CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Le transfert culturel demeure encore peu étudié, contrairement au contre-transfert culturel (Devereux 1967). On peut le considérer comme un continent noir de la psychanalyse et de l’ethnopsychanalyse qui associe de manière complémentariste anthropologie et psychanalyse (Devereux 1970). Fugace dans son expression, on peut parfois le saisir au vol dans les marges de nos dispositifs quand, par exemple, dans une institution, un adolescent dont les parents sont venus du Maghreb énonce une insulte raciste envers son thérapeute antillais, en écho lointain à Frantz Fanon qui, 60 ans plus tôt, fut « étonné de constater que les Nord-Africains détestaient les hommes de couleur (1952 : 88) ». Ou bien encore dans quelques rares occurrences en consultation : « Vous êtes Noire à l’intérieur » dit un patient Noir à sa thérapeute Blanche, Marie Rose Moro. Il s’agit bien, même dans un registre racialisé, de transfert culturel, que l’on peut définir comme les réactions du collectif qui est en l’autre au collectif qui est en nous, le contre-transfert culturel étant symétriquement les réactions du collectif qui est en nous au collectif qui est en l’autre. Toutefois, le transfert culturel ne reste guère identifié ou traité comme tel.
La littérature sur le transfert culturel est en effet assez pauvre. On le trouve mentionné dans les textes traitant du contre-transfert culturel, sous forme d’un rappel de ses dimensions historiques, géographiques et sociales, et de l’importance des rapports de force et de la prégnance des préjugés, mais sans descriptions empiriques (Moro 2004, 2007)…

Français

Contrairement au contre-transfert culturel, le transfert culturel a été peu étudié. Défini comme les réactions du collectif qui est dans le patient au collectif qui est dans le thérapeute, il demeure un continent noir de la psychanalyse et de l’ethnopsychanalyse. Nous proposons de considérer le transfert culturel comme une relation sociale, mise en jeu dans la consultation transculturelle, et traversée de rapports sociaux, lesquels sont généralement hiérarchiques. Nous proposons une problématisation du transfert culturel autour de cinq logiques structurant les relations entre les groupes d’appartenance des patients et des thérapeutes : la relation de pouvoir entre thérapeute et patient, la relation humanitaire prise entre solidarité et inégalité, les relations postcoloniales entre anciens colonisés et anciens colonisateurs, les rapports sociaux racialisés, la domination culturelle mondialisée. Ces dimensions invitent à parler de transfert socio-culturel plus que d’un transfert culturel.

Mots-clés

  • transfert
  • culture
  • ethnopsychanalyse
  • relation dominant-dominé
  • colonisation
  • migrant
  • racisme
  • stigmatisation
  • relation thérapeutique
  • relation soignant-soigné
English

Social relations in cultural transference

Problematization trial

Social relations in cultural transference

Unlike cultural countertransference, cultural transference has been little studied. Defined as a reaction of the collective embodied by the patient versus the collective embodied by the therapist, it remains a dark continent of psychoanalysis and ethnopsychoanalysis. We propose to consider cultural transference as a social relationship staked in the transcultural consultation and crossed by social bonds which are generally hierarchical.
We suggest a problematization of the cultural transference articulated around five logical patterns that structure the relationships between historically and socially constructed groups of patients and therapist groups : the power relationship between the therapist and the patient, the humanitarian relationship polarized between solidarity and inequality, postcolonial relations between former colonies and former colonizers, racialized social relations and global cultural domination. These dimensions invite us to speak in terms of socio-cultural transference rather than cultural transference.

Keywords

  • transference
  • culture
  • ethnopsychoanalysis
  • dominant-dominated relationship
  • colonization
  • migrant
  • racism
  • stigmatization
  • therapeutical relationship
  • healerhealee relationship
Daniel Delanoë
Daniel Delanoë est psychiatre et anthropologue. CESP, Inserm, Université Paris Descartes.
Marie Rose Moro
Marie Rose Moro est professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Université Paris V. Chef de service Maison de Solenn, Maison des adolescents de Cochin, 97 bd de Port Royal, 75679 Paris Cedex 14.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 15/11/2016
https://doi.org/10.3917/lautr.050.0203
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