CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Lorsqu’autrefois la géographie se multipliait par les objets, la religion était un de ceux pouvant embrasser large. Mais, dans les manières de l’époque, ce n’était qu’une strate parmi les autres.

2 Le « phénomène religieux » et plus largement ce qui relève du sacré (y compris non religieux) est totalement fondu dans le social, du culturel au politique en passant par les bases matérielles et leur élévation symbolique. Les lieux auxquels les sociétés sont liées dans la mobilité désormais accélérée, en prennent d’autant plus de sens, même à travers des histoires que par chacun ou collectivement il est possible de se raconter. Le discours géographique qui n’est pas que celui des géographes, tout discours qui juge de la centralité, de la limite, de l’appartenance avec la terre comme témoin porte une part de ces contes.

3 L’actualité du monde, de ce côté des mobilisations « religieuses », nous impose un retour à plusieurs crans. La géographie des religions qui peut rester en mémoire et se dresser en tableaux simplistes, doit être reprise à nouveau frais au même titre que la géographie de tous les grands ensembles : continents, aires culturelles, associations économiques régionales, tous ces paquets d’un classement ou d’une mise en ordre sans grande signification.

4 Aujourd’hui, du moins, mais sans doute depuis fort longtemps, cette massivité des catégories avec l’espace découpé comme cadre d’un monde nécessairement cloisonné, est mise en défaut. Quand une poignée d’individus ébranle un pays et le monde entier, la focalisation sur des commanditaires identifiés par leur territoire et un dispositif à caractère géopolitique manque probablement la cible. Il s’agit de rassurer en suivant la veine sémantique de la guerre qui permet de ramener aux grandes classes simplistes, aussi simplistes que les territoires toujours conçus dans leur valeur obsidionale. Les réseaux, surtout s’ils sont infimes et parfaitement éphémères, soulagent par leur existence malgré l’horreur qu’ils infligent.

5 Pourquoi cette dernière notation qui peut paraître déplacée ? Parce que l’idéologie du territoire et des identités massives par l’espace cloisonné empêche de saisir la réalité, ou plutôt loge la réalité du côté de l’illégalité jusqu’au terrorisme. Le « réalisme », dans la matière géopolitique, est fondé sur ce type de fiction qui permet de croire à la parfaite superposition de tous les types possibles de caractères dans les mêmes limites. Ce n’est pas ainsi, on le sait, et pourtant le conte géographique du nécessaire cloisonnement et de l’identité ancrée passe les âges. Puisque religion et civilisation sont à l’ordre chaud du jour, ce numéro de l’Information géographique, en « retrait » de l’agitation, nous montre comment la subtilité de l’enquête doit atteindre au plus près des lieux qui sont ou ne sont pas définitivement fixés par la hauteur de leur symbole, mais le sont, en tout cas, par la valeur des croisements qui s’y produisent, en tous genres. C’est cela qu’il nous faut observer.

Denis Retaillé
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 19/04/2016
https://doi.org/10.3917/lig.801.0001
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