CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Quelle place prend la parole lors du processus judiciaire ?

2Un ensemble de recherches a pu montrer à quel point les décisions prises tout au long du processus pénal étaient conditionnées par différents documents écrits.

3Dans la continuité du processus d’individualisation du contrôle étatique, un ensemble de dispositifs d’identification de la personne ont permis de rattacher à chaque individu un dossier personnel. A la fin de XIXème siècle, la création d’un casier judiciaire national centralisé, notamment conçu pour lutter contre la récidive, s’inscrit dans cette tendance (Cf. About, 2004). Il joue justement un rôle particulièrement important dans les décisions qui sont prononcées par les tribunaux Cf. (Aubusson de Cavarlay, Godefroy, 1985 ; Léonard, 2010). En outre, les différents documents justifiant des garanties d’insertion ou de représentation des prévenus apparaissent également protecteurs contre les peines les plus sévères (Cf. Faget, 2008). Enfin, les décisions prises par les magistrats sont encadrées par le code de procédure pénale et par la jurisprudence.

4Pour autant, le constat de cette emprise de l’écrit tout au long du processus judiciaire ne dispense pas de porter notre attention sur la place qu’y prend la prise de parole et sur les effets qu’elle produit sur les différentes décisions qui sont prises. D’une part, parce que la parole prend une place importante dans la production des écrits qui sont à la base des décisions. D’autre part, parce qu’elle est omniprésente lors du procès et dans sa préparation. En nous concentrant principalement sur deux acteurs du procès, les prévenus et leurs avocats, nous analyserons la place de la parole à l’audience et ses conséquences sur le processus décisionnel.

5Lors du procès, la parole, ou son absence, est révélatrice des différents enjeux, parfois contradictoires, avec lesquels les acteurs doivent composer. Lors d’une même affaire, les prévenus tout comme les avocats sont parfois tenus d’adapter leurs discours à des acteurs aux attentes antagonistes. Pour les uns comme pour les autres, l’audience correctionnelle crée un contexte dans lequel prendre la parole est simultanément un risque et une nécessité. Nous expliquerons tout d’abord ce qui est au principe du discours de l’avocat. Celui-ci adapte sa parole à son client lors de la préparation de l’audience afin de l’amener à tenir une version des faits adaptée au tribunal sans jamais la lui prescrire. Ces échanges oraux doivent alors également lui permettre d’évaluer son client, sa fiabilité, la nature de la relation de confiance qu’ils peuvent construire, en fonction de quoi il adaptera son discours à l’audience. Il adapte également son discours aux magistrats par anticipation de leurs attentes et en fonction de ses connaissances concrètes des singularités de chacun d’entre eux.

6Nous porterons ensuite notre attention sur les prévenus. Leurs discours varient selon leur perception de ce qu’attendent les juges. Celle-ci diffère selon les prévenus, mais également selon la nature des interactions qui se sont mises en place entre eux et leurs avocats en amont du procès. Mais cette parole « tournée vers les juges » l’est également vers d’autres acteurs aux attentes perçues comme différentes, voire contradictoires : il s’agit notamment des « complices », du groupe de pairs ou de la famille.

7Enfin, nous montrerons que le développement d’une justice d’urgence contribue à la reconfiguration de la parole qui est tenue lors du procès.

8Dans ces circonstances, la relation de confiance entre l’avocat et son client tend à se construire suivant une temporalité différente, laquelle génère un impact sur la parole produite à l’audience. Elle redéfinit également la manière dont cette parole est perçue. Ainsi, la fusion de trois étapes du processus pénal (engagement des poursuites, jugement, détention) en comparution immédiate favorise la perception par les juges du discours des prévenus comme étant stratégiste, alors que ce discours peut être vu comme la marque d’une « prise de conscience » dans d’autres circonstances.

L’avocat et son client

9En 1994, Philip Milburn montrait que la construction de la relation de confiance entre l’avocat et son client se construit sur le long terme. Au cours de leurs échanges, l’avocat et son client s’évaluent et ajustent leurs attitudes et discours respectifs en fonction de ceux de leur interlocuteur. La relation de confiance entre l’avocat et son client dépend alors de la nature des échanges qui peuvent avoir lieu entre eux [1].

10D’une part, la nature de la relation de confiance influe sur les éléments qu’évoque le client. De l’autre, elle a un effet sur la propension du client à se montrer sincère à l’égard de son défenseur. Ces deux éléments pèsent sur la construction du système de défense et sur l’élaboration de la plaidoirie de l’avocat. Or, lors de l’audience, la plaidoirie de l’avocat est davantage orientée vers le(s) juge(s) que vers son client. La première raison réside dans le fait que, pour obtenir une décision satisfaisante pour son client, c’est le tribunal qu’il faut convaincre. La seconde est que, lors du procès, l’avocat met en jeu sa réputation auprès des magistrats, voire auprès de ses pairs.

11Au cours de sa « socialisation professionnelle », l’avocat fait l’apprentissage des tensions qui existent entre son devoir à se montrer convainquant auprès du tribunal (ce qui implique de paraître crédible) et celui de s’adapter au discours de son client (qui n’apparaît justement pas toujours crédible). Le crédit accordé à un avocat dépend de sa capacité à montrer qu’il n’est pas prêt à défendre les thèses les plus invraisemblables et de celle à produire de manière crédible des interprétations alternatives des faits : l’avocat qui dispose de quelques chances d’ « imposer » une version des faits paraissant d’ordinaire peu crédible est sans doute celui qui, dans les circonstances habituelles, est le premier à signifier au tribunal, d’une manière ou d’une autre, qu’il n’est « pas dupe » des mensonges de ses clients.

12Les interactions avocat/client déterminent ainsi si l’avocat parviendra ou non à faire émerger des éléments mobilisables lors de l’audience et à orienter le discours et le comportement de son client dans un sens acceptable pour le tribunal. Nous l’avons dit : l’une des conditions qui favorise ces éléments est que cette relation se construise sur le long terme [2]. D’autres recherches suggèrent que les différents avocats n’ont pas nécessairement les mêmes compétences en la matière, lesquelles sont le fruit d’un apprentissage (Cf. Milburn, 2002).

L’avocat face aux spécificités du juge

13Lors de la préparation de leurs plaidoiries, les avocats anticipent généralement les attentes particulières des juges. Quand il s’agit de formations collégiales, ils portent essentiellement leur attention sur les caractéristiques du président [3]. Tout au long de leur socialisation professionnelle, que cela soit par le biais d’échanges avec leurs confrères ou de leurs expériences professionnelles, les avocats apprennent à identifier les singularités des juges à cette fin.

14La manière dont les avocats s’adaptent dépend notamment des fonctions qu’occupe le juge dans d’autres circonstances. Autrement dit, les frontières entre les différents rôles que les juges occupent ne sont pas entièrement imperméables. Pour reprendre les termes analytiques de Goffman, les actes du juge « sont en partie l’expression et le produit d’un soi qui subsiste derrière chacun de ses rôles » (1991, p. 241). Cet aspect n’échappe pas aux avocats.

15Lors des audiences, l’un des enjeux pour l’avocat est d’orienter le cadrage de l’ « histoire du délit » dans un sens favorable à son client. Il s’agit alors bien souvent d’essayer d’imposer une problématique alternative à celle proposée jusqu’alors, notamment par le représentant du parquet. La connaissance des attentes des décideurs (ici les juges) permet, par anticipation, de proposer un cadrage favorisant une décision clémente.

16Les observations et les entretiens que nous avons menés ont laissé voir des différences de stratégie significatives selon les magistrats d’audience. Les juges des enfants apparaissent comme une figure particulièrement favorable aux yeux des avocats, notamment parce que, du point de vue de leurs pratiques professionnelles, ils sont perçus comme étant davantage réceptifs aux réponses éducatives (Cf. Bastard, Mouhanna, 2008) et plus réticents aux peines d’emprisonnement. Faire valoir à un juge d’application des peines que le prévenu a été particulièrement rigoureux dans l’application de ses peines passées apparaît comme un cadrage privilégié par les avocats quand le président est lui-même juge d’application des peines. A l’inverse, face à un juge réputé pour sa rigueur, ce qui s’avère souvent synonyme de « sévère », les avocats orientent davantage les débats vers les éventuels manques de rigueur de la procédure.

17Sur ce point encore, les différents avocats ne sont pas égaux. Nous l’avons dit, l’adaptation aux magistrats se fait par la connaissance concrète de ceux-ci et par l’information véhiculée par les pairs. Les habitués des tribunaux correctionnels, parce qu’ils connaissent davantage les juges qui y siègent, acquièrent plus facilement les compétences adéquates. Ceux qui sont insérés dans des réseaux d’avocats habitués du tribunal correctionnel reçoivent davantage d’informations utiles à leur adaptation personnalisée en fonction des juges. Les avocats spécialisés en droit pénal cumulent généralement davantage que les autres ces deux caractéristiques.

Le discours des prévenus

18Alors que, à l’audience, la parole de l’avocat est essentiellement adaptée en fonction des attentes supposées des juges, celle du prévenu l’est vers des acteurs aux attentes souvent différentes, voire contradictoires. Ainsi, les audiences sont généralement publiques, et le prévenu, lorsqu’il prend la parole, a bien intériorisé qu’il allait être « jugé » non pas seulement par les juges, mais également par ses éventuels complices et par le public. En conséquence, sa parole est orientée en fonction de ceux qu’il estime le plus opportun de convaincre, même s’il essaie de tenir un discours qui, autant que possible, donnera une image positive de lui-même auprès de l’ensemble d’entre eux.

19Ainsi, il ne va pas de soi que le juge soit l’acteur central vers lequel le prévenu oriente son discours. Si beaucoup considèrent que la peine d’emprisonnement est la sanction dissuasive par excellence, certaines recherches ont montré que ce raisonnement faisait abstraction des expériences de vie des justiciables (Cf. Chantraine, 2004). Les sanctions sociales prennent parfois pour eux une place plus importante. Faire tenir ensemble un discours répondant aux attentes des différents agents entrant en interaction est une exigence bien souvent intenable.

20Il est fréquent que le prévenu adapte son discours en fonction de ses complices. Le cas échéant, le prévenu anticipe d’éventuelles représailles, ce qui participe à la censure de certains de ses propos. S’il existe une pression sociale qui exerce bien souvent un effet fort et qui oriente les propos du prévenu dans un sens inadéquat par rapport aux attentes des magistrats, c’est celle qui est produite par la présence du public et, plus précisément, par la présence des familiers du mis en cause.

21Suivant nos observations, les attitudes et discours des prévenus varient considérablement selon que ces familiers soient ou non dans la salle. Chez certains jeunes prévenus, la présence en nombre des amis favorise regards et mots adressés au public, bravades et affirmations du « bien-fondé » de l’infraction reprochée. Ces discours, souvent appuyés d’une revendication d’un honneur viril, apparaissent tournés vers le public et sont très probablement contre-productifs dans l’optique de l’obtention d’une décision clémente. Dans ces circonstances, le prévenu se sent bien souvent tenu de prendre partie entre deux légitimités concurrentes et en faveur de celle de son groupe de pairs. De fait, et dans un apparent paradoxe, les individus qui se présentent au tribunal sans soutien se retrouvent favorisés sur ce point. La présence des parents, et plus spécifiquement de la mère, oriente également les versions des faits des prévenus, bien souvent dans un sens contraire aux attentes de leurs avocats. Il semble ainsi que la présence des parents puisse parfois favoriser les dénégations, lesquelles apparaissent souvent peu crédibles. Plus généralement, au-delà des seules dénégations, la présence parentale oriente le discours du prévenu, lequel l’ajuste de telle manière à ce que sa version des faits lui apparaisse entrer en cohérence avec la perception que ses parents ont de lui.

22Enfin, le prévenu adapte son discours en fonction de ce qu’il pense être les attentes des juges. Ici encore, les représentations des prévenus favorisent parfois les dénégations. Nos observations nous amènent ici à faire l’hypothèse qu’ils perçoivent essentiellement le juge comme ayant pour fonction principale de trancher quant à leur culpabilité, ce qui les incite à nier leur culpabilité alors même qu’une telle version n’apparaît pas crédible. Mais les juges sont bien évidemment également les acteurs de la parole portée par le prévenu, en exprimant plus ou moins clairement leurs attentes, en endossant davantage un rôle d’ « éducateur », ou en jouant celui de l’acteur impartial et impassible face aux propos et à l’attitude du mis en cause. Les juges, parce qu’ils sont tous des acteurs singuliers, ont également des manières singulières de mener leurs audiences et de décider. Mais, parce que les prévenus ne connaissent que rarement les magistrats qui les jugent, la propension qu’ils ont à prendre la parole « comme il faut » dépend ici encore des échanges avec leur avocat.

Justice d’urgence et parole lors du procès

23Depuis une vingtaine d’années, un ensemble de réformes de la justice a été institué, notamment dans une logique managériale. Ces changements se sont notamment caractérisés par des réformes procédurales et organisationnelles visant à améliorer l’efficience judiciaire par l’évaluation des « performances » (Cf. Bastard, Mouhanna, 2007) et à satisfaire une « clientèle », en l’occurrence l’« opinion publique », dans une optique de lutte contre l’impunité. La procédure de comparution immédiate, dont le recours a connu une croissance de 50 % entre 2001 et 2005, est un emblème de cette justice moderne en raison de sa rapidité, gage de qualité selon la philosophie managériale. Cette procédure, parce qu’elle est structurée de telle manière que les trois étapes du processus pénal (poursuites, jugement, application de la peine de prison ferme) fusionnent, exerce un effet réel sur la nature de la parole et sur la manière dont elle est perçue.

24Pour schématiser, lors des poursuites « classiques », le prévenu est arrêté et poursuivi, puis est jugé et, en cas de peine de prison ferme, il rencontre un(e) juge d’application des peines qui décide, en fonction de la situation du condamné au moment de sa présentation, de l’application la plus adaptée pour la peine. Autrement dit, ce processus se divise en trois temps bien distincts. Avec la procédure de comparution immédiate, ces trois étapes s’emboîtent. La situation du prévenu n’évolue alors pas à chacune de ces trois étapes. Celui qui, par exemple, est sans emploi lors de son arrestation l’est encore lors de l’application de sa peine. L’éventuelle affirmation de sa volonté de s’insérer socialement est alors perçue à l’aune de ce qu’il vient de faire : un délit. La parole du prévenu se retrouve alors dans une impasse. Faire valoir sa volonté d’insertion est perçu comme s’inscrivant dans une stratégie opportuniste de la part de celui qui, 48 heures plus tôt, commettait un délit. Ne pas faire valoir cette volonté, c’est « prouver » aux magistrats qu’ils ont pris la bonne décision en poursuivant par le biais d’une procédure sécuritaire et répressive. La scission du processus pénal en trois étapes n’exclut pas que les prévenus et condamnés se conforment aux attentes des juges de manière opportuniste, mais elle permet de faire valoir leur volonté d’insertion en donnant des gages de celle-ci, ce qui implique un minimum de conformation réelle aux attentes des magistrats.

25Le développement de la justice pénale d’urgence augmente également la probabilité pour un prévenu d’être défendu par un avocat dont il a fait la rencontre le jour-même. De fait, les conditions nécessaires ne sont pas réunies pour la construction de la relation de confiance entre avocat et client telle que décrite par Milburn. Ce contexte favorise le fait que l’avocat censure la parole qui pourrait être utile lors de ses échanges avec son client, le tarissement des ressources argumentatives auxquelles il pourrait accéder et la libération d’une parole brute du prévenu, lequel a été moins bien préparé à s’adapter aux exigences du tribunal. Les conséquences des récentes réformes judiciaires ont été peu prises en compte, sans doute notamment parce qu’un ensemble de mécanismes participent à les rendre invisibles. Ces effets sont pourtant bien réels et apparaissent en de nombreux points comme allant dans un sens contraire à l’ « idéal de justice » que défendent nombre de professionnels de la justice.

Conclusion

26Malgré l’emprise de l’écrit sur le cours du procès, la parole y occupe tout de même une place réelle. Celle-ci se construit d’abord en amont du procès à proprement parler, et notamment lors des entretiens entre le prévenu et son avocat. Ces échanges jouent un rôle prépondérant dans la nature des propos qui seront tenus par les différents acteurs à l’audience. Une relation construite sur la durée permet à l’avocat de faire émerger des éléments qui pourront lui être utiles dans la construction de sa plaidoirie. Elle lui permet aussi d’anticiper les propos que son client tiendra à l’audience, et ainsi de construire son intervention de manière adéquate.

27En conséquence, les réformes récentes qui visent à améliorer l’efficience de la justice, notamment par le développement de la justice d’urgence, contraignent fortement la constitution de relations satisfaisantes à cet égard. Suivant ce point de vue, le problème que posent les nouvelles politiques judiciaires est moins le fait que les magistrats passent peu de temps sur les dossiers qu’ils jugent ou pour lesquels ils engagent des poursuites que le fait qu’elles suppriment des étapes invisibles et pourtant nécessaires à la construction d’une défense efficace. Celle-ci se construit d’ordinaire dans les intervalles temporels, invisibles, entre les différentes étapes du processus judiciaire.

28La parole du prévenu lors du procès dépend également des acteurs (magistrats, avocats, mais également victimes, complices et membres du public) avec lesquels il entre en interaction. La parole du prévenu lors de son procès est alors tournée vers des acteurs aux attentes variées : en ces circonstances, la présence de la famille et des amis peut s’avérer être davantage un handicap qu’un atout, parce qu’elle peut tendre à orienter le discours du prévenu dans un sens contraire aux attentes des juges. Mais ici encore, la capacité du prévenu à s’adapter à ces contraintes dépend du contexte dans lequel il a pu préparer sa défense, et notamment des échanges langagiers avec son avocat.

29Finalement, derrière la rhétorique de l’efficacité, les réformes actuelles engendrent des conséquences réelles mêmes si elles sont difficilement objectivables. Essentiellement tournées vers des logiques gestionnaires, elles oublient les objectifs d’expiation et de réhabilitation de la peine.

30Il ne s’agit pas pour nous de tenir un discours naïf sur les vertus de la justice « à l’ancienne », mais bien de souligner que l’évaluation des politiques pénales remplit avant tout une fonction qui privilégie l’affichage de la mobilisation des outils de « modernisation » de l’administration judiciaire, davantage qu’elle ne cherche réellement à mesurer sa capacité à remplir des objectifs, d’ailleurs de moins en moins clairement définis. Cette fonction participe alors à occulter l’échec de la justice dans ses objectifs de réhabilitation ; réhabilitation qui devient alors accessoire.

Notes

  • [1]
    Milburn (1994) relève que le client évalue la confiance qu’il peut avoir envers son avocat au fait que ce dernier aille le voir régulièrement en prison et au fait qu’il accepte d’adapter ses honoraires à ses ressources. Réciproquement, l’avocat évalue son client au fait qu’il revienne le voir, qu’il le conseille à d’autres prévenus et qu’il s’acquitte correctement de ses honoraires.
  • [2]
    Certains travaux ont permis de poser l’hypothèse que les décisions plus défavorables à l’encontre des prévenus défendus par des avocats commis d’office étaient la conséquence du fait que ceux-ci, moins payés, pourraient être incités à réduire leur investissement (Ancelot, Doriat-Duban, 2010). Sans exclure cette hypothèse, il faut, à notre sens, également porter son attention sur ce que cette conséquence doit au contexte particulier dans lequel se construit la relation entre l’avocat commis d’office et son client.
  • [3]
    Il s’agit pour eux d’une nécessité pratique : s’adapter à trois personnalités singulières et parfois perçues comme très différentes relève en effet d’une gageure. En identifiant un juge qu’ils estiment être l’« acteur-clé » de la décision, les avocats parviennent alors à produire une plaidoirie personnalisée.
Français

Résumé

Lors du procès correctionnel, la parole des différents acteurs est simultanément tournée vers des récepteurs aux attentes différentes, voire parfois antagonistes. Ainsi, les avocats adaptent leurs discours à leurs clients et aux juges, et les prévenus aux attentes des magistrats, mais également à celles d’autres acteurs périphériques (complices, amis présents dans le public …). Chacun s’engage alors dans un ajustement du discours…

Mots-clés

  • avocat
  • justice
  • parole
English

The defense may now speak

In a court of law

Abstract

When there’s a correctional trial, the word of the various actors is simultaneously oriented to the receivers with different, sometimes even conflicting, expectations. Thus, lawyers adapt their speech to their clients and judges, and the defendants to the magistrates’ expectations, but also to those of other peripheral actors (accomplices, friends present in the audience …). Each person then engages in a speech adjustment…

Keywords

  • lawyer
  • justice
  • word

Bibliographie

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Thomas Léonard
T. Léonard est doctorant en sciences politiques ; ATER (Attaché temporaire d’enseignement et de recherches) à l’Université Lille 2. Mail : tl.leonard@laposte.net
Mis en ligne sur Cairn.info le 13/03/2012
https://doi.org/10.3917/graph.037.0093
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