un fossé s’est creusé entre celle-ci, devenue « analyse de groupe », remarquablement développée par Didier Anzieu, René Kaës et les membres du C.E.F.F.R.A.P., d’une part et le développement d’une dynamique des groupes se voulant simultanément expérimentale, expérienciée et actionniste d’autre part.

Une méconnaissance et des inquiétudes

60Dans certains milieux scientifiques, tant les aspects expérimentaux de la dynamique des groupes que la nécessaire rigueur scientifique dans les activités pratiques de formation ont souvent été ignorés ou méconnus.

61D’ailleurs bien des auteurs – dont des élèves de Lewin – ont rapidement pris conscience de l’extrême complexité des dessins expérimentaux et de la longue analyse subséquente relatifs aux processus groupaux. On vit se substituer, à une patiente expérimentation réellement groupale, des mini-expérimentations sur les dyades ou les triades, qualifiées de « recherches sur les processus de groupe ». Il est vrai que, si dans une triade les relations intra-groupales se limitent à 6, dans un quatuor elles sont déjà au nombre de 25, quand N=8 elles totalisent 3 025, et dans une douzaine elles atteignent 261 625 ! Dans l’optique publish or perish, limiter les échantillons à des paires ou à des microgroupes s’avère somme toute académiquement rentable. Cet escamotage de l’intra-groupal, au profit de l’inter-individuel, voire de l’intra-individuel, oblitère une donnée de fait : la scarcité des recherches expérimentales significatives sur le plan intragroupal.

62La forte personnalité de Festinger semble avoir contribué à cette distorsion. R. Farr (1990), dans la nécrologie qu’il lui consacre fait remarquer que ses critiques, parfois pertinentes, mais toujours acerbes, voire dévastatrices, à l’égard de l’orientation lewinienne centrée sur la résolution de problèmes sociaux, le rendent responsable – plus que quiconque – du regrettable fossé existant parfois entre l’orientation post-lewinienne pragmatique et groupale et l’orientation expérimentale. Ses intérêts premiers n’étaient ni sociaux ni « systémiques ». Il refusa d’ailleurs de participer aux travaux du groupe « cybernétique » tenus depuis 1942 auprès de Norbert Wiener et de von Neumann lors de réunions informelles d’abord, des séminaires de la fondation Macy ensuite : Lewin, Bavelas, Bateson, Margaret Mead, Erikson, Lazarsfeld, von Förster en firent partie (cfr. Heims, 1991). À vrai dire, Festinger fut avant tout le continuateur de Lewin, première phase, c’est-à-dire un psychologue de la personnalité bien plus qu’un psychologue social. L’important interface « psychologie de la personnalité / psychologie sociale », illustré par les trois principaux périodiques américains Journal of Personality and Social Psychology, Personality and Social Psychology Review, Personality and Social Psychology Bulletin camoufle cette réalité.

63Dans les faits, les psychologues, en général dénués de toute formation sociologique, n’apparaissent pas toujours soucieux des impacts sur la vie publique malgré les efforts de Tajfel, parfois trahi – lui aussi – par ses disciples.

64Ceci est à ce point vrai que le substantif « groupe » est souvent utilisé indépendamment de toute réalité sociologique et est confondu avec des agrégats, des ensembles indifférenciés, des catégories qui n’ont de réalité que dans l’esprit de leur (parfois unique) percevant (cfr. De Visscher, 2005).

65Par ailleurs il faut reconnaître que le terrain de l’animation des groupes restreints a été traversé d’innombrables incompétents, parfois à la limite de l’escroquerie, s’autorisant à faire n’importe quoi, d’autant que dans le grand public les représentations sociales de la dynamique des groupes restaient contradictoires et floues. Nombreux ont été les pseudo-thérapeutes « de » groupe (il serait plus exact de dire : « en groupe ») qui, sous le couvert d’une « psychothérapie pour gens normaux », ont soulevé une juste méfiance, d’autant que la plupart n’avait pas plus de formation psychothérapeutique que groupale !

Le canard est toujours vivant

66Malgré tout, la dynamique des groupes vit toujours, mais en dehors des cénacles antinomiques d’une sociopsychologie prioritairement cognitivo-expérimentale d’une part, d’une psychanalyse s’attachant exclusivement aux groupes de base et de psychodrame d’autre part.

67Quoi d’étonnant dès lors de la retrouver ailleurs ! Steiner (1974) l’avait supputé et Rondeau (1980) confirmé : la dynamique des groupes reste bien vivante dans les univers scientifiques plus en contact avec les réalités de la vie sociale quotidienne et avec les acteurs de celle-ci, acculés à acquérir des savoirs-faire et non uniquement des savoirs.

68Elle subsiste, sous certaines formes et selon des insistances variables, en psychologie du travail et des organisations, en service et travail social, en formation continuée (notamment professionnelle) des adultes. On l’utilise notamment dans le cadre de la « science-action » qui, telle que la conçoivent Schön et Argyris, se différencie de la recherche-action proprement dite. Pour ces auteurs, l’action précède souvent le savoir : aussi sont-ils en quête d’un savoir actionnable inféré à partir de l’observation systématique des praticiens. Les mises en situation et les simulations groupales sont alors d’actualité (cfr. Serre, 1992 ou St-Arnaud, 1992).

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69Si la dynamique des groupes est toujours bien vivante, il est rare qu’on la retrouve dans la formation des futurs psychologues sociaux. Les programmes d’enseignement universitaire la ramènent souvent au plan de l’unique savoir théorique, parfois bien superficiel d’ailleurs, faute de temps et de moyens. C’est un concours de circonstances quasi miraculeux qui me rendit à même, depuis 1970, de faire bénéficier les étudiants en psychologie sociale de l’Université de Liège d’une triple formation pratique simultanément en recherche expérimentale psychosociale, en enquête psychosociale, en dynamique des groupes restreints (cfr. De Visscher, 2001). Mais, hélas, c’est là une exception.

70Et pourtant la conjugaison des approches expérimentale et expérienciée, qui caractérise la dynamique des groupes, notamment via l’application des situations miniature de groupe, est possible et bénéfique. Elle devrait rester un souci de la psychologie sociale, pour autant qu’on accepte de concevoir celle-ci comme une focalisation non restrictive sur ce qui est à la fois psychologique et social, voire sociétal.

71Je crois nécessaire de prendre conscience qu’amputer de pans entiers l’étude du psycho-social aboutit à ramener la psychologie sociale à une discipline minimaliste et bien moins signifiante qu’elle pourrait être.

72La psychologie sociale actuelle – si peu sociale sous bien des aspects – est un univers confus dans lequel nous sommes plongés et dont nous hésitons à sortir. Or sortir de l’eau peut être bénéfique. À force d’être immergé, on ne se rend plus compte dans quoi on est immergé. Le poisson des grandes profondeurs ne prendra conscience de l’existence de l’eau qu’une fois avoir atteint la surface. Il en est de même au sein des organisations en ce compris le corps scientifique. Les pratiques de la recherche s’exécutent à partir de constructs : quelles sont les limitations de ceux-ci ? Quelles sont ces pseudo-évidences, évidentes car « politiquement correctes » ? Quelles sont les « routines défensives » camouflées derrière certaines rationalisations effarouchées, voire naïves ?

73S’extirper des pratiques rituelles de la recherche par quelque arrêt sur l’image est une nécessité. Mettre en question de façon abrupte peut être douloureux mais est parfois une opération survie.

74Rappelons la parabole de la grenouille ébouillantée. Une grenouille plongée brutalement dans l’eau bouillante tentera de bondir illico presto, s’échappant immédiatement, brûlée mais vivante. Le même animal plongé dans une eau dont on augmente goutte à goutte la température jusqu’à la rendre bouillante, s’y habituera et finira par en mourir.

Notes

  • [*]
    Pour toute correspondance relative à cet article, s’adresser à Pierre De Visscher, Centre International de Psychologie Sociale, 75 route de Liège, 4141 Louveigné, Belgique ou par courriel à <Pierre.DeVisscher@ulg.ac.be>.
Français

Résumé

Si Kurt Lewin développa les concepts « dynamique » et « groupe social » peu avant 1940, l’expression « dynamique des groupes » et le construct « groupe restreint » (face-to-face group) apparurent les deux dernières années précédant sa mort (11 février 1947). L’originalité d’une méthodologie doublant l’approche expérimentale d’une approche expérienciée et actionnable fut méconnue par nombre de ses disciples psychologues (Cartwright, Festinger…) qui ne l’intégrèrent pas dans leur enseignement. En Europe francophone, la dynamique des groupes post lewinienne vit en dehors des cercles antinomiques de la sociopsychologie cognitivo-expérimentale et du courant psychanalytique (Anzieu…). Elle s’est réfugiée au sein des sciences de l’organisation, de la formation continue, du travail social.

Deutsch

Zusammenfassung

Kurt Lewin entwickelte die Konstrukte « Dynamik » und « Soziale Gruppe » kurz vor 1940; der Begriff « Gruppendynamik » und das Konstrukt « face-to-face-group » tauchen aber erst in den beiden letzten Jahren vor seinem Tode (11. 2. 1947) auf. Die Originalität einer Methodologie, die sowohl den experimentellen Ansatz als auch den empirischen und handlungsbezogenen Ansatz beinhaltet, wurde bei einer Reihe seiner Schüler (Gartwright, Festinger, …) verkannt, die ihn nicht in ihre Betrachtungen einbauten. Im frankophonen Europa lebt die post- lewinsche Gruppendynamik auBerhalb antinomischer Kreise der kognitiv-experimentellen Sozialpsychologie und der gegenwärtigen psychoanalytischen Orientierung (Anzieu, …) fort. Sie hat innerhalb anderer Wissenschaften, wie der der Organisationswissenschaft, der beruflichen Fortbildung und der Sozialarbeit ihre Zuflucht gefunden.

Español

Resumen

Si Kurt Lewin desarrolló los conceptos “dinámica” y “grupo social “ poco antes 1940, la expresión “ dinámica de grupos “ y el constructo “pequeño grupo” (face-to-face group) aparecieron los dos últimos años precedentes a su muerte (11 de febrero de 1947). La originalidad de una metodología que combina el enfoque experimental con un enfoque experimentado y accionable fue dejado de lado por algunos de sus discípulos psicólogos (Cartwright, Festinger) que no lo integraron en su enseñanza. En la Europa francófona, la dinámica de grupos post lewiniana vive aparte de los círculos antinómicos del sociopsicologo cognitivo-experimental y de la corriente psicoanalítica (Anzieu…). Se desarrolló en el seno de las ciencias de la organización, de la formación continua, del trabajo social.

Italiano

Riassunto

Sebbene Kurt Lewin avesse sviluppato il concetto di « dinamica » e di « gruppi sociali » poco tempo prima del 1940, l’espressione « dinamica dei gruppi » e il costrutto di « piccolo gruppo » (face-to-face group) hanno fatto la loro comparsa solo due anni prima della sua morte (11 febbraio 1947). L’originalità di una metodologia che univa l’approccio sperimentale con un approccio esperienziale e rivolto all’azione è stata misconosciuta da molti dei suoi allievi psicologi (Cartwright, Festinger…) che non l’hanno fatta divenire parte integrante del loro insegnamento. Nell’Europa francofona, la dinamica dei gruppi post lewiniana sopravvive al di fuori dei circuiti antinomici della sociopsicologia cognitivo-sperimentale e della corrente psicoanalitica (Anzieu…). Essa ha trovato rifugio piuttosto all’interno elle scienze dell’organizzazione, nella formazione continua, nel lavoro sociale.

Português

Resumo

Se Kurt Lewin desenvolveu os conceitos “dinâmica” e “grupo social” pouco antes de 1940, a expressão “dinâmica dos grupos” e o construto “grupo restrito” apareceram dois anos antes da sua morte (11 de Fevereiro de 1947). A originalidade de uma metodologia foi desconhecida por um certo número dos seus discípulos psicólogos (Cartwright, Festinger…) que a não integraram no seu ensino. Na Europa francófona, a dinâmica dos grupos viveu fora dos círculos antinómicos da sociopsicologia cogntivo-experimental da corrente psicanalítica (Anzieu…). Refugiou-se no seio das ciências da organização, da formação contínua e do trabalho social.

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Pierre De Visscher
Centre International de Psychologie Sociale et
Centre de Dynamique des Groupes et d’Analyse Institutionnelle, Liège, Belgique
Mis en ligne sur Cairn.info le 28/02/2012
https://doi.org/10.3917/cips.070.0053
Pour citer cet article
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