CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1D’un point de vue anthropologique ou sociologique, il serait aventureux d’affirmer l’existence d’une « communauté homosexuelle », du moins si l’on s’en tient à la définition traditionnellement donnée au terme « communauté » par ces disciplines (Boudon & Bourricaud, 1986 [1982] ; Gossiaux, 1991). En revanche, elle existe largement dans les discours qui la promeuvent ou la stigmatisent, constituant en eux-mêmes un incontestable objet pour les sciences sociales. L’objectif de ce texte sera donc d’interroger la réalité que ces discours construisent.

2La notion de « communauté homosexuelle » est d’usage courant depuis de nombreuses décennies dans les pays d’Amérique du Nord et d’Europe, mais aussi à présent dans d’autres régions du monde. Avec l’émergence des mouvements de « libération » dans les années 1970, puis, surtout, de lutte contre le sida, elle est devenue un enjeu de débats parfois conflictuels. D’une catégorie tout d’abord descriptive, la « communauté homosexuelle » s’est progressivement transformée en « fiction politique ». Cette notion – à distinguer de l’expression « politique fiction » ou encore du sens d’œuvre de fiction prenant le politique pour objet – s’inspire du concept de « fiction juridique », qui reconnaît par l’effet du discours performatif l’existence de catégories sociales (ou juridiques) instituées. En dépit de l’évidence selon laquelle il n’existe pas de « communauté homosexuelle » à la fois homogène et aisément délimitable, voire séparable du reste de la société, la désignation d’un groupe homosexuel supposé au travers – entre autres – de cette expression a des effets politiques bien « réels », en termes tant de représentation publique et politique que de représentation de soi chez une partie au moins des individus potentiellement concernés. Un fil historique nous permettra d’éclairer, dans cet article, les principaux enjeux du recours à la notion de « communauté homosexuelle », et de suivre leur développement finalement international. Nous verrons que les ressorts et les finalités de cette opération de désignation diffèrent selon les contextes et selon que la « communauté » est invoquée positivement ou stigmatisée, mais que cette opération vise partout à produire, désormais à l’échelle transnationale, une catégorie publique dont la consistance supposée se heurte souvent à la diversité des expériences sociales et politiques [2].

La « communauté homosexuelle » en Amérique du Nord

3Selon toute vraisemblance, la qualification de « communauté » appliquée à la population homosexuelle a tout d’abord été forgée aux États-Unis. Elle y apparaît très tôt dans le vocabulaire utilisé pour décrire ce groupe, principalement du côté des hommes. Par exemple, en 1915, un observateur (non académique) de la vie homosexuelle masculine évoque une « communauté organisée de manière distincte » (Katz, 1976 : 52 ; cité par D’Emilio, 1983 : 12). Quelques décennies plus tard, le premier article sociologique publié sur l’homosexualité (masculine) s’intitule précisément « La communauté homosexuelle » (Leznoff & Westley, 2011 [1956]). Les auteurs y décrivent l’existence de réseaux ou de groupes d’hommes répartis en deux grandes catégories bien distinctes, les « secrets » et les « dévoilés », dans une ville du Canada qui n’est pas nommée mais dont on sait aujourd’hui qu’il s’agit de Montréal. Reprenant une catégorie émique, ils la dotent d’une consistance scientifique en expliquant en quoi, selon eux, ces différents groupes forment une « communauté » :

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[…] ce sont les contacts sexuels occasionnels entre les membres de catégories différentes du point de vue des stratégies d’évitement (c’est-à-dire entre groupes secret et dévoilé) qui rassemblent les homosexuels de la ville en une communauté. La communauté homosexuelle consiste ainsi en un nombre élevé de groupes distincts, au sein desquels les différents membres sont unis par une amitié puissante et relativement durable, tandis que les membres des divers groupes se retrouvent liés par des contacts sexuels ténus mais répétés. Ainsi, les homosexuels d’une même ville ont tendance à se connaître directement ou de réputation, à reconnaître un certain nombre de normes morales et d’intérêts communs, et à interagir sur la base d’une coopération antagonique.
(Leznoff & Westley, 2011 [1956])

5Un autre article est publié sous le même titre exactement par Evelyn Hooker au début des années 1960 (Hooker, 1967 [1962]), qui est repris et développé trois ans plus tard dans un texte plus approfondi (Hooker, 2011 [1965]). L’auteure est professeure au département de psychologie de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), où elle a mené une étude fameuse montrant que l’homosexualité ne se différencie pas comme entité clinique de l’hétérosexualité (Hooker, 1957). Mais la recherche qu’elle présente dans ces deux textes relève plutôt des sciences sociales. Son enquête a été réalisée dans la ville de Los Angeles, dont elle a ethnographié la population homosexuelle. Elle décrit le « système des bars » qui y existe sous la forme d’un marché sexuel, mais précise que cet ensemble d’institutions urbaines n’est que la partie visible de l’iceberg que constitue la « communauté homosexuelle ». Elle utilise centralement la notion de « monde social », qui deviendra bientôt courante en sociologie, mais elle apporte dès le début de son article une précision sémantique : « Le terme “monde” est utilisé ici […] pour se référer à des groupes qui partagent des perspectives communes […]. Les termes “subculture”, “société” et “communauté” désignent également cette même réalité » (Hooker, 2011 [1965]).

6Quelques années plus tard, un travail de doctorat réalisé à San Francisco parvient à des conclusions comparables à celles d’Evelyn Hooker en faisant état, lui aussi, de l’existence d’un « système de bars » relativement stable, qui représente la dimension institutionnalisée de la « communauté homosexuelle », d’ailleurs évoquée ici sans être interrogée, comme si son existence allait à présent de soi (Achilles, 2011 [1967]).

7Cependant, dès la même période, certains auteurs commencent à critiquer l’usage de cette notion que l’on retrouve non seulement dans le langage des individus concernés et de leurs représentants (on parle également parfois de « communauté homophile ») mais aussi, comme nous venons de le voir, dans celui de certains chercheurs en sciences sociales. Dans un article séminal d’analyse sociologique de l’homosexualité (masculine), William Simon et John H. Gagnon soulignent le caractère très limité de la « communauté homosexuelle » (Simon & Gagnon, 2011a [1967]). Pour eux, l’une des meilleures illustrations de ce que l’orientation sexuelle ne peut transcender les autres caractéristiques sociales des individus est le fait que ladite « communauté » n’est pas mixte, mais soumise à une forte division sexuelle. Le trait majeur des individus, expliquent-ils, n’est pas l’orientation sexuelle mais le genre et, si les femmes homosexuelles sont moins portées sur les échanges sexuels que les hommes homosexuels, c’est précisément ce que leur a dicté leur socialisation genrée à la sexualité (Simon & Gagnon, 2011b [1967]).

8La pertinence de cette analyse critique n’empêche cependant pas que la notion de « communauté » continue d’être utilisée dans les années 1970 pour qualifier, décrire et analyser l’organisation des homosexuels, hommes (Warren, 1974) comme femmes (Wolf, 1979), tandis que se créent des quartiers « gais » (un nouveau terme qui s’impose progressivement pour remplacer les qualifications péjoratives antérieures) dans plusieurs métropoles nord-américaines, parfois aussi qualifiés de « ghettos » (Levine, 1979). Contre les analyses critiques d’auteurs tels que William Simon et John H. Gagnon, Stephen O. Murray développe un argumentaire en faveur de l’usage de la notion de « communauté homosexuelle ». Partant du constat qu’il est impossible d’établir dans l’absolu s’il existe ou non une « communauté homosexuelle », il cherche plutôt à comparer l’organisation de la population gaie à celle des « communautés ethniques » à Toronto (Canada), ce qui lui permet de contester l’idée que cette notion n’aurait pas de sens. L’auteur précise en outre :

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To the venerable system of sexual exchanges among gays and the existence of homosexual friendship networks has been added a complete set of gay institutions during the last decade. This development of community among gays depends on the concomitant development of a sense of peoplehood and, at the individual level, a willingness to visibly belong to such a people.
(Murray, 1979 : 165).

10Ainsi la « communauté » est-elle fondée sur l’existence à la fois de réseaux d’échanges sexuels ou d’interconnaissance et d’institutions homosexuelles. De plus, selon l’auteur, l’un des éléments constitutifs de cette « communauté » est le sentiment d’appartenance à un groupe (ou à un « peuple »), dont la principale manifestation serait le désir d’appartenance visible, à savoir le « coming out ».

« Communauté homosexuelle » et « coming out »

11Depuis plusieurs décennies, l’expression « coming out » désigne le dévoilement par un individu de son homosexualité à l’extérieur du monde homosexuel, auprès de son entourage plus ou moins proche (amis, famille, milieu professionnel, etc.). Mais le sens de cette expression n’a pas toujours été le même, il a changé au cours du temps. Pendant longtemps, elle signifiait le fait de faire son entrée dans la « communauté homosexuelle », comme par exemple à New York au début du xxe siècle : « les gays des années d’avant-guerre ne parlaient pas de “sortir de” ce que nous appelons le “placard” (coming out of the closet), mais plutôt de “faire son entrée dans” ce qu’ils appelaient la “société homosexuelle” ou le “monde gay” (coming out in the gay world) » (Chauncey, 2003 [1994] : 17). Ainsi, jusqu’à la fin des années 1960 au moins, c’est-à-dire jusqu’à la décennie 1970 au cours de laquelle le dévoilement de l’orientation sexuelle est devenu un mot d’ordre politique, l’expression « coming out » n’avait pas encore acquis la signification exacte que nous lui connaissons aujourd’hui et qui traduit l’incitation à la transparence et au dévoilement caractéristique des politiques de l’homosexualité dans la plupart des pays occidentaux depuis les années 1970 (Broqua & de Busscher, 2003).

12Dans plusieurs articles sociologiques publiés au cours des années 1960, on retrouve encore une signification voisine de celle du début du siècle à New York. William Simon et John H. Gagnon évoquent « la phase de l’homosexualité nommée “coming out”, lorsque l’individu reconnaît son identité homosexuelle et explore la communauté homosexuelle pour la première fois » (Simon & Gagnon, 2011a [1967]). Cette définition est très proche de celle donnée précédemment par Evelyn Hooker :

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Très souvent, les débuts, que les homosexuels désignent par l’expression « coming out », d’une personne qui se considère comme homosexuelle mais qui a lutté contre ce sentiment, se produisent au moment où cette personne s’identifie publiquement pour la première fois comme homosexuelle en présence d’autres homosexuels par son apparition dans un bar.
(Hooker, 2011 [1965])

14Mais au tournant des années 1960-1970, la signification du « coming out » évolue, comme en témoigne un article important publié en 1971, reposant sur les résultats d’une enquête réalisée à partir d’entretiens et d’un questionnaire auto-administré rempli par 182 hommes (Dank, 1971). Dans la cadre de l’étude, l’auteur choisit de définir le « coming out » comme le fait de s’identifier comme homosexuel, ce qui peut advenir dans le milieu homosexuel comme en dehors : « For purposes of this study the term “coming out” will mean identifying oneself as being homosexual. This self-identification as being homosexual may or may not occur in a social context in which other gay people are present » (Dank, 1971 : 181). Ainsi, en ce début des années 1970, l’identification à la fois intime et publique de soi comme homosexuel, que désigne l’expression « coming out », peut se faire non plus seulement au sein de la « communauté homosexuelle », mais aussi en l’absence de pairs, voire en son for intérieur.

15Une dizaine d’années plus tard, le lien entre « coming out » et « communauté » est à nouveau établi dans un texte de Michael Pollak, à certains égards fondateur de la sociologie de l’homosexualité en France (Pollak, 1982). Tirant profit de sa connaissance du monde homosexuel anglophone, bien que semblant ignorer une partie de la littérature sociologique sur l’homosexualité, l’article donne une définition du « coming out » qui indique bien la transition qui s’opère alors entre deux significations ici présentes simultanément. L’auteur y définit le « coming out » comme « le double processus d’intégration dans la communauté homosexuelle et d’affirmation de l’homosexualité vers l’extérieur » (Pollak, 1982 : 49). Il souligne ainsi le lien entre « communauté », auto-identification et « coming out ». Il évoque aussi, comme d’autres auteurs de la fin des années 1970 cités plus haut, le développement de zones urbaines spécifiquement homosexuelles :

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L’affirmation publique de l’identité homosexuelle et de l’existence d’une communauté homosexuelle à peine sortie de l’ombre va jusqu’à l’organisation économique, politique et spatiale. Ceci a mené, dans les grands centres urbains américains, à la formation de « ghettos » c’est-à-dire, selon la définition classique de ce terme, de quartiers urbains habités par des groupes ségrégués du reste de la société, menant une vie économique relativement autonome et développant une culture propre. […] Dans ces quartiers, les homosexuels représentent une majorité de la population, contrôlent une bonne partie des commerces, en particulier les bars, le marché immobilier et une partie du marché du travail. En plus, ils ont parfois réussi à s’organiser en force électorale importante. Cette tendance à la ghettoïsation peut être observée en Europe, mais d’une façon nettement moins marquée.
(Pollak, 1982 : 48-49)

17Cette constitution de la population homosexuelle en niches urbaines, à laquelle s’associe le développement de revendications politiques parfois clairement « communautaires », dans le cadre de groupes homosexuels organisés, va provoquer une situation conflictuelle spécifique en France à partir des années 1990.

Homosexualité et anti-« communautarisme » en France

18L’usage de la notion de « communauté homosexuelle » apparaît en France beaucoup plus tard qu’en Amérique du Nord, principalement dans le contexte de la lutte contre le sida (Broqua, 2003 et 2006 ; Prearo, 2014 ; Fauchois, 2015). Bien que, selon certains commentateurs, on ne puisse pas véritablement y parler d’une « communauté homosexuelle », si on compare la situation hexagonale par exemple à celle des Pays-Bas (Duyvendak, 1993), il reste que se créent progressivement un mouvement et des institutions, ainsi qu’un quartier spécifiquement homosexuel à Paris (Giraud, 2014), ou plus précisément des espaces urbains homosexuels assez comparables à ceux que l’on observe aux États-Unis. Ceux-ci sont parfois désignés par le terme « ghetto » [3], de manière péjorative, ou avec (auto-)dérision comme dans cet extrait du premier ouvrage de Guillaume Dustan :

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« Ça fait quelques années maintenant que je suis entré dans ce monde. J’y passe la plupart du temps. Moi aussi je préfère aller en vacances à Londres plutôt que de découvrir Budapest. Budapest, ça sera pour plus tard. On est bien dans le ghetto. Il y a du monde. Il y en a tout le temps plus. Des pédés qui se mettent à baiser tout le temps et à ne plus aller aussi souvent dans le monde normal. À part bosser, en général, et voir sa famille, tout peut se faire sans sortir du ghetto. Sport, courses, ciné, restau, vacances »
(Dustan, 1996 : 74-75).

20La désignation péjorative du milieu gai par le terme « ghetto » renvoie en France plus largement à l’essor de positions très critiques à l’encontre des comportements « communautaires » homosexuels, le propos de Guillaume Dustan devant être compris comme une réaction face à ce discours ambiant. C’est en effet dans les années 1990 que la condamnation du « communau-tarisme homosexuel » connaît un fort développement avec, en particulier, la parution en 1996 du livre de Frédéric Martel, Le Rose et le Noir (Martel, 1996a). Le dernier chapitre, qui contient la diatribe de l’auteur contre le « communautarisme », est également publié sous la forme d’une « Note de la Fondation Saint-Simon » (Martel, 1996b). Ceci indique la congruence entre cette critique et les opinions défendues par une mouvance intellectuelle – dont cette fondation et les auteurs de ses « notes » sont parmi les représentants – relativement influente dans le débat public, se présentant comme plutôt ancrée à gauche, et se caractérisant par une hostilité marquée vis-à-vis de l’expression politique de positions ou de revendications jugées particularistes.

21Frédéric Martel oppose la menace de « repli identitaire » (incarnée par exemple selon lui par la Gay Pride) au principe d’universalisme républicain (alors représenté pour l’auteur par la revendication d’une reconnaissance légale du couple homosexuel). Dans son ouvrage comme dans ses interviews, il distribue les bons et les mauvais points en condamnant les acteurs jugés « communautaristes », au premier rang desquels se trouvent l’association qui organise la Gay Pride ou l’association de lutte contre le sida Act Up-Paris qui a fait de la revendication « communautaire », c’est-à-dire du fait de mettre en avant son appartenance à la « communauté homosexuelle » en même temps que d’appeler à son renforcement, l’un des axes forts de son discours (Broqua, 2006).

22Dès sa parution, Le Rose et le Noir suscite l’indignation d’un grand nombre d’acteurs ou de penseurs des mouvements homosexuels et de lutte contre le sida, qui soulignent le manque de pertinence de ses analyses ou de ses positions. Par exemple, le mot d’ordre choisi pour la Gay Pride de cette même année 1996 est « Nous nous aimons, nous voulons le contrat d’union sociale ! » : une revendication « universaliste » portée par une organisation pourtant « communautariste » selon la nomenclature de Frédéric Martel. Ce dernier reconnaît d’ailleurs au moins implicitement le manque de pertinence de ses diatribes anti-« communautaristes » dans la réédition en poche de son ouvrage qui ne les reprend pas toutes (Martel, 2000 [1996]).

23En dépit des critiques, l’ouvrage et son auteur reçoivent un accueil très favorable dans les médias grand public et parfois même « communautaires ». Par exemple, les émissions télévisées « Le cercle de minuit » et « La marche du siècle » lui consacrent chacune une édition complète. Dans la première, Frédéric Martel rallie le soutien d’Alain Finkielkraut, connu pour sa dénonciation des revendications minoritaires. Il réussit même à créer un mini-scandale médiatique en faisant passer les acteurs « communautaristes » du mouvement homosexuel pour responsables de la diffusion du sida au cours des premières années, en raison de leur supposé déni et de leur volonté unique de défendre leurs modes de vie [4].

24Ce n’est pas un hasard si l’ouvrage rencontre un si grand succès médiatique. En France, il existe alors un discours anti-« communautariste » déjà très prégnant (Lévy, 2005 ; Dhume-Sonzogni, 2007 et 2016), dont l’un des objets privilégiés est la population homosexuelle (Gouëset & Hoffmann, 2002 ; Mangeot, 2003), même si elle n’est pas sa cible exclusive ni principale. Un certain nombre de minorités, dès lors qu’elles déplorent leur situation ou avancent certaines revendications, sont perçues comme menaçantes et désignées comme agissant de manière contraire au principe d’universalisme républicain – certains commentateurs n’hésitant pas à utiliser un vocabulaire aussi outrancier que celui qui dénonce par exemple la « dictature » ou la « tyrannie » des minorités –, dans un contexte où la fonction des critiques invoquant toujours ce même principe semble plutôt être de masquer le décalage entre l’idéologie prétendument égalitariste de l’universalisme républicain et la réalité des inégalités sociales.

25Au début des années 2000, après que les homosexuels ont acquis quelques droits avec l’adoption du Pacte civil de solidarité (PaCS), la critique du « communautarisme homosexuel » ne faiblit pas, allant jusqu’à s’immiscer dans le langage de certains sociologues (Adam, 2001). En 1997, Frédéric Martel s’en était pris dans Le Monde[5] au colloque sur les « études gays et lesbiennes » organisé par Didier Éribon au Centre Georges Pompidou à Paris, obligeant Pierre Bourdieu à lui répondre dans le même journal [6] ; en 2001 c’est Joseph Macé-Scaron qui critique notamment l’attribution par la mairie de Paris d’un financement pour la création d’un centre d’archives LGBT, dans un livre sur « la tentation communautaire » (Macé-Scaron, 2001), expression qui formait déjà le titre de la « note » de Frédéric Martel publiée en 1996 par la Fondation Saint-Simon.

26De même, après que la Gay Pride a été interdite en 2002 à Strasbourg par la mairie de droite, le maire délégué, Robert Grossmann, et son membre de cabinet, François Miclo, publient à leur tour un essai contre le « communautarisme » (Grossmann & Miclo, 2002). Pour les auteurs, nul citoyen ne peut se voir reconnaître par la République dans ses particularités identitaires : c’est encore le principe classique de l’universalisme républicain. Appliqué aux homosexuels, cela les conduit à condamner toute revendication publique d’une identité homosexuelle, tout d’abord parce qu’elle ne concernerait que la vie privée, ensuite parce qu’elle serait réductrice et enfermante. On retrouve ici les positions défendues précédemment par Frédéric Martel. Mais Robert Grossmann et François Miclo vont plus loin dans la mesure où, pour eux, les homosexuels revendiquent l’égalité pour bénéficier de droits et de traitements spécifiques. Cette contradiction dans les termes ne leur est pas spécifique : depuis les débats sur le PaCS et jusqu’à ceux qui sont relatifs au « mariage pour tous », on a pu entendre régulièrement des opposants à l’égalité des droits dénoncer cette revendication comme « communautariste ». Ainsi, que les homosexuels revendiquent le particularisme ou l’égalité, ils trouvent brandie sur leur chemin la même objection de l’universalisme républicain qui vise dans les deux cas à délégitimer et neutraliser leurs discours et leurs revendications.

27C’est enfin, conformément là encore à une rhétorique rodée du discours hostile aux minorités organisées (ou plus précisément mobilisées), la question du « pouvoir » des homosexuels qui se trouve au centre de trois ouvrages publiés en 2003 (Derai, 2003 ; Devoucoux du Buysson, 2003 ; Minc, 2003). Ces condamnations du « pouvoir » – voire du « lobby » – gai, comme celles du « communautarisme homosexuel », transforment un groupe aux contours indéfinissables en une population à la fois délimitable et homogène, dotée de surcroît d’une force presque occulte. Ces attaques renforcent dans bien des cas, chez ceux qui se sentent visés, la volonté d’opposer une réponse collective qui peut nourrir la même image illusoire d’un groupe organisé en réseaux d’influence. Mais la notion même de « communauté homosexuelle » est parfois contestée par des intellectuels qui défendent pourtant l’expression publique des homosexuels et l’égalité des droits. Ainsi, dans un texte initialement paru en 1996, Didier Éribon écrit :

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[…] vouloir parler au nom de la « communauté » présupposerait non seulement qu’une telle communauté existe mais qu’elle soit un groupe homogène doté d’un ensemble d’idées ou d’objectifs bien identifiables. Ce n’est évidemment pas le cas et il n’est pas possible – et d’ailleurs pas souhaitable – que cela puisse le devenir. Il faut le dire clairement : la « communauté » gay et lesbienne n’existe pas !
(Éribon, 2000 : 37)

29Ce propos, qui vise à délégitimer les attaques anti-« communautaristes » en affirmant qu’il n’existe pas de communauté (à l’inverse de certains groupes militants comme Act Up-Paris qui affirment le contraire), souscrit en même temps à l’idéologie dominante en France de l’universalisme républicain. À l’inverse d’une telle analyse, les mobilisations sociales relatives aux minorités sexuelles et minorités de genre vont s’employer avec force, au début du xxie siècle, à étendre la définition des catégories qu’elles recouvrent.

La double extension « communautaire »

30Parallèlement aux débats houleux sur la « communauté homosexuelle » en France, de nouvelles désignations et de nouveaux enjeux de définition apparaissent aux échelles aussi bien nationales qu’internationale au cours des mêmes années 1990. Ils recouvrent deux grandes tendances : l’une consiste, sur la base d’une logique inclusive, en la reconnaissance d’une diversité de figures composant les minorités sexuelles et minorités de genre ; l’autre désigne plutôt l’extérieur du monde homosexuel, mais pour mieux étendre son domaine. En dépit des débats médiatiques fustigeant la pensée et l’action « communautaristes » en France, l’idéologie « communautaire » reste très prégnante dans le milieu de la lutte contre le sida, tant dans le monde francophone qu’au-delà, influant notamment sur la redéfinition de la population des « hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes » dans les pays du Sud.

De la « communauté homosexuelle » à la « communauté LGBT+ »

31Au cours des années 1990, un processus de diversification s’opère dans le travail de définition de la « communauté » accompli par les divers acteurs qui s’en donnent la charge (associations, organisations internationales, médias, intellectuels, éditeurs, etc.). Tout d’abord, une place plus visible est faite aux femmes par la mention ou l’ajout du terme « lesbian »/« lesbienne » à certaines expressions. On parle alors de « lesbian and gay pride », de « lesbian and gay center »/« centre gay et lesbien », de « lesbian and gay studies »/« études gay et lesbiennes », etc. Ensuite, la prise en compte d’autres minorités sexuelles et minorités de genre, en l’occurrence les bisexuels et les trans, va produire l’apparition du sigle « LGBT » (Lesbian, Gay, Bisexual, Transsexual), progressivement adopté dans de nombreux pays d’Amérique et d’Europe (Prearo, 2015). En France, la Gay Pride annuelle est rebaptisée « Marche des fiertés lesbiennes, gaies, bi et trans » (ou « Marche des fiertés LGBT ») à partir de 2002, et se trouve dès lors organisée par l’Inter-LGBT, un regroupement interassociatif. Depuis, le sigle dont l’usage s’est internationalisé est parfois augmenté d’autres initiales telles que I (Intersex), Q (Queer) ou A (Asexual). La conférence « Réalités LGBTTIQA2S : nos luttes, nos victoires, nos défis » organisée à Montréal en août 2017 a apporté une illustration édifiante de l’extensibilité potentiellement sans fin de cette logique inclusive. Le sigle utilisé ici et repris (souvent avec difficulté) par de nombreux orateurs officiels signifie en effet « Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Transsexuels, Transgenres, Intersexués, Queer, Asexuels, Two-Spirits ».

32La construction de la « communauté LGBT+ » (forme nouvelle du sigle permettant de couper court à la prolifération des lettres tout en restant fidèle au principe d’inclusion) repose en premier lieu sur une politique identitaire. Mais plus sont égrainées les catégories qui la constituent, plus sa définition perd en homogénéité et en consistance, ses diverses composantes n’ayant parfois pas grand rapport entre elles. À travers l’énumération dont procède ce sigle « ouvert », la « communauté » dit surtout ce qu’elle n’est pas ou ce à quoi elle s’oppose, en l’occurrence « l’hétérosexualité obligatoire » et la conformation aux normes de genre majoritaires. Cette hétérogénéité interne s’accompagne en même temps de hiérarchisations implicites et de rapports de pouvoir, régulièrement critiqués. Ainsi, il est souvent reproché à la « communauté » ou aux mouvements se disant « LGBT+ » d’être dominés par les hommes gais des classes moyennes ou supérieures, et blanches, admet-on désormais. En effet, les institutions « communautaires », qui en principe promeuvent l’inclusion, sont aussi critiquées pour ne pas représenter le point de vue des minorités racisées, comme nous le verrons plus loin.

Les « hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes »

33Tandis que les institutions du monde homosexuel (occidental) redéfinissent peu à peu une « communauté » inclusive composée de catégories qui, au-delà de leur hétérogénéité, participent d’une même politique identitaire, certains acteurs (organisations onusiennes, organisations internationales, associations, chercheurs, etc.) s’emploient à étendre la cartographie homosexuelle en dessinant les contours d’une population extérieure à la « communauté », mais qui en fait partie par ses pratiques, désignée par la périphrase « men who have sex with men » et le sigle « MSM » (Boellstorff, 2011) – en français, « hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes » ou « HSH ».

34À l’origine, cette catégorie a été forgée dans le contexte du sida afin de désigner les hommes qui, dans les pays occidentaux, se situaient aux marges de l’identité homosexuelle, et dont on supposait qu’ils étaient autant, voire davantage, exposés au VIH que les gays. L’objectif était alors de mieux connaître ces hommes ne se considérant pas comme homosexuels pour éventuellement les atteindre dans le cadre d’actions de lutte contre le sida. Dans cette optique, certaines politiques publiques, telles que celles qui furent développées en France au début des années 1990, ont cherché à socialiser ces hommes comme homosexuels et à faire naître chez eux le sentiment d’identité homosexuelle qui leur faisait défaut, afin de pouvoir les cibler par des actions « communautaires » (Pinell et al., 2002 ; de Busscher, 2003). Ce travail est, en même temps, secondé par celui de l’ensemble des associations concernées, y compris les plus critiques à l’égard des pouvoirs publics, comme l’illustre ce récit :

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[…] lors d’un débat se déroulant au Centre gai et lesbien en 1995 concernant la bisexualité, deux opinions opposées s’exprimèrent au sujet de la prévention du sida vis-à-vis des hommes d’origine maghrébine ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes sans pour autant se considérer comme homosexuels. Pour le représentant de l’association Act Up-Paris, ces hommes étaient des homosexuels qui, en raison de leur culture, ne pouvaient pas le reconnaître. La mission du mouvement était alors de les aider à s’auto-identifier comme homosexuels pour pouvoir avoir ainsi accès à la prévention.
(de Busscher, 1997)

36L’expression « men who have sex with men » et le sigle « MSM » se sont rapidement répandus et popularisés dans la littérature et les conférences internationales, en même temps qu’émergeait progressivement la problématique des sexualités entre hommes dans les pays non occidentaux. La périphrase paraissait alors idéale pour désigner les hommes concernés dans ces pays, tant il était clair qu’il ne pouvait s’agir d’homosexuels au sens occidental du terme. Plus tard, l’application du label « MSM » aux individus des pays du Sud a produit l’appropriation de ce label par certains de leurs représentants, là où aucun autre terme original ne trouvait à s’exprimer. Et sans que cela ne soit un hasard, des efforts étaient en même temps développés pour permettre dans les pays du Sud des formes de mobilisation homosexuelle comparables à celles qui peuvent être observées dans les pays occidentaux.

37C’est ainsi que depuis les années 2000, le label « MSM » est devenu consacré pour désigner un groupe qui existerait au nord comme au sud, et dans lequel se reconnaîtraient parfois les individus concernés. Initialement voué à désigner ceux qui ne pouvaient être définis par leur appartenance à une catégorie fondée sur l’identité (individuelle ou sociale), il a lui-même progressivement pris la valeur d’une nouvelle catégorie d’autodésignation, pourtant moins dotée encore de consistance et de sens que celles qu’elle était supposée remplacer, en particulier depuis qu’elle a traversé les frontières.

Un peuple transnational ?

38C’est, d’une part, avec la globalisation des causes sexuelles en général (Broqua, Fillieule & Roca i Escoda, 2016) et de celles liées aux minorités sexuelles et minorités de genre en particulier – qu’illustre l’émergence d’organisations telles que l’International Lesbian and Gay Association (ILGA) – et, d’autre part, au travers de la lutte contre le sida à l’échelle mondiale, que l’idée d’une « communauté homosexuelle » internationale s’est développée. Ce second élément de contexte, bien que moins souvent souligné, a joué un rôle d’une importance capitale s’agissant de l’internationalisation de la cause homosexuelle.

39Deux idées importantes se sont progressivement imposées dans le contexte international de la lutte contre le sida. Tout d’abord, avec la promotion d’une approche dite « communautaire » par certaines organisations phares telles qu’ONUSIDA, ont été identifiées des « communautés » exposées au VIH auxquelles il s’est agi d’attribuer un rôle actif dans la réponse à l’épidémie. Ensuite, de manière liée, la notion d’empowerment a permis de désigner cette nécessité d’octroyer du pouvoir aux groupes concernés (Altman, 1994 ; Beeker, Guenther-Grey & Raj, 1998 ; Vidal, 1999), l’action en direction des populations dites “clés” passant généralement par l’identification de ceux que l’on appelle des « leaders communautaires ».

40Dès les années 1990, l’épidémie de sida a rendu possible l’émergence de mobilisations homosexuelles (très majoritairement masculines, mais aussi plus récemment féminines) dans certains pays non occidentaux, suscitant dans certains cas pour la première fois le regroupement associatif de personnes faisant partie de minorités sexuelles et minorités de genre, éventuellement reconnues et même financées par les pouvoirs publics sous ce motif. Mais on a pu constater, en même temps, la diversité et souvent la complexité des situations selon les régions du monde, en raison du fait que ces mobilisations émergentes sont généralement le produit de la rencontre plus ou moins heureuse entre des initiatives locales et des incitations internationales.

41Dans l’un des premiers et rares articles relatant en détail la façon dont ce processus peut s’accomplir (ou en l’occurrence échouer, selon son auteur), Timothy Wright rend compte d’une expérience dont il a été à la fois l’acteur et l’observateur entre 1993 et 1995 en Bolivie (Wright, 2000). Après avoir réalisé une enquête sur les « hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes », il propose à la United States Agency for International Development (USAID) de financer un projet d’action en direction de ce groupe au sein d’une organisation locale de lutte contre le sida. Afin de respecter le silence qui entoure les pratiques homosexuelles et le caractère non fixe des identités qui leur sont liées, T. Wright suggère que ne soit pas créé un lieu spécifique, mais une ligne d’écoute téléphonique et des modes d’intervention mobiles (par exemple des véhicules se déplaçant sur différents sites). Malgré cela, une fois le projet lancé dans la ville de Santa Cruz, l’USAID impose l’ouverture d’un « gay community center ». Bien que l’institution s’en montre satisfaite, l’auteur y voit un échec, le centre n’étant fréquenté que par une partie très limitée de la population ciblée, la plus perméable à l’identité gaie : « In short, men-who-have-sex-with-men who were too rich or too poor or too masculine or too effeminate were unlikely to be attracted to the gay center or welcomed as members of the emerging “gay community” » (Wright, 2000 : 102).

42De même, en Chine, où des actions de lutte contre le sida ont été menées dans ce même esprit, il apparaît que la notion de « communauté homosexuelle » est relativement étrangère à la plupart des individus concernés :

43

Si l’identité homosexuelle elle-même est loin d’être assurée, la communauté n’existe pas. Et tout d’abord la partie institutionnalisée de cette communauté. Pourtant, il existe à Hefei des organisations et des activités qui leur sont destinées. […] Tous utilisent le même mot pour caractériser la « communauté homosexuelle » : san, dispersée, éparpillée. Peu déclarent se rendre régulièrement dans le bar homosexuel de la ville, et aucun n’avoue avoir fréquenté un des « bains publics ». Ils gardent leurs distances avec les activités organisées spécialement pour la « communauté » et privilégient les outils de l’Internet pour se faire de nouveaux amis ou communiquer avec leurs proches.
(Miège, 2009 : 54-55)

44Dans ce cas comme dans le précédent, il n’est rien dit du sentiment d’appartenance à un groupe d’hommes qui auraient en commun des pratiques homosexuelles. En revanche, la difficulté, pour ne pas dire l’échec, de tentatives de constitution de pratiques et d’espaces sociaux visant à socialiser ces hommes comme homosexuels a été montrée.

45L’Afrique est actuellement le continent qui illustre le mieux ce processus d’émergence de mobilisations homosexuelles à travers la lutte contre le sida. Contrairement à certains pays anglophones du continent où des organisations homosexuelles existaient indépendamment de la question du sida, dans les pays francophones, c’est l’épidémie qui a rendu possible l’apparition d’associations spécifiques [7]. Mais, en plus de la lutte contre le sida, ces associations poursuivent aussi souvent un objectif de défense des droits humains. Leurs activités sont en fait fortement déterminées par les organisations internationales qui les soutiennent et fixent en partie leurs cahiers des charges, ce qui a aussi des effets sur le vocabulaire employé. Alors que dans les pays d’Afrique francophone on parle habituellement de « milieu » pour désigner la population homosexuelle et de « branché » pour qualifier ceux qui en font partie (Broqua, 2012), certains militants associatifs impliqués dans des collaborations et des réseaux transnationaux emploient aussi régulièrement le terme « communauté ».

46Parallèlement aux actions menées dans le cadre de la lutte contre le sida, la globalisation de la cause des minorités sexuelles et minorités de genre a produit dans les discours l’émergence d’un sujet global, en particulier au travers de la lutte contre l’homophobie à l’échelle planétaire, avec par exemple la création et la célébration d’une « Journée mondiale contre l’homophobie » (devenue « Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie »), ou les rapports annuels de l’ILGA mis en image au moyen de cartographies des législations relatives à l’homosexualité dans le monde, qui font florès dans les médias. Dix-sept ans après avoir critiqué le « communautarisme homosexuel » en France, Frédéric Martel voit, dans un nouvel ouvrage, des « communautés LGBT » partout dans le monde :

47

Pour les communautés LGBT du monde entier, [Internet et les réseaux sociaux] sont en train de changer le rapport de force, de redonner du pouvoir aux individus, que ce soit pour contourner la censure en Chine, pour éviter les fatwas dans les pays musulmans ou pour pallier le froid de l’hiver en Amérique du Nord.
(Martel, 2013)

48Plus largement, l’homosexualité est aujourd’hui souvent pensée sur le modèle du peuple transnational ou de la diaspora (Fortier, 2002), au-delà des différences culturelles, comme la situation des femmes avait pu l’être avec le féminisme de la deuxième vague et l’extension de l’internationalisation de cette cause aux pays du Sud (Mathieu, 1991 [1985]). Les études sur les diasporas insistent généralement sur la nécessité du critère « co-ethnique » ou de la migration, et, de ce fait, certaines considèrent les minorités sexuelles et minorités de genre luttant pour leurs droits comme relevant de « communautés transnationales » plutôt que de diasporas (Quayson & Daswani, 2013 : 4). Pourtant, comme nous l’avons entraperçu, les mobilisations transnationales relatives aux minorités sexuelles ou minorités de genre ne relèvent pas de la seule mise en relation d’acteurs luttant pour l’acquisition des mêmes droits. Elles consistent aussi en la définition par certains groupes se positionnant à l’avant-garde du combat mondial, des objectifs à atteindre pour une population globale dont l’existence est considérée comme allant de soi. Ainsi, une conception du groupe homosexuel ou « LGBT+ » comme peuple transnational s’impose aujourd’hui depuis les pays occidentaux, avec les risques d’« impérialisme » et de lecture évolutionniste que cela suppose :

49

Fortier, Manalansan and others, […] have […] pointed out that the assumption of a queer solidarity that spreads from the West to non-Western locations and subjects usually carries with it a highly problematic teleological vision of white, male gayness as the most advanced stage of queer identity and life forms.
(Kosnick, 2010 : 126-127)

50L’attention accordée par divers acteurs occidentaux à l’ensemble des pays du monde, où l’on suppose toujours qu’il existe des homosexuels, des bisexuels, des transgenres, etc., quand bien même elle se trouve motivée ou justifiée par une mission de solidarité internationale, repose sur des formes implicites de hiérarchisation qui souvent ne sont pas pensées, mais s’imposent avec la force de l’évidence : l’institutionnalisation et la légalisation de l’homosexualité telles qu’observables dans certains pays d’Europe ou d’Amérique du Nord sont considérées comme le pinacle du développement social et politique, et le sort que devrait connaître l’ensemble des pays du monde. Or, à l’échelle planétaire, une immense partie des actes sexuels entre personnes de même sexe ne s’accompagne pas de la même signification que celle qui leur est attribuée dans les pays occidentaux, ni des formes d’identification et encore moins des modes de vie qui les y accompagnent. Dans nombre de contextes non occidentaux, même si un sentiment d’appartenance commune existe parfois sur la base du comportement sexuel, les aspirations qui en découlent peuvent différer grandement et ne pas s’accompagner du moindre désir de reconnaissance sociale ou politique fondée sur ce comportement. L’insistance de certains acteurs des pays occidentaux à faire reconnaître ces réalités dans d’autres pays – généralement les anciennes colonies – ne fait souvent que renforcer la résistance et le rejet exprimés par les populations et parfois les gouvernants. Au cours de la période récente, l’écart entre des situations nationales très diverses selon les régions du monde s’est encore accentué avec la reconnaissance légale des couples de même sexe dans certains pays, renforçant parfois fortement dans d’autres pays l’hostilité à l’égard d’un modèle perçu non seulement comme dévoyé, mais cherchant en plus à s’imposer dans le reste du monde.

Une fiction politique

51Dans son fameux ouvrage Imagined communities, Benedict Anderson utilise l’expression « communauté imaginée » pour définir la nation comme « une communauté politique imaginaire, et imaginée comme intrinsèquement limitée et souveraine. Elle est imaginaire (imagined) parce que même les membres de la plus petite des nations ne connaîtront jamais la plupart de leurs concitoyens : jamais ils ne croiseront ni n’entendront parler d’eux, bien que dans l’esprit de chacun vive l’image de leur communion » (Anderson, 1996 [1983] : 19). L’auteur précise plus loin :

52

En vérité, au-delà des villages primordiaux où le face-à-face est de règle (et encore…), il n’est de communauté qu’imaginée. Les communautés se distinguent, non par leur fausseté ou leur authenticité, mais par le style dans lequel elles sont imaginées.
(Anderson, 1996 [1983] : 20)

53Vingt-cinq ans plus tard, Robert Thornton détourne la fameuse expression de Benedict Anderson en utilisant celle de « communauté non imaginée » afin de désigner les réseaux sexuels par lesquels se transmet le VIH en Afrique du Sud :

54

Although HIV can only be transmitted through sexual networks […] it is a purely occult community, one we can never see or imagine. The title of the book, “Unimagined Community” points to these facts, while gesturing to the political community of the nation which, according to the influential concept of Benedict Anderson is necessarily an imagined community owing its existence to national languages fostered by “print capitalism;” all its members can never participate directly in it. By contrast, the community of the sexual network is never imagined and never represented by those who do in fact participate in it.
(Thornton, 2008 : xii)

55La « communauté » que forment les homosexuels, ou plus largement les minorités sexuelles et minorités de genre, à l’échelle d’une nation ou plus encore à l’échelle planétaire, n’est ni purement imaginée au sens de B. Anderson ni strictement non imaginée au sens de R. Thornton. Différemment de la « communauté imaginée » qu’est la nation, les personnes potentiellement concernées par l’appartenance à la « communauté homosexuelle » ou « LGBT+ » ne se considèrent pas toutes comme formant cette catégorie, même si certaines analyses montrent l’impact des médias diffusés à l’échelle nationale sur la constitution d’une « communauté sexuelle imaginée » (« imagined sexual community » ; Jackson P., 2009 : 22-23). Il ne s’agit pas non plus d’une « communauté non imaginée » dans la mesure où, comme nous l’avons vu, ces personnes sont l’objet et la cible de constructions discursives et d’actions de terrain qui les définissent comme formant une « communauté » et qui exposent une partie d’entre elles au moins à cette idée.

56La « communauté homosexuelle » ou « LGBT+ » est une fiction politique. Bien que dissoute au sein d’un ensemble plus vaste, elle suppose des formes d’interconnaissance qui lui donnent un substrat collectif. Mais la forme « communautaire » ne pourrait être déclarée telle sans un travail de représentation, au double sens de mise en scène publique et d’expression au nom de, mené par des groupes ou des individus engagés dans des luttes politiques visant à s’arroger le rôle de porte-parole et, ce faisant, dotant cette population de plus de consistance qu’elle n’en a. Mais la construction de la forme « communautaire » comme fiction découle encore de l’action de ceux qui s’opposent au groupe concerné, notamment en condamnant son « communautarisme » ou son prétendu « repli identitaire ».

57L’accent placé dans ce texte sur la façon dont est revendiquée ou décriée une « communauté homosexuelle » ou « LGBT+ » ne vise nullement à sombrer dans un nominalisme qui s’opposerait à la réflexion sur les contours du groupe social que forment les « homosexuels » ou autres minorités sexuelles et minorités de genre, et sur les sentiments d’appartenance qu’ils supposent – occupant les sociologues et historiens depuis plusieurs décennies [8]. Leur existence est avérée y compris dans les pays du Sud ou à l’échelle internationale à travers l’émergence d’un « sentiment d’appartenance à un peuple gay global » (« global gay “peoplehood” » ; Kapac, 1998 : 169). Ces deux formes d’interrogation sont différentes, mais s’articulent nécessairement, car les sentiments d’appartenance nécessitent que des groupes apparaissent comme constitués par ceux qui se présentent comme leurs représentants ou leurs opposants.

58Les enjeux de lutte autour du travail de représentation, qui traduisent aussi des conceptions très diverses de la « communauté homosexuelle » (Girard, 2013), témoignent des limites de la mise en œuvre « communautaire ». Pour revenir à l’exemple français, il apparaît ces dernières années que la prétendue « communauté LGBT+ » est traversée par plusieurs lignes de fracture. En témoignent clairement les débats qui ont émaillé la conception de l’affiche de la « marche des fiertés LGBT » à deux reprises au cours de la décennie 2010. Sur celle de 2011 apparaissait un coq affublé d’un boa en plume, jugé « homonationaliste » par certains, et trop « folle » par d’autres. L’association organisatrice ayant pris acte de la première critique, elle a retenu à l’issue d’un concours d’affiches pour la marche de 2015 l’image d’une Marianne noire, à travers un buste représentant un visage androgyne au traits africains coiffé d’un bonnet phrygien, accompagné du slogan « Nos luttes vous émancipent ». L’association des deux éléments a été critiquée comme relevant d’un paternalisme postcolonial ; l’image a été conservée mais le slogan a finalement été changé en « Multiples et indivisibles ». Ces deux controverses sur l’exclusion ou l’inclusion « raciale » à propos des affiches de la « marche des fiertés » illustrent les difficultés pour l’Inter-LGBT de se faire accepter comme représentant légitime par l’ensemble des composantes du mouvement, en particulier de la part des minorités les moins reconnues, sachant que la seule association d’homosexuels musulmans existant en France (HM2F) n’a pas été acceptée comme membre de l’Inter-LGBT.

59Des divisions apparaissent aussi autour des orientations politiques. Quelques exemples nous permettront d’achever de montrer en quoi l’invocation communautaire relève d’une fiction politique. En 2012, la parution de l’ouvrage Pourquoi les gays sont passés à droite a occasionné un vaste débat médiatique sur les opinions politiques des homosexuels. Écrit par Didier Lestrade (2012), fondateur d’Act Up-Paris et promoteur de l’idée de « communauté homosexuelle » s’il en est, il résulte d’un double effet de fiction, tout d’abord en traitant d’une population qui serait suffisamment délimitable pour que l’on puisse lui attribuer un vote ou une opinion politique, ensuite parce que le livre ne repose sur aucune donnée tangible permettant d’accréditer la thèse suggérée par le titre. Hasard ironique du calendrier, une première étude publiée au même moment sur ce sujet précis infirmait cette thèse. En fait, l’objectif de D. Lestrade était surtout de tracer une nouvelle fois les contours de la « communauté » idéale, en insistant en particulier sur la nécessité du « coming out » comme il l’avait déjà souvent fait. Le sens du « coming out » dans l’espace public a cependant changé au cours de la période récente : alors qu’au début des années 2000 il était encore rare et constituait toujours un événement médiatique (Broqua & de Busscher, 2003), une décennie plus tard il est devenu plus fréquent et banal. Contrairement à l’époque où il allait de pair avec un militantisme homosexuel de type révolutionnaire – repensons par exemple au geste inaugural de Guy Hocquenghem qui publia une tribune dans Le Nouvel observateur en 1972 (Idier, 2017) –, il concerne aujourd’hui des individus aux profils très divers et n’est plus en rien la marque d’une identification « communautaire ». La diversité des orientations politiques est désormais très nette chez les personnalités ayant rendu publique leur homosexualité – qui restent toutefois en nombre limité parmi les personnels politiques, qui se font parfois forcer la main, surtout lorsqu’ils sont de droite (Le Talec, 2013). L’un des cas les plus édifiants des années 2010 est assurément celui qui a concerné le Front national. Il est connu de longue date que certains membres de ce parti sont homosexuels, ce qu’avait d’ailleurs reconnu en 1995 Jean-Marie Le Pen qui ajoutait : « Au Front national, ce qu’il n’y a pas, c’est des folles ». Mais plus récemment, au cours des années qui ont précédé l’implosion du parti suite aux élections présidentielles de 2017, des accusations ont été portées contre l’entourage de Marine Le Pen, qui serait composé de nombreux homosexuels. Elles se sont vues d’ailleurs confirmées par le dévoilement contraint du numéro deux du parti, Florian Philippot, accusé par ailleurs de favoriser le recrutement de pairs. La dénonciation en interne d’un « lobby gay » ou d’un « communautarisme homosexuel » pourrait surprendre lorsqu’elle cible un pourfendeur du « communautarisme » – visant pour sa part les immigrés et les musulmans, désormais les cibles privilégiées du discours anti-« communautariste » en France (Mohammed & Talpin dir., 2018) –, si l’on ne considérait que, ici comme ailleurs, la critique du « communautarisme » comme la revendication « communautaire » relèvent d’une fiction politique visant à construire « artificiellement » des populations que l’on prétendra au choix représenter ou combattre.

Notes

  • [1]
    Institut des mondes africains ; CNRS, 27 rue Paul Bert, 94204 Ivry-sur-Seine Cedex.
  • [2]
    Cet article repose sur des éléments issus à la fois de la littérature et de mes propres recherches réalisées au cours des deux dernières décennies sur les mobilisations relatives aux minorités sexuelles ou minorités de genre, et au sida en France et en Afrique de l’Ouest francophone. Il a pu être écrit grâce au soutien du Conseil européen de la recherche, par le biais de la subvention 617930 (« Eradication ») attribuée à Vinh-Kim Nguyen.
  • [3]
    C’est en utilisant ce mot que certains membres de l’organisation « homophile » Arcadie critiquaient le milieu homosexuel dans les années 1970 (Jackson J., 2009). Du côté de la sociologie, on le retrouve dans le titre du fameux article de Michael Pollak (1982) et, en clin d’œil à ce dernier, dans le titre d’un article de Philippe Adam (1999).
  • [4]
    En réaction à une critique contestant ses thèses (Pinell & de Busscher, 1996), Frédéric Martel envoya un droit de réponse intitulé « Pour en finir avec les chercheurs gays », qui ne fut publié que sous une forme édulcorée et réduite.
  • [5]
    Frédéric Martel, « Dans la solitude des bibliothèques gay », Le Monde, 27 juin 1997.
  • [6]
    Pierre Bourdieu, « Une lettre de Pierre Bourdieu », Le Monde, 11 juillet 1997.
  • [7]
    Même si le principe d’engagement « communautaire » y est parfois défini en opposition avec celui d’engagement « identitaire » homosexuel, comme le montrent les conflits de sens qui traversent l’histoire du réseau franco-africain Africagay contre le sida (Gallardo, 2016).
  • [8]
    Voir par exemple McIntosh, 2011 [1968] ; Rey, 1991.
Français

L’usage de la notion de « communauté homosexuelle » est courant depuis de nombreuses décennies dans les pays d’Amérique du Nord et d’Europe. D’une catégorie tout d’abord descriptive, la « communauté homosexuelle » s’est progressivement transformée en « fiction politique ». En dépit de l’évidence selon laquelle il n’existe pas de « communauté homosexuelle » à la fois homogène et aisément délimitable, voire séparable, du reste de la société, la désignation d’un groupe homosexuel supposé au travers de cette expression a des effets politiques bien « réels », en termes tant de représentation politique que de représentation de soi, chez une partie au moins des individus potentiellement concernés. Un fil historique permet ici d’éclairer les principaux enjeux du recours à la notion de « communauté homosexuelle » et de suivre leur développement finalement international. Les ressorts et les finalités de cette opération de désignation diffèrent selon les contextes et selon que la « communauté » est invoquée positivement ou stigmatisée, mais cette opération vise partout à produire, désormais à l’échelle transnationale, une catégorie publique dont la consistance supposée se heurte souvent à la diversité des expériences sociales et politiques.

Mots-clés

  • minorités sexuelles
  • minorités de genre
  • communauté
  • anti-communautarisme
  • globalisation
English

The “Homosexual Community” as a Transnational People

A Political Fiction 

The use of the notion of « homosexual community » has been common for many decades in North American and European countries. From an initially descriptive category, the « homosexual community » has gradually evolved into a « political fiction ». Despite the evidence that there is no such thing as a « homosexual community » that is both homogeneous and easily delimitable or even separable from the rest of society, the designation of a supposed homosexual group through this expression has very « real » political effects, both in terms of political representation and self-representation among at least some of the individuals potentially affected. A historical thread here sheds light on the main issues involved in the use of the notion of « homosexual community » and allows us to follow their ultimately international development. The motives and purposes of this designation operation differ according to the context and whether the « community » is invoked positively or stigmatized, but this operation aims everywhere to produce, now on a transnational scale, a public category whose supposed consistency often comes up against the diversity of social and political experiences.

Keywords

  • Sexual and Gender Minorities
  • Community
  • Anti-communitarianism
  • Globalisation

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Christophe Broqua
IMAF [1], CNRS (UMR 8171), EHESS, EPHE,
Univ. Panthéon Sorbonne, Aix-Marseille Université,
IRD (UMR 243)
  • [1]
    Institut des mondes africains ; CNRS, 27 rue Paul Bert, 94204 Ivry-sur-Seine Cedex.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 10/06/2019
https://doi.org/10.3917/lhs.208.0143
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