Avec Camus
1Comment parvenir à se situer dans un monde devenu si chaotique et incompréhensible ? La confusion est partout, la violence contagieuse et la peur bien mauvaise conseillère pour tenter de tracer son chemin. En ces temps où l’inquiétude est devenue la loi et l’incertitude le principe de nos sociétés volontiers déboussolées, il est bon de savoir que quelques figures peuvent encore nous servir de repères. Il ne s’agit pas d’un soudain besoin de maîtres à penser mais plutôt, avec Camus, d’un maître à vivre !
2Jean Daniel [1], dans un livre lapidaire et magistral, vient nous rappeler combien la figure d’Albert Camus est indispensable pour résister à l’air du temps.
3L’éloge fait à Camus est adressé avant tout à l’écrivain qui n’a jamais rechigné à être pleinement journaliste, depuis Alger Républicain et ses fameux reportages sur la misère en Kabylie en passant par le grand moment de Combat, à la Libération, sans oublier le temps de L’Express et des violentes controverses à propos de la guerre d’Algérie. Camus était là pleinement inscrit dans son temps et refusant sans cesse de se soumettre à quelque prétendue loi de l’histoire.
4Jean Daniel nous rappelle l’exigence et la précision de Camus journaliste et sa discipline pour toujours se mettre à hauteur d’homme, là où la dignité doit être respectée et où rien n’est négociable. “Notre honneur dépend de l’énergie avec laquelle nous refuserons la compromission.”
5Résister à l’air du temps est toujours possible, mais cela requiert une profonde détermination et de réelles convictions pour ne pas se soumettre à la force des choses. Cet art et cette volonté, Camus a su en faire preuve à de très nombreuses occasions pour ne pas se contenter d’épouser son siècle. Il s’est fait au contraire une règle d’affronter tous les dogmatismes, et c’est ainsi qu’il s’est séparé de Sartre, mais sans pour autant consentir à l’ordre des choses au nom d’un scepticisme de “spectateur engagé”, qui le distingue de Raymond Aron.
6Parmi ces trois grandes figures d’intellectuels du XXe siècle en France, Camus est sans doute celle qui a le plus à nous apprendre dans ce XXIe siècle qui a commencé dans le bruit et la fureur. Son legs est fait de valeurs, de lucidité (cette “blessure la plus rapprochée du soleil” selon son ami René Char) et de conscience qui fondent un ardent désir de révolte et un profond sens des limites.
7Jean Daniel [2] a bien raison de nous rappeler combien les combats d’Albert Camus sont d’une profonde actualité, tant en France, désormais en pleine campagne électorale, que dans ce si proche Orient travaillé une fois encore par les forces de la guerre. Qu’est-il encore possible d’opposer au “Viva la muerte !” de tous les intégrismes et à la politique de la force et du fait accompli qui pense pouvoir imposer sa loi ?
8A La pensée de midi nous avons résolument choisi le goût de la vie, c’est pourquoi ce dossier sur Beyrouth XXIe siècle, écrit par de jeunes auteurs confrontés à la brutalité de la guerre, a pris le parti de l’avenir. Oui, décidément, il importe plus que jamais de résister à l’air du temps…
