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1Le contremaître est une figure associée au taylorisme du xxe siècle. Dans les usines, son « empire » s’accroît parallèlement au développement des nouvelles formes de coordinations hiérarchiques [1]. Les dernières décennies du xixe siècle sont en effet marquées par un renforcement des tâches de contrôle et d’intensification du travail ouvrier. Dans les usines textiles en particulier, où les innovations techniques sont moins nombreuses que dans d’autres secteurs et n’attirent guère les ingénieurs, l’autorité des contremaîtres est alors à son apogée. Si le rôle et l’action des contremaîtres des usines du xxe siècle ont été bien définis, l’origine et les conditions d’émergence de cette fonction ont été moins étudiées. Selon Sylvie Schweitzer, « pour le xixe siècle, on ne peut que supputer : c’est dans les années 1920 que le contremaître est repérable dans les discours et les pratiques patronales, parce qu’avec l’apparition de l’organisation scientifique du travail, ses attributions changent. » [2]

2Pourtant, dès le milieu du xixe siècle, la figure du contremaître envahit peu à peu les discours. Pour Michelet, « l’ouvrier hait le contremaître dont il subit la tyrannie immédiate : celle du maître, plus éloignée, lui est moins odieuse » [3]. L’image esquissée d’un contremaître honni, docile aux ordres patronaux, symbole de l’arbitraire industriel, s’impose progressivement dans les descriptions des usines. Au-delà des représentations d’un personnage cruel, régnant en maître sur le monde usinier, il s’agit de s’interroger sur l’avènement de cette nouvelle figure de l’autorité. L’aube de l’industrialisation se lève en France dans un contexte de rupture révolutionnaire. La suppression des corporations où le maître était défini sous les traits de l’autorité paternelle, et l’effritement progressif du cadre traditionnel de l’atelier artisanal, obligent à une reconfiguration complète de l’autorité sur le lieu de travail. L’émergence de la figure du contremaître résulte de ces transformations.

3Le titre et la fonction préexistent pourtant à la Révolution. À l’origine le terme est utilisé dans la Marine, puis il désigne progressivement l’individu chargé des tâches de surveillance et de contrôle des ouvriers pour le compte de l’entrepreneur [4]. L’industrie textile est particulièrement concernée par la diffusion précoce de cette fonction. À la fin du xviiie siècle, le secteur connaît en effet de profondes transformations techniques et concentre d’importants effectifs. La production exige donc un encadrement plus strict de la main-d’œuvre [5]. Le terme de contremaître recouvre à l’époque diverses réalités : concierges ou portiers, mais aussi inspecteurs contrôlant la qualité des produits finis. Leur statut est alors proche de celui des domestiques : leur salaire est annuel et un uniforme souligne parfois leur appartenance à la maison de l’employeur [6].

4Durant le xixe siècle, la fonction se généralise, parallèlement à l’émergence de l’usine et au renforcement des préoccupations disciplinaires sur les lieux de travail. Au cours de cette période, de nouvelles formes de coordination et d’organisation de la main-d’œuvre sont peu à peu instituées dans le monde du textile. Les observateurs de l’époque remarquent très tôt cette évolution et se désolent parfois de la concurrence qu’exerce cette nouvelle forme d’autorité par rapport à des formes plus traditionnelles de cette relation. Très sensible à ces dangers, Jules Simon assure par exemple que « la manufacture, qui a quelque chose du couvent et de la caserne, sépare les membres de la famille [et] substitue à l’autorité du mari et du père l’autorité du règlement, du patron et du contremaître » [7]. Cette affirmation doit pourtant être relativisée. La première industrialisation se caractérise en effet par la faiblesse des hiérarchies d’atelier et le maintien de larges sphères d’autonomie ouvrière, y compris dans le textile et les mines [8]. Par ailleurs, au caractère multiforme de la Révolution industrielle selon les régions et les secteurs répondent les multiples facettes de la figure du contremaître : le mot peut tout aussi bien désigner les surveillants des usines textiles mécanisées que les individus qui contrôlent le travail dispersé. Dans le cadre proto-industriel, le rôle des contremaîtres se limite alors à livrer les filés puis à récupérer les étoffes tissées en contrôlant la qualité [9].

5La fonction recouvre donc une grande diversité de situations sociales à une époque où la grande usine reste l’exception. Nous tenterons ici d’analyser l’élaboration de ces nouvelles formes de l’autorité sur le lieu de travail. Entre les définitions normatives des règlements et leur mise à l’épreuve dans les interactions quotidiennes, émergent les traits de nouveaux rapports d’autorité caractéristiques de la société industrielle.

Le contremaître : un ouvrier parmi les autres ?

6Le rôle des contremaîtres et leur place dans le champ social sont d’emblée problématiques. Lors de la réforme des conseils des prud’hommes en 1848, les membres du Comité du travail de l’Assemblée constituante s’interrogent ainsi sur leur statut lors des procédures électorales : « La difficulté est de savoir dans quelle catégorie on doit classer les contremaîtres ; est-ce parmi les patrons ou parmi les ouvriers ? Le comité décide que les contremaîtres voteront avec les patrons, parce qu’ils sont dans la plupart des cas les représentants des intérêts des patrons » [10].

7Cette identification à la direction est la première caractéristique du contremaître : nommé par les patrons, il est leur représentant pour la surveillance et la coordination de la main-d’œuvre. Sa capacité à imposer son autorité ne dépend pourtant pas de son origine sociale puisque la plupart d’entre eux sont issus des rangs ouvriers. Au xviiie et au début du xixe siècle, les contremaîtres se distinguent peu du reste de la main-d’œuvre [11]. La compétence technique offre une possible distinction, fondatrice d’autorité. À Elbeuf, dans les années 1830, la diffusion des nouveaux procédés de tissage entraîne ainsi la scission du monde des tisseurs en deux groupes bien distincts : « les plus expérimentés », décrit Alain Becchia, « ceux que ne rebutaient pas les difficultés, les plus imaginatifs aussi, devinrent de véritables techniciens et “contremaîtres de tissage” » chargés de surveiller et d’encadrer le travail des autres [12]. L’innovation semble ici jouer un rôle majeur. Lors de l’introduction de nouvelles techniques de production, les techniciens employés revêtent d’ailleurs souvent le titre de contremaître : chargés de la mise en place des nouveaux procédés, ils dirigent les opérations et forment la main-d’œuvre. Les changements industriels s’accompagnent à cet égard d’un glissement sémantique symbolique : la disparition progressive des maîtres ouvriers représente la perte de l’autonomie des métiers au profit d’une mécanisation gérée par le contremaître.

8La fondation de la légitimité du commandement sur « la supériorité intellectuelle » supposée entre également dans la production et la diffusion d’une figure modèle du contremaître par les économistes de l’époque. L’un d’entre eux, Lucien Bergery, estime ainsi que « les surveillants ou contre-maîtres » doivent avoir « l’habileté de l’excellent ouvrier, pour qu’ils puissent diriger efficacement les travaux ; mais par-dessus tout ils ont besoin d’instruction » [13]. La fonction de contremaître est d’ailleurs l’un des débouchés privilégiés des élèves sortant des écoles des Arts et Métiers dans la première moitié du xixe siècle [14]. À partir de 1831, la Société d’encouragement pour l’industrie nationale organise quant à elle périodiquement des remises de médailles pour récompenser les meilleurs contremaîtres de l’industrie française [15]. Ces cérémonies sont bien évidemment l’occasion d’édifier l’archétype du bon contremaître, modèle de conduite pour les ouvriers dont l’agitation persistante suscite l’effroi des classes dirigeantes au cours des années 1830 [16]. L’aptitude à imposer son autorité apparaît dans ce contexte comme une qualité fondamentale. En 1831, la médaille est ainsi décernée à Casimir Dumas, contremaître dans les ateliers de filature et d’ouvraison des soies de M. Teissier du Cros, à Valleraugue (Gard). Il « a su s’attirer l’estime et la confiance des ouvriers, et tous obéissent avec plaisir à ses ordres » [17].

9Loin de prendre la forme d’un pur rapport de domination, ou en tout cas de s’afficher comme tel, l’autorité du contremaître semble ici se dire dans le langage traditionnel de la figure paternelle et paraît résider dans la capacité à déterminer la conduite des ouvriers sans qu’il soit nécessaire d’user de force [18]. Cette capacité à se faire obéir « avec plaisir », pour reprendre les termes employés par la Société d’encouragement, constitue une force particulièrement utile à mobiliser durant cette période où les industriels éprouvent, on le sait, des difficultés à contrôler la main-d’œuvre qui continue de faire preuve d’une grande autonomie [19]. Confrontés à l’impossibilité d’une maîtrise complète de la main-d’œuvre, les fabricants tentent de mettre sur pied, par l’intermédiaire du contremaître, des formes d’autorité qui seraient librement acceptées par les travailleurs. La reconnaissance par tous de la compétence du contremaître constitue dès lors une pièce essentielle du dispositif. La Société d’encouragement s’applique à la mise en œuvre de cet objectif. En 1841, elle récompense ainsi le contremaître d’une teinturerie « qui a puissamment contribué à donner, par son exemple, les habitudes d’ordre et de travail qui distinguent les ouvriers attachés à cet établissement ». Les exemples similaires abondent. On peut citer celui de Pierre Daniel Guerlepied, simple ouvrier abandonné dès l’enfance qui, lit-on, doit « à une grande assiduité, à une conduite exemplaire et à beaucoup d’intelligence » l’honneur d’être devenu contremaître dans une fabrique de plaqué [20].

10Cette représentation de l’autorité du contremaître comme alliance de compétence, de bienveillance et d’esprit paternel est bien formulée dans le « manuel de filature » du fileur Sébastien Lambert :

11

Un bon contre-maître est l’âme de l’atelier ; c’est à lui que le patron doit s’adresser ; s’il y a une demande ou une réclamation à faire, c’est à lui que les ouvriers doivent s’adresser. […] Il n’est pas ici question d’aller chercher le fils d’une grande maison, ou un homme appuyé de grandes protections ; il faut, autant que possible, faire choix d’un homme qui connaisse la partie ; qui sache commander avec dignité ; qui sache allier la douceur avec la sévérité ; qu’il soit énergique et affable ; qu’il défende les droits de l’ouvrier aussi bien que ceux du patron ; qu’il puisse au besoin remédier à un métier lorsqu’un fileur n’est pas assez expérimenté pour le faire lui-même ; qu’il sache passer sur certaines petites fautes insignifiantes et réprimer énergiquement les causes de désordre ; en un mot, qu’il commande paternellement et militairement. Il doit aussi savoir juger des hommes et des choses avec la rapidité de l’électricité [21].

12Cette propagande industrielle, qui fait du contremaître l’archétype de l’ouvrier laborieux, rend toutefois imparfaitement compte de la diversité réelle des sphères de recrutement. Elle minore en tout cas certaines des qualités implicitement attendues dans l’encadrement des ouvriers, beaucoup moins liées à la possession d’une compétence technique ou à l’ardeur au travail qu’à l’expérience du commandement. C’est pourquoi, aux lendemains des guerres napoléoniennes, de nombreux officiers en demi-solde ont été recrutés à ces fonctions. Dans la manufacture de tabac du Gros-Caillou à Paris par exemple, l’une des plus grandes usines de France à l’époque avec près de mille ouvriers occupés dans les différents ateliers, deux anciens militaires ont ainsi été embauchés en 1811 pour exercer les fonctions de contremaître et de surveillant [22].

13D’autres signes montrent que la compétence, tout appréciée qu’elle soit, ne suffit pas à placer celui qui en fait montre dans une situation incontestable de commandement. La question des techniciens étrangers est à cet égard éloquente. L’importation des premières machines textiles à la fin du xviiie siècle a en effet favorisé l’embauche au poste de contremaître de techniciens étrangers, principalement anglais. Le nombre d’ouvriers anglais travaillant en France en 1822 est ainsi estimé à 15 000. Sous la monarchie de Juillet, des « contremaîtresses » britanniques sont parfois employées pour diriger la mise en œuvre des nouveaux procédés. Vers 1842, à Verneuil-sur-Avre, le filateur Waddington fait ainsi venir des ouvrières écossaises afin d’« instruire les ouvriers français dans le tissage mécanique qu’ils connaissaient alors très imparfaitement » [23]. De même, au milieu du xixe siècle, la filature de lin de Landerneau fait venir près de deux cent cinquante ouvrières écossaises pour travailler dans la firme bretonne [24]. Pour les industriels, le recours à ces travailleuses étrangères possède le double avantage d’obtenir une main-d’œuvre bon marché et d’instruire les ouvriers locaux à moindre frais. Cependant ces caractéristiques de recrutement réduisent l’ascendant de ce personnel d’encadrement, considéré comme un élément extérieur à la communauté. Les ouvriers français rechignent en effet à obéir à une autorité étrangère, d’autant plus lorsqu’il s’agit de femmes. Lors des émeutes ouvrières de 1848, les « contremaîtresses anglaises » employées à la filature de lin du Petit-Quevilly doivent ainsi quitter la ville ; les ouvriers de Waddington exigent eux aussi le renvoi de huit contremaîtresses anglaises. Dans ce cas, l’attitude des ouvriers dépasse la simple attitude xénophobe. La présence d’une autorité féminine bouleverse la hiérarchie traditionnelle de l’atelier. Ces femmes possèdent en effet des savoirs techniques leur permettant de diriger des sujets masculins. Mais ces quelques expériences échouent : ce sont bien des hommes qui, en définitive, se voient reconnaître les postes d’encadrement et de commandement, alors que les femmes se voient reléguées à des tâches auxiliaires [25].

14Ces exemples montrent l’ambivalence du statut de contremaître durant la première industrialisation. Son appartenance à la communauté paraît en effet nécessaire pour que les ouvriers acceptent sa présence. Mais il doit en même temps se distinguer d’eux pour obtenir leur respect et la confiance de l’entrepreneur. Les compétences techniques sont donc insuffisantes pour imposer l’autorité du contremaître : d’autres outils doivent être mobilisés.

Les attributs de l’autorité

15Pour les fabricants de la première industrialisation, les contremaîtres deviennent un outil indispensable au bon ordre manufacturier. Lors de l’enquête douanière de 1834, un drapier de Louviers note : « En Angleterre, on n’emploie que peu de contre-maîtres, parce que les ouvriers, étant généralement fort capables, n’ont pas besoin d’être surveillés comme les nôtres ». Victor Grandin, fabricant de draps à Elbeuf, affirme de son côté que « l’ouvrier français n’a pas la constance de l’ouvrier anglais », c’est pourquoi il est « obligé de les faire surveiller par des contre-maîtres qui sont payés beaucoup plus cher » [26]. La récurrence de la thématique de la main-d’œuvre indocile s’inscrit dans une rhétorique plaintive : il s’agit d’obtenir le soutien de l’État dans un contexte de dérégulation. Elle témoigne aussi d’une politique patronale soucieuse de renforcer les hiérarchies au sein des fabriques textiles. Dans cette perspective, les règlements, qui se diffusent progressivement dans l’industrie du xixe siècle, doivent servir d’auxiliaire au renforcement de l’autorité des contremaîtres [27]. Dans un arrêt célèbre du 14 février 1866, la Cour de cassation estime ainsi qu’un règlement affiché avait valeur de « convention librement formée », et que l’obéissance au chef d’usine ou à ses représentants – contremaîtres, porions des mines – était requise [28]. Ces règlements légitiment donc l’autorité du contremaître, mais ils ont aussi pour effet de la rendre publique et de définir son champ d’application [29]. Dans la filature d’Alphonse Delerue, il est ainsi spécifié que le contremaître est chargé de son exécution et que « les ouvriers lui doivent même obéissance et soumission qu’au maître de l’attelier [sic] » [30]. De ce fait, « toute désobéissance à leurs ordres, toute insulte ou voie de fait envers eux, sera sévèrement punie » [31]. En qualité de surveillant, le contremaître est également autorisé à fouiller les ouvriers à la sortie pour prévenir les vols [32].

16En contrepoint de ce pouvoir disciplinaire, les règlements réaffirment sans cesse la dimension paternelle de leur autorité : il « est expressément recommandé aux contre-maîtres d’apporter dans leurs rapports avec les ouvriers beaucoup de bonté et de bienveillance et de leur faciliter le travail » [33], ils doivent « protection et soins paternels à tout ouvrier remplissant ses devoirs avec fidélité et dévouement aux intérêts de l’établissement » [34]. Cet idiome « paternaliste » témoigne donc de la circulation incessante des modèles d’autorité entre la famille et l’atelier au début de l’ère industrielle, en tout cas au stade de la métaphore. La protection des ouvriers figure parmi ses devoirs : les clefs de la caisse de secours peuvent lui être remises – conjointement à l’ouvrier le plus âgé –, faisant de lui le garant de la survie des travailleurs [35]. En outre, la précision est parfois apportée qu’il est « formellement défendu aux contre-maîtres d’infliger des peines corporelles à leurs subordonnés » [36]. C’est donc par l’exemple davantage que par la contrainte que le contremaître doit stimuler la production [37]. À cet égard, l’exercice de l’autorité doit s’accompagner – toujours selon les règlements – d’une conduite irréprochable : les contremaîtres ne doivent « jamais exercer de voies de fait, ni propos déplacés aux ouvriers puisqu’ils sont là pour donner l’exemple du bon ordre. Toute contravention de leur part sera punie d’une amende double de la plus forte mentionnée au présent règlement » [38]. La position ambivalente du contremaître, dont l’autorité est limitée et subordonnée à celle du chef d’établissement, ne saurait être mieux soulignée.

17Outre le renfort des règlements, les contremaîtres disposent d’atouts symboliques pour appuyer leur domination. Ils apparaissent en partie comme les maîtres du temps et de l’espace usiniers. Ils sont ainsi chargés d’ouvrir les portes à l’arrivée des ouvriers, de surveiller l’accès et de vérifier l’état des lieux le soir [39]. Ils occupent par ailleurs souvent un bureau et un logement gratuit à proximité de l’usine, dont ils ne veulent pas toujours se séparer : contremaître de Jean-François Motte, filateur à Tourcoing, Louis Cau continue par exemple d’occuper celui-ci malgré son renvoi et refuse de rendre les clefs de l’établissement [40]. L’assise sur l’espace se traduit également par le maintien de la propreté des ateliers, rôle souvent souligné dans les règlements. Celui de la filature d’Alphonse Delerue précise ainsi que « les grands nettoyages seront faits chaque fois que le contremaître l’ordonnera » [41]. D’autres textes mentionnent également la vérification de la propreté par le contremaître.

18Enfin, les contremaîtres disposent d’un avantage évident, tant matériel que symbolique, par rapport au reste de la main-d’œuvre : de meilleures conditions de travail et des salaires supérieurs, qui constituent aux yeux de tous des attributs de respectabilité. Dans son enquête de 1840 Villermé note ainsi que « la journée de travail [des contremaîtres] est bien rétribuée et n’est pas généralement trop longue : aussi leur sort est-il envié par les fileurs et les tisserands » [42]. De fait, leur salaire est parfois le double de celui des autres ouvriers. Dans les nouvelles filatures mécaniques construites dans le Choletais durant la première moitié du xixe siècle, les ouvrières gagnaient la moitié des fileurs sur mule et 25 % du salaire du contremaître [43]. À la manufacture de tabac du Gros-Caillou, les salaires des contremaîtres variaient entre 100 et 150 francs par mois en 1833, contre 1,5 à 3,5 francs par jour pour les ouvriers [44]. Outre la supériorité des revenus, leur mensualisation est un gage de sécurité vis à vis du reste de la main-d’œuvre, payée à la journée [45].

19Tous ces signes de supériorité ne manquent pas de se retourner contre leur détenteur car ils suscitent naturellement des jalousies et des rancœurs. L’association de l’usine à une caserne dont les contremaîtres seraient les sous-officiers, ou encore à un bagne où « le fouet du conducteur d’esclaves est remplacé par le livre de punitions du contremaître » [46], est toutefois mise à mal par l’étude du quotidien de l’usine. Les faibles taux d’encadrement contredisent largement le topos d’une surveillance despotique [47]. Dans la pratique, l’autorité du contremaître est fondamentalement fragile, incertaine, sans cesse réaffirmée et contournée. Il convient pour l’observer d’abandonner les sources normatives [48] et de prêter attention à d’autres types d’archives, plus aptes à nous renseigner sur l’exercice pratique de l’autorité dans les ateliers : sentences des prud’hommes, rapports de police et sources judiciaires.

Relais patronal ou intercesseur ouvrier : l’exercice de l’autorité

20Les archives judiciaires et l’étude des conflits sociaux de la première moitié du xixe siècle fourmillent d’indications sur les interactions qui fondent le rapport d’autorité. Le contremaître apparaît bien sûr le plus souvent comme l’agent du maître dans le quotidien de l’ouvrier. Le renvoi de la main-d’œuvre peut relever de sa tâche, et cette délégation de pouvoir est très mal acceptée par les ouvriers [49]. Il n’est pas rare non plus que la remise du livret dépende de lui, comme le démontrent certaines affaires portées devant les prud’hommes. Ces attributions l’exposent parfois à la colère des travailleurs : « Un ouvrier fileur que son contremaître avait jugé à propos de renvoyer l’a frappé d’un coup de poing parce que celui-ci refusait de rendre son livret et qu’il n’avait pas le temps de le régler sur l’heure » [50]. Il est aussi le relais de la parole patronale auprès des ouvriers. Parfois il représente le fabricant lors des audiences aux prud’hommes. Ainsi, le contremaître Flipo parle au nom de la maison Prouvost Defresne de Roubaix dans l’affaire l’opposant à la tisserande Célestine Menarde de Leers. Une simple lettre expliquant l’indisposition du fabricant permet la délégation de pouvoir auprès du Conseil des Prud’hommes [51]. Le constat est plus délicat pour les fabriques où la délégation de pouvoir s’effectue au profit d’« un employé » dont la véritable fonction au sein de l’entreprise s’avère difficile à définir. La force de l’autorité du contremaître dépend également de la taille de l’établissement et de l’investissement du maître.

21Le contremaître est donc d’abord l’agent du maître, chargé de le représenter et de défendre ses intérêts. C’est à ce titre qu’il lui revient de gérer les conflits sociaux, moment de rupture de l’ordre quotidien au cours duquel les limites de l’exercice de son autorité apparaissent le mieux. Il tente de ramener les ouvriers à la sagesse lorsqu’un mouvement débute. Lorsque les ouvriers des Forges Brullet à Dourlers décident de cesser le travail pour obtenir une augmentation de salaires, le contremaître se rend au cabaret pour tenter vainement de parlementer avec eux [52]. Mais le rôle du contremaître ne se limite pas à des paroles d’apaisement. Il intervient ainsi aux côtés des dirigeants pour rétablir le calme ou négocier avec les ouvriers. Ainsi, lorsque deux journaliers tentent d’entraîner les ouvriers de la fabrique de sucre Manouvriez, Delarue et Cie à Raisme dans une grève pour l’augmentation de leurs salaires, le contremaître Lechef est aux côtés des entrepreneurs pour chasser les deux meneurs de la fabrique et rétablir le calme. Plus que les maîtres, c’est le contremaître qui est le sujet de la violence physique des ouvriers : « le Sr Lechef a reçu à la jambe droite un coup de pied » [53]. Simple coïncidence ou geste calculé ? : la hiérarchie est présente au complet pour ramener l’ordre, pourtant le patron est préservé et la violence s’exerce sur celui qui incarne l’autorité au quotidien. En 1833 dans l’Oise, pour faire face à un afflux de commandes, un filateur cherche à réduire provisoirement le temps de pause accordé à ses ouvriers. Lorsque le contremaître de l’usine leur présente cette modification, « des murmures » accueillent son discours et les « ouvriers prétendirent qu’on les traitait en esclaves ». Dans la foulée, ils cessent le travail. Le contremaître se fait alors intermédiaire entre les fileurs et le fabricant, il s’entretient avec certains ouvriers, estime le degré de mécontentement avant d’en rendre compte à la direction : « Le contremaître vint prévenir M. Poittevin et lui expliqua qu’ayant parlé à quelques ouvriers ordinairement les plus raisonnables et à des ouvrières, il avait su que les esprits étaient échauffés par le vin et que des menaces avaient été faites contre quiconque jusqu’à nouvel ordre voudrait rentrer à la fabrique » [54].

22Enfin, lors des troubles ouvriers, l’agent du maître peut se muer en véritable agent infiltré auprès des travailleurs, en étroite collaboration avec l’ensemble des autorités. Lors de l’agitation ouvrière du Houlme en 1825, le maire est ainsi prévenu de la reprise du travail par le contremaître. De même à Fécamp en 1830, dans un contexte de peur dû aux troubles survenus à Rouen, le commissaire de police sollicite les différents contremaîtres de la ville pour obtenir des informations sur l’état d’esprit des ouvriers [55].

23Toutefois l’autorité du contremaître, parfois mise au service des revendications ouvrières, peut se retourner contre le fabricant. En 1817, à la suite d’une grève violente des ouvriers d’une filature de Flavy le Martel afin d’obtenir une augmentation de salaire, le préfet note par exemple que « ce désordre a été provoqué par le contremaître des manufactures » [56]. Ce type d’alliance entre les ouvriers et les agents d’encadrement se retrouve aussi hors du textile. Ainsi, en 1857, dans une fabrique d’essieux de Seine-et-Oise, les contremaîtres prennent la tête d’une délégation pour aller protester contre une modification du règlement durcissant les amendes imposées aux ouvriers : « Les contremaîtres de l’usine se rendirent à Paris, au siège de la société, pour présenter les réclamations de tous contre ce règlement et se plaindre, en même temps, de l’inhumanité du directeur qui, prétendaient-ils, avait refusé les moyens de transporter à son domicile un vieillard blessé dans les ateliers. Sur l’assurance qui leur fut donnée qu’un nouveau règlement serait fait par la compagnie et soumis à mon approbation, ils revinrent à leurs travaux que tous les ouvriers reprirent en même temps » [57]. Ici, le contremaître devient l’intercesseur privilégié des ouvriers auprès de la direction. Dans d’autres cas, contremaîtres et ouvriers mènent une action commune auprès des autorités politiques : dans les années 1840, les ouvriers et les contremaîtres de l’industrie mécanique pétitionnent ensemble pour demander la prohibition de l’importation des mécaniques anglaises [58]. Il arrive même que des contremaîtres soient directement impliqués dans des révoltes ouvrières : en 1848, à Reims, le contremaître Leloup participe au saccage de la filature mécanique de Pradine qui a lieu en février après la proclamation de la République [59].

24Ces derniers exemples témoignent de la position ambiguë du contremaître dans le monde du travail. Avant 1850, le contremaître est un travailleur qualifié et expérimenté, un chef d’équipe et un meneur d’hommes. Mais les signes distinctifs qui doivent l’élever au dessus du reste de la main-d’œuvre ne suffisent pas toujours à assurer son autorité dans le monde de l’usine.

La rupture de l’autorité : le contremaître et les désordres de l’atelier

25Bien des indices témoignent des difficultés rencontrées par les contremaîtres pour s’imposer durant les deux premiers tiers du xixe siècle. Loin des représentations idéalisées du contremaître véhiculées par le concours de la Société d’encouragement, les audiences prud’homales de Roubaix et de Tourcoing nous livrent par exemple une vision plus incertaine de la compétence de ces individus [60]. L’image d’ouvriers distingués par leurs mérites se fissure devant les motifs de renvoi des contremaîtres. L’audience de Désiré Denutte, employé chez les Sieur Lemahieu et Cie, peigneurs de laine à Tourcoing, démontre ainsi l’incapacité du contremaître à « remplir l’emploi pour lequel il est engagé » en évoquant la casse de plusieurs pièces et la perte de temps. L’inexpérience de Denutte semble être à l’origine de ses piètres résultats : « il n’est pas contre-maître de peignage mais tout bonnement ouvrier serrurier » [61]. Ces défauts de compétence décrédibilisent l’autorité du contremaître censément fondée sur des qualifications techniques et sur une supposée supériorité intellectuelle. Bien plus, l’outil de contrôle de la main-d’œuvre, inapproprié, devient une source de dysfonctionnements pour la production.

26Le renvoi des contremaîtres tient parfois aussi à leur proximité avec la culture des ateliers. Louis Vermée, filateur à Tourcoing, décide de ne payer que quinze jours d’appointements sur le mois réclamé par Bernard Conrad car le contremaître a « perdu l’autre quinzaine de sa propre volonté, à faire ribotte » [62]. L’indiscipline, l’absentéisme [63] et les retards répétés sont souvent invoqués pour justifier la mise à pied (motif de sept ruptures de contrat sur onze de 1824 à 1860 dans les archives prud’homales de Tourcoing). Les fabricants stigmatisent une « conduite [qui] n’est pas exempte de tout reproche » [64], ou l’état d’ivresse de leur contremaître [65]. Érigée comme un modèle auprès du reste de la main-d’œuvre, l’attitude du contremaître ne saurait être déviante au risque de détruire l’autorité du maître lui-même. Le teinturier Alfred Delcour explique ainsi le renvoi de son contremaître Martin Septfontaine : « non seulement il ne veut pas exécuter les ordres qu’il reçoit mais il lui arrive fort souvent de venir à l’ouvrage quand déjà tout le monde est à la besogne depuis un certain temps et il ne peut tolérer plus longtemps ces sortes d’abus qui finiraient par troubler l’ordre doux des ateliers et lui seraient fort préjudiciables » [66]. Le jugement contradictoire statuant sur la légitimité du renvoi d’un contremaître de la maison Leplat Desnoulet Frères de Tourcoing confirme l’image exemplaire dont le contremaître doit être le reflet : « cette conduite est d’autant moins pardonnable que comme contre-maître il devait plus que tout autre montrer le bon exemple » [67].

27Par ailleurs, il arrive que le surveillant soit lui-même soupçonné de fraude [68]. Dans la manufacture du Gros-Caillou, où la surveillance des ouvriers était particulièrement étroite pour éviter les vols de tabac, une contrebande de grande ampleur organisée par le contremaître Forti est découverte. Dans les papiers saisis chez lui, les directeurs de l’usine apprennent qu’il s’apprêtait à livrer 2500 cigares qu’il était parvenu à faire sortir de l’usine. « L’emploi qu’occupe le sieur Forti à la manufacture augmente la gravité » des faits, note le directeur de l’établissement. Celui-ci craint par ailleurs « le mauvais et très dangereux effet que produirait son maintien dans les ateliers » [69]. Si les sources consultées n’indiquent rien de tel dans le secteur textile, les incidents survenus dans d’autres secteurs laissent présumer qu’il s’agissait d’un problème réel. Ces différents exemples démontrent la difficulté de la gestion de la main-d’œuvre, y compris celle du personnel d’encadrement [70]. Ils montrent aussi que les principes qui légitiment l’autorité du contremaître dans les règlements et les discours patronaux (ordre, compétence, obéissance) rencontrent, dans la pratique, une multitude d’entorses et de contre-exemples.

28Dans les périodes de crise et de violences sociales, l’effondrement de l’autorité du contremaître se manifeste dans les attaques dont il est l’objet. Lors des émeutes ouvrières de Rethel (Ardennes) en 1848, les travailleurs de la laine détruisent les nouveaux métiers à filer. L’un des meneurs lance un défi au contremaître en affirmant en sa présence : « les voilà donc brisés ces métiers, réjouissons-nous » [71]. Le conflit social est donc l’occasion de renverser symboliquement le rapport d’autorité en contraignant les contremaîtres au silence. Lors d’une grève des ouvriers de Reims, quatorze ans plus tôt, pour protester contre une diminution de salaire et la multiplication des nouveaux métiers à filer, le commandant de la gendarmerie précise de la même manière que les ouvriers avaient « l’intention de briser les mécaniques de l’établissement Bertrand et de maltraiter le contremaître » [72]. Celui-ci était associé au nouveau métier dont il avait la charge d’entretien et de réparation. C’est parfois la personne même du contremaître qui constitue l’objet du mécontentement ouvrier. En novembre 1853, les ouvriers de la filature de lin du Sieur Taylor de Wazemmes cessent le travail pour obtenir le renvoi de leur contremaître. « La majeure partie de nos ouvriers étant de la Belgique, et ayant pour contremaître un Français, ils se sont mis dans la tête qu’il serait plus avantageux pour eux d’avoir un Belge » [73]. On voit bien là que, pour ces ouvriers, l’exercice de l’autorité est conditionné à un certain nombre de caractéristiques communes qui permettront au surveillant d’être le représentant naturel de la main-d’œuvre. Enfin, les décisions et les retenues des contremaîtres peuvent également entraîner des mouvements de protestation. Le jeune contremaître Martial Lambruk expérimente ainsi les limites de son autorité lorsqu’il inflige des amendes aux ouvriers de la maison Delattre de Roubaix pour le manque de propreté des métiers en dépit des consignes de nettoyage données la veille. Un des ouvriers, Gaspard Dufermont, conteste l’amende, cesse le travail et quitte l’usine, suivi de ses compagnons de fabrique. Le jeune contremaître, sans doute pénalisé par son âge auprès de travailleurs plus âgés, a besoin du soutien de Jules Delattre, le fils de l’entrepreneur, pour réussir à ramener le calme et les ouvriers dans l’atelier [74]. Ces différents exemples prouvent combien l’exercice de l’autorité dans l’atelier est inséparable de représentations sociales plus générales des formes jugées acceptables de domination, par l’âge, le sexe ou la nationalité.

29Le mouvement reste donc inachevé. Jusqu’au Second Empire, l’autorité des contremaîtres s’apparente surtout à un rôle social en devenir. L’examen de leur place dans l’atelier et des interactions au quotidien qui façonnent leur rapport à la main-d’œuvre révèle une situation ambiguë. L’hétérogénéité de leur recrutement, la faiblesse des grandes structures concentrées et des formes de rationalisation du travail durant cette période, rendent en effet difficile l’imposition d’une autorité homogène dans l’espace de travail : toutes choses qui disparaîtront peu à peu après 1860 et ouvriront de larges perspectives à cette domination esquissée [75]. De même, l’autorité du contremaître coïncide difficilement avec le maintien des multiples sphères d’autonomie caractéristiques du monde du travail au xixe siècle et l’affirmation du « bon droit » des ouvriers [76]. L’invention progressive, encore fragile, de cette autorité n’en est pas moins incontestable au cours de la première industrialisation, tirant sa légitimité de sources multiples, de l’autorité du maître aux savoir-faire techniques, et trouvant, du père à l’officier, des modèles de commandement divers.

Notes

  • [*]
    Docteur en histoire de l’Université de Paris I.
  • [**]
    Doctorante en histoire à l’Université Lille III.
  • [1]
    L’avènement de cet « empire du contremaître » dans les usines du début du xxe siècle est largement admis depuis que Daniel Nelson l’a étudié aux États-Unis. Cf. D. Nelson, Managers and Workers : Origins of the New Factory System in the United States (1880-1920), Madison, The University of Wisconsin Press, 1975, chap. III : « The Foreman’s Empire » ; pour la France, P. Lefebvre, L’Invention de la grande entreprise. Travail, hiérarchie, marché, France (fin xviiie siècle-début xxe siècle), Paris, PUF, 2003, p. 196 et suiv.
  • [2]
    Comme le note encore Sylvie Schweitzer : « Être contremaître, c’est tout à la fois posséder et appliquer des savoir-faire et exercer une autorité ». S. Vandecasteele-Schweitzer, « Comment peut-on être contremaître? », in Y. Lequin et S. Vandecasteele (dir.), L’Usine et le bureau. Itinéraires sociaux et professionnels dans l’entreprise xixe et xxe siècles, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1990, p. 93.
  • [3]
    J. Michelet, Le Peuple, Paris, Hachette et Paulin, 1846, p. 120.
  • [4]
    P. Larousse, Grand dictionnaire universel du xixe siècle, Paris, Larousse, 1866-1877.
  • [5]
    Gérard Gayot a montré comment, à Sedan, quelques années après la grande grève des tondeurs au milieu du xviiie siècle, les fabricants ont imposé un nouvel ordre disciplinaire en réorganisant les ateliers de finition et en installant un contremaître à l’étage des tondeurs : G. Gayot, Les Draps de Sedan, 1646-1870, Paris-Charleville, Éditions de l’EHESS - Terres Ardennaises, 1998, chap. VI.
  • [6]
    C’est le cas dans l’industrie textile comme dans d’autres secteurs industriels : voir P. Bourdelais, « Des représentations aux réalités, les contremaîtres du Creusot (1850-1900) », in Y. Lequin et S. Vandecasteele (dir.), L’Usine et le bureau …, op. cit., p. 151-165.
  • [7]
    J. Simon, L’Ouvrière, Paris, Hachette et Cie, 1861, p. 83.
  • [8]
    P. Lefebvre, L’Invention de la grande entreprise, op. cit., p. 99.
  • [9]
    Dans le Saint-Quentinois en 1810, Richard et Lenoir utilisent trente-quatre contremaîtres pour surveiller près de 4 000 métiers à tisser le coton dispersés dans les campagnes : D. Terrier, Les Deux âges de la proto-industrie. Les tisserands du Cambrésis et du Saint-Quentinois, 1730-1880, Paris, Éditions de l’EHESS, 1996, p. 156.
  • [10]
    Procès-verbaux du Comité du travail à l’Assemblée constituante de 1848, Paris, Cornély, 1908, 9e séance, 25 mai, p. 15.
  • [11]
    Un texte des fabricants de draps de Louviers en 1785 explique ainsi que « les contremaîtres sont des commis à gage dont l’état diffère peu de celui des ouvriers de la classe desquels on les tire presque toujours ; ce sont des machines passives faites pour recevoir l’ordre et l’aller distribuer dans les ateliers soumis à leur inspection », cité in D. Woronoff, Histoire de l’industrie en France, Paris, Le Seuil, 1998, p. 101. Voir aussi A. Dewerpe et Y. Gaulupeau, La Fabrique des prolétaires. Les ouvriers de la manufacture d’Oberkampf à Jouy-en-Josas, 1760-1815, Paris, Presses de l’École normale supérieure, 1990.
  • [12]
    A. Becchia, La Draperie d’Elbeuf (des origines à 1870), Rouen, Publications de l’Université de Rouen, 2000, chap. IV.
  • [13]
    C.-L. Bergery, Économie industrielle, Metz, Mme Thiel, 1831, vol. 3, p. 57. Sur Bergery, cf. M. Perrot, « Travailler et produire. Claude-Lucien Bergery et les débuts du management en France », in Mélanges d’histoire sociale offerts à Jean Maitron, Paris, Éditions Ouvrières, 1976, p. 177-190.
  • [14]
    En 1819, le fondateur de cette institution, La Rochefoucauld, écrivait que les élèves « seraient tous en état de remplir » les fonctions de « contremaîtres ou directeurs d’atelier », cité dans C. R. Day, Les écoles d’Arts et métiers. L’enseignement technique en France (xixe-xxe siècle), Paris, Belin, 1991, p. 127.
  • [15]
    Sur cette institution fondée en 1801 pour stimuler l’économie française, voir S. Benoit, G. Emptoz, D. Woronoff (dir.), Encourager l’innovation en France et en Europe : autour du bicentenaire de la Société d’encouragement, Paris, Éditions du CTHS, 2006.
  • [16]
    Ce souci de publicité se retrouve en 1840 lorsque la société fait imprimer 1 500 affiches détaillant la liste des contremaîtres récompensés et leurs mérites respectifs, liste qu’elle adresse ensuite aux principaux manufacturiers du pays : Bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, 39e année, juillet 1840, p. 273-274.
  • [17]
    « Rapport sur les médailles à décerner aux contre-maîtres des ateliers d’industrie française, par M. Francœur », Bulletin de la Société d’encouragement…, 1831, p. 274-279.
  • [18]
    Impossible de ne pas penser en l’occurrence à la définition classique de l’autorité donnée par Hannah Arendt dans La crise de la culture (1961) : voir l’introduction de ce numéro.
  • [19]
    Philippe Lefebvre insiste après d’autres sur le maintien de larges sphères d’autonomie parmi les ouvriers de la première industrialisation, même s’il sous-estime sans doute l’ampleur de la surveillance effective dans certains endroits. P. Lefebvre, L’invention de la grande entreprise…, op. cit.
  • [20]
    « Rapport sur les médailles décernées aux contre-maîtres des ateliers, par Delambre. Approuvé en séance générale le 11 août 1841 », Bulletin de la Société d’encouragement…, 40e année, août 1841, p. 333-337.
  • [21]
    S. Lambert, Manuel de filature à l’usage de MM. les fabricants, filateurs et ouvriers fileurs et où MM. les constructeurs mécaniciens pourront puiser des améliorations pour la construction des métiers à filer, Reims, Gérard, 1865, p. 5. L’auteur, né à Sedan en 1818, est un ancien soldat réformé qui avait été rattacheur puis fileur sous la monarchie de Juillet. Il rédige ce mémoire pour obtenir de l’argent.
  • [22]
    Archives Départementales des Hauts de Seine, 8 J 33, Registre des délibérations, 23 juin 1848, vote des secours annuels viagers pour deux ouvriers mis à la réforme.
  • [23]
    G. Dufresne-Seurre, Les Waddington, sept générations de cotonniers (1792-1961), thèse sous la dir. de L. Bergeron, EHESS, 1990, p. 316-320 ; voir aussi P.-J. Derainne, « Les perceptions sociales des travailleurs migrants britanniques en France dans la première moitié du xixe siècle », et F. Jarrige, « Autour des résistances ouvrières au machinisme dans le secteur textile : paradigme luddite et anglophobie ouvrière », in S. Aprile et F. Bensimon (dir.), La France et l’Angleterre au xixe siècle. Echanges, représentations, comparaisons, Grâne, Créaphis, 2006, p. 351-366 et 335-350 ; M. Perrot, « The three ages of industrial discipline in nineteenth century France », in J. M. Merriman (ed.), Consciousness and Class Experience in Nineteenth Century Europe, New York, Holmes and Meier, 1979, p. 149-168.
  • [24]
    Y. Blavier, La Société linière du Finistère. Ouvriers et entrepreneurs à Landerneau au xixe siècle, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1999, p. 87-98.
  • [25]
    Voir par exemple M. Perrot, « Femmes et machines au xixe siècle », in Les Femmes ou les silences de l’histoire, Paris, Flammarion, 1998, p. 177-189.
  • [26]
    Enquête relative à diverses prohibitions établies à l’entrée des produits étrangers, Paris, Imprimerie royale, 1835, vol. III : Fils et tissus de laine et de coton, p. 73 et 96.
  • [27]
    S’ils se multiplient dans le textile dès la première moitié du xixe siècle, les règlements se généralisent à de nombreux autres secteurs après 1880 : P. Fridenson, « L’autorité dans les entreprises en France et en Allemagne 1880-1914 », in J. Kocka (dir.), Les Bourgeoisies européennes au xixe siècle, Paris, Belin, 1997, p. 321.
  • [28]
    A. Melucci, « Action patronale, pouvoir, organisation. Règlements d’usine et contrôle de la main-d’œuvre au xixe siècle », Le Mouvement Social, octobre-décembre 1976, p. 139-159.
  • [29]
    Voir le recueil des 360 règlements répartis tout au long de la période 1789-1914 et publiés sur microfiche par A. Biroleau, Les règlements d’atelier (1798-1936), Paris, Bibliothèque Nationale, 1984, avec une introduction d’A. Cottereau.
  • [30]
    Archives Municipales de Roubaix, II F g.a.1, Règlement de la filature Delerue du 27 août 1826.
  • [31]
    Règlement de police intérieur du tissage mécanique de Oel et Huser (Haut-Rhin), 1845, cité dans A. Biroleau, Les règlements…, op. cit.
  • [32]
    Règlement pour la filature de M. Bureau à Nantes, 1843.
  • [33]
    Règlement de la fabrique de tissage Verurdnung en Alsace, 1850.
  • [34]
    Règlement de police intérieure du tissage mécanique de Oel et Huser (Haut-Rhin), 1845.
  • [35]
    Archives communales de Comines, F 10, Règlement de la filature de coton de Bailly Rossignol, 1807.
  • [36]
    Règlement de police de la filature Haussmann, Jordan, Hirn et Cie au Logelbach (Haut-Rhin), 1842.
  • [37]
    Philippe Lefebvre considère d’ailleurs qu’à cette époque le contremaître est moins tourné vers les tâches de surveillance à des fins d’intensification du travail que vers la réalisation d’opérations à forte valeur ajoutée ; il doit être d’abord un homme de l’art et un modèle pour le reste de la main-d’œuvre. P. Lefebvre, L’invention de la grande entreprise…, op. cit., p. 63.
  • [38]
    Règlement pour la filature de M. Bureau à Nantes, 1843.
  • [39]
    À l’occasion du rapport rédigé par le procureur général à la suite d’un incendie dans un atelier de sciage de bois près de Rennes en 1847, on peut suivre ce travail d’inspection nocturne dévolu au contremaître : « Le 24 [mai], vers les 10 heures du soir, le contre-maître de l’usine avait son inspection ordinaire, il avait éteint les feux et jeté de l’eau dans les fourneaux ; en sortant, il avait fermé les portes à clef, ce qui a rendu impossible l’introduction d’un étranger dans les ateliers. Le feu n’a pas été communiqué du dehors, car l’endroit où l’incendie a pris naissance est fort éloigné des rues de la ville. L’aspect seul des lieux rend cette supposition inadmissible. Tout porte à croire que malgré les précautions prises par le contre-maître, les fourneaux n’auront pas été parfaitement éteints et qu’un peu de sciure de bois sur laquelle quelques étincelles seront tombées aura communiqué le feu à l’établissement » [AN, BB19 8, Rapport du procureur général de Rennes au ministre, 28 mai 1847].
  • [40]
    AD Nord, 5 U 1.1, Audience du 10 août 1849 du bureau des conciliations des Prud’hommes de Tourcoing.
  • [41]
    AM Roubaix, II.F.g.a.1, Règlement de la filature Delerue, art. 14.
  • [42]
    L. Villermé, Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, Paris, Jules Renouard, 1840, p. 41.
  • [43]
    T. P. Liu, The weaver’s knot. The contradictions of class struggle and family solidarity in Western France, 1750-1914, Ithaca, Cornell University Press, 1994, p. 93.
  • [44]
    AD Hauts de Seine, 8 J 16, Registre des délibérations n° 11, 28 janvier 1833. Délibération approbative sur les dépenses effectuées en janvier 1833. Dans l’entreprise il existait une hiérarchie composée de quatre types de contremaître : les contremaîtres de division, les contremaîtres d’atelier, puis venaient les contremaîtres de 1ère et de 2e classe.
  • [45]
    Sur le mode de paiement conçu comme une arme de discipline cf. W. Reddy, « Modes de paiement et contrôle du travail dans les filatures de coton en France, 1750-1848 », Revue du Nord, t. LXIII, n° 248, janvier-mars 1981, p. 135-146.
  • [46]
    K. Marx, Œuvres. Economie I : Le Capital, [1867], Paris, Gallimard, La Pléiade, 1963, p. 957.
  • [47]
    En 1832 par exemple, dans la Grande Fabrique de Marcq-en-Baroeul près de Lille, les cinq cents ouvriers ne sont surveillés que par sept personnes : un gérant, deux contremaîtres, une surveillante et trois sous-surveillantes : AD Nord, M 655 – 9, Statistiques de 1832 ; dans les usines textiles de Méquillet-Noblot ou de Waddington l’encadrement est également très réduit puisqu’un contremaître encadre une centaine de personnes ou plus : P. Lefebvre, L’Invention de la grande entreprise, op. cit., p. 57.
  • [48]
    Sur l’usage de ce type de sources, voir A. Cottereau, « Les règlements d’atelier au cours de la Révolution industrielle en France », introd. à A. Biroleau, Les Règlements, op. cit. ; et P. Fridenson, « L’autorité dans l’entreprise en France et en Allemagne », art. cit., p. 320.
  • [49]
    AD Nord, 5U 1.1, Bureau des conciliations des Prud’hommes de Tourcoing, audience du 29 décembre 1842.
  • [50]
    AD Nord, M 620 6, Lettre du sous-préfet de l’arrondissement de Cambrai au préfet du Nord, 17 mars 1838.
  • [51]
    Archives municipales de Roubaix, II.F.g.a.1, Affaire du 9 octobre 1826.
  • [52]
    AD Nord, M 620, Rapport du commissaire de police au sous-préfet de l’arrondissement d’Avesnes, 22 janvier 1859.
  • [53]
    AD Nord, M 620 17, Procès-verbal d’arrestation de l’ouvrier Domé, lieutenance de Valenciennes, brigade d’Anzin, 7 novembre 1853.
  • [54]
    AD Oise, 4 M [cote provisoire Mp 1368], Rapport du sous-préfet de Compiègne au préfet de l’Oise, 21 avril 1833.
  • [55]
    AD Seine-Maritime, 10 M 330, Lettre du maire de la ville au préfet, 11 septembre 1830.
  • [56]
    Archives Nationales (AN), F7 3788, Bulletins de police, le préfet de l’Aisne, Laon, 18 avril 1817.
  • [57]
    AN, F12 4651, Rapports préfectoraux sur les grèves, Rapport du préfet de Seine-et-Oise au ministre, 30 mars 1857.
  • [58]
    Pour la session 1840 : AN, C 2179 et 2180, pétitions n° 592, 683, 717 et 765; ouvriers mécaniciens et d’ateliers, contremaîtres de Rouen, Paris et Arras, demandant l’exécution de constructions mécaniques nécessitant une grande main-d’œuvre. Pour la session 1844, C 2197, pétition n° 1 : « plusieurs constructeurs de machines, contremaîtres, et ouvriers mécaniciens de divers départements, notamment de Rouen et du Pas-de-Calais, demandent l’intervention de la Chambre des députés pour obtenir une protection efficace en faveur de l’industrie mécanique française : soit en obligeant les compagnies concessionnaires de grandes entreprises publiques à faire exécuter les travaux de construction mécanique dans des ateliers français; soit en élevant le droit à l’importation des machines anglaises à tisser et à filer ».
  • [59]
    AN, BB20 144, Cour de Paris. Quelques années plus tard, son fils est arrêté à son tour pour incendie volontaire ; on précise à cette occasion que son père qui avait été condamné à plusieurs années de prison est mort à la prison de Clairvaux. AN, BB19 33, Paris, 20 janvier 1854.
  • [60]
    AD Nord, 5U 1.1, Prud’hommes de Tourcoing. L’audience du bureau des conciliations des Prud’hommes de Tourcoing du 10 novembre 1823 montre un filateur remerciant son contremaître au terme de son mois d’essai faute d’efficacité. Il précise « Que du reste le sieur Zacharie Mercier devait bien s’attendre à ne pas rester chez le défenseur attendu que au bout de dix à douze jours, celui-ci lui avait dit qu’il ne produisait pas assez, qu’il fallait travailler bien autrement qu’il ne le faisait, et qu’il devait bien s’apercevoir qu’il ne remplissait pas le but ». Cette source a été étudiée également par P. Delsalle, « Tisserands et fabricants chez les prud’hommes dans la région de Lille-Roubaix-Tourcoing (1810-1848) », Le Mouvement Social, octobre-décembre 1987, p. 61-80.
  • [61]
    Ibid., Audience du 10 décembre 1857.
  • [62]
    Ibid., Audience du 6 juin 1857.
  • [63]
    AD Nord, 5 U 1.2, Affaire n° 137 des Prud’hommes de Tourcoing où Célestin Marnée, contremaître, conteste son renvoi : le filateur lui avait interdit l’entrée de la filature après sept jours d’absence car il lui avait été rapporté « que le contremaître se trouvait en ribotte » à l’estaminet de l’Ours.
  • [64]
    AM Roubaix, II Fg.a.1, Prud’hommes de Roubaix, Affaire Dufforest et Dewitte contre Molteau, un de leurs contremaîtres, audience du 28 février 1828.
  • [65]
    AD Nord, 5 U.1.21, PV de non conciliation du 10 septembre 1874, affaire n° 285 opposant Alexandre Dufureau, contremaître de peignage, qui conteste son renvoi « sans motif ni avertissement préalable ».
  • [66]
    AD Nord, 5 U.1.2, Prud’hommes de Tourcoing, affaire n° 182 du 20 février 1868.
  • [67]
    Ibid., Affaire n° 163, jugement contradictoire du 22 mai 1867 opposant Charles Florent, contremaître de tissage mécanique, à la maison Leplat Desnoulet Frères.
  • [68]
    AD Nord, 5U 1.1, Audience du 7 puis du 21 janvier 1858 du bureau des conciliations puis du Bureau général des Prud’hommes de Tourcoing : « Le sieur défendeur nous a exposé que s’il a congédié le demandeur sans avertissement préalable c’est que celui-ci s’est mis dans le cas de l’être sans qu’il soit besoin de prévenance. Attendu qu’il a abusé de sa position pour se rendre complice d’un fileur à qui il faisait faire du numéro douze au lieu du numéro quinze ; c’est-à-dire que le fileur commençait des bobines au numéro douze pour les finir ensuite au numéro quinze. Que cette fraude ayant été découverte par un de ses clients de Paris, à qui cette marchandise a été expédiée, il s’en est suivi un laissé pour compte, lequel laissé pour compte lui cause un grave préjudice, qu’il peut prouver qu’il avance par correspondance ».
  • [69]
    AD Hauts de Seine, 8 J 33, Registre des délibérations, n° 3, séance de janvier 1848.
  • [70]
    Pour un exemple réussi de contrôle et de gestion de la main-d’œuvre cf. S. Vaillant-Gabet, « La gestion de la main-d’œuvre chez les Seydoux au Cateau-Cambrésis (1830-1914) », Revue du Nord, octobre-décembre 2002, p. 723-751.
  • [71]
    AN, BB20 143, Comptes rendus d’assises, cour de Metz (1848), 11e affaire, 3e session des assises.
  • [72]
    AD Marne, 19 M 9, Rapport du commandant de la gendarmerie au préfet, 25 août 1834.
  • [73]
    AD Nord, M 620 12, Rapport de police adressé au préfet du Nord, copie de la plainte du Sieur Taylor, filateur de lin de Wazemmes, 2 novembre 1853.
  • [74]
    AD Nord, M.620 21, Rapport du commissaire de police au préfet, 21 décembre 1853. L’âge de celui qui exerce l’autorité dans l’atelier peut également être une source de conflit et de résistance de la part des vieux travailleurs.
  • [75]
    Sur l’imposition progressive de la figure du chef dans la première moitié du xxe siècle, voir Y. Cohen, « The Cult of Number One in an Age of Leaders », Kritika: Explorations in Russian and Eurasian History, n° 3, 2007, p. 597-634.
  • [76]
    Voir les travaux remarquables d’A. Cottereau largement fondés sur l’étude des prud’hommes, notamment : « Droit et bon droit. Un droit des ouvriers instauré puis évincé par le droit du travail (France, xixe siècle) », Annales Histoire, sciences sociales, n° 6, novembre-décembre 2002 et « Sens du juste et usages du droit du travail : une évolution contrastée entre la France et la Grande-Bretagne au xixe siècle », Revue d’histoire du xixe siècle, 2e semestre 2006, p. 101-120.
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Résumé

Durant la première moitié du xixe siècle, la suppression des corporations où le maître était défini sous les traits de l’autorité paternelle et l’effritement du cadre traditionnel de l’atelier artisanal obligent à une reconfiguration complète de l’autorité sur le lieu de travail. L’émergence progressive de la figure du contremaître résulte de ces transformations. Le terme préexiste à la Révolution française, mais ce sont l’industrialisation et les nouvelles exigences techniques et disciplinaires qu’elle suscite qui favorisent la généralisation de cette fonction. Dans l’industrie textile, la fonction de contremaître émerge peu à peu pour surveiller les travailleurs, stimuler les flux productifs, accompagner la mécanisation. Par-delà les discours patronaux et normatifs qui représentent le contremaître comme un ouvrier compétent et intelligent, comme le garant du bon ordre manufacturier, l’étude des interactions quotidiennes dans l’atelier révèle l’ambivalence de sa position. L’usine de la première industrialisation reste dominée par la faiblesse des structures hiérarchiques et le maintien de nombreuses sphères d’autonomie ouvrière, la position du contremaître est souvent précaire et l’exercice de son autorité incertaine.

François Jarrige [*]
  • [*]
    Docteur en histoire de l’Université de Paris I.
Cécile Chalmin [**]
  • [**]
    Doctorante en histoire à l’Université Lille III.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 10/09/2008
https://doi.org/10.3917/lms.224.0047
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