CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1De plus en plus de professionnels du peuple « psy » reçoivent des hommes, des femmes et des enfants qui sont porteurs de violentes cassures dans leur histoire, en raison de violences politiques qui se sont exercées sur eux ou dans leur environnement propre. Ces réfugiés, qu’accablent de nombreux traumas, ne sont plus réductibles à des étrangers porteurs d’une culture atemporelle et exotiquement différente de celle que nous croyons être la nôtre. Aujourd’hui, ce sont des sujets marqués par les destructions du lien, de la communauté, de la cité, qui cherchent un abri psychique et tentent, pour cela, de se faire reconnaître, et comme sujet de leur histoire, et comme sujet de l’Histoire.

2Ce n’est plus alors leur supposée culture d’origine qui est en effraction par les modernités éparses, mais le sol sur lequel s’appuie leur humaine condition qui s’effondre. D’où, pour les entendre et par eux se laisser aussi enseigner, le recours à une anthropologie clinique globale qui prend en compte les processus d’humanisation et de déshumanisation et non à une psychologie ethnique qui s’illusionne le plus souvent sur les enveloppes culturelles, les identités, les personnalités dites « de base ».

3L’hospitalité et le soin psychique qu’on doit réserver à ces sujets de l’actuel sont, à leur tour, liés aux dispositifs d’accueil ou d’exclusion dont dispose le pouvoir politique pour accueillir et protéger ces personnes ou les vouer, une fois encore, au désespoir et au nihil – il en est dépendant et révélateur, révélateur parce que dépendant. Les sujets dont parle ce dossier sont certes des victimes, mais les réduire à cette seule condition est aussi faire d’eux des êtres psychiques vides comme soumis automatiquement aux violences et aux traumas.

4L’incidence clinique des violences politiques concerne le rapport du sujet au lieu même de son intimité psychique, et le bouleverse dans son rapport aux enjeux de la transmission psychique inconsciente. Les effets de la désubjectivation quasi expérimentale comme arme de pouvoir et d’emprise sont amplifiés lorsque la société vit sous terreur. Quelles conséquences pour la vie psychique de la génération qui vient ? Cet ensemble de questions, qui touche au tripode essentiel de la langue, de la mort et du sujet, a ici mis au travail des démarches d’anthropologie clinique ; la dimension de la guerre insiste dans nombre de ces contributions.

Olivier Douville
Psychanalyste
Maître de conférences des universités, laboratoire Centre de recherches psychanalyse et médecine (Crpm), université Paris-vii
Association française des anthropologues
Directeur de publication de Psychologie clinique
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/12/2010
https://doi.org/10.3917/jdp.274.0022
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