CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le président tunisien en exercice Zine el Abidine Ben Ali a annoncé le 30 juillet 2008 à Tunis à l’occasion du congrès de son parti politique, le Rassemblement constitutionnel démocratique, qu’il serait candidat à sa propre succession lors des présidentielles de 2009. Au pouvoir depuis le 7 novembre 1987, il briguera son cinquième mandat avec la certitude de remporter les élections. En effet, en 2002, un amendement de la Constitution a supprimé la limitation à 3 mandats d’affilée et fixé la limite d’âge à 75 ans. Une clause oblige par ailleurs tout candidat à l’élection à être le dirigeant élu de son parti depuis un minimum de deux ans. Or Ben Ali, 71 ans, est actuellement le seul à remplir cette condition.

2Celui qui gouverne le pays sans partage depuis si longtemps fait l’objet de critiques très virulentes, relayées particulièrement dans la presse occidentale. On lui reproche une tendance à la dictature, et de s’accrocher au pouvoir en organisant des élections de façade. Peut-être. Mais de fait, Ben Ali est crédible, et son bilan est positif sur les plans social, économique et politique. Voici pourquoi.

Volet social

Préservation des acquis sociaux depuis le 7 novembre 1987 malgré les périodes de crise

3La Tunisie se distingue de nombreux pays émergents et en particulier de son voisin algérien par sa stabilité sociale et politique. De fait, l’État prend soin de l’ensemble de ses citoyens, et en particulier des plus démunis. Des dispositifs sociaux de lutte contre la pauvreté ou des prêts aidés favorisent l’équipement des ménages. Avec un objectif : permettre à tous d’accéder à un certain confort. En subventionnant les crédits nécessaires à l’acquisition de logements sociaux, de voitures abordables, et même d’ordinateurs, l’État met à la disposition des citoyens un ensemble important de biens élémentaires. La famille moyenne est la cible privilégiée de cette politique, et bénéficie d’un logement assez grand pour que les enfants aient leur propre chambre. Au nord de Tunis, de nouveaux quartiers émergent, avec leurs immeubles blancs, leurs jardins et leurs cafés. Ben Ali a d’autant plus soigneusement veillé à la conservation des avantages acquis qu’il était en train de mettre fin aux dérives de l’État social et d’ouvrir la voie à une libéralisation progressive du pays. L’idée était bien entendu d’éviter de créer une classe de laissées pour compte de cette ouverture, et de faire participer et profiter toute la population à l’essor tunisien.

La lutte permanente contre la pauvreté

4Le président tunisien a mené ce combat sur tous les fronts, en commençant bien entendu avec son propre pays. Afin de remettre la Tunisie sur la voie de la prospérité, différents plans ont été mis en œuvre pour parvenir graduellement à sortir du collectivisme d’État hérité de l’indépendance et mis en œuvre par le ministre Ahmed Ben Salah. L’objectif étant une libéralisation progressive de l’économie qui profite à l’ensemble des secteurs et des citoyens, et non l’enrichissement d’une minorité. Le secret de la planification tunisienne, c’est la marge de manœuvre et l’initiative laissée aux entreprises et à leurs dirigeants.

5Mais les Tunisiens doivent surtout à Ben Ali la création du Fonds de Solidarité Nationale baptisé 26/26 (d’après son numéro de compte) pour venir en aide aux plus démunis. Cet organisme a vu le jour en 1992, parmi les différents programmes sociaux mis en œuvre par l’État. Le fonds, directement géré par la présidence, est habilité à recevoir des dons internationaux, de la part de citoyens, d’entreprises publiques ou d’entreprises privées. La loi de Finances de 1996 dispose que certaines taxes doivent être reversées à ce fonds ; des mesures incitatives pour les entreprises tunisiennes ont également été instituées, par le biais de crédits d’impôts. Les bénéficiaires sont nombreux : entre 1996 et 2006, le 26-26 a aidé près d’1,2 million de Tunisiens, soit 12 % de la population. Il a déboursé 490 millions d’euros, essentiellement pour éradiquer l’habitat précaire (près de 64 000 logements construits ou réhabilités) et apporter aux habitants des régions rurales les moins accessibles l’eau potable (82 000 foyers) et l’électricité (72 500 ménages concernés) ; mais également des routes (4 500 km), des écoles et des dispensaires. Ces réformes ont beaucoup profité aux habitants des zones rurales, mais depuis quelques années, l’accent est mis sur la réhabilitation des quartiers populaires en zone périurbaine. Le directeur du FSN, Omar Ben Mahmoud, est persuadé « qu’il existe une corrélation entre la pauvreté et le terrorisme. Et qu’il faut par conséquent travailler en amont, sur le terreau ».

6Que l’on soit d’accord ou non avec son analyse, les résultats sont chiffrés : la pauvreté ne touche plus à présent que 4 % de la population tunisienne, contre 22 % en 1975. Quant aux bénéficiaires du FNS, ils se disent reconnaissants vis-à-vis du président.

La consolidation voire le développement d’une classe moyenne devenue une des plus importantes dans le monde arabe

7Grâce à des instruments adéquats tels que la Banque Tunisienne de Solidarité (BTS) et plus récemment, la création de la Banque pour les PME-PMI, les Tunisiens bénéficient de crédits adaptés à leurs besoins, qu’il s’agisse de monter une entreprise ou plus ponctuellement de mener à bien un projet. Le chantier porte ses fruits puisque la classe moyenne, qui représente 75 à 80 % de la population, accède pleinement à la société de consommation.

Les salaires

8Le maintien de ce train de vie est assuré par une hausse annuelle régulière des salaires quelle que soit la conjoncture interne ou externe. Ce qui a pour résultat un revenu moyen par tête d’habitant qui dépasse celui de ses voisins maghrébins, y compris la Libye et l’Algérie, pays pourtant riches en pétrole et en gaz mais dont les ressources sont moins efficacement redistribuées. Cette situation privilégiée repose bien évidemment sur la croissance économique, qui a permis une amélioration sensible des revenus de la population, avec un PIB par habitant estimé à un peu plus de 3 900 dollars (selon la mission économique française) en 2008. Même si ces chiffres ne doivent pas éluder des disparités de revenu encore problématiques (le SMIC en 2008 tourne autour de 110 euros selon les indicateurs internationaux), il n’en reste pas moins que la Tunisie converge progressivement vers les standards des pays développés si l’on considère les niveaux de revenus en parité de pouvoir d’achat.

Les facilités à l’octroi des logements aux citoyens

91,6 famille tunisienne sur 2 est propriétaire de son logement, ce qui fait près de 80 % de propriétaires. Ils sont quasiment tous raccordés aux réseaux d’électricité et d’eau potable, ce qui n’était pas du tout le cas avant que Ben Ali accède à la présidence de la République : « Consomme et tais-toi ! » titrait L’Express en 1997 pour décrire la société tunisienne. L’injonction, lointain rappel du mot d’ordre de Guizot, « enrichissez-vous ! », est encore valable. Il n’en reste pas moins que la société tunisienne bénéficie d’une qualité de vie et d’avantages sociaux fort supérieurs à ceux de ses voisins.

Avantages sociaux accordés aux femmes enceintes, divorcées, et aux mères célibataires

10La Tunisie se distingue tout particulièrement par un volet de mesures volontaristes en matière de statut de la femme. Bien avant le Maroc, que l’on donne aujourd’hui en exemple, Ben Ali a fait voter un arsenal de lois qui affirment l’égalité entre les deux sexes, et tout particulièrement dans le domaine du travail. La législation garantit en particulier la protection de la femme travailleuse en tant que femme et en tant que mère. Progressivement, la femme tunisienne a ainsi accédé aux divers secteurs du travail, de sorte que la population active féminine constituait en l’an 2000 23,8 % de l’ensemble de la population active tunisienne, et que 25 % des postes dans l’administration et le secteur économique sont occupés par des femmes.

11Sur le chapitre des droits sociaux, l’octroi des allocations familiales de façon automatique à la mère qui a la garde des enfants est une des nombreuses mesures prises sous la présidence de Ben Ali. À titre d’exemple, on peut également évoquer les mesures du 11 août 1997 qui visent à augmenter la protection sociale au profit des femmes et des enfants de condition modeste, et à favoriser l’accès aux prestations telles qu’une pension alimentaire ou encore l’obtention d’une assistance judiciaire notamment en cas de divorce.Ces nouveaux droits ont beaucoup rapproché les femmes du pouvoir, à qui elles doivent la poursuite d’une émancipation entamée par le président Bourguiba mais que certains cercles conservateurs auraient souhaité freiner.

Un système de sécurité sociale assez avancé où l’État assure gratuitement certaines prestations [1]

12

  • Population : 10,3 millions.
  • Taux de croissance démographique : 1,1 %.
  • Densité de population : 61,1 habitants par kilomètre carré.
  • Nombre de ménages (en milliers) : 2 244.
  • Taux d’analphabétisme : 23 %.
  • Espérance de vie à la naissance : 73,6 ans.
  • Dépense annuelle moyenne/habitant : 1 130€.
  • Part santé dans dépenses globales des personnes : 10,3 %.
  • PIB/habitant : 3 900$.
  • Population active : 3,5 millions.
  • Taux de pauvreté : 3,8 %.
(Source : mission économique française)

13Ben Ali a décrété la santé publique « priorité nationale », et fait voter une loi relative à l’organisation sanitaire en 1991, afin d’organiser une politique de santé dont l’objectif est d’assurer l’accès aux soins à toute la population sans distinction. De fait, la couverture sociale est de 92 % en 2008. Cette loi dispose que tous les citoyens ont droit à la santé, et organise l’implantation de structures sanitaires publiques – plus de 2 000 centres de santé pouvant dispenser des soins primaires – réparties sur la totalité du territoire. Si l’État reste le principal fournisseur de soins avec 85 % de la capacité en lits et l’emploi de 60 % du corps médical, il a favorisé l’essor d’un secteur parapublic et privé par le biais d’incitations fiscales. Doté d’infrastructures modernisées et de machines de pointe, le secteur privé a permis de désengorger les hôpitaux publics ; mais il a surtout attiré des patients étrangers, en particulier algériens ou libyens, et il vise à terme à faire de la Tunisie une destination de soins et de loisirs pour une clientèle européenne.

14Les indicateurs de santé rendent compte des succès de ce chantier, auquel ont été alloués des moyens financiers importants : le budget de la santé est le deuxième de l’État, qui lui consacre 8 % de son budget (soit 2 % du PIB). Le dernier plan quinquennal prévoit 248 millions d’euros pour le renouvellement du matériel.

15L’espérance de vie est ainsi passée d’un peu plus de 70 ans en 1990 à 73 ans et demi en 2008 ; la mortalité infantile a sensiblement reculé, et la majorité des enfants en bas âge a été vaccinée en 2008. On peut également évoquer divers programmes de santé ciblés, qui ont permis d’endiguer la tuberculose ou de procurer un traitement aux malades du sida.

16La Tunisie mise sur la santé comme secteur porteur : une trentaine de laboratoires assurent une production locale de médicaments qui couvre déjà près de la moitié des besoins du marché. Mais le matériel lourd comme les scanners ou les appareils d’IRM, ainsi que les produits nécessaires à la chirurgie esthétique sont également en plein développement.

Un système éducatif performant et égalitaire

17L’éducation nationale est le premier poste de dépenses de l’État. L’école est obligatoire et gratuite, aussi 99 % des enfants de 6 ans sont scolarisés en 2002.

18Même la scolarité au niveau universitaire est gratuite, ce qui permet à 300 000 étudiants de fréquenter les universités tunisiennes en 2007-2008, contre à peine 41 000 en 1987.

Volet économique

19Dès son accession au pouvoir, le président Ben Ali est conscient de la nécessité de préserver la Tunisie des influences extérieures qui pourraient la déstabiliser. Afin de la protéger des instances financières étrangères et d’éviter une dépendance économique paralysante, à l’instar de celle subie par de nombreux pays africains, le président a cherché à doter la Tunisie d’une indépendance sur le plan économique. Ce faisant, il a ainsi évité à son pays d’avoir à rééchelonner sa dette extérieure ou pire, de ne pas être en mesure de la rembourser : la Tunisie passe depuis pour un débiteur qui honore ses obligations, ce qui lui assure une cote de crédibilité et partant, des conditions de financement international favorables. À titre d’exemple, on peut rappeler que les effets du 11 septembre 2001 ou la récente crise financière internationale ont été amortis en Tunisie grâce à une politique de prudence en matière économique.

La plupart des indices macroéconomiques témoignent de la bonne santé du pays sur ce plan, et de ses progrès, surtout comparativement à ses voisins

20Bien qu’elle ne bénéficie pas des mêmes ressources naturelles que ses voisins algérien et libyen, la Tunisie parvient à faire aboutir ses projets définis dans les différents plans de développement économique. Ce qui se reflète dans un taux de croissance régulier qui tourne autour de 5 % depuis l’arrivée au pouvoir de Ben Ali. Jamais, au cours des vingt dernières années, le taux de croissance du pays n’a baissé, et c’est seulement depuis la fin de l’année 2008 qu’il enregistre un certain recul, dû notamment à une mauvaise récolte céréalière ainsi qu’à un ralentissement de l’industrie à vocation exportatrice. La Tunisie montre cependant, de l’avis des experts internationaux, une capacité de résistance aux chocs extérieurs et parvient à éviter l’aspect strictement financier de la crise.

21Si le taux de croissance tourne plutôt autour de 3 % en 2009, cela reste donc une bonne performance compte tenu du contexte international. Un autre indice de la bonne santé économique du pays est le ralentissement de l’inflation, obtenu grâce à une politique de compensation des prix des produits élémentaires qui a été suivie par la baisse des cours mondiaux des produits en question, aussitôt répercutée sur les prix. Malgré ces subventions, les finances publiques restent administrées avec prudence, et le déficit budgétaire, sous contrôle, est stabilisé à 3 %. Mieux encore, les recettes fiscales de l’année 2008 ont permis de limiter à 1,2 % le déficit d’exécution.

22Pour l’heure, il est donc indéniable que le système fonctionne, même si le taux de chômage des jeunes diplômés, en forte hausse, constitue un nouveau défi difficile à relever.

Les échanges commerciaux

23Les échanges commerciaux de la Tunisie sont en très forte hausse ces trois dernières années, avec une progression de près de 21 % des exportations pour les seules années 2007 et 2008, soit au total +43,4 %. Les importations augmentent quant à elles de 23 % en 2008, mais plus en prix qu’en quantité. Enfin, le secteur des services est en constante progression, principalement du fait du tourisme.

24Les échanges qui relèvent du régime offshore, tels que la filière textile-habillement ou les industries mécaniques et électroniques, ont enregistré un ralentissement récemment, mais celui-ci fait suite à une forte période d’expansion et de croissance. Ils dégagent d’ailleurs un excédent croissant qui a dépassé les 4 milliards de dinars en 2008 (dont plus de la moitié relèvent de la filière textile). La structure même des exportations tunisiennes vers le marché européen s’est diversifiée, avec une hausse de la part des industries mécaniques et électriques de 12,7 % en 1996 à 24,1 % en 2006.

25La France est toujours le premier client et le premier fournisseur de la Tunisie. Mais le pays diversifie ses partenaires commerciaux ; ses excédents bilatéraux les plus importants derrière la France sont enregistrés avec le Royaume-Uni et l’Inde. Par ailleurs, le pays a conclu un accord de partenariat avec l’Europe portant notamment sur la mise en place d’une zone de libre-échange, effective depuis le 1er janvier 2008 : cet accord fait suite à 12 années de démantèlement tarifaire progressif, au cours desquelles la Tunisie n’a même pas eu recours aux mécanismes de sauvegarde pourtant à sa disposition, ce qui prouve la compétitivité de ses entreprises. De fait, la Tunisie est classée première parmi ses voisins maghrébins et africains par le rapport mondial sur la compétitivité du Forum de Davos (2007-2008), 3e dans le monde arabe et 32e au niveau mondial.

Attractivité croissante du pays

26La Tunisie draine de plus en plus d’IDE (Investissements Directs à l’Étranger), et attire les grands groupes internationaux tels que Airbus et sa maison mère EADS, qui y investissent de plus en plus ces dernières années. Ces derniers ont ainsi décidé dans le cadre de leur plan de réduction de coûts de l’implantation d’une usine en Tunisie, qui remporte en cela une victoire sur son voisin marocain. Le projet, qui prévoit 100 millions d’euros d’investissements, devrait créer 1 500 emplois.

Une place financière régionale

27Sous l’impulsion du gouvernement, la Tunisie a nouvellement institué un code de prestation de services financiers aux non résidents qui se caractérise par sa souplesse et son attractivité. Situé dans la baie de Tunis, le Tunis Financial Harbour sera ainsi le premier centre financier offshore d’Afrique du Nord, avec un investissement de départ de 3 milliards de dollars. Le site a été créé par Gulf Finance House (GFH), une des premières banques islamiques dans la région. Il prévoit quatre pôles d’activités, dont un centre d’investissement bancaire et de conseil, un centre d’affaires, un centre d’assurances, et enfin la première bourse financière internationale de la région.

28Le nouveau code introduit davantage de souplesse dans les conditions d’implantation et d’exercice de tous les prestataires de services. Il instaure par ailleurs un ticket d’entrée fort incitatif, avec des exigences en capital minimum de départ de seulement 13 millions d’euros. La prudence reste cependant l’impératif fondamental, dans la mesure où l’ensemble des institutions financières non résidentes sont incitées à créer des fonds de garantie de leur clientèle, l’objectif étant la préservation de la bonne réputation de la place financière de Tunis.

29Selon les professionnels de la finance, la mise en place de ce nouveau système devrait attirer très rapidement les institutions financières internationales : selon Gordon Clark, analyste financier à Wall Street, « La démarche adoptée par Tunis pour se transformer en place financière offshore est très intelligente. D’habitude, on construit un centre financier, puis on légifère. La Tunisie a fait preuve de sagesse en faisant le contraire. Car, plus que les infrastructures et les équipements, c’est le cadre juridique, avec ses garanties et ses incitations, qui accroît l’attractivité d’un centre financier offshore ».

Le tourisme

30La Tunisie a reçu 5 millions et demi de touristes en 2001, et le chiffre est en progression constante pour atteindre les 7 millions en 2008, dont une majorité d’Européens. Mais elle est également la destination privilégiée par ses voisins algériens. Le quotidien d’Alger L’Expression rapporte ainsi en 2009 que la Tunisie est la première destination des Algériens qui partent en vacances : pendant l’été 8 000 personnes et 1 000 voitures traversent chaque jour la frontière entre les deux pays. C’est évidemment en raison de la proximité géographique : la célèbre plage de Tabarka n’est qu’à 2h de voiture de la frontière. Mais c’est aussi une question de rapport entre la qualité de l’accueil et des prix abordables que le pays a su mettre en place, tout en se dotant d’infrastructures modernes capables d’accueillir les touristes.

31La très grande majorité du secteur relève du tourisme balnéaire, mais il ne faut pas oublier le tourisme saharien. Sous l’impulsion des réformes du système de santé mises en place par le gouvernement, la Tunisie s’ouvre cependant au tourisme médical ou paramédical (cures de thalassothérapie, chirurgie esthétique), misant sur la qualité des prestations et leur prix moindre par rapport à l’Europe. Là encore, la clientèle immédiate se compose d’Algériens et de Libyens.

Volet politique

Une stabilité politique et sécuritaire

32Dans les années 1980, la Tunisie, un des premiers pays menacés par le fondamentalisme islamique, faisait l’objet des conjectures les plus pessimistes. Le journal Le Monde titrait ainsi régulièrement sur l’effondrement imminent de ce pays de 162 000 km² pour 10 millions d’habitants. Trente ans après l’accession au pouvoir du président Ben Ali, force est de constater que la Tunisie fait mentir ces pronostics.

33Contrairement au portrait stéréotypé de l’autocrate oriental qu’en brossent les médias occidentaux, Ben Ali a su en effet tirer parti de sa longue présidence pour stabiliser la Tunisie. On l’accuse d’en avoir fait un État policier, mais il n’y a pas que cela, loin s’en faut. L’universitaire Béatrice Hibou évoque un « pacte de sécurité », liant le peuple au pouvoir, à l’État protecteur et dispensateur de bien-être. Le système mis en place par Ben Ali est infiniment plus complexe. Il succède à Bourguiba à une époque où le pays est en proie aux luttes de succession, aux tensions politiques et économiques et à la montée de l’intégrisme qui noyaute les institutions. Et il parvient à éviter la violence lors de l’éviction de son prédécesseurs, pour mettre le cap sur une libéralisation progressive, avec pour objectif premier de mettre la Tunisie à l’abri de la tourmente régionale. Puis, petit à petit, Ben Ali mènera une politique extérieure plus ambitieuse, posant son pays comme un acteur dynamique du continent africain ainsi que comme une interface entre celui-ci et le bassin méditerranéen.

34La place importante dévolue à la Tunisie dans le cadre de l’Union Pour la Méditerranée constitue à cet égard à la fois un aboutissement et une reconnaissance de son rôle moteur au niveau diplomatique tout au long du processus.

Le rayonnement à l’étranger

35Le président Ben Ali a su au fil du temps mener une politique étrangère mesurée, qui a placé la Tunisie hors des querelles intermaghrébines - notamment celle qui oppose le Maroc et l’Algérie sur le chapitre du Sahara Occidental - et lui a permis d’avoir un rayonnement à l’échelle du continent en même temps qu’elle jouait un rôle en Méditerranée. Une des réussites marquantes de cette politique est l’exportation par le président Ben Ali de sa politique intérieure de solidarité à l’international : le projet de Solidarité Internationale défendu par lui en 1999 a en effet été adopté par l’ONU en 2002. Il prévoit la mise en place d’un Fonds mondial de solidarité, avec des objectifs chiffrés : la réduction de 50 % du taux de pauvreté dans le monde à l’horizon 2015, et la réduction de moitié également du nombre de personnes qui n’ont pas accès à l’eau potable. Il ne s’agit donc pas d’une déclaration de principe rappelant des valeurs générales, mais bien d’un projet précis, avec des objectifs et des plans d’action, tels qu’il en a été menés en Tunisie même, avec le succès que l’on a observé.

Notes

  • [1]
    Indicateurs généraux 2008.
Français

Vu d’Occident, le président Ben Ali n’est souvent considéré que comme un autocrate. Pourtant, en 22 ans de présidence, il a mené son pays sur la voie du progrès économique et social.

English

Why do Tunisians Vote for Ben Ali ?

To the Western observer, Ben Ali is not much more than an autocrat. However, during his 22 years as president, he has effected positive economic and social change.

Antoine Sfeir
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/11/2016
https://doi.org/10.3917/lcdlo.097.0019
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Centre d'études et de recherches sur le Proche-Orient © Centre d'études et de recherches sur le Proche-Orient. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
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