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Au lendemain de l’attentat perpétré par les frères Kouachi contre Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, les adolescents des foyers de la protection de l’enfance où je travaille – et qu’Anaïs Pourtau et moi avons appelés dans notre livre les « adolescents de l’illimité » – sont captivés par les images circulant sur les réseaux sociaux. Le groupe de jeunes se réunit autour d’un détail vu sur les vidéos qui circulent sur Internet : la carte d’identité oubliée sur les lieux du crime, acte énigmatique que les adolescents interprètent comme le signe d’un « complot » médiatique contre une minorité de jeunes indésirables dans un monde qui leur est hostile. Dans le même temps, un éducateur affiche dans le foyer, croyant délivrer un message de paix : « Nous sommes tous Charlie. »
La réponse ne se fait pas attendre. Les jeunes créent d’une seule voix leur slogan : « Nous sommes tous des Coulibaly » (en référence à Amedy Coulibaly, auteur de la prise d’otages et de la tuerie dans un supermarché casher le 9 janvier 2015). Comme une traînée de poudre, la fièvre s’empare des corps, signe de la contagion de l’angoisse. Le retrait de l’affiche ne fait pas descendre l’agitation des enfants. Nous appuyant sur notre expérience selon laquelle les jeunes qui terrorisent sont aussi des jeunes terrorisés, une éducatrice et moi décidons prestement de converser avec chacun d’entre eux. Nous tentons de repérer à quoi fait écho, pour chaque jeune, un à un, ce ralliement oratoire autour des « signes » en tous sens, en tous genres…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 21/10/2019
- https://doi.org/10.3917/lgh.061.0343
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