Parmi les multiples variables du phénomène complexe de la radicalisation, on observe des processus cognitifs qui touchent à la manière dont la personne perçoit et organise les informations que lui procure son expérience (de la vie réelle comme des réseaux sociaux). Plus une personne s’engage sur la voie de la radicalisation, plus sa pensée devient fermée sur elle-même, autovalidante, tautologique et imperméable à tout autre mode de raisonnement (Bronner, 2009) ; on parle ici de « croyance inconditionnelle ». Des processus comparables interviennent dans les phénomènes psychologiques – souvent associés – de ressentiment et de conspirationnisme.
Parmi les souffrances individuelles qui peuvent former le terreau d’une éventuelle radicalisation, on trouve souvent le sentiment d’injustice, notamment en lien avec une stigmatisation (que ce soit pour ses origines, sa couleur de peau, sa classe sociale, son apparence physique, son poids ou autres). Il est intéressant ici de distinguer la stigmatisation en tant que telle du sentiment d’être stigmatisé, qui correspond à la manière dont la personne traite psychologiquement son expérience de la stigmatisation. Des enquêtes (Dubet, 2016) ont montré que la grande majorité des personnes qui sont objectivement exposées à la stigmatisation sont conscientes d’en être victimes, mais n’en sont jamais tout à fait sûres. Elles vivent dans le doute et laissent à ceux qui peuvent les discriminer le « bénéfice du doute ». Certaines peuvent, par exemple, faire le constat qu’elles ont du mal à trouver un emploi, sans pour autant affirmer avec certitude que tel ou tel recruteur les a discriminées…