CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1François Athané (désormais FA), philosophe de formation et d’exercice, investit le champ de l’anthropologie sans donner l’impression qu’il cède quelque chose de sa formation initiale. Ses démonstrations renforcent la conviction des deux responsables de ce numéro selon laquelle l’anthropologie constitue le « lieu naturel » de la philosophie, et réciproquement. Nul besoin d’une solution de continuité pour aller de l’une à l’autre.

2L’argumentation de FA se développe selon trois moments, parfaitement clarifiés par l’auteur faisant un point limpide au terme de chacune des parties de son ouvrage ; mises au point auxquelles nous nous réfèrerons donc pour annoncer d’abord le contenu des deux premières parties de l’ouvrage.

3À la suite d’une étude systématique de l’« Essai sur le don », de Marcel Mauss, publié en 1925 dans la revue L’Année sociologique, articulée sur celle de textes du même consacrés à la révolution russe et au contenu du socialisme, FA retient, de cette première partie de son analyse, la leçon suivante :

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« Aussi est-on fondé à dire que, dans les pages conclusives de son “ Essai sur le don ”, Mauss n’est pas parvenu à différencier nettement le don par rapport à d’autres formes de transferts de biens ou à des relations sociales différentes, mais qu’il entendait promouvoir, en tant que militant socialiste de son temps. Si Mauss a pensé découvrir un “ roc humain ” sur lequel toutes les sociétés ont bâti leurs institutions économiques — roc dont la mise au jour, une démarche tenant à la fois de l’archéologie et de l’anamnèse, pourrait, selon notre auteur, fournir un sol pour édifier une société plus juste, moins conflictuelle et moins impitoyable aux faibles — ce fut cependant au prix d’une certaine confusion entre des registres de faits sociaux et des formes de prestations en vérité hétérogènes entre eux, et dont les conclusions de cette œuvre pionnière ont excessivement atténué les différences ».
(FA, op. cit., p. 108)

5Le constat de cette imprécision conceptuelle appelle la deuxième partie de l’ouvrage dans laquelle FA examine les travaux de chercheurs qui se sont attachés à poursuivre le travail de Mauss, au nombre desquels René Maunier, Claude Lévi-Strauss et Claude Lefort, Pierre Bourdieu, Jacques Derrida et Alain Testart. Examen que FA parachève en complétant la typologie des transferts élaborée par ce dernier.

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« Les investigations exposées dans cette deuxième partie étaient requises par l’absence d’une définition satisfaisante du don dans les écrits de Marcel Mauss. Le commentaire des travaux de divers auteurs postérieurs à Mauss a mis en relief l’utilité spécifique des recherches d’Alain Testart aux fins de définir précisément le don. Il s’est avéré nécessaire, pour ce faire, de distinguer la structure cinétique de la structure déontique des transferts, et d’envisager d’abord ceux-ci selon leurs propriétés déontiques. Et l’effort de différencier le don par rapport aux autres formes de transferts débouche par lui-même sur l’explicitation des bases d’une typologie générale. Celle-ci s’organise en fonction de quatre entrées : le don, l’échange, le t3t [transfert de troisième type], la prédation. On a dû enfin remarquer que les transferts peuvent être de différents niveaux : un transfert simple est le transfert d’un bien, ou la prestation d’un service ; un métatransfert est le transfert du droit de percevoir le transfert d’un bien ou la prestation d’un service ».
(FA, op. cit., p. 242)

7La détermination des différents modes de transferts étant dès lors achevée, FA peut revenir, dans la troisième partie de son analyse, à la question que la lecture de l’essai de Mauss inspire : le don est-il, ou non, universel dans l’espèce humaine ? La réponse exige, nous prévient-il, que soit établie la distinction entre ce qui est universel dans l’espèce humaine et ce qui lui est propre.

8La richesse et la précision des arguments et des définitions auxquelles ils aboutissent, qui courent dans le livre de FA, ne permettent pas d’en donner un compte rendu complet. Aussi allons-nous nous contenter d’en relever les plus saillants.

9À la suite de considérations inaugurales qui dégagent une opposition entre des mises en scène ou des apparences dans le rapport social et une vérité de ce rapport, enfouie sous les apparences, Mauss annonce qu’un seul des principes de ce rapport sera analysé systématiquement : l’obligation de rendre le présent reçu.

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« Quelle est la règle de droit et d’intérêt qui, dans les sociétés de type arriéré ou archaïque, fait que le présent reçu est obligatoirement rendu ? Quelle force y a-t-il dans la chose qui fait que le donataire la rend ? ».
(M. Mauss, « Essai sur le don », in Sociologie et anthropologie, introduction de C. Lévi-Strauss, Paris, PUF, 1968, p. 148 [M. M. souligne])

11Une première ambiguïté s’installe à propos de « rendre », car si cela signifie restituer le présent, alors celui-ci ne peut plus être estimé tel mais doit être identifié à un prêt. Aussi, Mauss précise-t-il que l’obligation en cause impose au donataire de transférer une autre chose, et non celle qu’il a reçue, au donateur, de même valeur ou supérieure et de manière différée. L’obligation qui pèse sur le donataire est donc celle d’adresser au donateur une contrepartie. Mais l’obligation de la contrepartie fait que nous n’avons pas affaire à un présent, mais bien plutôt à un échange.

12Dernière difficulté qui semble pouvoir être surmontée grâce à la distinction précédente entre les mots de la mise en scène, ceux qu’utilisent les acteurs, et les mots de la science sociologique, qui parle alors d’échange.

13Mais qu’est-ce qui confère son poids à l’obligation ? S’agit-il de « la règle de droit et d’intérêt » ou de la force contenue dans la chose donnée ? Alternative qui recouvre une double dualité, celle de la règle et de la force et celle du droit et de l’intérêt. Si une obligation juridique de rendre doit être instaurée, c’est qu’il y a au moins un risque potentiel de conflits au niveau des intérêts, alors que l’harmonie des intérêts rendrait inutile l’affirmation d’une règle de droit. Laquelle est, par ailleurs, incompatible avec la mise en scène qui vise à dissimuler l’obligation de rendre sous le couvert d’une fiction de liberté de choix.

14Une autre difficulté surgit du fait de l’intervention du concept de force qui inscrit l’analyse dans la perspective d’une physique sociale, privant du même coup d’efficacité la notion d’obligation. De plus, comment comprendre alors que la chose rendue ne soit pas la chose même qui a été donnée.

15L’obligation ne peut donc être interprétée en termes mécaniques. Mauss parle, en effet, de force magique contenue dans la chose donnée ; c’est le hau, qui suscite une crainte dont il convient de se préserver en assurant le don en retour. L’intérêt du donataire consiste à se prémunir des éventuelles manipulations magiques dont il serait le jouet s’il devait ne pas répondre à l’obligation dans laquelle il se trouve de rendre. En quoi l’obligation de rendre est bien une obligation d’ordre juridique dès lors qu’une contrainte magique serait exercée en cas du non-respect de la règle, qui est à ce titre assimilable à une règle de droit. Le donataire a, en ce sens, intérêt à mettre en œuvre la règle de droit.

16Une difficulté demeure cependant : comment maintenir la fiction de la générosité si le fait de pratiquer le don en retour répond à un intérêt ?

17Voilà un exemple d’une séquence d’interrogations développée par FA. Elle manifeste la minutie avec laquelle l’interrogatoire est mené non pour faire avouer un quelconque coupable mais libérer les notions de toute ambiguïté, sous l’effet d’une exigence wittgensteinienne.

18Restituons une autre séquence. L’hypothèse de lecture de FA remarque que les analyses sociologiques proposées par Mauss dans son Essai n’exigent nulle neutralisation de ses préoccupations politiques et offrent la possibilité de les fortifier. Au cours de la période de gestation de l’Essai, qui s’étend de 1920 à 1925, Mauss couvre, dans ses articles du Populaire, de L’Action coopérative et de La Vie socialiste, les trois sujets suivants : les coopératives ouvrières, en Europe et en Russie, l’inflation et les fluctuations des échanges monétaires en Europe et la violence illustrée par le bolchévisme et la montée du fascisme en Italie. Parti pris politique et questionnement anthropologique se croisent sur les questions du rapport de la violence avec l’économie, de l’articulation de l’intérêt collectif et de l’intérêt individuel, de la réciprocité des échanges, tandis que Mauss fait une référence explicite à la situation politique contemporaine quant à une possible transformation socialiste de l’économie et du droit, dans les dernières pages de l’Essai. Ce qui réunit ces deux activités, celle du journaliste socialiste et celle de l’anthropologue, c’est la recherche d’invariants au milieu des différentes formes culturelles empruntées par la garantie de réciprocité et la confiance économique. Ainsi, l’Essai marquerait-il le passage d’une ethnographie de type colonialiste, qui s’impose de connaître les autres afin de les dominer, à une ethnographie dont le principe serait de chercher à connaître les autres pour nous gouverner nous-mêmes.

19Pointer le thème de la confiance dans les analyses que mène Mauss à propos des sociétés contemporaines conduit à mettre en évidence l’absence d’une conception systématique de l’État dans l’Essai, et, par contrecoup, l’importance accordée à la contrainte pour ce qui concerne la garantie de la réciprocité. La confiance dans les sociétés contemporaines, la contrainte dans les sociétés archaïques. Distinction qui a l’inconvénient de recouvrir le fait que, dans les deux cas, la possibilité de la contrainte se niche au fondement des engagements de réciprocité. Si bien que la confiance que s’accordent les partenaires échangistes se révèle, au moins pour partie, toujours dépendante d’une menace. Il n’en reste pas moins que cela ne permet pas de se déprendre des hésitations théoriques de l’Essai qui trouvent leur origine dans le présupposé selon lequel il y a effectivement une obligation, l’obligation de donner en retour, qui plus est, universelle.

20Il y a bien sûr une autre possibilité, que cette règle se réduise en fait à une simple régularité de comportements suscités par un intérêt relativement uniforme, mais l’objectif final reste de déterminer précisément ce qu’est un don, qui n’est pas atteint par l’Essai.

21Raison pour laquelle FA se tourne vers les continuateurs de Mauss pour parvenir à une définition explicite. Chaque moment de ce passage en revue est l’occasion pour FA de tirer une leçon, nous ne nous attarderons cependant que sur le dernier qui fait référence aux travaux d’Alain Testart, en particulier les deux premiers chapitres de Critique du don. Études sur la circulation non marchande (Paris, Syllepse, 2007). Le terme générique est celui de transfert qui peut être caractérisé à l’aide de propriétés cinétiques (la réciprocité ne mobilise qu’une dimension cinétique) ou de propriétés déontiques (une propriété déontique est à l’origine de droits ou de devoirs).

22S’il y a don et contre-don, ne faut-il pas déclarer qu’un échange a eu lieu. Ce qui permettait à Jacques Derrida de souligner que ce qu’on a l’habitude d’appeler « don » n’en est pas un, et de décréter que le don lui-même est impossible. Au sens général, un échange a eu lieu si quelque bien ou service est cédé moyennant contrepartie. Un don suivi d’un contre-don n’est pas un échange au sens économique dans la mesure où il n’a pas été précédé de l’entente préalable de chacun des partenaires et de l’engagement de chacun. Aussi Testart décide-t-il de restreindre l’usage du mot « échange » à son seul sens économique. Si bien que l’expression « échange de dons » est une contradiction dans les termes.

23Soit l’exemple de X payant des impôts et recevant de l’État des allocations familiales. Ni l’impôt, ni les allocations ne sont des dons car l’un et les autres sont exigibles. Ils ne s’inscrivent pas davantage dans un échange car impôt et allocations ne sont pas la contrepartie de l’autre : si X ne paie pas d’impôts faute d’un revenu suffisant, il n’en recevra pas moins des allocations, ayant trois enfants, tandis que Y, qui est imposable, ne percevra pas d’allocations, étant célibataire.

24Il n’y a échange que lorsque chaque transfert est exigible en contrepartie de l’autre transfert, et don que si le transfert n’est pas exigible et est sans contrepartie exigible. L’exemple précédent illustre un transfert exigible, au contraire du don, sans contrepartie exigible, au contraire de l’échange. Testart le range sous la catégorie qu’il propose de nommer « transfert du troisième type », soit t3t.

25Quelque chose est exigible si le groupe social concerné reconnaît légitime d’avoir recours à la contrainte physique en dernière instance pour l’obtenir. Dans nos sociétés, seules les forces étatiques possèdent une telle légitimité, dans les sociétés sans État, ce sont les règles coutumières qui délimitent ce recours, comme dans le cas de la vendetta.

26Les analyses de FA sont évidemment beaucoup plus précises que ce que nous en restituons. Si nous en revenons aux trois obligations de Mauss : donner, recevoir et donner en retour, il convient de noter que « donner » renvoie à dare, transférer, et à donare, faire un don. Or, lorsqu’il parle de transferts tels que, s’ils ne sont pas suivis de la contrepartie, en découlera l’esclavage pour dettes ou la vendetta, il fait référence à dare plutôt qu’à donare. Mauss n’a pas tant écrit un essai sur le don qu’un essai sur les transferts.

27S’il y a obligation de transférer, il n’y a pas de don. Entendons « obligation » au sens fort d’une prestation qui pourra être exigée, si nécessaire, par l’usage de la contrainte physique légitime. Une telle obligation doit être distinguée du sentiment d’être obligé : ce sont deux structures déontiques différentes. « Avoir l’obligation de » qualifie une obligation juridique, « se sentir obligé de », une obligation morale. Distinction que Mauss ne pratique pas. S’il y a obligation au sens fort de donner, il s’agit d’une obligation de dare et non de donare.

28Ce que FA veut mettre ici en évidence c’est qu’aucune des trois obligations mises en avant par Mauss n’est universelle, tout en ajoutant que cela n’autorise pas à en déduire que le don n’est pas universel.

29FA prolonge alors l’ambition de Testart de construire une théorie générale des transferts en y incluant les transferts de guerre, les transferts non consentis : vol, tribut de guerre, razzia, rapt. De tels transferts sont exigés sans être exigibles et deviennent effectifs sous le coup d’une contrainte qui n’est pas de l’ordre de l’obligation d’ordre juridique. Ils ne sont exigibles que du point de vue de l’une des parties. Ces prédations sont des « transferts du quatrième type », soit t4t. Cette nouvelle catégorie vient compléter la classification de Testart au nom même de la cohérence qui préside à son élaboration.

30Quelles sont les conséquences anthropologiques d’une telle enquête ?

31En marquant une distinction négligée par l’anthropologie classique entre ce qui est universel dans l’espèce humaine et ce qui est propre à l’espèce humaine, FA introduit une nouvelle dimension comparative dans la formulation du problème :

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« […] est-ce que le don est observable chez tous les humains et rien que chez les humains ? En d’autres termes, dire que le don est universel ne suffit pas à en faire une caractéristique de la socialité humaine. Pour cela, encore faut-il montrer que le don est non seulement un universel, mais un propre de l’homme, pour reprendre une vieille expression de la philosophie ».
(FA, op. cit., p. 246-247)

33Comparaison non plus seulement intra-spécifique mais extra-spécifique.

34Il s’agit de décider s’il est justifié de procéder à une naturalisation du don, selon les deux significations possibles de ce terme : sens épistémologique, qui conduit à appliquer au don les méthodes d’enquête et de preuve propres aux sciences de la nature, et au sens ontologique, qui interprète le don comme résultant de la genèse naturelle de l’espèce humaine et de son évolution par sélection naturelle.

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« La thèse qui sera soutenue dans les pages qui suivent, prévient FA, n’est pas exactement celle de l’homologie ni celle de l’analogie. Cela parce qu’un don, comme on tentera de le montrer, ne peut être intégralement décrit en termes comportementaux, au contraire de ce que suggère la thèse de l’homologie. Ceci contrarie fortement l’idée que les dons puissent être observés et analysés comme on peut observer et analyser les phénomènes naturels. Les pratiques de transferts ont, selon toute vraisemblance, des bases naturelles dans nos dispositions biologiques (ce par quoi notre propos s’oppose à ce qu’énonce la thèse de l’analogie), dispositions qui résultent elles-mêmes de l’évolution des espèces par sélection naturelle. Mais il y a tout un aspect du don qui est vraisemblablement non descriptible en termes comportementaux, et donc irréductible en principe à une production directe de la sélection naturelle, pour des raisons que nous essaierons d’expliciter ».
(FA, op. cit., p. 251)

36Annonçons d’emblée que toutes les promesses annoncées par cet énoncé de la thèse sont tenues dans la troisième partie de l’ouvrage. Ce que notre compte rendu, partiel, ne manifestera pas.

37Par thèse de l’homologie, il faut entendre que la ressemblance entre les dons dans l’espèce humaine et les transferts de ressources alimentaires chez les autres espèces animales doit être appréhendée comme l’indice d’une continuité naturelle. La thèse de l’analogie conteste, en revanche, que cette éventuelle ressemblance puisse valoir comme le signe évident d’un lien causal. La thèse de l’homologie peine à expliquer la diversité culturelle des transferts dans le cadre de l’espèce humaine, tandis que la thèse de l’analogie se heurte à la difficulté de rendre compte de l’éventuelle universalité du don à travers les cultures.

38Une description simplement comportementale du don ne saurait suffire, encore faut-il être attentif à l’intention, laquelle ne prend sens que par rapport à une institution. Le don est un transfert de droits sur des choses. Or, si nous devions considérer les dons comme des phénomènes naturels, nous n’aurions affaire qu’à des régularités et non à des règles. Il est, en ce sens, tout à fait plausible de concevoir le don comme propre à l’homme : d’une part, il y a chez les animaux non humains des transferts de ressources tandis que les humains procèdent à des transferts de biens, d’autre part, il y a une cinétique des ressources dans la nature alors que les relations entre les hommes réalisent une économie, qui présuppose des notions déontiques comme celles de propriété, d’obligation, de prohibition, etc.

39L’universalité du don — la première des cinq thèses qu’autorisent les démonstrations du livre — est soutenue par FA « parce que les flux des ressources et de biens allant des adultes aux enfants prennent spontanément et, oserions-nous dire, normalement, la forme et la structure déontique de dons » (FA, op. cit., p. 296). Auparavant, il précisait que les transferts des ressources, en particulier nourricières, des adultes vers les enfants se retrouvent dans toutes les sociétés car ils répondent à une nécessité naturelle : ne pas la satisfaire condamne la société à disparaître. La deuxième thèse : le don a fait l’humanité, parmi d’autres facteurs, non au sens maussien où il y a obligation de donner, mais au sens où les hommes actuels sont nécessairement (comme nécessité nomique, à savoir que ce que nous connaissons de la constitution biologique de l’être humain et de ses causes phylogéniques a des conséquences nécessaires quant aux formes que revêtent les flux de ressources dans les rapports entre les hommes, plus particulièrement entre les adultes et les enfants) les descendants de ceux à qui on a donné. Troisième thèse : comme condition nomiquement nécessaire de possibilité, l’échange au sens économique requiert ou le don ou le t3t. Soit le syllogisme : le nouveau-né ne survit que s’il reçoit et ne peut fournir de contrepartie, qui est impliquée par l’échange, donc il reçoit en dehors de l’échange, par le don ou le t3t. Quatrième thèse : s’il y a défaillance du don des adultes à l’enfant, soit celui-ci meurt, soit il est objet de prédation, soit il est prédateur. Dans le cas de la défaillance, affirme la cinquième thèse, une institution de substitution n’est décente que si elle rend possible la relation adulte-enfant comme une relation de don personnalisée.

40Autant dire que du don dépend la décence du monde. Exigeante proposition éthique et politique à la mesure de la rigueur des analyses développées par François Athané. Lequel nous oblige à mieux justifier encore notre parti pris anti-naturaliste. Nous lui en sommes redevable.

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Notes

  • [*]
    À propos de François Athané, Pour une histoire naturelle du don, Paris, PUF, « Pratiques théoriques », 2011.
Michel Kail
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/06/2012
https://doi.org/10.3917/lhs.181.0239
Pour citer cet article
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