Mots-clés
- INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE
- Délinquance financière
- Juge Van Ruymbeke
- Paradis fiscaux
Le fait n'a rien d'anecdotique. Au détour d'une page de ses Mémoires, Renaud Van Ruymbeke raconte qu'il confie un jour à son père son souhait de devenir juge. Du haut de son statut prestigieux, ce héros de la Seconde Guerre mondiale et grand commis de l'État ironise sur ce choix. Sa réponse est cinglante. Quoi ! Voilà un corps qui a jugé les collaborateurs à la Libération après avoir condamné les résistants pendant l'Occupation ! Comment peut-on vouloir intégrer une profession où il y a tant de « lâches » ! Passons sur l'inexactitude historique de cette indignation. Nous savons qu'il y a eu des magistrats courageux, d'autres moins et pour l'ensemble du corps une épuration sévère à la Libération. Retenons seulement ce cliché propre à notre imaginaire politique sans cesse repris par la suite y compris au plus haut niveau de l'État : les juges seraient des lâches. Sur le moment, le fils se dit « piqué au vif ». Loin de subir le mépris du père, loin de se plier à ce jugement asséné du haut de son trône, il persévère dans ce choix. Tout se passe comme s'il voulait relever un défi : montrer qu'on peut faire preuve de courage dans une profession discréditée comme si elle était la honte de la République, comme si elle portait le poids d'un péché originel.
Sa jeune carrière ne tarde pas à mettre à l'épreuve ce serment qu'il se fait à lui-même. À 27 ans, comme juge d'instruction, il hérite de l'affaire Robert Boulin. Il découvre que ce ministre qui s'est donné la mort serait impliqué dans l'achat frauduleux d'un terrain…