CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Avec les Conventions Éducation prioritaire (CEP [1]), Sciences Po Paris a été la première grande école française à mettre en place au début des années 2000 un programme d’ouverture sociale qui cible des élèves issus de lycées relevant de l’éducation prioritaire. Ces lycées sont aujourd’hui au nombre de 106, répartis dans plusieurs académies de la métropole et des départements ou régions français d’Outre-Mer [2].

2Ce dispositif constitue un cas particulièrement intéressant pour interroger le lien entre sens de la justice et sélection dans l’enseignement supérieur. En effet, d’un côté cette procédure concerne une institution parmi les plus sélectives du système scolaire français ; de l’autre, elle se donne un objectif explicite de justice sociale.

3Le modèle de justice promu par le CEP combine les apports d’une logique compensatoire – notamment par le recours au ciblage territorial de l’éducation prioritaire – avec l’idée de promotion de la diversité, d’inspiration états-unienne. Il livre ainsi une version « à la française » d’une forme de discrimination positive (Sabbagh, 2006 ; Doytcheva, 2007). Le ciblage territorial est utilisé pour atteindre prioritairement des populations spécifiques sur le plan social, mais aussi implicitement et de manière non assumée, sur le plan des origines migratoires (van Zanten, 2010). Il remet ainsi en cause le modèle méritocratique français en rompant avec le principe du concours commun comme mesure légitime du mérite individuel (Allouch, 2017), et a fait l’objet de vives critiques à ce titre (Sabbagh, 2006). Cette stratégie de diversification des élites est restée marginale parmi les grandes écoles, pourtant nombreuses à avoir mis en place des dispositifs d’« ouverture sociale » (Buisson-Fenet & Draelants, 2010) ; le modèle « préparatoire » [3] concurrent qui vise, en amont, à préparer les élèves de milieux défavorisés aux mêmes concours que les autres, s’est davantage imposé (van Zanten, 2010).

4L’inspiration états-unienne transparaît dans le recours au concept de « diversité » (Bereni & Jaunait, 2009) et la volonté d’adapter les modalités d’admission de manière à « reconnaître les talents dans leur pluralité ». La mise en place du CEP marque ainsi une rupture dans l’histoire de l’institution, dans sa volonté de relativiser la dimension strictement scolaire du recrutement (Allouch, 2013), de mettre l’accent sur la singularité des candidats et de leurs parcours et les compétences « non scolaires » (Khan, 2012, 2016 ; Karabel, 2006), de façon à valoriser des qualités différentes de celles des candidats de la procédure par examen. Les épreuves écrites disparaissent et il s’agit de reconnaître des aptitudes sociales, de « fortes personnalités » ou un « potentiel » à travers l’oral d’admission (Allouch, 2013 ; van Zanten, 2010).

5Ces deux éléments sont intrinsèquement liés. En effet, l’évolution des modalités de sélection apporte une réponse aux critiques quant à la brèche méritocratique qu’ouvrirait le dispositif. C’est en fait une refonte de la vision de la méritocratie que propose le modèle du CEP : la vraie méritocratie reposerait sur la reconnaissance et la « prise en compte de tous les talents et mérites individuels », qui implique un changement des modalités d’évaluation des candidats.

6La notion de « diversité » entretient le flou (Bereni & Jaunait, 2009) quant à la diversification visée : sociale, ethnique ou strictement territoriale. Elle fait ainsi l’objet d’appropriations variées : censé limiter, au sein des classes moyennes et supérieures, l’évitement des lycées défavorisés et stigmatisés, le CEP est vu comme un instrument en faveur de la mixité alors que certains jurés qui considèrent qu’elles devraient ne concerner que les élèves les plus défavorisés dénoncent ainsi l’existence de « faux ZEP [4] » (Buisson-Fenet & Landrier, 2008).

7Comment, en pratique, conjuguer singularisation et maintien du principe méritocratique ? Cette vision est-elle compatible avec le modèle français, si attaché à la logique académique (Verdier, 2001) ? Quels effets ce modèle produit-il effectivement en termes de diversification ? De quelle diversification est-il question ?

8Le CEP se révèle être une voie d’admission paradoxale. D’abord, parce qu’il suscite une tension entre un principe de justice fondé sur la singularité des candidats et l’égalité de traitement au fondement de tout concours. Ensuite, parce qu’il engendre des effets ambigus en termes d’ouverture sociale. Enfin, parce qu’il accorde une place centrale aux critères scolaires supposés y être moins décisifs.

9Ces constats s’appuient sur une analyse comparée des différentes procédures d’entrée à Sciences Po. Contrairement à la vision commune d’un recrutement homogène, nous mettons en évidence l’hétérogénéité des modalités de sélection et de leurs effets.

10Les analyses reposent sur les bases de données 2011 et 2014-2018 du service de la scolarité de Sciences Po qui comportent des informations sociodémographiques et scolaires sur les candidats ; mais aussi sur une enquête réalisée en 2015 portant sur la session 2014 du concours, et fondée sur des entretiens semi-directifs avec des jurés (5) et des candidats (12) et une analyse lexicale des grilles d’évaluation remplies par ces jurés à l’issue des entretiens d’admission (Pavie, 2015).

Le CEP : quel modèle de justice ?

Les trois voies de recrutement et leurs modalités

11Il existe trois voies principales de recrutement à Sciences Po [5] : la procédure par examen, la procédure CEP, et la procédure internationale, en forte croissance, qui ne concerne que des élèves ayant obtenu un baccalauréat français à l’étranger ou un diplôme étranger équivalent en France ou à l’étranger. Chacune de ces procédures comporte une phase d’admissibilité aux modalités variées : épreuves écrites traditionnelles pour la procédure examen, dossier de presse pour les CEP, sélection sur dossier pour la procédure internationale. L’épreuve d’admission prend dans les trois cas la forme d’un entretien oral. En raison du recours aux épreuves écrites, l’admissibilité de la procédure par examen est nettement plus sélective que pour les procédures CEP et internationale (autour de 27 % d’admissibles dans le premier cas et entre 50 % et plus de 70 % pour les deux autres voies selon les années). Mais une fois cette étape franchie, les chances d’être admis sont beaucoup plus fortes pour cette voie (un peu plus d’une chance sur deux) que pour le CEP (une chance sur trois). Si l’on s’intéresse en revanche au taux d’admis parmi les candidats, l’écart entre la voie CEP et la procédure par examen est faible. Il est plus élevé pour la voie internationale qui se présente finalement comme la voie d’admission la moins sélective.

L’épreuve orale, emblématique du CEP

12L’oral d’admission est un élément clé du projet de démocratisation. En effet, si des épreuves orales avaient déjà existé à Sciences Po par le passé, le choix de ce type d’épreuve lors de la création du CEP en 2001 est nettement associé à la nécessité de s’appuyer sur de nouvelles formes de compétences dans le recrutement. Cette épreuve permet ainsi d’évaluer « la maîtrise de l’expression orale, la motivation du candidat, son ouverture d’esprit, son goût pour l’innovation, sa curiosité intellectuelle, sa capacité à mobiliser et à mettre en relation des connaissances pertinentes, sa capacité à être en prise sur les enjeux contemporains, son esprit critique, ainsi que sa capacité à développer une réflexion personnelle [6] ». Ces critères mettent bien l’accent sur des capacités différentes de celles évaluées lors d’examens. L’accent est mis sur la singularité des candidats, sur leur « goût », le caractère « personnel de leur réflexion ». Cette singularisation s’inscrit dans une vision individualisante, voire essentialisante [7] fondée sur des arguments en termes de développement des talents, du potentiel, du mérite (Khan, 2016). Elle est pour les acteurs du dispositif une condition de l’ouverture du concours, un marqueur de la différence avec la procédure par examen (Allouch, 2013). Si, à partir de 2013, la procédure par examen se modifie et comporte désormais également une épreuve orale, cette transformation est lue comme une extension de certains des critères de la voie CEP :

13

– C’est les mêmes critères pour les entretiens CEP et les entretiens de la voie examen ?
Oui. Je dirais que la voie examen a une espèce de translation de la voie CEP, sur les critères, on est sorti de l’académique stricto sensu, de la correction, de la bonne dissertation, bien léchée et de la bonne restitution de cours, pour être sur une autre dimension. Qui reste académique hein, mais sur laquelle on va chercher d’autres compétences. (Juré, chargé de mission de Sciences Po.)
Je trouve que le processus [CEP] est bien fichu […]. Il a permis d’enrichir d’autres processus : vous voyez cet oral qui avait été développé sur les CEP, il a essaimé sur les autres. Notamment sur la première année, qui était grosso modo pour beaucoup la voie d’entrée royale. Et c’est très important d’avoir des oraux, ça permet d’identifier le genre d’étudiant qu’on va avoir : quelle est sa personnalité, comment on le ressent quoi, il y a quand même de la chair c’est pas uniquement des copies sans matière qu’il faut juger et je trouve que c’est important qu’on puisse avoir ça. (Juré, direction de Sciences Po.)

Singularité et égalité de traitement entre candidats

14Cette épreuve pose la question du maintien de l’égalité face au concours : comment garantir la justice entre candidats tout en évaluant leur personnalité ? La singularisation entre en tension avec la standardisation inhérente au recrutement. La réponse apportée par l’institution passe par un travail normatif : une mise en scène de l’expertise et de la mise à distance de la subjectivité dans l’évaluation, mais aussi un contrôle strict exercé sur la procédure.

15Annabelle Allouch (2013) a bien montré la façon dont la mise en scène de l’expertise contribue à légitimer l’épreuve qui se déroule dans le cadre prestigieux de Sciences Po, face à un jury d’« experts », formé en principe d’un membre de l’administration, d’un enseignant-chercheur et d’un extérieur. Cette sélection contribue à l’encadrement de l’expertise, qui est complétée par des réunions d’information au cours desquelles sont rappelés la nature de l’institution, ainsi que les critères et les modalités de l’évaluation.

16Remplie à l’issue de chaque entretien, une grille standardise l’évaluation à travers des critères identiques [8], les plus explicites possibles, et un commentaire argumenté sur la décision finale. Ces grilles remplissent aussi une fonction de liaison entre les différents jurys et le jury final d’admission dont les décisions sont souveraines. Ce jury constitue un dernier élément d’encadrement institutionnel, en aval de la procédure. Prenant appui sur les avis des commissions d’admission, mais aussi dans certains cas sur l’ensemble du dossier des candidats, il décide de leur admission définitive.

17Cet encadrement vise notamment à imposer un principe de bienveillance dans l’épreuve. Selon la formule d’un responsable de la procédure : « l’idée c’est vraiment d’être dans le dialogue et pas l’interrogation, ou pire, l’interrogatoire ». Le candidat doit se sentir à l’aise afin de « tirer le meilleur de lui-même », ou, selon un juré : « d’être en situation de prouver qu’il a du potentiel », présenté non pas comme une valeur intrinsèque du candidat mais comme relevant d’une logique d’adéquation entre celui-ci et l’institution. Cette idée d’adéquation entre formation et candidats est mobilisée par les jurés qui affirment souvent que prendre un candidat qui ne possèderait pas les « qualités » nécessaires pour réussir à Sciences Po ne serait « pas lui rendre service ».

Flou, incertitude et légitimité de l’épreuve

18La décision définitive est l’aboutissement d’un processus encadré et collectif, qui porte la marque et la légitimité de l’institution :

19

– Est-ce que ça vous est arrivé de regretter une note attribuée à un candidat ?
Jamais. Ah non jamais. Non jamais. Parce qu’à chaque fois on discute beaucoup. Il y a des décisions difficiles à prendre, une fois qu’elle est prise, elle est prise. […] Dans mon expérience on donne vraiment l’opportunité aux candidats de se défendre, après ils saisissent ou ils saisissent pas. Je suis vraiment droit dans mes bottes par rapport à ça, je n’ai pas à rougir de l’interaction que je crée, je crois qu’elle est respectueuse, c’est garanti aussi par le fait qu’on n’est pas seul et que les gens qui sont là sont des gens aussi de très très bon niveau avec ce souci aussi de bien faire. […] Il y a des fois des très très bons dossiers qui sont pas pris et on nous dit : « mais pourquoi vous l’avez pas pris ? » et on dit : la prestation orale a été très mauvaise, et on nous ennuie pas trop là-dessus, et c’est normal. Ou alors ça voudrait dire que la commission n’aurait pas lieu d’être. (Homme, direction de Sciences Po.)

20Le contrôle institutionnel se révèle efficace en interne, puisque les cas de désaccords ou d’hésitations sur un candidat sont rares, ainsi seulement 5 % des candidats ont reçu un « B » entre 2014 et 2017. Il l’est aussi vis-à-vis des candidats admissibles qui remettent rarement en cause la légitimité de la procédure malgré l’incertitude, voire le « flou » dont elle s’entoure à leurs yeux :

21

Même nos professeurs ne savent pas ce qu’on attend de nous, c’est ça le problème c’est que personne sait ce qu’on attend de nous, c’est très ambigu. Quand on nous dit : « on attend de vous que vous montriez votre personnalité »… [elle mime l’incompréhension]. Oui mais est-ce que… on se demande si… est-ce que ma personnalité va plaire, est-ce que je plais ? Qu’est-ce qui ne va pas ? Voilà c’est très flou. (Candidate, admise.)

– Et qu’est-ce que vous saviez de l’entretien d’admission avant de vous y présenter ?
Pas grand-chose. On nous disait que ça change à chaque fois, qu’on peut jamais vraiment s’attendre aux questions, qu’ils essaient de percer un peu la personnalité des candidats mais qu’on savait vraiment pas si on est admis ou pas, c’était un peu un mystère. (Candidat, non admis.)

22Les admissibles vivent une triple incertitude, celle de l’hétérogénéité des critères de l’évaluation, du sujet sur lequel peut porter l’entretien, et celle de la composition même du jury. La clarté de ces critères et la transparence apparaissent habituellement comme une condition nécessaire au sentiment de justice de la sélection (Allouch, 2019 ; Felouzis, 1997). Au contraire ici, cette incertitude rend parfois la contestation de l’épreuve difficile et contribue à sa légitimation :

23

– En sortant vous aviez l’impression d’avoir réussi vous m’avez dit ?
En fait j’étais mitigé entre le « j’ai réussi, je vais pas l’avoir » et le « j’ai réussi, je vais peut-être l’avoir ».
– Et comment vous auriez pu réussir et pas l’avoir ?
En fait, admissibilité, quand on réussit on l’a. L’admission, c’est vraiment plus une question de feeling, de personnalité, c’est… vraiment un entretien d’embauche sur notre personnalité, donc si ça ne marche pas c’est que c’est notre personnalité qui ne va pas, c’est que c’est pas possible. […] C’est pas une question de compétence pour le coup, la preuve […] toutes les personnes qui sont passées devant les jurys et qui ont été pris par dossier sont des personnes géniales, qui ont des résultats scolaires géniaux et qui ont réussi je pense leurs oraux et qui au final n’ont pas forcément été pris. Donc je pense ça dépend vraiment de comment se vendre, là c’est vraiment pas une question de compétence, c’est vraiment sa personnalité. (Candidat, admis.)

24Pour ce candidat, le fait d’« avoir réussi » son entretien ne suffisait pas à s’assurer de son admission dans la mesure où les critères qui valent à l’entretien ne sont pas selon lui, sinon objectifs, du moins objectivables. Il considère qu’« une personne géniale », avec « des résultats scolaires géniaux » peut être recalée, ce qui ne semble pas illégitime à ses yeux : il souligne le caractère irrémédiable du jugement des commissions (« c’est que c’est pas possible »). L’incertitude quant aux critères qui prévalent et le lien établi entre la situation d’interaction individuelle et spécifique de l’entretien et le jugement émis sur le candidat rend le verdict des jurys difficilement contestable. La mise en scène de l’expertise des commissions contribue à cette acceptation :

25

Je préférais ne pas être admis à l’admission qu’être recalé à la première épreuve. […] La première en gros c’est la procédure à l’intérieur du lycée avec les intervenants : les profs, les documentalistes… […] je me disais que je préférais me faire recaler par des universitaires, des grands profs, à Paris, à Sciences Po, sur leurs terres, que dans mon lycée, lycée X de Corbeilles Essonne, public, mal classé, ZEP et cetera. (Candidat non admis, session 2014.)

26Le modèle de justice promu par le CEP repose sur cette singularisation qui doit permettre une diversification du recrutement en mettant la personnalité au cœur de l’épreuve. Mais dans quelle mesure le CEP contribue-t-il à diversifier le recrutement de Sciences Po ? De quelle diversité s’agit-il ? Les admis constituent-ils un groupe homogène du point de vue social, scolaire et territorial ? Cette procédure repose-t-elle sur des logiques de sélection différentes de celles de la procédure par examen ?

Les effets paradoxaux du CEP : diversification sociale, poids du critère scolaire et biais genrés

Un recrutement social et scolaire plus diversifié

27Le premier effet du CEP est bien de modifier de façon très significative le profil du recrutement par rapport aux deux autres voies d’admission. Sur la période récente (2014-2018), selon les années, et comparativement à la procédure par examen, le poids des classes supérieures y est divisé par deux, celui des classes moyennes multiplié par deux ou trois, et surtout celui des classes populaires multiplié par 6 ou 7, voire par 9 en 2018 (voir Encadré méthodologique en Annexes ; Tableau 1). Les élèves issus des classes supérieures candidats à la procédure par examen ont entre 6 et 9 fois plus de chances d’être admis que leurs homologues candidats à la procédure CEP ; inversement, les élèves issus de milieux populaires candidats à la procédure CEP ont presque 10 fois plus de chances d’être admis que leurs homologues de la procédure par examen. Vu sous cet angle, le CEP atteint donc l’objectif de renforcer le recrutement d’élèves issus des classes populaires.

28Cependant, les élèves issus des classes supérieures restent le groupe majoritaire (entre 37 % et 46 % des admis selon les années) au sein de la voie CEP, devant ceux issus des classes populaires (entre 27 % et 33 %) et ceux issus des classes moyennes (entre 17 % et 25 %). Ces données révèlent le caractère ambigu d’un dispositif qui, d’un côté, permet de recruter proportionnellement plus d’élèves d’origine populaire, mais au sein duquel, d’un autre côté, les élèves les plus favorisés demeurent le groupe le plus important.

29Si l’on isole des catégories supérieures celles moins dotées en capital économique et davantage associées au capital culturel (cadres de la Fonction publique, professeurs et professions scientifiques, et professions de l’information, des arts et des spectacles), nommées ici « classes moyennes supérieures », on constate que les différences entre le CEP et les deux autres voies d’admission sont moins prononcées. Les classes supérieures au sens strict voient leur pourcentage divisé par 2,2 à 2,5 au sein des admis CEP, mais seulement par 1,2 à 1,4 si l’on ne regarde que les classes moyennes supérieures, dont la proportion reste relativement stable au fil du temps (entre 14 % et 17 %). Ces dernières ne représentent qu’environ 28 % de l’ensemble des classes supérieures des admis par la procédure par examen et la voie internationale et près de 41 % pour le CEP. L’impact du CEP sur la réduction de la part des classes supérieures est donc surtout visible sur celles les mieux dotés en capital économique (cadres du privé, ingénieurs et professions libérales). Cela est cohérent avec les études sur la ségrégation urbaine (Oberti & Préteceille, 2016) qui mettent en évidence une distance spatiale plus forte de cette frange des classes supérieures vis-vis des catégories populaires, comparativement aux cadres de la Fonction publique et des professeurs et professions scientifiques dont une partie réside dans des quartiers mixtes.

Tableau 1. – Profil social des élèves admis à Sciences Po (1re année, 2014-2018) (en %)

20142015201620172018
Procédure par examen
Classes supérieures84,78585,484,483,8
dont classes moyennes supérieures(21,2)(21,3)(24,4)(24)(18,9)
Classes moyennes8,498,77,49,6
Classes populaires4,83,84,14,63,4
Artisans, commerçants, agriculteurs2,22,21,73,63,2
Procédure internationale
Classes supérieures72,378,672,776,874,4
dont classes moyennes supérieures(19)(17)(19)(21)(15,3)
Classes moyennes161417,513,815,1
Classes populaires8,85,77,16,47,8
Artisans, commerçants, agriculteurs2,91,72,732,7
CEP
Classes supérieures46,441,339,941,836,6
dont classes moyennes supérieures(14,4)(13,7)(15,9)(17,1)(16,8)
Classes moyennes17,227,523,322,225,2
Classes populaires33,12730,126,631,3
Artisans, commerçants, agriculteurs3,356,79,56,9

Tableau 1. – Profil social des élèves admis à Sciences Po (1re année, 2014-2018) (en %)

Sources : Service de la scolarité de Sciences Po.

30Les contrastes entre la procédure par examen et la procédure CEP en termes d’origine sociale se reflètent dans des différences de niveaux scolaires. Alors que la grande majorité des élèves admis par la procédure par examen (80 %) ont une moyenne aux épreuves anticipées du Bac supérieure à 16/20, ce groupe ne représente qu’un peu plus de 40 % des admis CEP, dont près de 20 % ont obtenu une moyenne inférieure à 14/20, contre seulement 3 % de ceux de la procédure par examen. Pour autant, le profil scolaire change peu entre les admissibles et les admis de la procédure par examen, alors que la différence est plus significative pour le CEP qui voit le pourcentage d’élèves avec une moyenne supérieure à 16/20 passer de 23 % à 40 %. Ceci donne une nouvelle indication sur le rôle du critère scolaire dans la procédure CEP, qui prend toute son importance à l’étape de l’épreuve orale.

Les effets de l’épreuve orale sur le recrutement

31Les résultats des régressions logistiques sur l’admission complètent les statistiques descriptives précédentes et confortent certains points (Tableau 2). Les modèles présentés prennent en compte le sexe de l’élève et l’origine sociale auxquels s’ajoutent la nationalité des parents dans le premier modèle, et la localisation géographique dans le deuxième modèle, et enfin la moyenne aux épreuves anticipées du baccalauréat dans le troisième modèle.

Tableau 2. – Admissions à Sciences Po parmi les admissibles CEP (2014-2018) Odds ratio estimés/régression logistique

Dependent variable:
Admis
Modèle 1Modèle 2Modèle 3
Fillesréf.réf.réf.
Garçons1,2**1,2**1.7***
(0,1)(0,1)(0,1)
Classes supérieuresréf.réf.réf.
Classes moy. sup.1,11,11,0
(0,1)(0,1)(0,2)
Classes moyennes1,11,11,2
(0,1)(0.1)(0,1)
Classes populaires0,8*0,81,2
(0,1)(0,1)(0,1)
Nationalité françaiseréf.réf.réf.
Binationaux ou étrangers1,01,01,2*
(0,1)(0,1)(0,1)
Île-de-Franceréf.réf.
Autres régions1,10,7***
(0,1)(0,1)
DOM-TOM0,8*0,5***
(0.1)(0.2)
]16; 20]réf.
]14; 16]0.4***
(0,1)
]12; 14]0.2***
(0,1)
[0;12]0,04***
(0,2)
Constant0,4***0,4***1,2
(0,1)(0,1)(0,1)
Observations2 4122 4122 412
Log Likelihood-1 487,0-1 483,9-1 297,2
Akaike Inf. Crit.2 986,02 983,82 616,3

Tableau 2. – Admissions à Sciences Po parmi les admissibles CEP (2014-2018) Odds ratio estimés/régression logistique

Note : *p < 0,1 ; **p < 0,05 ; *** p < 0,01.

32Contrôlé par le sexe et la nationalité des parents, les élèves de milieu populaire ont significativement moins de chance d’être admis que les élèves de classes supérieures. En revanche, cet effet disparaît dans les deuxième et troisième modèles qui intègrent d’abord le lieu du lycée d’origine, puis la variable de niveau scolaire. Cela s’explique en partie par la puissance de la significativité de l’effet du niveau scolaire (approché ici par la moyenne aux épreuves anticipées du Bac), très corrélé à l’origine sociale. Ainsi, cet effet puissant de la variable de niveau scolaire masque le fait que la sélection désavantage les candidats de milieux populaires, plus représentés parmi les élèves ayant les niveaux scolaires les plus faibles (Tableau 4).

33Toutes choses égales par ailleurs, les garçons ont significativement plus de chance d’être admis que les filles, avec un coefficient et une significativité plus élevés lorsque l’on prend en compte le niveau scolaire. L’analyse des effets d’interaction entre le sexe et les autres variables montre que seule l’interaction entre le sexe et le niveau scolaire est significative, et que cet effet joue surtout pour les notes les plus élevées (Graphique 1). C’est surtout parmi les élèves ayant de très bonnes notes que la probabilité d’être admis est significativement plus élevée pour les garçons.

Graphique 1. – Probabilité d’être admis selon le sexe et la moyenne aux épreuves anticipées du Bac parmi les admissibles de la procédure CEP (2014-2018)

Graphique 1. – Probabilité d’être admis selon le sexe et la moyenne aux épreuves anticipées du Bac parmi les admissibles de la procédure CEP (2014-2018)

Graphique 1. – Probabilité d’être admis selon le sexe et la moyenne aux épreuves anticipées du Bac parmi les admissibles de la procédure CEP (2014-2018)

34Bien évidemment, les très bons élèves ont, toutes choses égales par ailleurs, beaucoup plus de chances d’être admis que ceux ayant une note inférieure à 12/20.

35C’est aussi le cas des élèves venant d’un lycée d’Île-de-France par rapport à ceux venant d’un établissement d’une autre région ou des DOM-TOM.

36On note également, dans le troisième modèle, un effet significatif de l’origine nationale, les élèves ayant la double nationalité ou la seule nationalité étrangère ont, toutes choses égales par ailleurs, plus de chances d’être admis que de ne pas l’être par rapport aux élèves de nationalité française.

Des logiques de jugement en tension

La place du critère académique

37Les appréciations sur les candidats et les catégories de l’entendement professoral peuvent être mises en relation avec l’origine sociale des élèves (de Saint-Martin & Bourdieu, 1975). L’analyse lexicale s’appuyant sur les commentaires rédigés par les jurés montre que l’épreuve d’entretien ne profite pas aux candidats issus des classes populaires.

Tableau 3. – Phrases les plus caractéristiques pour la modalité « classes populaires »

NoAppréciations
1Beaucoup de silences, conséquence d’une incapacité à échanger avec les organisateurs. Les connaissances sont très fragiles et n’ont pas permis de construire une réflexion de manière rigoureuse et autonome.
2Candidat vif et astucieux qui sait utiliser au mieux des connaissances parfois incomplètes.
3Bien qu’à l’aise, l’étudiant a des connaissances faibles, et notamment sur les sujets qu’il aborde, et ses réponses sont assez superficielles et manquent de construction.
4Une conversation agréable mais une expression mal aisée et une réflexion superficielle assise sur des connaissances elles aussi trop superficielles. Des idées un peu naïves.
5L’entretien n’a pas permis de mettre en valeur les connaissances d’ordre général et l’analyse requise pour l’entrée en première année du collège. Malgré une discussion nourrie, la candidate n’a pas su répondre avec justesse aux questions de la commission. Les motivations devraient être plus argumentées.

Tableau 3. – Phrases les plus caractéristiques pour la modalité « classes populaires »

Tableau 4. – Moyenne aux épreuves anticipées du Bac des admissibles CEP (2014-2018) selon l’origine sociale (en %)

[0 ; 12]]12 ; 14]]14 ; 16]]16 ; 20]Total
Classes supérieures13283326100
Classes moy. sup.9203735100
Classes moyennes17243326100
Classes populaires25332815100
Art., com., agriculteurs19313317100
Ensemble17283223100

Tableau 4. – Moyenne aux épreuves anticipées du Bac des admissibles CEP (2014-2018) selon l’origine sociale (en %)

Sources : Service de la scolarité de Sciences Po, 2014-2018.

38Les jugements les plus caractéristiques adressés aux candidats d’origine populaire (Tableau 3) sont ceux qui mettent en avant un manque ou une absence de connaissances (pour 8 des 10 individus les plus caractéristiques de ce groupe), alors que les commentaires positifs sont très rares et systématiquement nuancés. Ceci s’explique par la très forte corrélation entre niveau scolaire et origine sociale : la part de bons et très bons élèves (note > 14) est nettement plus élevée parmi les élèves issus des classes supérieures (59 %) et plus encore des classes moyennes-supérieures (72 %) que parmi ceux issus des classes populaires (43 %). À l’autre extrémité, le poids des élèves de faible ou très faible niveau scolaire (note < 12) double au sein des élèves d’origine populaire (25 %) par rapport à ceux issus des classes supérieures (13 %), et triple quasiment par rapport à ceux issus des classes moyennes supérieures (9 %). Les élèves issus des classes moyennes sont de ce point de vue très proches des élèves plus favorisés et se distinguent donc nettement de ceux issus des classes populaires (Tableau 4).

39Ces jugements adressés aux élèves de catégories populaires révèlent la prégnance des critères scolaires pour évaluer l’entretien. Parmi les mots et expressions les plus fréquemment employés par les jurés (Annexe 3), ceux qui renvoient aux critères officiels de l’évaluation : « connaissance », « motivation », « réflexion » sont très présents. L’évaluation des connaissances et de la motivation sont de loin les deux premiers critères privilégiés par les jurés ; d’autres critères officiels étant beaucoup plus rarement cités pour motiver les décisions (« écoute », par exemple). Figurent par ailleurs dans ce classement des termes reliés à la dimension académique et à l’évaluation du dossier scolaire en tant que tel : « dossier », « niveau » et « scolaire ». L’attention portée au dossier scolaire est d’autant plus forte en l’absence d’épreuves écrites :

40

– Vous avez participé aussi au recrutement dans le cadre de la procédure examen, c’est quoi selon vous les différences entre les deux modes de recrutement ?
Eh bien je dirais qu’à la limite c’est plus difficile de faire un choix dans la procédure classique, parce qu’on a des candidats qui se ressemblent, c’est cornélien, c’est tous d’excellents élèves, donc c’est très difficile de choisir ! […] J’ai plus de mal des fois à sélectionner en procédure classique parce que… ils sont tous d’égale qualité, alors que, dans les CEP, il y a des niveaux scolaires très différents, donc ça aide pour le choix, c’est la seule différence que je vois. (Jurée, maître de conférences à Sciences Po.)

41De plus, les jurés peuvent consulter les bulletins scolaires avant ou à la fin de l’entretien, en particulier lorsque des hésitations apparaissent sur la notation finale. Ce poids du critère scolaire se serait par ailleurs renforcé au tournant de l’année 2010, en lien avec un changement de direction à Sciences Po (Fernández-Vavrik, Pirone & van Zanten, 2018).

La prise en compte de critères non académiques

42Pour autant, l’objectif de mise à distance des critères classiques d’évaluation, notamment par le biais de la prestation orale, n’est pas sans effets. Les jurés tendent effectivement à valoriser les candidats faisant preuve de compétences orales, d’assurance, de capacités de présentation et en mesure de formuler un « projet » professionnel, en témoigne la récurrence de ces termes dans les commentaires rédigés par les jurys (Annexe 3). Ces critères non scolaires transparaissent bien dans les jugements les plus caractéristiques adressés aux candidats issus des classes moyennes (Tableau 5). Si eux aussi sont principalement négatifs, les motifs invoqués sont différents de ceux qui s’appliquent aux candidats du groupe précédent. Le manque de connaissances apparaît moins systématiquement. En revanche, le manque de motivation et de force de conviction (6 des 10 commentaires les plus caractéristiques), voire l’inadéquation entre le projet du candidat et des études à Sciences Po, sont souvent mis en avant. De nombreux commentaires indiquent également une absence de « personnalité ». Certains propos sont encore plus directs, comme celui relatif au « peu d’énergie » de « Mme G. ».

Tableau 5. – Phrases les plus caractéristiques pour la modalité « classes moyennes »

NoAppréciations
1Mme G n’a pas exprimé de façon convaincante ses motivations pour l’IEP et a paru assez superficielle dans la plupart des questions posées. Il semble au jury qu’une école de commerce soit plus appropriée à son projet professionnel et ses centres d’intérêt. Malgré une bonne qualité d’expression, Mme G traduit peu d’énergie et de conviction. Le dossier scolaire inquiète sur sa capacité à intégrer le collège.
2Un entretien décevant. Un manque de motivation et de force de conviction, le projet est mal étayé. La discussion révèle un manque de hauteur de vue et de profondeur d’analyse. La candidate peine à l’oral, souvent déconcertée par les questions qui lui sont posées.
3Une motivation pour Sciences Po cohérente, un entretien très préparé et une ambition claire (préfectorale). En revanche, le candidat est peu convaincant durant l’entretien (réponses brèves, laconiques et peu argumentées). Une culture littéraire qui gagnerait à être affinée et approfondie. Ouverture d’esprit limitée sur les sujets évoqués (culture urbaine…).
4Candidat très émotif qui s’est senti déstabilisé malgré les encouragements de la commission et qui n’a pas su dire qu’il ne savait pas répondre aux questions posées. Cependant, il a fait preuve d’une maturité et d’une réflexion tout à fait pertinentes lors du commentaire sur image.
5Candidate qu’il a fallu pousser à sortir d’un discours impersonnel, qui a eu du mal à émettre un jugement personnel et à faire preuve d’engagement. Un problème de maturité sans doute. Discours pas très argumenté, pas très construit.

Tableau 5. – Phrases les plus caractéristiques pour la modalité « classes moyennes »

Tableau 6. – Phrases les plus caractéristiques pour la modalité « classes supérieures »

NoAppréciation
1Constituera une recrue solide, avec un projet cohérent et une réelle détermination.
2Excellent profil ! candidate volontaire, réfléchie, (très) engagée, structurée.
3Un excellent candidat, motivé, dynamique, ouvert et curieux. Son projet est cohérent et convaincant.
4Candidat engagé faisant montre d’une très grande curiosité intellectuelle et d’une vraie capacité à raisonner. Très bon profil !
5Un candidat solide et volontaire, au très bon dossier. Son projet est cohérent et convaincant. Des qualités intellectuelles indéniables.

Tableau 6. – Phrases les plus caractéristiques pour la modalité « classes supérieures »

43Les jugements les plus caractéristiques adressés aux candidats issus des catégories supérieures (Tableau 6) contrastent nettement avec les précédents. La très grande majorité de ces commentaires sont mélioratifs, voire très élogieux. La « cohérence » du projet des candidats revient ici très souvent.

44Ainsi, l’idée que la valorisation du projet et de la personnalité et le passage de l’écrit à l’oral conduisent mécaniquement à une diversification de la sélection montre ses limites. Les jurés valorisent l’« aisance », le « dynamisme » et le « naturel », autant d’attributs davantage associés aux bons élèves plus représentés parmi les classes supérieures, mais aussi leur(s) « projet(s) », ce qui suppose une capacité, socialement située, à se projeter dans l’avenir (Bourdieu, 1974). Les projets qualifiés de « trop évasifs », « insuffisamment étayés », ou « indéfinis » concernent souvent des candidats d’origine populaire.

Sérieux versus potentiel : les filles désavantagées par l’entretien

45La dévalorisation d’attitudes jugées excessivement scolaires fait écho à la valorisation de critères non académiques. Des critiques de l’excès de « sérieux » ponctuent plusieurs commentaires adressés aux candidates. Le scolaire, auquel se rattachent la docilité, le sérieux, le conformisme, s’oppose au brillant auquel s’associent la personnalité, la spontanéité, l’originalité, l’autonomie – les filles étant plutôt associées au premier ensemble et les garçons plutôt au second (Baudelot & Establet, 1992). Or, si ces dispositions « féminines » sont jugées positivement au sein de l’institution scolaire, elles le sont souvent négativement au cours de l’entretien et associées à un manque d’authenticité, de personnalité et d’originalité, ce que traduisent certaines appréciations :

46

La candidate est sérieuse, motivée et capable d’exprimer très clairement ses choix. Elle se projette dans l’avenir avec envie, ouverture et sans dogmatisme. Elle est spontanée […] mais peut-être un peu convenue et scolaire ? Le jury hésite franchement !
Une candidate au dossier très solide. L’entretien est bien préparé. […]. Devra prendre plus d’aisance et s’autoriser à une pensée plus personnelle.
Élève très sérieuse qui n’arrive pas pleinement à affirmer sa personnalité et a tendance à rester sur son quant-à-soi.
Très bon parcours scolaire, mais le jury n’a pas réussi à faire émerger les aspects originaux de sa personnalité.

47Les cas emblématiques sont les entretiens suscitant de la déception chez les jurés [9]. Dans beaucoup de cas, ils le sont au regard du bon dossier scolaire des candidates admissibles. Le sérieux et le potentiel apparaissent bien comme des catégories genrées de l’entendement professoral (Blanchard, Orange & Pierrel, 2016).

48De façon générale, les modalités de l’épreuve s’inspirent des codes de l’entretien d’embauche (Darmon, 2012) et se révèlent pénalisantes pour les candidates. Moins à même de tenir sur elles-mêmes un discours valorisant, elles se voient parfois reprocher précisément leur caractère scolaire ou trop sérieux, au point d’être plus souvent soupçonnées d’être de « fausses ZEP » (Buisson-Fénet & Landrier, 2008) et finalement de ne pas correspondre à la représentation que se font les jurés de la « diversité ». Les expressions renvoyant au « manque de motivation » concernent très souvent les candidates. Les indices traduisant un manque d’assurance sont dévalorisés et davantage associés aux filles (timidité, réserve, manque d’assurance, émotivité).

49On peut faire l’hypothèse que la spécificité du recrutement CEP, marqué par l’éloignement – du moins dans le discours – des critères les plus académiques de sélection accentue le rejet de ces candidatures féminines jugées « trop scolaires ». D’autant plus que la figure du « représentant de la diversité » telle qu’elle est construite à travers le dispositif – mais aussi plus largement telle qu’elle a été construite historiquement et notamment médiatiquement (Boukhobza, 2005) – renvoie dans certains contextes plutôt à une figure masculine. Dans les représentations de certains jurés, le candidat CEP « typique » semble bien être un jeune garçon de milieu populaire, issu de l’immigration maghrébine et résidant en banlieue. L’extrait d’entretien qui suit illustre bien cette opposition entre la « jeune fille sérieuse » d’un côté, et le « p’tit gars de banlieue » de l’autre :

50

Ce qui me gêne un peu c’est que parfois l’étudiant qui a le plus de bagou est capable de séduire le jury alors qu’il a un mauvais dossier scolaire, et l’étudiant qui a un dossier scolaire tout à fait acceptable, est terrorisé à l’oral, c’est leur premier oral, surtout devant trois personnes, et là, celui qui a pas de culot et bah il est pénalisé. Ça ça me gêne aussi un peu. Parce qu’on voit arriver… des p’tits gars des banlieues, je leur en veux absolument pas, ils ont beaucoup de mérite… mais très… très remontés, avec du bagou, même s’ils n’ont pas un bon dossier scolaire, bien ils arrivent à embobiner le jury, et puis… la p’tite jeune fille bien timide, qui a un dossier scolaire meilleur que le précédent mais qui est stressée qui arrive pas à prendre la parole devant les trois, et ben elle est évincée. Ça c’est un peu dommage. Il y a une prime à celui qui a du culot à l’oral, je le dis vulgairement mais c’est ça. (Jurée, maître de conférences à Sciences Po.)

51Cependant, les analyses menées sur les candidats par la procédure par examen conduisent au même résultat : toutes choses égales par ailleurs (sexe, origine sociale, localisation du lycée d’origine, moyenne aux épreuves anticipées du Bac), les garçons ont significativement plus de chance d’être admis que les filles. Mais le fait que cela soit significatif également pour l’admissibilité, qui repose uniquement sur des épreuves écrites, ne permet pas de dire que cet effet tient à la nature spécifique de l’oral d’admission, qui rend possible l’identification du sexe de l’élève, ou dont la nature même de l’épreuve serait susceptible d’être inégale selon le genre. Cet effet demeure alors que les deux procédures diffèrent par leur public, leurs principes et leurs modalités de sélection.

L’espace social du recrutement CEP : deux viviers, deux logiques de sélection ?

52L’analyse en composantes multiples (ACM) permet d’établir les proximités et les distances sur un plan factoriel entre des variables renvoyant aux caractéristiques des élèves (sexe, origine sociale, département du lycée, moyenne aux épreuves anticipées du Bac). La nationalité en trois modalités (française, double nationalité française et étrangère, étrangère) est intégrée en tant que variable supplémentaire (pour la période 2014-2017 puisque nous ne disposons pas de cette variable pour l’année 2018).

53Le plan factoriel (Graphique 2) montre une opposition forte entre d’un côté les très bons élèves (note > 16), issus des classes moyennes supérieures et scolarisés dans un lycée hors de la région parisienne (où se projette également la modalité « nationalité française ») ; et de l’autre, des élèves issus des classes populaires, ayant obtenu des notes nettement inférieures (< 12) et venant d’un lycée de la région parisienne (où se projettent les modalités « double nationalité » et « nationalité étrangère »). On retrouve exactement la même opposition sur le plan factoriel réalisé à partir des admis. L’axe 2 met principalement en jeu des dimensions liées au sexe et au niveau scolaire : il oppose les garçons de faible niveau scolaire aux filles de niveau scolaire moyen-supérieur (12-14).

Graphique 2. – Plan factoriel ACM des admissibles CEP (2014-2018)

Graphique 2. – Plan factoriel ACM des admissibles CEP (2014-2018)

Graphique 2. – Plan factoriel ACM des admissibles CEP (2014-2018)

54Le retour aux statistiques descriptives (Tableau 7) fait clairement ressortir ces différences sociales, scolaires et territoriales. La part des classes moyennes supérieures est divisée par deux en Île-de-France par rapport aux autres régions ; alors que le poids des classes populaires y est significativement supérieur. Peu de différence en revanche pour les classes supérieures au sens strict entre l’Île-de-France et les autres régions françaises hors DROM-COM.

55Ces différences sont encore plus marquées concernant le niveau scolaire des élèves : entre 30 % et 33 % des admissibles venant d’un lycée hors Île-de-France ont une moyenne aux épreuves anticipées du baccalauréat supérieure à 16, et seulement 15 % parmi ceux venant d’un lycée de la métropole parisienne. Inversement, le poids des élèves admissibles d’Île-de-France qui ont obtenu une note inférieure ou égale à 12 double par rapport à celui de ceux venant d’un lycée d’une autre région. Ces écarts se resserrent pour les admis, mais ils restent significatifs (30 % des admis venant d’un lycée d’Île-de-France ont une moyenne supérieure à 16, et 47 % de ceux venant d’autres régions).

56Deux viviers bien distincts nourrissent le recrutement du CEP : d’un côté, des élèves issus majoritairement des classes populaires de la région parisienne, parmi lesquels les descendants d’immigrés sont surreprésentés, de l’autre, des élèves issus des classes moyennes et supérieures venant d’autres régions, et de niveau scolaire plus élevé. Cela va dans le sens de résultats précédents, qui mettaient déjà en évidence une sélectivité sociale différenciée de l’admission à Sciences Po selon les territoires à milieu social équivalent (Oberti, 2013). La classification ascendante hiérarchique tirée de l’ACM sur les admissibles permet de préciser les contours et le poids des différentes classes (Annexes 2, 2bis et 2ter) [10]. Une première classe (cluster 1, 26,5 % de l’effectif) est caractérisée par une surreprésentation des élèves ayant de faibles notes (0-12), venant d’un lycée d’Île-de-France, issus de milieu populaire, de sexe masculin, et dont les parents sont de nationalité étrangère. Elle s’oppose à une classe (cluster 4, 24,3 %) caractérisée par une surreprésentation d’élèves de très bon niveau scolaire, issus des classes moyennes supérieures, provenant d’un lycée des autres régions métropolitaines et des DOM-TOM, et dont les parents ont la nationalité française. Deux autres classes se recouvrent partiellement. L’une (cluster 2, 27,9 %) est caractérisée par une surreprésentation des filles, d’élèves issus des classes populaires, ayant des notes moyennes (]12-14]) et venant d’un lycée d’Île-de-France ; alors que l’autre (cluster 3, 21,3 %) se caractérise par une surreprésentation des garçons, des élèves issus des classes supérieures, de niveau scolaire supérieur (]14-16]), venant des autres régions de la métropole que l’Île-de-France.

Tableau 7. – Profil social et scolaire des élèves selon la localisation du lycée d’origine (admissibles et admis CEP, 2014-2018) (en %)

IDFAutres régionsDOM-TOMEnsemble
AdmissiblesAdmisAdmissiblesAdmisAdmissiblesAdmisAdmissiblesAdmis
Origine sociale
Classes sup.2526242516142324
Classes moy. sup.1113202021231617
Classes moyennes2020202621242023
Classes populaires3835292534273430
Art., com., agr.766581276
Total100100100100100100100100
Notes
[0; 12]256102120184
]12; 14]312525112492818
]14; 16]3039353932313238
]16; 20]1530304733592340
Total100100100100100100100100

Tableau 7. – Profil social et scolaire des élèves selon la localisation du lycée d’origine (admissibles et admis CEP, 2014-2018) (en %)

Lecture : Admissibles : Origine sociale : Khi2 = 0,000 / V de Kramer = 0,108 ; Notes : Khi2 = 0,000 / V de Kramer = 0,177. Admis : Origine sociale : Khi2 = 0,001 / V de Kramer = 0,130 ; Notes : Khi2 = 0,007 / V de Kramer = 0,106. Sources : Service de la scolarité de Sciences Po, 2014-2018.

57Ceci fait écho aux contradictions précédemment révélées : la volonté d’ouverture se heurte à l’importance accordée aux compétences et savoirs académiques. L’existence de deux logiques de sélection contradictoires transparaît dans les discours des jurés qui n’accordent pas tous le même poids au critère scolaire [11] :

58

Un candidat qui venait [d’un endroit] paumé […], qui avait quitté sa famille pour venir […] faire son lycée dans un établissement très difficile. […] La discussion avec ce garçon était absolument passionnante. Voilà, ça révèle une personnalité extrêmement forte, extrêmement volontaire, qui est née dans un endroit – tout le monde dit que c’est très beau d’ailleurs […] m’enfin… – qui est quand même un petit peu loin de tout, et qui a envie d’apprendre, qui a envie ensuite de travailler pour son pays […]. Voilà. De temps en temps on voit comme ça des personnalités qui marquent. Et alors lui on l’a pris. Y’avait des réticences et j’me suis un peu bagarré pour qu’on lui donne sa chance, j’espère que c’était pas une erreur. […]
– Les réticences c’était pour quelles raisons ?
Le niveau scolaire était un petit peu faible. Il venait effectivement d’un établissement scolaire de X, pas de très très bon niveau et le dossier était un p’tit peu faible. Alors dans ces cas-là on dit : « c’est un pari ». (Homme, direction de Sciences Po et professeur à Sciences Po.)
Y’a eu une période, et certains jurys le font encore et je pense qu’ils le font moins, j’étais totalement hostile à cela, […] y’a des jurys qui faisaient des « paris » et l’expression c’était : on faisait un « pari » ! « Certes ce candidat n’est pas au niveau, mais il s’épanouira à Sciences Po », et ça, l’expérience montre que ces candidats-là on les retrouve en jury de fin d’année, on les trouve à redoubler, et ça la direction de Sciences Po maintenant je crois évite les paris, et c’est aussi bien.
– Et qu’est-ce que ça voulait dire ?
Ben ça voulait dire : il est pas au niveau, mais on espère qu’à Sciences Po il va s’y mettre.
– D’accord, et qu’il avait d’autres qualités ?
Voilà, qu’il avait des qualités de personnalité, que c’était une forte personnalité, qu’il avait un engagement associatif, qu’il avait beaucoup voyagé à l’étranger, etc. (Femme, maître de conférences à Sciences Po.)

59Ces extraits montrent comment la dimension académique concurrence d’autres critères de jugement, et en particulier la prise en compte de la « personnalité » et de « l’engagement », mis en relation dans le premier cas avec une altérité sociale (venir d’un établissement « très difficile ») et géographique. Ces éléments éclairent les résultats de la régression mettant en évidence, toutes choses contrôlées égales par ailleurs, après prise en compte du niveau scolaire, un effet positif d’une bi-nationalité ou d’une nationalité étrangère sur l’admission (modèle 3). Tenant compte des limites de cette variable, cela pourrait révéler une prise en compte indirecte de l’origine migratoire des élèves.

60La concurrence de ces deux logiques fait la particularité de l’épreuve orale et rend son analyse difficile. La prise en compte d’éléments non académiques est réelle, elle tend, toutes choses égales par ailleurs, à favoriser les candidats d’origine étrangère [12] (van Zanten, 2010) et à défavoriser les candidates par rapports aux candidats. Mais les critères scolaires de jugement restent prédominants et pénalisent indirectement les candidats issus de milieux populaires. Ceci interroge sur la capacité à promouvoir l’ouverture sociale à l’entrée dans le supérieur sans accepter de revenir sur le principe de méritocratie scolaire.

Conclusion

61Le CEP interroge sur la capacité d’une grande école à œuvrer en faveur de la justice sociale. Tout d’abord, le poids de cette voie d’admission reste relativement faible (entre 8 % et 10 % des admis). S’il permet de recruter nettement plus d’élèves issus des catégories populaires par rapport aux deux autres voies d’admission, ceux issus des catégories supérieures y restent majoritaires.

62Il questionne également la capacité à s’extraire d’un modèle méritocratique centré sur les aptitudes scolaires. Alors même qu’il entend mettre l’accent sur la singularité des candidats, la réussite académique y demeure le premier critère de sélection.

63L’absence de données sur les caractéristiques ethno-raciales des élèves concernés par cette procédure ne permet pas de saisir de façon rigoureuse l’impact du CEP sur cette dimension de la diversité. Jamais présenté comme un objectif en tant que tel, cet impact est pourtant implicitement présent à travers le ciblage socio-territorial des bénéficiaires. Si l’origine migratoire n’est pas officiellement un critère de discrimination positive, elle est pourtant susceptible de jouer un rôle indirect lors de l’entretien final d’admission, à travers l’association entre un phénotype et une origine supposée. L’ambiguïté demeure et traverse le débat actuel en France sur les statistiques ethniques.

64Plus généralement, le modèle de justice sociale promu à travers le CEP renvoie à un idéal méritocratique qui justifie les inégalités de position à condition qu’elles découlent strictement de qualités individuelles (Duru-Bellat, 2009). Il repose également sur une vision très polarisée du champ de l’enseignement qu’il ne s’agit pas de transformer (Oberti, 2013). D’un côté, le CEP vise à recruter chaque année une centaine d’élèves « méritants » issus d’un nombre limité de lycées déjà déclassés [13] dont on ne cherche pas à changer la position dans cet espace fortement structuré par la ségrégation urbaine. La territorialisation des inégalités sociales et scolaires est telle aujourd’hui qu’en modifier l’inertie semble hors de portée de toute action publique. De l’autre, la procédure par examen, mais aussi la voie internationale, conduisent à recruter massivement des élèves des milieux les plus favorisés issus d’un nombre limité de lycées et de communes. Cette logique conduit à mettre hors jeu un grand nombre de lycéens, ceux issus des classes moyennes et populaires scolarisés dans des lycées « ordinaires », dans lesquels le fait même d’envisager un tel choix, de se sentir « légitime » socialement et scolairement à candidater est moins diffus [14]. L’angle mort d’une telle conception de « l’ouverture sociale » et de la discrimination positive est bien celui des « lycées ordinaires », ceux qui ne sont considérés ni comme des lycées d’élite, ni comme des lycées défavorisés, c’est-à-dire la majorité des lycées en France, dans lesquels les classes moyennes et les classes populaires sont fortement représentées.

Notes

  • [1]
    Dans la suite du texte, CEP désigne « le conventionnement Éducation prioritaire ».
  • [2]
    Voir le site web institutionnel de Sciences Po Paris [https://www.sciencespo.fr/admissions/fr/conventions-education-prioritaire.html, consulté le 22 avril 2020].
  • [3]
    Porté notamment par l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC).
  • [4]
    Les « Conventions ZEP », comme zone d’éducation prioritaire, sont l’ancienne dénomination des « Conventions Éducation prioritaire ».
  • [5]
    Voir la page des admissions en Bachelor : [https://www.sciencespo.fr/admissions/fr/content/admission-au-college-quelle-procedure-dadmission-correspond-votre-situation.html, consultée le 22 avril 2020]. Il existe également une procédure spécifique pour les doubles diplômes qui ne concerne cependant qu’un nombre plus limité d’élèves.
  • [6]
    Voir la page du CEP : [https://www.sciencespo.fr/admissions/fr/cep/presenter-votre-candidature.html, consultée le 22 avril 2020].
  • [7]
    En témoigne les discours quant à la maturité ou la sensibilité des candidats : « Il est frappant de constater que les candidats issus de milieux sociaux plus modestes avaient une maturité et une sensibilité bien plus développées que leurs camarades », Paris, Sciences Po, conférence de presse : « Conventions Éducation prioritaire : résultats de la procédure d’admission », 13 septembre 2001, p. 9.
  • [8]
    Elle est composée de trois parties. La première est un tableau à double entrée proposant 7 critères d’évaluation. La deuxième est destinée à recueillir une appréciation manuscrite de la commission sur le candidat. Dans la dernière, intitulée « Proposition de la commission », figure trois lettres A, B, C, permettant au jury d’indiquer la note globale qu’il propose d’attribuer au candidat.
  • [9]
    On trouve 12 occurrences de l’expression « prestation décevante », dont 10 relatives à des candidates, et 3 de l’expression « entretien décevant », toutes relatives à des candidates.
  • [10]
    Voir l’arbre hiérarchique, la position des classes sur le plan factoriel, ainsi que leurs caractéristiques.
  • [11]
    Ces variations sont probablement corrélées aux caractéristiques sociales des jurés mais notre échantillon ne permet malheureusement pas d’établir ici ce type de corrélations.
  • [12]
    Peut-être l’ensemble des candidats issus des minorités racialisées, mais les variables ici mobilisées ne permettent pas de le vérifier.
  • [13]
    Un peu plus d’une centaine.
  • [14]
    La candidature à Sciences Po ne passe pas par les plateformes en ligne APB puis Parcoursup sur lesquelles les lycéens classent leur choix d’orientation post-bac. Elle nécessite une procédure spécifique qui est susceptible de « décourager » les candidats qui se sentent les moins légitimes.
Français

Cet article vise à interroger les fondements et les effets du modèle de justice sociale promu par le concours Convention Éducation prioritaire (CEP) de Sciences Po Paris. Il s’appuie sur les bases de données du service de la scolarité de Sciences Po, des entretiens avec des candidats et jurés et une analyse lexicale des grilles d’évaluation des entretiens d’admission. Dispositif de discrimination positive « à la française », ce modèle se révèle paradoxal. Il propose une vision renouvelée du mérite comme reconnaissance des talents singuliers, censée relativiser sa dimension strictement académique et rompre avec le principe de standardisation des évaluations. Pourtant, loin de disparaître, cette dimension académique se recompose dans les modalités de sélection et continue de favoriser les meilleurs élèves sur le plan scolaire, dont une partie est issue des classes supérieures, et parmi eux les garçons. Loin d’être homogène, le recrutement du CEP repose sur deux viviers de candidats scolairement, socialement et territorialement contrastés.

  • Justice sociale
  • Discrimination positive
  • Ouverture sociale
  • Enseignement supérieur
  • Grande école
  • Recrutement
  • Sélection
  • Épreuve
  • Annexes

    • En raison de contraintes éditoriales, des éléments prévus par les auteurs dans le corps de l’article ont été placés en annexes. Celles-ci sont disponibles en version numérique sur Cairn.info, associées à ce numéro de la revue : https://doi.org/10.3917/anso.202.0013 [NDLR].
  • Références bibliographiques

    • Allouch A., 2013, L’Ouverture sociale comme configuration : pratiques et processus de sélection et de socialisation des milieux populaires dans les établissements d’élite. Une comparaison France-Angleterre, thèse de doctorat sous la direction d’A. van Zanten à l’Observatoire sociologique du changement/Sciences Po, soutenue le 5 décembre 2013.
    • —, 2017, La Société du concours : l’empire des classements scolaires, Paris, Le Seuil, coll. « La république des idées ».
    • —, 2019, « La revanche du premier recalé », communication au Congrès de l’Association française de sociologie, Aix-en-Provence.
    • Baudelot Chr., Establet R., 1992, Allez les filles !, Paris, Le Seuil.
    • En ligneBereni L., Jaunait A., 2009, « Usages de la diversité », Raisons politiques, 35, 3, p. 5-9. DOI : 10.3917/rai.035.0005.
    • Blanchard M., Orange S., Pierrel A., 2016, Filles + sciences = une équation insoluble ? Enquête sur les classes préparatoires scientifiques, Paris, Éditions Rue d’Ulm.
    • En ligneBoukhobza N., 2005, « Les filles naissent après les garçons. Représentations sociales des populations d’origine maghrébine en France », Revue européenne des migrations internationales, 21, 1, p. 227-242. DOI : 10.4000/remi.2333.
    • En ligneBourdieu P., 1974, « Avenir de classe et causalité du probable », Revue française de sociologie, 15, 1, p. 3-42. DOI : 10.2307/3320261.
    • En ligneBourdieu P., de Saint-Martin, M., 1975, « Les catégories de l’entendement professoral », Actes de la recherche en sciences sociales, 1, 3 : « Les catégories de l’entendement professoral », p. 68-93. DOI : 10.3406/arss.1975.3413.
    • En ligneBuisson-Fenet H., Draelants H., 2010, « Réputation, mimétisme et concurrence : ce que “l’ouverture sociale” fait aux grandes écoles », Sociologies pratiques, 21, 2, p. 67-81. DOI : 10.3917/sopr.021.0067.
    • En ligne—, Landrier S., 2008, « Être ou pas ? Discrimination positive et révélation du rapport au savoir. Le cas d’une “prépa ZEP” de province », Éducation et Sociétés, 21, 1, p. 67-80. DOI : 10.3917/es.021.0067.
    • En ligneDarmon M., 2012, « Sélectionner, élire, prédire : le recrutement des classes préparatoires », Sociétés contemporaines, 86, 2, p. 5-29. DOI : 10.3917/soco.086.0005.
    • Doytcheva M., 2007, Une discrimination positive à la française : ethnicité et territoire dans les politiques de la ville, Paris, La Découverte.
    • Duru-Bellat M., 2009, Le Mérite contre la justice, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques.
    • En ligneFelouzis G., 1997, « Les étudiants et la sélection universitaire », Revue française de pédagogie, 119, p. 91-106. DOI : 10.3406/rfp.1997.1170.
    • En ligneFernández-Vavrik G., Pirone F., van Zanten A., 2018, « Discrimination positive, méritocratie et l’inclusion en tension : les “Conventions Éducation prioritaire” de Sciences Po », Raisons éducatives, 22, 1, p. 19-47. DOI : 10.3917/raised.022.0019.
    • Karabel J., 2005, The Chosen: The Hidden History of Admission and Exclusion at Harvard, Yale, and Princeton, Boston/New York, Houghton Mifflin Harcourt.
    • En ligneKhan S. R., 2016, « The education of elites in the United States », L’Année sociologique, 66, 1, p. 171-192.
    • En ligneOberti M., 2013, « Politique “d’ouverture sociale”, ségrégation et inégalités urbaines : le cas de Sciences Po en Île-de-France », Sociologie, 4, 3, p. 269-289. DOI : 10.3917/socio.043.0269.
    • En ligneOberti M., Préteceille E., 2016, La Ségrégation urbaine, Paris, La Découverte.
    • Pavie A., 2015, La « diversité » à l’épreuve – Les effets du dispositif d’ouverture sociale CEP sur le recrutement à Sciences Po, mémoire de recherche, ENS de Cachan.
    • En lignePréteceille E., 2018, « Dynamique et diversité des classes moyennes dans la métropole parisienne » dans Authier J.-Y., Collet A., Giraud C., Rivière C., Tissot S., Les Bobos n’existent pas, Lyon, Presses universitaires de Lyon, p. 119-149.
    • En ligneSabbagh D., 2006, « Une convergence problématique : les stratégies de légitimation de la “discrimination positive” dans l’enseignement supérieur aux États-Unis et en France », Politix, 73, 1, p. 211-229. DOI : 10.3917/pox.073.0211.
    • En lignevan Zanten A., 2010, « L’ouverture sociale des grandes écoles : diversification des élites ou renouveau des politiques publiques d’éducation ? », Sociétés contemporaines, 79, 3, p. 69-95. DOI : 10.3917/soco.079.0069.
    • En ligneVerdier É., 2001, « La France a-t-elle changé de régime d’éducation et de formation ? », Formation Emploi, 76, 1 : « 30 ans d’analyses des relations entre travail, emploi et formation », p. 1-34. DOI : 10.3406/forem.2001.2444.
Marco Oberti
Marco Oberti est professeur de sociologie à Sciences Po et chercheur à l’Observatoire sociologique du changement. Ses travaux portent sur les classes sociales et les inégalités urbaines et scolaires, abordées sous l’angle de la ségrégation. Il mène actuellement des recherches sur les choix scolaires et résidentiels des classes moyennes et l’accès aux filières sélectives de l’enseignement supérieur. Il a récemment publié : « Urban and school segregation in Paris: The complexity of contextual effects on school achievement: The case of middle schools in the Paris metropolitan area » (avec Y. Savina, Urban Studies, 56, 15, 2019, p. 3117-3142).
Alice Pavie
Alice Pavie est doctorante en sociologie et monitrice à l’université d’Aix-Marseille. Sa thèse – dirigée par Philippe Vitale (LAMES) et Laure Bereni (CMH) – porte sur les dispositifs d’ouverture sociale et les programmes de tutorat qui visent les élèves de l’éducation prioritaire. Elle a également travaillé sur le recrutement des classes préparatoires et des grandes écoles scientifiques. Elle est membre de l’équipe de recherche sur le dispositif Parcours d’excellence dirigée par Ariane Richard-Bossez.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 24/08/2020
https://doi.org/10.3917/anso.202.0395
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...