CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le patrimoine est à la mode. D’aucuns prétendent même y éduquer tant il participe de l’identité et de la bonne morale réunies. Mais qu’est-ce donc que ce patrimoine? Si l’Unesco fournit un cadre général de définition, son caractère normatif ne permet pas d’atteindre directement à la compréhension. Plus encore, la normativité définit l’extension de la qualité plus que sa nature. L’adaptation permanente des critères (leur multiplication) témoigne de ce décalage entre l’évidence qu’il faudrait admettre et le contexte qui l’impose.

2Le patrimoine fut d’abord une attention européenne qui s’est ensuite étendue au reste du monde. Le mouvement est parti du haut dans les deux cas. Forme de patriotisme trans-générations pour commencer, l’effet Unesco l’a orienté vers l’universel pour son extension. Très attaché à l’identité généalogique, il a donc d’abord été «culturel», autrement dit historique et national pour être très clair. C’est concomitamment que le «naturel» et «l’universel» se sont imposé, au début des années 1970, entraînant une révision de l’appréciation portée sur les biens culturels situés. L’exception monumentale est toujours privilégiée mais autrement. Les lieux du patrimoine ne sont plus isolés dans des écrins à visiter, mais deviennent des habitats à vivre. L’arrivée récente du patrimoine immatériel (une rénovation du folklore?) puis de l’autochtonie transforme encore la donne par un possible retour à la muséification. À moins qu’il apparaisse une impossibilité à contenir «le» patrimoine dans une définition unique et homogène.

3On conviendra assez facilement du caractère idéologiquement marqué de ces classements qui sont porteurs de signification sur la culture des lieux. À ce titre, ils intéressent les géographes comme signes métonymiques du territoire et de l’identité étendus aujourd’hui à l’universel. Ce n’est pas sans provoquer quelques travers (on pense aux bouddhas de Bamiyan). Le patrimoine culturel et le patrimoine naturel (qui est aussi culturellement défini) constituent parfois de véritables enjeux géopolitiques. À l’ordinaire, les conflits d’intérêts portent plutôt sur l’usage. C’est aussi vrai de la ville que de la nature-ressource quand il faut «habiter le patrimoine». La fonction symbolique ne peut que s’inscrire, voire se fondre, parmi les autres fonctions sociétales. Ne pas oublier: le patrimoine est du présent social.

Denis Retaillé
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2010
https://doi.org/10.3917/lig.702.0001
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