CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Alors que l’on a récemment commémoré le deux centième anniversaire de la naissance de Darwin, il n’est pas inutile d’examiner les tumultueuses relations de la biologie et de la socio-anthropologie sous l’angle des territoires et des frontières disciplinaires respectives.

2Tout au long du XIXe siècle, en particulier durant la seconde moitié, s’est posé le problème des limites et des spécificités des sciences « socio-humaines » (SSH) face aux sciences de la nature et de la vie (SNV). C’est dans le passé des premières et dans leur culture dominée face aux secondes qu’il convient de chercher les sources du problème que nous posons aujourd’hui : celui d’un naturalisme qui s’est modernisé et récemment amplifié. L’emprise des SNV, ou leurs tendances à (re)coloniser les SSH, passe aujourd’hui par certaines disciplines, appartenant toutes au vaste domaine de la biologie : il s’agit de la paléontologie, l’éthologie, la génétique, la neurophysiologie ou des « neurosciences » (à côté de la psychologie, elle-même colonisée par certaines de ces spécialités à haute valeur pragmatique) et de l’écologie. Ces différentes disciplines tentent d’asseoir leur développement et de renforcer leur légitimité en empiétant sur le champ de la socio-anthropologie, soit sur le territoire de l’Homme[1]. La crise écologique a favorisé une critique de l’anthropocentrisme, accentuant ainsi le déclin du concept d’institution dans toute une littérature, y compris au sein des SSH.

3Un bref retour en arrière sera utile pour mieux retracer les origines et l’ampleur du problème de colonisation scientifique dont on veut traiter ici, avant de montrer les manifestations académiques contemporaines du naturalisme et de rappeler l’originalité des SSH.

1 – Aux racines du renouveau de la sociobiologie

4La sociologie, née avec le fantasme de copier la biologie, est d’emblée enserrée dans les filets d’un organicisme déjà sociobiologique de facture qui doit, paradoxalement [2], aux conditions plus générales d’autonomisation des sciences humaines dans leur ensemble. De fait, l’évolutionnisme social précède les travaux de Darwin.

1. 1 – Les prémices

5Bien avant les principaux travaux de Darwin, Comte avançait déjà, en 1839, la grande découverte évolutionniste de correspondance entre onto- et phylogenèse appliquée aux humains, mais sur le terrain des sciences de la société. Au chapitre quatre de son texte de 1851, il assure que « la connaissance positive de l’homme fournit l’unique moyen de pénétrer finalement la vraie nature des divers animaux [3] ». Par exemple, une théorie positive du langage humain doit nécessairement le « rattacher convenablement à sa souche biologique », et « l’étude doit même s’accomplir d’abord envers les moindres degrés d’animalité, où elle se trouve mieux dégagée de toute complication étrangère ». Donc, non seulement la linguistique devrait être ce que l’on nomme aujourd’hui une éthologie, mais elle devrait s’appuyer sur les espèces les plus rudimentaires pour se constituer scientifiquement. Des anarchistes aux libéraux, tous les fondateurs de la sociologie, y compris ceux qui restent chrétiens, adoptent le darwinisme social en mimant la biologie [4]. Le plus radical des libéraux darwiniens mérite un petit développement.

6Des multiples livres de Spencer, considéré comme le père de l’évolutionnisme social, c’est celui de 1876 [5] qui nous semble compter le plus d’éléments utiles pour comprendre cette sociobiologie qu’il fonde avec Darwin, en tant que mode de raisonnement laissant de multiples traces dans la socio-anthropologie. Pour Spencer, toutes les différences sont naturelles et l’histoire n’intervient que très secondairement ; il est donc logique de trouver des ressemblances entre les primitifs et les singes. La naturalisation du raisonnement est absolue et, de l’organique, on passe au social-historique sans la moindre hésitation. Le fonctionnalisme absolu de Spencer déhistoricise et désymbolise l’humanité. Par rapport à celle de Comte, la sociobiologie de Spencer est plus franche et directe, mais leur différence est de degré, non de nature ; il serait imprudent de croire que, en dépit de leur idéologie opposée à bien des égards, des désaccords profonds sépareraient ces deux auteurs. Dans l’appendice « fétichisme » de son ouvrage sociologique [6], Spencer semble s’opposer à Comte écrivant que les animaux supérieurs ont des conceptions fétichistes, pour admettre finalement l’idée : « je crois que la conduite des animaux intelligents jette du jour sur la genèse du fétichisme ». Cet extrait se prolonge par des descriptions dans lesquelles Spencer évoque « une sorte de sourire ou de ricanement », puis un « acte de propitiation » des chiens pour conclure sur l’idée selon laquelle c’est un « état d’esprit analogue qui porte le sauvage à certaines observances fétichistes ». Comme on peut le constater, les deux philosophes s’accordent à considérer que cette disposition religieuse existerait chez les animaux. D’ailleurs, un auteur comme Espinas les réunit, en dépit de leurs différences, dans ce que l’on pourrait nommer l’acte de naissance de la sociobiologie.

7Il faut rappeler que Darwin lui-même a participé à la construction de la sociobiologie en évoquant les humains et les comportements sociaux bien au-delà des limites de la biologie. Outre les propos pour le moins méprisants à l’égard des « Africains primitifs », jugés moins enviables comme ascendants que les singes [7], Darwin passe de la biologie aux sciences sociohumaines sans inquiétude épistémologique. Cette traversée ne se fait quasiment que dans un seul sens, celui du biologique vers le social, même s’il envisage de possibles acquisitions volontaires se transformant en habitudes transmises naturellement par la suite. Ainsi, l’émotion musicale qui engendre un frisson, ou le rire, sont produits (Darwin cite Spencer à cet égard, comme souvent) par des « afflux de force nerveuse » non dirigés par une motivation. Il en va de même de la fureur, qui serait surtout due à « l’action directe du système sensoriel soumis à l’excitation » [8].

8On peut comprendre que le biologiste Darwin explique les phénomènes d’ordre physiologique qui se produisent à l’occasion d’un frisson, d’un plaisir ou d’une colère : c’est son métier. Mais s’arrêter là dans l’explication, s’agissant des êtres humains, revient à confondre la cause et la manifestation organique du phénomène. Or, on sait que rien n’est plus structuré socialement et culturellement que les émotions humaines, ainsi que les sens [9]. Aucune cause symbolique n’est jamais avancée par Darwin pour expliquer les émotions humaines. Il évoque les oiseaux ou les singes chantant et les danses nuptiales des animaux pour justifier les proximités avec les humains et expliquer leur rapport à l’art. Bien que la ressemblance ne soit pas un critère scientifique suffisant pour expliquer quoi que ce soit, Darwin y recourt en insistant sur les nombreuses manifestations organiques et certains comportements physiologiques ayant des origines animales…

9De son côté, Espinas reprend à son compte les métaphores de Haeckel [10] comparant les cellules aux citoyens d’un État et celles des zoologistes étudiant les collectivités d’insectes ou de mammifères comme des sociétés, ou évoquant des « sociologies animales » pour aboutir, après avoir intégré Comte et Spencer, à sa conclusion darwinienne fondamentale : « il n’y a rien hors de la nature [11] ». Cela le conduit, dans la conclusion de cet ouvrage ouvrant la voie à tous les sociobiologistes, à nier la spécificité des faits institutionnels ou à en fonder l’essence dans les impulsions organiques et le poids de l’instinct.

10C’est chez les durkheimiens, eux qui défendront le mieux une vision institutionnaliste et historique du développement social ancré dans le symbolique, que la référence à Espinas et Spencer vire quelquefois à la contradiction la plus flagrante. Néanmoins, dans cette même école et déjà chez Durkheim, de nombreux arguments permettent de fonder une résistance à la sociobiologie. Ainsi, Bouglé qualifiera-t-il le darwinisme social d’« abusives transpositions d’idées sur une pyramide d’équivoques [12] ». Pourtant, le darwinisme social gagne de nos jours du terrain. Les théories oubliant les rétroactions de la culture sur la nature et constituant des tentatives d’expliquer les comportements humains et les faits sociaux à partir de facteurs relevant de la biologie (instincts ou gènes), sont aujourd’hui de plus en plus nombreuses, et l’éthologie de Lorenz [13] n’est pas étrangère au phénomène.

1. 2 – Les vecteurs et les nouveaux arguments du naturalisme : la recolonisation du « territoire de l’Homme »

11Le naturalisme refuse de raisonner en termes d’institutions. La notion est absente chez Darwin et exceptionnelle chez Spencer ; présente chez Comte, elle n’est jamais utilisée pour distinguer l’animalité d’une humanité qui seule a une histoire. Paradoxalement et à l’inverse, de nos jours, beaucoup d’auteurs prétendent qu’il y a transmission culturelle et même qu’il existe des institutions chez les animaux. On évoque fréquemment « la culture des primates » à partir d’exemples consistant à appeler « outillages », quelquefois jugés « complexes », des objets tels que des bâtons, pailles ou cailloux utilisés comme percuteurs par certains singes. Toute une littérature [14] sur la moralité ou l’éthique animales participe du retour de la naturalisation des faits sociaux, par exemple — la presse française l’a récemment évoqué mais le propos est ancien — en assurant qu’il existerait un « gène de la fidélité », tout comme les parures des femmes augmenteraient à l’approche de leur ovulation (à l’instar de l’enflure rose du derrière des femelles chimpanzés). C’est à Wright que nous devons beaucoup de ces idées. Ce dernier souhaite d’ailleurs unifier les sciences sociales, en particulier les « écologistes béhavioristes, anthropologues darwiniens, psychologues ou psychiatres évolutionnistes », à l’aide du paradigme darwinien et de la « redécouverte de la nature humaine » [15].

12À peu près au même moment, l’adepte de Tarde et de l’épidémiologie de la culture, Sperber, déclare que « la culture est le précipité de la communication et de la cognition [16] » et que ce sont les mécanismes cérébraux qui font des humains des animaux culturels. Plus récemment, reprenant les travaux de l’utilitariste Singer, Jeangène Vilmer propose une « éthique animale » qui fond l’intérêt dans le grand tout de la nature en amalgamant les humains et les animaux :

13

« Les intérêts se valent […] Ceux des Noirs valent ceux des Blancs, ceux des femmes valent ceux des hommes, ceux des animaux non humains valent ceux des animaux humains. Les intérêts de la souris valent ceux de l’homme. [17] »

14Beaucoup d’autres travaux [18] considèrent que le fondement de la culture est inscrit dans la nature ou dans les gènes, ses manifestations externes étant relationnelles, interindividuelles, et son mode d’existence interne surtout neurologique. Le gène est d’ailleurs considéré comme déterminant et non comme déterminé culturellement. Il existerait même, à en croire certains auteurs, un gène de la religiosité [19] et on a pu annoncer voici quelque temps la découverte du gène de l’échec scolaire… Il en va de même du racisme ; Taguieff avait déjà relevé les propos d’un des précurseurs de la sociobiologie de Wilson, W. D. Hamilton, selon lesquels « la discrimination raciale » aurait des « profondes racines dans notre passé animal » [20]. Notons également et surtout l’association des spécialités de la biologie et leur cohésion face à l’anthropologie : un paléontologue peut utiliser des arguments génétiques [21] aussi bien qu’éthologiques. Si les médias véhiculent amplement cette simplification des faits sociaux, on aurait cependant tort de réduire le problème à la question médiatique.

15Dans un livre récent consacré à la cohésion sociale — notons l’audace qui pousse non seulement l’auteur mais encore l’éditeur à s’autoriser cette entreprise de colonisation dont le symétrique consisterait pour un sociologue à prétendre expliquer la mécanique des fluides ou le cours des astres à l’aide de ses concepts et modèles théoriques —, le physicien Roehner donne des exemples de « ciment social » ou « d’ossature » du corps social s’appuyant sur des « comportements et des réactions déjà bien enracinés dans les populations », c’est-à-dire liés à leur milieu externe et interne, la forme et la nature du groupe. Dans l’ouvrage, des analogies entre les êtres humains et les bancs de sardines ou les atomes d’un bloc de fer face à un prédateur ou à un choc externe abondent [22].

16Les arguments des SNV reposent sur les procédés ou les vecteurs que sont l’amalgame, la temporalité germinative et le milieu ; le contexte scientiste de l’ensemble favorisant cette colonisation. Il existe donc des raisonnements de type analogique, dynamique et topique qui favorisent la colonisation des SSH par les SNV.

17Les figures de l’analogie sont multiples et prennent le chemin de la comparaison interspécifique (éthologie) ou intraspécifique : comparatisme trans-historique et transculturel (en paléontologie et en préhistoire) que justifierait une seule et unique lignée évolutive. Mais si l’expérimentation contemporaine des outils anciens permet de fécondes déductions, une telle comparaison interspécifique est insensée s’agissant de glisser des animaux vers les humains. Par ailleurs, l’éthologie amalgame souvent des activités animales appartenant à diverses espèces sans se demander si ces exemples hétéroclites sont compatibles et justifient un rapprochement avec les humains [23]. Ces totalisations constituent des argumentations faibles et un aveu implicite des limitations animales (que l’on voudrait compenser par le nombre et l’effet d’accumulation de preuves) car c’est l’association des capacités qui distingue le plus humains et animaux au plan quantitatif et non plus seulement qualitatif. Cette association est d’essence institutionnelle en tant que les institutions sont la condition d’une coprésence de capacités qui n’est pas seulement cumul mais aussi et surtout articulation. Une capacité élémentaire constatée chez les humains ou une compétence précise peuvent exister chez certains animaux ; mais le problème dont on traite ici ne concerne pas les possibilités cérébrales, cette manière de raisonner ne relevant pas des SSH. Les figures de la temporalité germinative sont utilisées en paléontologie et en génétique pour justifier les changements morphologiques évolutifs. Aux dynamiques du changement social se substituent celles de l’évolution naturelle. Ce qui change est uniquement expliqué par ce qui précède et donc par ce qui était déjà là en germe : pas de ruptures, ni de décisions politiques. C’est une forme de finalisme courante aussi dans les SSH. Or, le temps peut être aussi un pur « milieu » — avec des arborescences complexes, des voies sans issue ou des régressions — où se réalisent des faits qu’il ne détermine pas comme tel ou qu’il n’abrite pas dès lors que les capacités des humains à participer à leur histoire sont admises comme l’ont montré des auteurs aussi différents que Aron et Gurvitch [24].

18Enfin, l’appui sur l’idée générique de milieu passe par le recours à l’environnement ou à la physiologie. L’écologie et la neuro-physiologie (que l’on peut étendre à la neuropsychologie) assimilent souvent ce qui se passe via le milieu, soit environnemental soit cérébral, à ce qui serait engendré par des éléments de ce milieu. Or, les causes peuvent être exogènes. Ce n’est pas parce que le cerveau intervient dans l’acte de penser que la pensée humaine y a son siège exclusif : sans connaissances, sans modèles culturels intériorisés, sans institutions externes, l’activité (cerébrale) de la pensée serait sans facteurs et sans objectifs autres que la gestion de la pure vie organique. En ne travaillant que sur le cerveau et ses ramifications corporelles, certains neurobiologistes oublient que le cerveau n’est qu’un vecteur réflexif ayant la capacité de créer mais toujours en s’appuyant sur des éléments extérieurs.

19Le social est considéré comme l’artificiel, le symbolique, l’institué depuis la naissance de la socio-anthropologie ; d’aucune manière comme ce qui est uniquement organisé biologiquement. Ce n’est qu’en relativisant l’organicisme du XIXe siècle, lié à la culture dominée des sociologues de l’époque par rapport à la biologie, que la socio-anthropologie est parvenue véritablement à devenir elle-même : à conquérir son objet propre qui est le domaine institutionnel.

20Cette position de principe socio-anthropologique est aujourd’hui contestée non seulement par les SNV mais encore au sein même des SSH. On ne donnera ici qu’un seul exemple, paradoxal, puisqu’il s’agit d’un auteur souhaitant s’inscrire dans la tradition maussienne. Caillé [25] s’appuie sur « les découvertes récentes en éthologie et en neurobiologie » pour montrer que, des thèses de Darwin puis de celles du sociobiologiste Edward O. Wilson ou de Dawkins avec son « gène égoïste », jusqu’aux résultats actuels des SNV, le monde animal connaît aussi bien le calcul, la violence intra-spécifique et l’intérêt que les comportements altruistes. Si l’on ne peut, en effet, que constater l’existence d’actions comparables à des stratégies utilitaristes dans les espèces animales manifestant le plus de compétences acquises (mammifères), dire que les comportements altruistes des animaux relèvent de découvertes récentes revient à oublier tout un pan de l’histoire de la pensée. En effet, Espinas, Durkheim ou Bouglé, mais aussi des auteurs tels que Fouillée, lorsqu’il défend une « morale biologique », ou des anarchistes évolutionnistes tels que Reclus ou Kropotkine (dans ses travaux sur l’entraide) et bien d’autres, ont insisté sur ce point [26]. Mais fonder l’altruisme en nature était également commun chez les utilitaristes tels que Mill [27], lequel définissait le souci de défense face à autrui et la sympathie inter-humaine comme des instincts [28]. L’idée d’empathie naturelle ou de solidarité animale est donc très ancienne, mais la redécouverte, à travers les divers exemples récents de travaux éthologiques donnés, de ce principe est à double tranchant car c’est alors le concept d’institution qui est fondamentalement remis en cause. Pour Caillé [29], qui reprend à son compte les raisonnements sociobiologiques holistes en confondant animaux et humains dans le magma commun des « interactions des individus » ou de la « compétence sociale acquise », l’épouillage relève de « l’alliance et du rapport social institués », et Darwin aurait « finalement déjà tout dit en 1838 » [30]… On est ici à l’opposé du message « durkheimaussien », pourtant affiché, et même dans une démarche de construction, sous couvert d’anti-utilitarisme, d’une anti-socio-anthropologie.

2 – Le territoire de la socio-anthropologie : les institutions

21Il suffit de penser en termes d’institutions pour établir une homologie anthropologique entre tous les êtres humains, sans hiérarchie, et pour cesser de confondre animalité et humanité. Évoquer des ensembles de créations institutionnelles pour expliquer l’histoire est sans doute la meilleure parade que la raison puisse opposer au créationnisme qui récuse l’évolutionnisme biologique à partir de critères non scientifiques. Encore faut-il, pour cela, renoncer à l’animalisation de l’homme et faire sereinement le point sur les dérives du darwinisme social.

2. 1 – Brefs rappels sur le point de vue d’une anthropologie non biologique

22À partir de Rousseau, écrivant explicitement, contre Voltaire, que le singe n’est pas une variété de l’homme non seulement parce qu’il est privé de la faculté de parler, mais « surtout parce qu’on est sûr que son espèce n’a point celle de se perfectionner qui est le caractère spécifique de l’espèce humaine » [31], on peut considérer que ne s’appuyer que sur des critères servant à décrire les processus naturels pour définir l’Homme, revient à naturaliser les faits sociaux. Cette naturalisation conduit à reléguer certains humains au rang d’infériorité structurelle en prenant une domination sociale pour une supériorité naturelle. C’est ainsi que les sauvages, considérés comme plus proches de l’animalité, les Noirs, les délinquants, les ouvriers, les femmes, les Juifs, les habitants des pays « en développement » ou même les foules contestataires ont été animalisés et stigmatisés, sous couvert de scientificité, comme forme première, dégradée ou régressive, d’humanité. La craniométrie (ou phrénologie) a été l’une des principales méthodes utilisées par les auteurs pour tenter de valider empiriquement ces amalgames.

23Bouglé, malgré certaines tergiversations, à été l’un des premiers (peut-être le premier) à rompre avec l’anthropologie biologique de son époque en précisant qu’on ne pouvait se servir de la phrénologie pour déterminer les niveaux de développement, ne serait-ce que parce qu’on ne peut confondre le volume crânien et l’intelligence, encore moins l’intelligence et le niveau de développement social. En 1908, Bouglé prenait déjà ses distances à l’égard de l’anthropométrie. Il écrira en 1925 :

24

« Broca avait affirmé que le volume des crânes augmente avec la civilisation ; mais après des observations plus nombreuses, sa loi est démentie. [32] »

25Cinquante ans après lui, le biologiste Gould a écrit un livre fameux [33] en systématisant la vieille idée de Bouglé et la loi biologique de corrélation des organes qui impose la désagrégation des séries pour établir des comparaisons pertinentes. À taille égale, il n’y a plus de différences de volume crânien ni entre Noirs et Blancs, ni entre femmes et hommes, ni entre Européens et reste du monde. Ce critère, jugé déterminant, est aussi un phénomène déterminé, comme Leroi-Gourhan puis Ruffié [34] l’ont démontré. Beaucoup de mutations anatomiques ou physiologiques de l’être humain sont le produit de son activité spécifique : sa culture modèle sa nature, qui est largement la conséquence d’une histoire dont il est le sujet, et la taille grandissante de son cerveau est le résultat de son activité, non de sa nature.

26La difficulté à laquelle les SSH s’affrontent face aux SNV provient sans doute de l’insuffisante solidité du concept d’outil [35]. En dépit des forts étayés travaux de Leroi-Gourhan, le critère outil comme simple artefact prête le flanc aux détournements, voire aux perversions de sens auxquels on assiste de nos jours, contresens que l’on pourrait aussi considérer, plus positivement, comme une mise à l’épreuve des limites des SSH par les SNV, au fond comme un service rendu par les secondes aux premières en les obligeant à plus de précision et de rigueur… Or, la question de la définition de l’outil est nodale pour le débat qui nous occupe, non pour des raisons de fétichisme technologique — la naissance du langage aurait été préférable comme critère originel mais elle ne laisse pas de traces historiques —, mais en tant que « témoins matériels » au sens ethnologique du terme.

27Pour véritablement désigner la capacité à symboliser à l’aide d’un critère matériel, il ne suffit pas d’évoquer la « fabrication » ou l’opération de transformation volontaire de la matière, comme le propose Leroi-Gourhan [36]. Ce critère est certes nécessaire mais insuffisant. Il convient d’aller au bout du raisonnement en précisant que l’outil doit être transitif, comme le sont les outils humains, c’est-à-dire fabriqué en vue d’une utilisation pour produire autre chose. C’est toute la différence entre un instrument (tranchant, percutant, lissant ou raclant, fouissant, accrochant, etc.) dont l’usage permet directement d’arriver à ses fins dans le rapport à l’environnement et un outil dont on sait qu’il servira de nouveau. Cette capacité va au-delà de la projection temporelle (revers de la capacité à mémoriser) à laquelle accèdent parfaitement de nombreuses espèces animales mais constitue la condition de la sédimentation institutionnelle. Un biologiste comme Ruffié [37] a défendu ce principe, en citant les Australopithèques conservant des objets, ce qui démontre, à ses yeux, leur faculté de prévision ; il précise également que l’hominisation s’est réalisée brusquement, en quelque sorte comme une rupture, au sens d’accélération temporelle que donne Gras au terme [38]. Un savoir peut se transmettre, tout comme l’usage d’un instrument destiné à la satisfaction d’un besoin immédiat, tant chez l’humain que chez certaines espèces animales. Mais cela relève du comportement précisément purement instrumental, soit éducatif (certains mammifères), soit inscrit dans les gènes (fourmis), et n’institue rien de « supernaturel » pour reprendre le terme de Durkheim.

28La condition minimale, mais essentielle, pour accéder à l’histoire non naturelle, donc au symbolique se sédimentant, est cette transitivité créatrice, qui ne se réduit pas à de la prévoyance, accompagnant le processus d’institutionnalisation. Cette capacité est collective en tant qu’il faut des conditions préalables, déjà là à la naissance de tel ou tel individu, pour créer à partir d’elles. C’est pourquoi seule la pensée peut connaître des continuités évolutives — un sens non idéologique du mot progrès — par accumulation de savoirs. La matérialisation technologique de cette pensée se perçoit par la possible amélioration des techniques : les connaissances s’accumulant et augmentant sont à la base du monde institué proprement humain.

2. 2 – Le point de vue d’une anthropologie non biologique

29Sauf à adopter un point de vue philosophique surplombant, la posture socio-anthropologique qui s’impose à la lecture des durkheimiens, est une posture nécessairement anthropocentrique qui établit une différence qualitative radicale entre humanité et animalité, ce qui ne contredit en rien les acquis de la théorie de l’évolution en biologie. Que les humains soient biologiquement des mammifères ne fait aucun doute. Mais nous sommes aussi constitués de tissus faits de molécules. Or, la posture réellement scientifique requiert de ne pas s’arrêter en si bon chemin. Les atomes qui composent nos molécules intègrent des électrons et autres particules élémentaires de matière, etc. Faire commencer l’évolution ou l’arrêter à un certain stade n’est raisonnable que dans le cadre d’une discipline précise avec ses frontières plus ou moins légitimes du point de vue des lois de la nature. À cet égard, les SSH ont les leurs et ce ne sont pas celles des SNV. Il ne peut y avoir de domaine propre à la sociologie anthropologique que sur la base de critères endogènes. Prolongeons et précisons l’argument.

30Prier dans le secret de son intimité ou manifester une opposition politique n’ont rien de commun avec le fait de prévoir qu’il faudra prendre les clefs de chez soi pour descendre acheter du pain en vue du prochain repas. On se distingue ici de Schütz [39] qui amalgame les deux types d’opérations mentales. Le premier renvoie au symbolique, dont le « siège » est social, extracorporel, alors que le second se rapporte aux images dont le seul siège possible est le corps propre, le cerveau de l’individu. L’un restera dans les consciences après la réalisation des activités qui lui sont liées alors que l’autre disparaîtra, par définition, de la pensée avec et par la réalisation de l’acte lui-même. Cette permanence des symboles tels qu’ils se difractent et réfractent dans les consciences personnelles, face à l’évanescence des images liées aux projets ou visées purement individuelles et disparaissant avec la réalisation même de l’acte qui les avait motivées, permet de définir la ligne de partage entre les deux formes, institutionnelle/personnelle de l’imaginaire dans la vie ordinaire. Le premier est caractéristique des seuls humains ; le second est commun à tous les mammifères et à quelques autres espèces animales (poulpes et oies ou corbeaux par exemple à en croire les éthologues).

31La forme proprement humaine de l’imaginaire est celle qui correspond à une symbolicité instituée hors des êtres et de leurs relations immédiates ; la mémoire collective qui la conserve est externe, y compris planant dans les mythes et légendes d’une culture orale. À la seconde forme de symbolicité, que l’on nommera séquentielle, et d’intelligence logique, peuvent accéder de nombreux animaux avec leurs instruments ; elle ne suppose pas nécessairement l’existence d’une société historiquement instituée. Nous tenons ici une différence anthropologique fondamentale ne relevant pas seulement d’un « décalage » [40] ; c’est une partition qualitative absolue qui nous distingue également des insectes grégaires fort organisés et procédant à des tâches spécialisées par genre (fourmis, termites, etc.). Cette rupture anthropologique n’interdit pas de constater, par ailleurs, de très objectives identités physiologiques et des proximités en matière de compétences qui peuvent être traitées en termes de continuité. Descola montre que « les différences cognitives entre les humains et les animaux ne sont plus que de degré », ce qui ne l’empêche nullement d’écrire que « c’est bien la conscience réflexive, la maîtrise des symboles », qui constituent la distinction fondamentale entre humains et non-humains [41]. En d’autres termes, si les capacités cognitives et certaines interactions sont ressemblantes des deux côtés, tout ce qui relève du symbolique reste spécifiquement humain.

32Un biface de plusieurs dizaines de milliers d’années av. J.-C., requiert la connaissance des lieux, quelquefois distants, où trouver les bonnes pierres. Ensuite, la frappe qui détache le fragment à emporter, puis la taille minutieuse. Une fois la pointe obtenue, elle sera associée à une autre séquence de projets de fabrication, celle de la sagaie. Passons sur la séquence du propulseur, vite devenu indissociable de la sagaie, qui est encore exogène aux deux précédentes. C’est cette transitivité de rang deux ou « multitransitivité » et cette association d’instruments et d’outils distincts qui sont typiquement humaines car elles présupposent une connaissance instituée, ne pouvant entièrement se transmettre dans l’interaction éducative interindividuelle que connaissent certains animaux. C’est elle qui faisait tenir à l’individualiste Tarde — auteur paradoxal critiquant l’évolutionnisme mais restant dans le cadre de l’organicisme — un raisonnement institutionnaliste des plus pertinents en cela que les innovations techniques se contiennent et s’accumulent : l’invention du char, du fer, de la force motrice à vapeur, du piston, du rail, bien que paraissant étrangères les unes aux autres, se sont « solidarisées dans celle de la locomotive [42] ».

33La séquence animale la plus complexe mettant en œuvre des objets se borne à combiner des éléments trouvés pour travailler directement un fruit ou une noix également trouvés ou encore, répétons-le, pour extraire (brindilles), et pas seulement chez les mammifères d’ailleurs, mais aussi chez les oiseaux. Elle manifeste une suite logique, un raisonnement, d’ailleurs attesté par toutes sortes de situations expérimentales d’exercices d’intelligence logique réalisés en laboratoire. Mais nulle transitivité symbolique ni conservation d’externalités n’apparaît là, car l’animal ne se sert jamais d’un outil fabriqué pour en fabriquer un autre : il s’agit d’instruments dans le meilleur des cas. Par ailleurs, il n’y a pas, dans le monde animal, de conservation de mémoire collective hors de l’apprentissage direct éducatif et hors du bagage génétique, car l’animal jette son instrument après usage pour en fabriquer éventuellement d’autres la prochaine fois, en fonction des circonstances. Ce qui est institutionnel et donc humain est la combinaison d’une transitivité symbolique et d’une conservation de mémoire collective. Même si un seul de ces deux caractères suffit en général à distinguer l’humain de l’animal, c’est leur combinaison qui crée une institution en tant qu’ensemble symbolique sédimenté par l’histoire.

Conclusion

34C’est l’entreprise d’animalisation des êtres humains et la naturalisation des faits sociaux qui sont ici dénoncées ; d’aucune manière l’homologie morphologique et fonctionnelle des mammifères, classe à laquelle nous appartenons au plan biologique.

35Si certains animaux se servent d’instruments quelquefois produits, ils ne fabriquent aucun outil servant à produire des objets ; ils ne peuvent instituer leur monde, même si l’on sait que des modes de communication peuvent se révéler complexes chez certaines espèces animales, notamment aquatiques. En fabriquant et conservant ses outils, l’humain accélère le processus d’accumulation de ses « protocoles de vie ordinaire », en particulier en améliorant son rendement énergétique alimentaire et il fait donc grossir son cerveau ; ceci favorisera des niveaux supérieurs de complexité et de symbolicité. C’est donc l’humain qui a modifié lui-même son cerveau en le faisant grossir (les singes ne le font pas depuis deux ou trois millions d’années) ; nulle évolution naturelle dans ce fait totalement culturel dont la conséquence est constatée au plan physiologique. L’humain produit historiquement sa nature interne — y compris génétique, sans quoi on ne peut expliquer l’accélération récente de la production de nouveaux gènes chez l’humain (ce que des biologistes ont démontré) — et sa nature externe, c’est-à-dire son environnement, qu’il détruit largement d’ailleurs et bien avant l’avènement du capitalisme industriel, par toutes sortes d’artificialisations.

36C’est précisément en tant que pleinement humain et du lieu d’une posture anthropocentrique que l’Homme peut protéger les animaux en danger, défendre l’écologie, non depuis une zoophilie ambiguë aux accents souvent religieux (néo-animisme des mouvements les plus radicaux de défense des animaux). En récusant le symbolique et l’autonomie des sédiments institutionnels par rapport à l’organique ou au naturel, le darwinisme social ou la sociobiologie nient purement et simplement les fondements épistémologiques de la socio-anthropologie.

37Ces quelques considérations nous ont permis de tracer une frontière nette entre les cinq biologies évoquées et la socio-anthropologie. Elles constituent des ressources pour une décolonisation des SSH, seule et unique condition pour établir des relations sereines d’études interdisciplinaires entre nos disciplines et les SNV. Cette interdisciplinarité d’égal à égal s’impose à l’heure où l’humanité accélère sa destruction des conditions mêmes de la vie malgré une prise de conscience planétaire qui reste encore largement au niveau des mots et des principes. Inversement, naturaliser les faits sociaux conduit à déresponsabiliser les humains et à dépolitiser de nombreux problèmes, en particulier ceux qui touchent à la biodiversité.

38* * *

Notes

  • [1]
    Nous devons ce titre à l’ouvrage éponyme d’Elias Canetti (Le territoire de l’homme, Hachette, 1978 [1973], p. 61-63), auteur ambigu qui considérait la doctrine de l’évolution comme une panacée et qui proclamait que « chaque fois que l’on regarde un animal avec attention, on a le sentiment qu’un homme y est caché… »
  • [2]
    À la fin du XVIIIe siècle, naît une science humaine au centre de laquelle, dès son principe, les concepts de morale et d’institution s’imposent (Jean-Luc Chappey, « De la science de l’homme aux sciences humaines : enjeux politiques d’une configuration de savoir (1770-1808) », Revue d’histoire des sciences humaines, n° 15, 2006, p. 51).
  • [3]
    Auguste Comte, 51e leçon, Cours de philosophie positive (Leçons de sociologie, Flammarion, 1995 [1839], p. 291), puis Le système de politique positive (1851-1854, T. 2, http : « Les Classiques des sciences sociales »).
  • [4]
    Pour plus de précisions sur tous les auteurs cités dans cet article, voir Salvador Juan, Critique de la déraison évolutionniste. Animalisation de l’homme et processus de « civilisation », L’Harmattan, 2006.
  • [5]
    Herbert Spencer, Principes de sociologie, Germer Baillière et Cie, 1878 [1876].
  • [6]
    Ibidem, p. 595-596.
  • [7]
    Charles Darwin, La filiation de l’homme, Syllepse, 2000 [1871], p. 740.
  • [8]
    Charles Darwin, L’expression des émotions chez l’homme et les animaux, (1872, p. 92, 18, 101), Payot & Rivages, 2001.
  • [9]
    David Le Breton, La saveur du monde. Une anthropologie des sens, Métailié, 2006. En ligne
  • [10]
    L’inventeur du mot écologie, Ernst Haeckel — dont Stephen Jay Gould dit qu’il avait une personnalité « fanfaronne » —, écrivait vers 1880 que nous pouvons considérer le corps de l’animal comme une monarchie cellulaire et l’organisme végétal comme une république cellulaire.
  • [11]
    Alfred Espinas, Des sociétés animales, Félix Alcan, 1924 [1877], p. 107.
  • [12]
    Célestin Bouglé, La démocratie devant la science, Félix Alcan, 1909 [1904], p. 250.
  • [13]
    Konrad Lorenz multiplie les anthropomorphismes et prétend naturaliser les faits sociaux. Voir surtout : L’agression. Une histoire naturelle du mal, Flammarion, 1969 et 1978 [1963] ; et Les fondements de l’éthologie, Flammarion, 1984.
  • [14]
    Qui passe surtout en France par les éditions Odile Jacob.
  • [15]
    Robert Wright, L’animal moral. Psychologie évolutionniste de la vie quotidienne, Éditions Michalon, 1995.
  • [16]
    Dan Sperber, La contagion des idées, Odile Jacob, 1996, p. 135, 141.
  • [17]
    Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Éthique animale, PUF, 2008, p. 72. En ligne
  • [18]
    Tels que ceux de Georges Guille-Escuret (Le décalage humain. Le fait social dans l’évolution, Kimé, 1994), Dominique Lestel (Les origines animales de la culture, Flammarion, 2001), mais aussi de Pascal Picq, Michel Serres et Jean-Didier Vincent (Qu’est-ce que l’humain ?, Le Pommier, 2003) ou de Roland Schaer (Les origines de la culture, Le Pommier, 2008).
  • [19]
    Le cognitiviste américain, Daniel C. Dennett, assimile toutes les formes du symbolique à l’évolution naturelle : « Les idées éthiques, politiques, religieuses, scientifiques… toutes ces idées aussi bien que les institutions qui les incarnent remontent à notre passé biologique le plus récent. […] Il se peut que le gène de la religion existe réellement. » (Théorie évolutionniste de la liberté, Odile Jacob, 2004, p. 175, 177, 204, 207).
  • [20]
    Pierre-André Taguieff, La force du préjugé. Essai sur le racisme et ses doubles, Gallimard, « Tel », 1999 [1987], p. 65.
  • [21]
    L’argument génétique conduit au plurispécisme humain, à considérer les Néandertaliens comme une espèce distincte de la nôtre au plan biologique — ce qui est aujourd’hui remis en cause, y compris par les généticiens —, alors que rien ne les différencie des autres êtres humains du point de vue de leur capacité à instituer leur monde et donc à se distinguer radicalement de toute forme d’animalité.
  • [22]
    Bertrand Roehner, Cohésion sociale. Une approche observationnelle, Odile Jacob, 2004.
  • [23]
    De nombreux articles de la revue de vulgarisation Sciences humaines procèdent de la sorte ; par exemple le dossier « L’origine des cultures » de 2005 ou le numéro 144 de cette revue.
  • [24]
    Raymond Aron, Introduction à la philosophie de l’histoire, Gallimard, 1986 [1938] ; Georges Gurvitch, « Continuité et discontinuité en histoire et en sociologie », Annales, 12e année, n° 1, 1957.
  • [25]
    Alain Caillé, « Les ressorts de l’action. Éléments d’une théorie anti-utilitariste de l’action II », Revue du MAUSS, n° 31, p. 193-224, 2008.
  • [26]
    Émile Durkheim, De la division du travail social, PUF, 1986 [1893], p. 173-174 ; Célestin Bouglé, Les idées égalitaires, 1925, http : « Les Classiques des sciences sociales » ; Alfred Fouillée, Les éléments sociologiques de la morale, Félix Alcan, 1905, p. 201-206 ; Élisée Reclus, « Pages de sociologie préhistorique », L’Humanité nouvelle, 1898, http : « Les Classiques des sciences sociales » ; Pierre Kropotkine, L’entr’aide. Un facteur d’évolution, 1902, Alfred Costes Éd.
  • [27]
    John Stuart Mill, L’utilitarisme, Flammarion, 1988 [1861], p. 134.
  • [28]
    Jean Baechler (Nature et histoire, PUF, 2000), propose également une somme utilitariste de l’histoire humaine avec des arguments relevant fréquemment de la sociobiologie.
  • [29]
    Alain Caillé, « Les ressorts de l’action. Éléments d’une théorie anti-utilitariste de l’action II », op. cit., p. 215 et 205-207.
  • [30]
    Ibidem, p. 220.
  • [31]
    Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, 10/18, 1973 [1762], p. 413-415.
  • [32]
    Célestin Bouglé, Essais sur le régime des castes, PUF, 1993 [1908] ; Les idées égalitaires, http : « Les Classiques des sciences sociales », 1925.
  • [33]
    Stephen Jay Gould, La mal-mesure de l’homme, Ramsay, 1983 [1980].
  • [34]
    Jacques Ruffié, De la biologie à la culture, T.1, Flammarion, 1983 [1976].
  • [35]
    Marcel Mauss (Manuel d’ethnographie, Payot, 1996 [1947], p. 34) avait formulé sa position humaniste d’anthropologie préhistorique, en assurant que : « dès qu’il y a homme, il y a outil ».
  • [36]
    André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, T.1, Albin Michel, 1995 [1964], p. 108, 117.
  • [37]
    Jacques Ruffié, De la biologie à la culture, op. cit., p. 249 et 292.
  • [38]
    Alain Gras, Sociologie des ruptures, PUF, 1979.
  • [39]
    Alfred Schütz, Essais sur le monde ordinaire, Le félin - Kiron, 2007.
  • [40]
    Georges Guille-Escuret, Le décalage humain. Le fait social dans l’évolution, op. cit.
  • [41]
    Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Gallimard, 2006, p. 252, 243.
  • [42]
    Gabriel Tarde, Les lois sociales, éd. Institut Synthélabo, 1999 [1898], p. 122.
Français

Résumé

On a récemment commémoré le deux centième anniversaire de la naissance de Darwin. Au moment où le naturalisme reprend de la vigueur dans les sciences sociales, il n’est peut-être pas inutile d’examiner les tumultueuses relations de la biologie et de la socio-anthropologie sous l’angle des territoires et des frontières disciplinaires respectives. Cet article s’attache d’abord à montrer comment la sociobiologie redevient à la mode. Dans un second temps, il rappelle les premières réticences face à la confusion animalité-humanité tout en montrant ses manifestations académiques contemporaines. On tente, enfin, de tracer les limites et de cerner l’originalité — ou le “ noyau dur ” — des sciences socio-humaines à partir d’une définition de l’accès au symbolique et des sédimentations historico-institutionnelles.

Salvador Juan
Université de Caen - CERReV
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/06/2012
https://doi.org/10.3917/lhs.181.0033
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Association pour la Recherche de Synthèse en Sciences Humaines (ARSSH) © Association pour la Recherche de Synthèse en Sciences Humaines (ARSSH). Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...