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« Vous êtes servis, disait un jour Jacques Lacan à ses élèves, vous pouvez dire qu’il n’y a plus de honte. Je vous réponds – Vous en avez à revendre. Si vous ne le savez pas encore, faites une tranche, comme on dit. Cet air éventé qui est le vôtre, vous le verrez buter à chaque pas sur une honte de vivre gratinée. »
Je m’appuierai sur ce passage pour commenter ce que devient le moi sur nos écrans d’aujourd’hui. Nous savons en effet quel regain ce thème de la honte, dans son rapport au moi, connaît dans ce qui a été nommé l’espace du numérique. Pas une semaine qui ne se passe sans que telle ou telle humiliation publique ne fasse le buzz sur nos écrans, ou que soit dénoncée en ce lieu l’absence d’inhibition et de pudeur. Toutefois, sachant le risque qu’il y a sur le sujet du numérique à nous perdre dans un listing d’exemples, et combien ceux-ci peuvent faire écran à un abord psychanalytique de la question, et non sociologique ou philosophique, une première question s’impose : que dire du numérique depuis la psychanalyse ?
Il se trouve que dans l’un de ses dialogues avec les étudiants du Centre expérimental de Vincennes, qui eut lieu une semaine avant sa leçon de séminaire sur la honte, Lacan utilisa lui-même l’expression de « numérique » : « Vous êtes de vraies valeurs, dit-il à ces étudiants, en ce sens que vous faites partie du mouvement, du mouvement numérique qui va soutenir le mode d’échange, le mode de marché qui constitue la société capitaliste. » Dire aux étudiants qu’ils sont de vraies valeurs pourrait passer pour un compliment…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 07/12/2021
- https://doi.org/10.3917/enje.037.0049
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