CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 La question des liens que les organisations entretiennent avec leur environnement ne s’est que lentement imposée dans l’étude des organisations. Dans les travaux que les sociologues américains consacrent aux bureaucraties dans les années 1950, et à l’exception de la célèbre analyse où Selznick (1949) explore les relations de cooptation que la Tennessee Valley Authority noue avec son envi­ronnement, l’attention se concentre avant tout sur les dyna­miques internes de systèmes conçus comme largement autonomes. Cependant, l’intérêt porté à l’environnement des organisations pour comprendre les dynamiques qui les affectent va progressivement s’imposer à l’ensemble des programmes de recherche de la sociologie des organisations (Davis, Cobb, 2010).

2 On peut très schématiquement distinguer deux grandes lignes d’interrogation dans ces travaux. Selon la première, que l’on peut qualifier de morphologique, il est capital de replacer l’organisation dans un espace plus vaste, dont on peut s’attacher à décrire la structure (White, 1981 ; Mizruchi, 1982) ou dont on montre qu’il joue un rôle déterminant pour comprendre pourquoi les organisations adoptent telle forme ou telle stratégie (DiMaggio, Powell, 1983). La seconde perspective se concentre sur les mécanismes d’articulation entre cette organisation et l’espace qui lui est extérieur : certains, comme les tenants de la contingence structurelle, mettent en avant l’adaptation des organisations à la nature (plus ou moins turbulente) de leur environnement (Lawrence, Lorsch, 1967) tandis que d’autres, comme les théoriciens de la dépendance des ressources, insistent sur la manière dont les organisations travaillent cet environnement pour le maîtriser (Pfeffer, Salancik, 1978). La notion de relais d’environnement développée par Michel Crozier et Erhard Friedberg dans L’Acteur et le Système (Crozier, Friedberg, 1977) permet de concilier ces deux alternatives. L’organisation peut être totalement phagocytée par son environnement comme elle peut le contrôler et le tenir sous dépendance : tout dépend de la capacité de certains acteurs de l’organisation à se constituer ou à disposer de ressources leur permettant d’acquérir de la connaissance sur certains segments de leur environnement, et à les maîtriser. Ces deux veines ne s’ignorent évidemment pas : décrire la structure de l’environnement d’une organisation permet de comprendre pourquoi et comment cette organisation tente de le maîtriser. C’est en les combinant que des conclusions plus radicales ont aussi été avancées : ainsi pour Friedberg (1992), si l’on se centre sur les mécanismes d’échange, c’est le système d’acteurs qui chevauche la frontière formelle qui sépare l’organisation et ce qui l’entoure qui est déterminant et à la distinction entre les organisations et leur espace d’inscription doit se substituer la vaste continuité indistincte de systèmes d’acteurs noués les uns aux autres.

3 Dans cet article, nous nous proposons de reprendre ces interrogations désormais classiques de sociologie des organisations, en investiguant un aspect de l’environnement organisationnel qui a été moins exploré dans sa relation aux organisations : le marché du travail. Comme Crozier et Friedberg, nous montrerons que cette relation varie et qu’on ne peut, pour un secteur d’activité donné, décrire une modalité unique de relation entre organisation et marché du travail. En revanche, et contrairement à ces deux auteurs, nous avancerons que ces variations s’expliquent moins par la capacité stratégique de certains acteurs que par la nature du travail effectué et la manière dont il est alloué : il y a ainsi un lien entre d’une part, le type de tâches à effectuer, leur attribution et leur contrôle, et, d’autre part, le type de recrutement et de contrat de travail des personnes qui les effectuent. Si l’on admet que le réseau d’interdépendances qui lie l’organisation à son environnement repose sur un ensemble de rela­tions stabilisées que nous désignerons comme un agencement, nous montrerons que les conclusions radicales tirées par Friedberg ne s’appliquent qu’à certains agencements où l’organisation manque à ce point d’épaisseur et d’intégration qu’elle ne peut plus être distinguée de son environnement. Dans d’autres agencements en revanche, les mécanismes d’intégration et de contrôle sont tels que récuser cette distinction appauvrit l’analyse : sur un plan théorique, la notion d’organisation doit donc bien être conservée.

4 Pour mener à bien notre démonstration, nous adopterons un triple parti-pris. Le premier consiste à réunir des littératures qui, le plus souvent, s’ignorent [1] et nous proposons ici de faire nôtre l’intuition avancée par A. Sørensen (1994) lorsqu’il affirme que l’on ne peut étudier les marchés du travail sans faire la sociologie des organisations qui agissent sur ces marchés.

5 Le second parti pris est de dépasser la complexité des notions d’organisation et de marché, en les définissant à partir de dimensions tirées de la littérature et pouvant être empiriquement étudiées et qualifiées. Suivant en cela les propositions de Thoenig (1998), nous associerons la notion d’organisation aux dimensions d’intégration verticale et d’intégration horizontale. La première renvoie spontanément à l’existence d’une hiérarchie : on s’intéressera donc plus particulièrement à la division du travail et aux modalités de contrôle de leur bonne exécution ainsi qu’aux rôles des responsables hiérarchiques dans l’exercice du contrôle. Cela permettra d’apprécier si la hiérarchie reste le principe d’intégration verticale ou bien si elle est remplacée, comme le suggèrent des travaux des années 1990, par des mécanismes de marché ou des effets de réseaux (voir par exemple, Powell 1990 ; Podolny, Page, 1998). Mais nous serons aussi attentifs aux formes horizontales d’intégration et notamment au degré d’interdépendance fonctionnelle, ou à la force du couplage, qui lient les tâches et les personnes, ainsi qu’à la manière dont les individus sont liés au collectif, à la force de la conscience collective qu’ils partagent (Durkheim, 1990).

6 Pour définir les marchés du travail, nous partirons de la définition du marché que donne Max Weber quand il écrit que :

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on doit parler de marché dès que, ne serait-ce que d’un côté, une majorité de candidats à l’échange entrent en concurrence pour des chances d’échange. (Weber, 1995b [1922], p. 410).

8 Autrement dit, pour Weber, un marché combine deux formes d’interaction (Swedberg, 1998 ; François, 2008). La première est la concurrence qui survient entre offreurs et entre demandeurs et on se demandera quels avantages compétitifs les employeurs mettent en avant pour attirer des demandeurs d’emploi et réciproquement quelles ressources sont mobilisées par les demandeurs d’emploi pour retenir l’attention d’employeurs. La seconde est l’échange. Sur un marché du travail (François, 2005), cet échange consiste, d’une part, en une relation de recrutement qui organise la rencontre entre l’offreur et le demandeur d’emploi (Eymard-Duvernay, Marchal, 1997) et, d’autre part, en une relation d’emploi qui varie elle-même selon divers aspects (Garnier, 1986 ; Reynaud, 1992 ; Supiot, 2002 ; Castel, 1999 ; Menger, 2003) : sa durée, le salaire proposé en échange du travail effectué, etc.

9 Le troisième et dernier parti-pris consiste à adopter une démarche comparative qui rapproche deux secteurs d’activités – celui de la musique sérieuse et de l’enseignement supérieur sur lesquels les deux auteurs de ce texte ont respectivement travaillé [2] – pour nous interroger sur le lien entre type de marché du travail et type d’organisation du travail. Si notre démarche dans ce texte est bien comparative, elle ne repose pas sur une recherche conçue dès le départ comme comparative : c’est à l’occasion d’une réflexion croisée sur les mondes universitaires et ceux de la musique sérieuse que nous avons mené une analyse secondaire de nos différentes enquêtes pour questionner le lien entre organisation et marché. Or, il est vite apparu que la confrontation de ces deux mondes est éminemment pertinente. Ils présentent l’un et l’autre l’intérêt de recourir à une variété de relations d’emploi – des vacations aux contrats indéterminés – attachées à définir le lien entre un employeur et un salarié très fortement qualifié : parcourir ces deux secteurs permet de balayer l’ensemble du spectre défini par l’hétérogénéité des formes contemporaines d’emploi. Le monde musical comme le monde universitaire sont par ailleurs structurés autour d’un large éventail de formes organisationnelles (des ensembles temporaires aux universités) qui toutes empruntent aux traits typiques des organisations créatives étudiées de longue date par la sociologie des organisations, tout en réservant une part importante de l’activité de leurs membres à des tâches routinières. Pour ces deux secteurs, c’est par ailleurs sur le marché du travail que l’inscription marchande des organisations fait peser les contraintes les plus impérieuses : en effet, celles attachées à l’inscription des organisations sur le marché de leurs produits sont certes croissantes, mais elles sont tempérées par l’importance des financements publics, directs ou indirects. Parallèlement, ces deux mondes présentent aussi des différences. Chez les musiciens, on observe une plus grande variété de formes organisationnelles (du trio réuni pour une prise à l’orchestre permanent) alors que chez les universitaires une forme organisationnelle (l’université) abrite toutes sortes de modalités d’emploi (du vacataire au fonctionnaire). Mais surtout la nature du travail est fondamentalement différente : la très forte interdépendance fonctionnelle qui lie les musiciens pour parvenir à produire collectivement une œuvre contraste avec le caractère faiblement couplé du travail universitaire (Weick 1976 ; Musselin 2006).

10 L’article s’appuie sur une synthèse de travaux portant sur les marchés et l’organisation du travail universitaire et musical. Ces travaux montrent en particulier que l’hétérogénéité imputable aux configurations internationales varie d’un secteur à l’autre : encore très prononcée au sein du monde universitaire, elle est beaucoup plus réduite au sein du monde musical. Dans ce dernier secteur, les formes organisationnelles sont soit très standardisées (c’est le cas, en particulier, des orchestres permanents), soit liées à des concentrations de main d’œuvre à ce point rares qu’on ne les rencontre que dans un ou deux pays. Les marchés du travail et les organisations universitaires connaissent au contraire des variations qui peuvent aisément s’indexer sur des spécificités nationales. Ces travaux, enfin, sont pour l’essentiel qualitatifs. Sur le monde musical, les très précieuses synthèses quantitatives dont on dispose (voir par exemple Coulangeon, 2004) prennent l’individu comme unité d’analyse et sont très peu sensibles aux spécificités organisationnelles des collectifs au sein desquels ils s’insèrent, et moins encore à leur articulation aux marchés du travail. Sur le monde universitaire, s’il existe des pays (comme la Grande Bretagne ou les États-Unis) où les évolutions par type d’emplois sont assez bien documentées, le suivi des emplois non permanents est généralement peu pratiqué. La comparaison internationale est par ailleurs compliquée par l’idiosyncrasie des systèmes de gestion des carrières.

11 Par-delà ces divergences et convergences que nous aurons l’occasion de convoquer par la suite, la comparaison entre ces deux secteurs, révèle trois principales formes de marchés du travail renvoyant chacune à une forme de relation d’emploi (spot, répétée et permanente), et qui correspondent chacune terme à terme à trois principales formes d’organisation (éphémère, quasi-firmes et organisations stables). Nous consacrerons les trois sections de cet article à chacune des paires ainsi observées et explorerons ce qu’elles nous apprennent sur le lien organisation-marché du travail.

Organisations éphémères et contrats « Spot »

12 Dans cette section, notre analyse portera sur les organisations éphémères, c’est-à-dire des projets qui peuvent se constituer pour quelques heures, pour plusieurs mois, ou pour quelques d’années. Nous constaterons que les formes d’emploi mobilisées pour ces organisations temporaires, limitées dans le temps, ne donnent pas, ou rarement, lieu à reconduction dans la même structure. Dans la musique sérieuse comme à l’université, c’est, disons-le d’emblée, le cas de figure le moins fréquent, ce qui ne le rend pas moins intéressant

Les organisations éphémères : des organisations verticales peu intégrées

13 Le meilleur exemple de telles organisations, et peut-être le plus extrême, est observable au sein du monde musical londonien. Haut lieu de la musique enregistrée depuis les années 1930 (Ehrlich, 1985), Londres, avec le développement des techniques modernes d’enregistrement, et sa concentration de phalanges symphoniques de renom, a attiré de prestigieux producteurs de disque (EMI, Decca, etc.) (François, 1998). Mais parallèlement, d’autres producteurs, moins en vue, se sont eux aussi installés dans la capitale anglaise pour profiter de moyens techniques exceptionnels et réaliser, en série, des enregistrements de musiques de films, de jingles publicitaires ou de musique d’ambiance. Des musiciens free lance, surnommés « requins », courent le cachet en passant, de l’enregistrement de la B.O. du dernier film de George Lucas à celui de la version symphonique des fantaisies post-psychédéliques de Yes. Le producteur qui a besoin de réunir un orchestre symphonique se tourne alors vers un professional fixer, dont le travail consiste à rassembler les musiciens nécessaires à l’enregistrement. Il dispose des coordonnées de plusieurs centaines de musiciens qu’il va engager et dont il va gérer les contrats. Le jour fixé, les musiciens se retrouvent dans le studio. Les pupitres rassemblent des instrumentistes qui, le plus souvent, n’ont jamais joué ensemble. Ils sont tous d’excellents lecteurs : on leur attribue une place, ils s’assoient, feuillettent la partition. Cette population de musiciens « a dans les doigts », les œuvres standard du répertoire. Le chef arrive, salue brièvement des musiciens qu’il n’a, pour la plupart, jamais vus, et lance l’enregistrement. Sitôt achevé le service – toujours ponctuellement, les règles syndicales sont strictes – il signe les feuillets d’émargement, range son instrument et quitte le studio.

14 L’intégration du musicien à ces collectifs d’un jour est donc des plus faibles. Si les techniques du corps classiquement utilisées par les musiciens pour se coordonner – respiration, accentuation des gestes, regards échangés (Schütz, 1984 ; François, 2002) – sont bien mobilisées, les apprentissages collectifs que l’on peut constater dans des collectifs stables sont ici inexistants. Le « requin » de Londres enchaîne les cachets et son intégration est minimale : les tâches sont distribuées de manière verticale et le musicien ne négocie rien de ce qu’il joue, de son engagement ou du travail qu’il réalise. Le contrôle qui s’exerce sur lui se joue aux marges de l’« organisation » : s’il ne respecte pas les exigences minimales qui lui sont fixées – ponctualité, fiabilité, rapidité du déchiffrage, propreté du travail d’interprétation – le fixer le rayera définitivement de ses listes pléthoriques.

15 Dans le monde universitaire, on ne rencontre pas d’enseignants exerçant leur activité complètement en free lance qui, à l’instar des « requins » londoniens, n’interviendraient que pour quelques heures, aujourd’hui dans tel établissement et demain dans tel autre, sans aucun rattachement s’inscrivant dans la durée. Cependant, les emplois universitaires non reconduits existent et deviennent de plus en plus fréquents. Dans une recherche menée sur les post-doctorants (post-docs) étrangers dans les laboratoires publics et privés français (Dedieu, Musselin, 2004), nous avions observé que la plupart des personnes rencontrées bénéficiaient rarement de contrats de plus de deux ans et occupaient souvent un contrat d’une année, et que leur séjour en France s’inscrivait pour certains dans une succession de contrats dans des institutions différentes (et souvent des pays différents) plutôt que dans une reconduction de contrats avec le même employeur. En France, ce type de trajectoires se développe à la faveur de la disparition du modèle mandarinal qui liait un professeur titulaire de chaire à un groupe d’assistants dont les contrats étaient reconduits sur place jusqu’à ce qu’un poste permanent s’ouvre (Musselin, Sabatier, Pigeyre, 2011) : aujourd’hui, il est devenu usuel de confier des activités de recherche à des personnels employés sur des contrats de courte durée, mais qui sont beaucoup plus rarement reconduits. Ces emplois sont des sas obligés, mais incertains, vers des carrières plus stables et représentent une part croissante des engagements scientifiques, notamment dans les sciences dures et dans les pays de tradition universitaire anglo-saxonne [3].

16 Comparées aux ensembles fugitifs londoniens, les formes organisées qui abritent ces emplois sont certes moins éphémères puisque les projets de recherche durent plusieurs mois plutôt que quelques heures et rassemblent personnels permanents et personnels temporaires. Cependant, la nature des tâches exécutées pendant ces engagements est presque aussi spécialisée que celle des musiciens. Les post-docs intègrent une équipe de recherche, puis une autre, pour y réaliser essentiellement des tâches de recherche et le contenu du travail à effectuer est largement défini par le chef d’équipe qui dirige le projet.

17 Les traits organisationnels universitaires sont donc similaires à ceux décrits pour le monde musical : ces post-docs ne peuvent certes adopter un comportement aussi détaché et désocialisé que le violoniste londonien et prennent part à la vie collective de leur équipe, boivent le café avec leurs collègues, ou déjeunent avec eux, mais chacun sait – ceux qui occupent ces emplois, comme ceux avec lesquels ils travaillent – que sauf situation exceptionnelle, ils ne resteront pas dans cette structure de recherche. Leurs collègues du moment nous ont d’ailleurs dit dans l’enquête de 2004 qu’ils ne se sentaient en rien obligés de les aider à accéder à une nouvelle étape. Leur engagement sur place est par conséquent limité et leur investissement plutôt instrumental : ils essaient de profiter des conditions intellectuelles et des équipements le temps de leur présence afin d’optimiser le rendement de leur séjour, ce dont bénéficie en retour le laboratoire d’accueil si le post-doc a été talentueux et productif. Le contrôle de l’activité du post-doc s’exerce par conséquent moins à l’intérieur du laboratoire que par le marché du travail sur lequel il doit se représenter à l’issue de son engagement pour trouver une nouvelle structure d’accueil.

Contrats Spots

18 Musiciens ou universitaires, les bénéficiaires de ces emplois sont contraints de repasser fréquemment sur le marché du travail. Les modalités d’appariement y sont informelles et déléguées et elles relèvent du régime du réseau (Eymard-Duvernay, Marchal, 1997). Le responsable du projet de recherche repère les candidats potentiels, le plus souvent en mobilisant son réseau d’interconnaissances [4] et choisit celui qui rejoindra l’équipe ; au sein d’un ensemble musical, le chef de pupitre utilisera son carnet d’adresses et ses collaborations passées pour engager le musicien dont il aura besoin – le cas des fixers londoniens étant un cas extrême. L’appariement est donc laissé aux bons soins des musiciens ou scientifiques qui occupent une place hiérarchique dans l’organisation et sont aussi souvent les futurs supérieurs des personnes recrutées.

19 Les appariements réalisés n’ayant pas vocation à devenir durables, les logiques concurrentielles des offreurs et des demandeurs ne visent pas à conserver une place acquise. Elles reposent donc sur des stratégies de distinction (proposer des ressources ou des prestations supérieures à celles des autres concurrents) et de publicisation (le faire savoir). Les musiciens ou les jeunes chercheurs s’appuient eux aussi sur des logiques de réseau. Pour les premiers, ces éléments sont étroitement attachés à l’individu et à lui seul : les effets attachés au diplôme restent faibles, comme le fait d’avoir suivi l’enseignement de tel musicien, ou encore d’avoir collaboré avec tel ensemble prestigieux. Pour les seconds, réseaux et réputation sont principalement attachés aux institutions (laboratoire ou université) ou mentors qu’ils ont fréquentés durant leur thèse ou au cours d’un précédent post-doctorat.

20 La concurrence qui s’établit entre les employeurs repose quant à elle sur leur capacité à proposer des prestations supérieures à celles de leurs concurrents. Dans le cas des musiciens, cela renvoie essentiellement à des considérations économiques : montant du cachet, nombre des prestations demandées, emplois déclarés ou non. Réserver longtemps à l’avance un musicien permet aussi de prendre le pas sur les concurrents en offrant à celui-ci la possibilité d’anticiper son activité plusieurs mois à l’avance. Du côté des laboratoires, la dimension salariale est souvent moins attractive que la durée du financement proposé ou les conditions du travail quotidien (présence d’un bureau et des ressources logistiques de base, etc.) : dans l’enquête déjà citée plus haut (Dedieu, Musselin, 2004), ces éléments étaient plus souvent mis en avant que le montant de la rémunération car les post-docs étrangers rencontrés redoutaient les contrats d’un an (qui les contraignaient à passer une partie de leur temps à trouver le financement qui leur permettrait de vivre l’année suivante plutôt qu’à enrichir leur CV) ou les laboratoires qui ne pourraient leur permettre d’assister aux conférences internationales indispensables à la constitution de leur réseau. Dans les deux secteurs, la concurrence repose par ailleurs sur une base personnalisée, liée à l’attractivité ou à la réputation de certains des partenaires de travail que le candidat sait pouvoir retrouver dans telle ou telle structure : un post-doc rejoindra plus volontiers l’équipe d’un chercheur internationalement reconnu comme un musicien sera tenté de répondre aux invitations d’un chef renommé même si les prestations économiques ne sont pas attractives. Prestations économiques, réputations individuelles et qualités organisationnelles se combinent ainsi en un faisceau complexe pour envoyer des signaux aux candidats potentiels.

21 Enfin, dans ce premier agencement, la relation d’emploi est fondée sur des rémunérations ponctuelles et des contrats à durée déterminée ou cachets non reconduits : elle est l’incarnation idéal-typique du transactionnal contract de Rousseau (1990) : un échange monétaire validant une prestation valant pour un temps déterminé, fondée sur la mobilisation de compétences spécifiques pour la réalisation de tâches elles-mêmes spécialisées.

Quand l’organisation et le marché du travail se confondent

22 Dans ce premier cas de figure, la frontière entre organisation et marché du travail est difficile à tracer, tant cette forme d’organisation requiert peu d’intégration en dehors de la relation verticale qui s’exerce sur ceux qui occupent un emploi non reconduit. Même l’exercice de la hiérarchie est spécifique. Il peut être très bref (le temps de l’enregistrement d’un jingle) et, surtout, le contrôle revient au marché lui-même : l’employé est appelé à retourner sur le marché du travail et c’est ce dernier qui en dernier lieu sanctionne la qualité de la tâche effectuée. La trajectoire future de ces employés temporaires révèlera la valeur de leur travail passé : ils acquièrent une réputation par une succession de contrats dont l’enchaînement est lié aux expériences qu’ils ont progressivement accumulées, mais aussi un statut par le transfert sur leur personne du statut des différents employeurs qui ont eu recours à eux (Podolny, 2005 ; Uzzi, Spiro, 2005). Ces engagements successifs sont un moyen pour le travailleur temporaire d’accumuler des avantages concurrentiels.

23 La faible exigence d’intégration propre à ces organisations éphémères tient à ce que les activités à réaliser sont ciblées, spécialisées, qu’elles demandent de la technicité mais qu’elles ne nécessitent pas d’apprentissages collectifs : ce qu’acquièrent les employeurs quand ils recrutent par contrat spot, c’est une prestation de service plus que de la force de travail. Il s’agit donc d’activités circonscrites et de ce fait définissables en amont de manière formelle, et dont la contrepartie (en salaires, en conditions de travail, en durée du contrat) peut être précisément définie. Ce type d’organisation correspond ainsi, intégralement pour les ensembles musicaux et partiellement pour les projets de recherche, à ce que les économistes décrivent comme un « nexus of contracts » (Aoki, 1990) : organisation et marché sont étroitement arrimés puisque les mécanismes intégrateurs de la première sont assimilables aux régulations marchandes par lesquelles elle se constitue.

Contrats répétés et quasi-firmes

24 Des organisations aussi peu intégrées que celles que nous venons de décrire sont cependant rares. Les programmes de recherche sur contrat (quand ils se succèdent sur une même thématique ou se construisent autour d’un équipement spécifique), mais aussi les enseignements délivrés par des vacataires, peuvent, tout en restant temporaires, nécessiter des compétences et des expériences accumulées, liées à un collectif de travail relativement stabilisé. Ainsi, aux États-Unis, le nombre d’enseignants non permanents à temps partiel et de vacataires d’enseignement (adjuncts) n’a cessé de croître [5], mais beaucoup d’entre eux sont des « contractuels permanents », qui travaillent de manière répétée et dans la durée avec le ou les même(s) établissement(s) (Ehrenberg, 2005, p. 4).

25 De la même façon, des ensembles musicaux amenés à se produire en tournées, ou à développer un répertoire, n’ont pas seulement besoin de musiciens techniquement affutés, mais aussi de tuttistes et de solistes qui, par leur jeu collectif et leur interconnaissance mutuelle, vont produire un son particulier et développer quelques routines. Les ensembles de musique ancienne en sont une incarnation paradigmatique (François, 2005). Ils rassemblent des musiciens dont ils ont besoin, les font répéter et partir en tournée avant qu’ils ne retournent sur le marché du travail honorer d’autres engagements. En exploitant les archives des Arts Florissants sur une dizaine d’années, François (2005) a montré que le renouvellement des différents pupitres, sans être jamais négligeable, s’effectue à la marge : les Arts Florissants sont pourvus par un pool de musiciens relativement stables, même si entre un quart et un tiers des effectifs sont renouvelés chaque année. La cohérence des différents pupitres est assurée par l’existence d’un noyau réduit de musiciens qui assurent régulièrement la plus grosse part du travail, tandis que d’autres instrumentistes sont appelés plus ponctuellement. Pour saisir la distribution de l’emploi entre les musiciens, c’est la métaphore de l’oignon qui décrit le mieux celle des ensembles d’intermittents : plus on est proche du centre, plus on concentre d’emplois ; plus on s’éloigne vers la périphérie, plus les collaborations sont épisodiques (François, 2002 ; voir également Manwaring, 1984).

26 Or, comme les contrats spot, les contrats répétés correspondent à des organisations du travail spécifiques.

Des organisations assimilables à des quasi-firmes

27 Cette pratique du contrat répété, dans des organisations dont l’activité est récurrente mais irrégulière a déjà été analysée par Eccles (1981) dans son étude de l’industrie du bâtiment : les projets de construction se produisent de loin en loin, mais, dès qu’un contrat est signé, il est souvent fait appel aux mêmes sous-traitants que pour les précédents contrats. Eccles parle de quasi-firme pour qualifier une organisation qui n’est

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ni complètement une firme verticalement intégrée, ni une collection de firmes engendrée par de pures transactions marchandes, et pas non plus une structure bilatérale impliquant un et un seul contractant dans chaque échange (un ensemble de relations monopolistiques), [et qui] passe d’un projet à un autre. (Eccles, 1981, p. 352, notre traduction).

29 S’il met bien l’accent sur la relative stabilité de ces relations, Eccles ne s’interroge pas sur les caractéristiques des organisations qui recourent à ces contrats répétés. Pourtant, dans les mondes musicaux et universitaires, ces quasi-firmes possèdent des traits spécifiques.

30 Les tâches de chaque acteur au sein du collectif, tout d’abord, sont plus négociées et moins spécialisées que dans les organisations éphémères. Certes, le musicien engagé la première fois dans un ensemble qui part en tournée ou le post-doc qui entre dans un nouveau groupe de recherche ne va pas négocier d’emblée avec son nouvel employeur les tâches qui lui faudra remplir. Mais la répétition des engagements ouvre progressivement l’espace de discussion. Les intitulés, le contenu et les horaires des cours s’amendent à mesure que le nouveau venu s’installe dans l’institution. Il prend aussi fréquemment part à des tâches qui le font sortir du rôle étroit qui était le sien au départ, en participant davantage à la vie du collectif : les enseignants vacataires sont invités à assister au séminaire du département, tandis que les post-docs peuvent être sollicités pour donner des cours. De même, le musicien qui revient régulièrement dans un ensemble négociera progressivement certains de ses engagements et pourra, par exemple, réclamer de tenir plusieurs parties lors d’une même production. Il acceptera aussi de sortir de son rôle, en donnant le coup de main pour installer les chaises ou pour préparer le matériel d’orchestre. Même si l’éventail des tâches que peut assurer le musicien est moins étendu que le spectre couvert par l’universitaire, on est loin, on le voit, de la spécialisation étroite qui était celle du jeune chercheur ou surtout du musicien mercenaire.

31 Par ailleurs, parce que dans ces organisations la possibilité d’une reconduction des engagements n’est pas a priori exclue, le contrôle n’est plus exclusivement livré au marché mais est, partiellement au moins, internalisé. Le musicien ou l’universitaire qui travaille régulièrement avec un ensemble (un département) est placé en permanence sous le regard de ses pairs qui exercent sur lui un contrôle.

32 Ce contrôle horizontal ne se traduit pas mécaniquement, en cas de défaillance, par un arrêt de la collaboration : des amendements progressifs sont demandés à l’intérieur du collectif de travail au musicien ou au jeune chercheur. Le travail musical supposant une collaboration permanente de tous les acteurs, les regards que les collègues de pupitre portent les uns sur les autres sont plus fréquents, plus aigus et plus partagés que dans le travail universitaire. Par ailleurs, les engagements d’un musicien excèdent rarement deux ou trois semaines, là où ils peuvent atteindre plusieurs années pour les universitaires. De ce fait, si le problème demeure, la collaboration peut certes s’interrompre dans les deux cas, mais la rupture sera plus progressive au sein du monde musical : un musicien qui ne donne pas satisfaction sur un premier engagement se verra signifier ses faiblesses, souvent discrètement, mais c’est au bout de plusieurs réengagements insatisfaisants qu’il ne sera plus rappelé alors qu’un universitaire contractuel qui ne donne pas satisfaction se verra rarement attribuer une seconde chance.

33 Le plus fort degré d’intégration dans ces quasi-firmes peut aussi se manifester par l’émergence de possibilités (limitées) de progression de carrière : certaines universités américaines offrent ainsi aux adjuncts des promotions de lecturer à senior lecturer (Ehrenberg, 2005). Dans les ensembles musicaux, la reconnaissance d’un chanteur fiable et rigoureux, mais trop peu talentueux pour être soliste de plein exercice, pourra mener à ce qu’il se voit confier un trait particulièrement exposé.

34 La différence la plus flagrante entre la quasi-firme et l’entreprise éphémère concerne le niveau d’intégration horizontale. Les personnels temporaires dont les contrats sont répétés développent un plus fort sentiment d’appartenance envers l’organisation qui les emploie tandis que celle-ci acquiert, grâce à la plus forte stabilité de ses employés, un caractère qui lui est propre. L’identité des ensembles de musique ancienne émerge ainsi des interactions répétées des musiciens dont ils reconduisent les engagements (François, 2002). Du côté des universitaires, l’interdépendance fonctionnelle étant moins forte, ce phénomène est moins flagrant, mais les vacataires et post-docs qui bénéficient de contrats répétés sont souvent plus sensibles et attachés aux normes et valeurs institutionnelles de leur établissement que les personnels qui savent que, de toute façon, les chances d’obtenir un nouveau contrat sont très faibles.

Un marché de contrats temporaires répétés

35 Les quasi-firmes que constituent les ensembles de musique ancienne ou certaines activités universitaires, renvoient à des logiques compétitives spécifiques entre les employeurs et entre les employés, ainsi qu’à des modalités de rencontre particulières entre offre et demande d’emplois, fortement marquées par la dynamique de reconduction des contrats.

36 Pour le tout premier engagement, les logiques de réseau et les signaux réputationnels décrits plus haut prévalent. Mais lorsqu’il est reconduit, les différences se font jour : les employeurs ne s’engagent pas dans une nouvelle exploration de l’ensemble des offreurs, mais commencent par envisager la reconduction de certaines de leurs collaborations précédentes. Pour employer la distinction de Rees (1966), ils suivent une logique intensive beaucoup plus qu’extensive : ils concentrent leur attention sur un petit nombre de candidats et approfondissent la connaissance qu’ils en ont. Cette prise d’information intensive obéit elle aussi à des logiques informelles : chez les musiciens, on recourt rarement à des épreuves formalisées comme les auditions et dans le monde universitaire le recours à des dispositifs explicites est tout aussi rare en cas de reconduction.

37 La logique de stabilisation propre à cette forme de production façonne également les stratégies concurrentielles des offreurs et des demandeurs. Du côté des employeurs, elles ne sont pas foncièrement différentes de celles décrites pour les emplois non répétés, mais elles s’incarnent et se pondèrent différemment. Les prestations économiques jouent moins par leur montant que par la perspective d’une possible reconduction. La qualité du projet de la phalange ou du projet de recherche détermine enfin beaucoup plus les structures d’opportunité qu’elle ne le faisait pour les emplois éphémères : le statut de celui qui y collaborera durablement sera associé à celui de l’ensemble ou du département.

38 La stabilisation des emplois affecte aussi sensiblement les ressorts de la concurrence entre les offreurs de travail. En effet, l’enjeu pour eux est d’accumuler des investissements spécifiques qui contribueront à les rendre moins substituables. Parce qu’il connaît les méthodes de recherche et la littérature mobilisées par le laboratoire d’accueil, parce qu’il est familier des équipements mis à sa disposition, parce qu’il a su s’adapter au public étudiant, l’universitaire contractuel sera plus difficilement remplacé. De même, le travail collectif et les réglages permanents que suppose le travail musical s’effectuent beaucoup plus facilement au sein d’un effectif stable où des routines partagées, non transposables mais difficilement transmissibles, se sont progressivement définies. La concurrence entre offreurs suit donc ici le schéma classique de la clôture identifié par Weber (1995a) : la lutte contre les concurrents revient à empêcher d’autres musiciens ou universitaires d’accéder à l’emploi qu’on occupe. Cette clôture est consolidée et reconduite par les employeurs eux-mêmes, qui y voient une opportunité de limiter l’incertitude à laquelle ils font face sur le marché du travail, et d’améliorer la qualité du travail collectif. Parce qu’elle repose sur des mécanismes informels, cette clôture reste cependant toujours partielle, régulièrement soumise à l’épreuve.

Une démarcation plus nette entre organisations et marchés

39 Sans rompre complètement avec ce que nous avons observé pour les contrats spots et les organisations éphémères, ce second agencement s’en distingue par le fait que les contrats temporaires tendent à être reconduits et que intégration horizontale et dynamique collective y sont beaucoup plus marquées.

40 Dans les quasi-firmes, le fait de travailler avec un noyau relativement stable de personnes pendant un certain temps produit un bénéfice collectif qui n’est pas sans effet sur les produits et les services offerts. La succession des contrats permet de réaliser des activités plus complexes, qui nécessitent un apprentissage collectif et produisent des actifs spécifiques. Dans le monde musical, cela est nécessaire pour produire un son collectif original. Dans le monde universitaire, cela participe d’une dynamique de maintien et d’entretien d’une identité partagée, mais surtout de compétences et connaissances partagées, entre des acteurs dont les activités sont par ailleurs assez faiblement couplées. Cette plus forte intégration horizontale affaiblit quelque peu les relations verticales et va de pair avec une internalisation des formes de contrôle, qui ne sont plus laissées au seul marché.

41 Ces bénéfices collectifs pourraient, bien sûr, être obtenus en instaurant des contrats permanents plutôt que des contrats répétés. Mais cela ne permettrait pas, en revanche, d’affronter les contraintes liées à la variabilité de la production (dans ses formes ou en quantité) : les tournées irrégulières et la taille variable des ensembles selon les pièces à jouer pour les concertistes ; les modulations de la demande étudiante et l’irrégularité des financements sur contrat pour les universitaires. Il y a donc une certaine logique pour ce type d’organisations à se soumettre au marché du travail tout en s’en affranchissant, en ne lui confiant plus la maîtrise exclusive de la main d’œuvre et en intensifiant ses propres modalités de contrôle et d’intégration horizontale, quitte à relâcher les formes de contrôle plus vertical.

Les organisations permanentes

42 En dépit de l’importance croissante des deux agencements que nous avons analysés dans les deux sections précédentes, une part significative de l’activité et des projets académiques ou musicaux continuent de se dérouler dans des organisations stables, avec des individus recrutés sur des emplois permanents. Les mécanismes observés dans ces formes d’organisation et de marché du travail partagent des caractéristiques très différentes des deux agencements précédents. Mais les musiciens et les universitaires diffèrent également sensiblement entre eux, et nous aborderons par conséquent successivement les deux secteurs.

Orchestres et musiciens permanents

43 L’organisation du travail musical au sein des orchestres permanents est d’une remarquable stabilité, et ne connaît guère de variations d’un pays à l’autre. Elle se singularise par une forte intégration verticale reposant sur une stricte spécialisation des tâches. Comme les requins londoniens, les musiciens permanents acceptent le rôle qui leur est confié et s’y tiennent. Cela provoque souvent des tensions entre les musiciens et leur hiérarchie. B. Lehmann (2002) décrit ainsi comment la salarisation des musiciens sur des postes permanents leur donne la possibilité d’exprimer, en séance, leur hostilité ou leur mépris à un directeur musical alors que les mêmes tensions, dans un orchestre intermittent, restent plus feutrées. De même, les contrôles très horizontaux observés dans les orchestres intermittents n’ont plus cours. Si des contrôles ont lieu, ils sont beaucoup plus rares, épousent un tour quasi-rituel et émanent de la hiérarchie de l’orchestre et non des pairs.

44 Une telle organisation du travail musical a également des implications sur l’affiliation des musiciens. Des routines partagées peuvent aisément se déployer dans le quotidien du travail collectif. Pour le meilleur, lorsque cela conduit à l’édification d’un son unique, singulier et homogène : celui des cordes de l’orchestre de la société des conservatoires qui faisaient l’admiration de Wagner ou le son noir et minéral du Berlin des dernières années de Furtwängler. Mais aussi pour le pire, quand les routines atteignent un point de saturation et que l’engagement subjectif des musiciens diminue au point de parfois disparaître.

45 Cependant, il est très rare de quitter un orchestre permanent après qu’on y a été recruté. Le prestige attaché à ces orchestres permanents, mais aussi la stabilité financière et les protections sociales qu’ils procurent, les rendent très attractifs : ils constituent autant de ressources déterminantes dans la concurrence entre or­chestres, à côté d’autres facteurs comme leur réputation, leur répertoire ou leur localisation. Cette concurrence n’est cependant pas très prononcée : trop peu de postes sont ouverts simultanément pour qu’il soit possible à un musicien de comparer les qualités respectives de potentiels employeurs, trop heureux qu’il est de pouvoir obtenir un poste permanent.

46 Réciproquement, la concurrence entre musiciens est très vive et une autre caractéristique de ces organisations tient à l’équipement très fort et à la standardisation de leur dispositif de recrutement. Lorsqu’un poste est ouvert, une annonce est diffusée dans la presse spécialisée et sur internet. Une notice de concours est établie, qui précise les documents à fournir, et surtout qui établit le programme du concours : en général un concerto permettant d’apprécier la virtuosité du candidat auquel s’ajoutent un ou plusieurs traits d’orchestre, qui peuvent (ou non) être communiqués auparavant au candidat. Ces épreuves permettent d’éliminer des candidats et de procéder à un second tour qui repose sur la même combinaison d’épreuves. Le jury, composé du directeur musical ou de son représentant, de musiciens (élus et/ou membres du pupitre concerné), d’un responsable de la direction, et éventuellement de musiciens extérieurs à l’orchestre, décide si le poste peut être pourvu et par qui. La lourdeur de ces processus de recrutement tranche singulièrement avec le caractère informel du recrutement des intermittents et explique qu’ils ne soient que très rarement mis en œuvre.

47 La rareté de ces épreuves les rend plus difficiles encore. Cette forme de recrutement valorise des dimensions exclusivement musicales : le cursus du candidat est connu du président, mais il n’est que très marginalement pris en compte, pas plus que les accoin­- tances éventuelles avec tel ou tel membre du jury. L’audition demeure le premier et le principal critère. Les compétences attendues des candidats sont quant à elles très spécifiques. Elles ne sont pas celles d’un virtuose ou d’un soliste : c’est la capacité à se fondre dans un collectif que les membres du jury tentent d’apprécier. Ces concours fortement standardisés sont la porte d’entrée d’organisations réservées à quelques happy few, mais la stabilité de ce personnel facilite l’émergence d’un son collectif qui doit être progressivement assimilé par les nouveaux arrivants qui contribueront, avec les autres musiciens, à le coproduire.

Marché du travail et organisations universitaires

48 Dans le monde universitaire comme dans le monde musical, les positions permanentes constituent la forme traditionnelle d’emploi, celle que la plupart des universitaires souhaitent obtenir. Comme les musiciens ceux qui sont employés dans de tels statuts sont liés, à long terme, à leur université. En dépit de ces points communs, l’organisation du travail dans les universités n’est pas comparable avec celle décrite pour les musiciens.

49 Premièrement, la forte hétérogénéité des formes d’emploi, des modalités de contrôle, des déroulements de carrière, et des relations de travail chez les universitaires contraste fortement avec la relative homogénéité de ces mêmes éléments dans les ensembles musicaux. Ainsi, la permanence renvoie à des statuts extrêmement divers et à des degrés de protection variables. Dans le cas français (mais aussi allemand, suisse, norvégien, etc.), elle correspond à un emploi public de fonctionnaire d’État titularisé. Aux États-Unis ou au Canada, elle prend la forme de la tenure, c’est-à-dire d’un contrat à durée déterminée protégé puisqu’il ne peut être rompu que dans des conditions bien particulières. Dans d’autres pays encore (le Royaume-Uni, l’Autriche ou le Japon), le personnel permanent est employé dans le cadre d’un contrat de travail dépourvu de protections spécifiques.

50 À ces variations statutaires s’ajoutent celles des modalités d’accès à de tels emplois. Trois grands modèles peuvent être identifiés. Le premier est celui que nous connaissons en France. L’accès au premier poste titularisé, celui de maître de conférences, est précoce (34 ans en moyenne en 2014, sources MENESR), mais tous ne parviendront pas à devenir professeurs. Dans le second modèle (dont on trouve la forme la plus achevée en Allemagne), seuls les enseignants de rang professoral sont permanents et l’accès à la permanence est très tardif (42 ans en moyenne pour un premier poste de professeur en Allemagne selon K.-U. Mayer 2000). Les autres enchaînent une succession incertaine d’emplois à durée déterminée quand ils n’abandonnent pas en cours de route cette course à obstacles vers la permanence. Le troisième modèle, celui de la tenure, typique du système américain, est en quelque sorte intermédiaire : l’accès à un poste tenured intervient après une période probatoire dont le terme est fixé : il dépend du succès à l’examen de tenure mené par l’université le plus souvent après une période limitée à deux fois trois ans.

51 Deuxièmement, l’intégration verticale est en général relâchée, même si c’est à nouveau la variété qui prévaut. Les universitaires assurent des missions d’enseignement, de recherche et de service ou d’administration mais décident dans une large mesure eux-mêmes du temps consacré à chacune d’elles et de leur contenu (Owen-Smith, Powell, 2004 [2001] ; Musselin, 2006), même si leur latitude est plus large quand l’État est leur employeur que lorsque l’université est gestionnaire des contrats de travail et que la relation universitaires/établissement tend à se rapprocher d’une relation de salariat. Il y a, par conséquent, des variations d’un système à l’autre dans l’exercice de l’intégration verticale, même si elle est globalement plus faible que pour les musiciens.

52 Troisièmement, le même constat peut être avancé pour l’intégration horizontale. Les tâches académiques requièrent un moindre degré de collaboration, d’émergence de routines stabilisées et, dans certaines disciplines au moins, elles ne supposent même pas la présence simultanée des collègues. Au sein d’un département, le travail collaboratif peut se développer autour d’un projet spécifique et mobiliser un groupe composite de personnels temporaires reconduits ou non et de permanents, mais les groupes constitués autour des différents projets travaillent rarement ensemble. Les frontières du collectif auquel les universitaires ont le sentiment d’appartenir recouvrent par conséquent rarement celles de l’organisation à laquelle ils sont rattachés. Elles sont aussi mouvantes selon que l’on considère les activités scientifiques (plus souvent inter-organisationnelles) ou au contraire les activités pédagogiques (plus souvent infra-organisationnelles). Cette fluidité des logiques d’intégration est encore accrue par la tension permanente, mais d’intensité variable d’un pays à l’autre (Altbach, 1996), entre appartenance institutionnelle et appartenance disciplinaire.

53 Les mécanismes qui caractérisent le marché du travail acadé­- mique des emplois permanents diffèrent aussi sensiblement de ceux du secteur musical. Certes les procédures qui ouvrent sur des emplois universitaires permanents sont aussi plus formalisées que pour le marché des contrats spots ou des emplois répétés. Dans la plupart des pays, le recrutement débute ainsi avec la publication d’une annonce ; l’envoi par les candidats de dossiers comprenant a minima leur CV et leurs publications scientifiques, mais aussi souvent des informations sur leurs enseignements ; un processus d’évaluation et de sélection des dossiers qui est mené par une commission de recruteurs essentiellement constituée d’universitaires ; l’audition de quelques candidats au poste et enfin leur classement par ordre de préférence. De plus, ces procédures formalisées jouent le même rôle que dans le secteur musical : elles tracent une frontière claire entre ceux qui seront intégrés et ceux qui resteront à l’extérieur.

54 Cependant, ces procédures ne sont pas aussi standardisées que dans le secteur musical et elles gardent souvent un caractère national. Par ailleurs, là où seules les compétences musicales jouent pour les orchestres, les critères académiques sont beaucoup plus multi-dimensionnels. Les jugements des recruteurs intègrent toujours au moins trois dimensions – la qualité scientifique du candidat, ses capacités pédagogiques et sa personnalité (Musselin, 2005) – dont la pondération peut varier d’un département ou d’une institution à l’autre, selon que l’on souhaite retenir des chercheurs de très haut niveau, ou de « bons citoyens » tournés vers les activités collectives, les enseignements en premier cycle, etc.

55 Pour cette raison, le recours aux réseaux est beaucoup plus prononcé et irrigue les dispositifs de jugement (Karpik, 1996) mobilisés par les pairs recruteurs : savoir que tel candidat a été le doctorant de tel professeur réputé, avoir travaillé dans telle ou telle équipe, avoir été étudiant dans un établissement bien classé sont autant d’éléments qui viendront construire le jugement des recruteurs, quand ils ne s’informent pas directement auprès d’anciens collègues du candidat.

56 La concurrence entre les universités recruteuses est aussi bien plus prononcée qu’entre les orchestres. Il n’est pas rare qu’un individu candidate sur plusieurs postes et qu’il soit classé dans plusieurs institutions. La réputation scientifique et la localisation des départements en concurrence sont des facteurs déterminants d’attractivité, et dans les pays où il y a négociation sur les salaires et les conditions de travail, ces éléments peuvent être décisifs.

57 De même, la concurrence entre les candidats est plus tendue, car les universités forment plus de doctorants qu’il n’y a d’opportunités de trouver des emplois permanents. Enfin, le marché demeure plutôt opaque. Alors que les exigences scientifiques sont bien connues, celles qui concernent l’enseignement et la personnalité sont spécifiques à chaque département et ne sont guère publiables ou communicables. L’importance des dimensions individuelles dans le recrutement académique est en adéquation avec les formes d’activité et de récompense plus individualisées observables au sein des institutions académiques.

Des organisations qui déterminent le rapport au marché du travail

58 Deux principales dimensions permettent par conséquent de distinguer les méca­nismes d’articulation entre les marchés du travail pour les posi­tions permanentes et les organisations qui s’y inscrivent dans les deux secteurs que nous comparons. Tout d’abord, alors que les mécanismes marchands sont relativement comparables dans les deux secteurs (ils divergent moins dans leur nature que dans leur intensité), ils sont en revanche très contrastés en ce qui concerne l’organisation du travail. L’intégration forte, verticale et horizontale, observée dans le cas des musiciens s’oppose à celle, beaucoup plus relâchée (là aussi, horizontalement comme verticalement), que l’on rencontre dans les organisations universitaires. Ensuite, la variété des mécanismes à l’œuvre dans le secteur universitaire tranche fortement avec l’homogénéité rencontrée chez les musiciens.

59 En comparant le secteur universitaire et le secteur musical, on constate que lorsque les statuts sont stables, l’organisation du travail se déploie dans un espace clos où les logiques professionnelles priment. Parce que les logiques musicales et universitaires sont profondément différentes, les organisations permanentes et les marchés du travail où elles interviennent diffèrent elles aussi. Alors que la coordination et la coopération doivent être maximales entre les musiciens d’un même orchestre et que la création d’un son collectif spécifique est facilitée par une appartenance prolongée à un même ensemble, les universitaires sont engagés dans des systèmes faiblement articulés (Weick, 1976) qui accentuent encore la faiblesse des liens entre les tâches (voir Musselin 1990 et Musselin 2006 pour une discussion plus approfondie). Ainsi, le faible besoin d’ajustement entre les universitaires permet davantage de variété dans l’organisation, la mise en œuvre et l’évaluation de tâches variées, alors que l’homogénéité prévaut au contraire lorsque la partition musicale prédéfinit la manière dont une pièce doit être jouée et impose une interdépendance fonctionnelle entre les musiciens.

Conclusion

60 En nous appuyant sur la comparaison des secteurs musicaux et universitaires, nous avons exploré les liens qui existent entre une organisation et son environnement – en l’occurrence, le(s) marché(s) du travail où elle intervient et montré qu’il est vain de tenter de figer le sens de la relation causale entre l’organisation et l’espace au sein duquel elle s’inscrit. Le tableau qui suit propose une représentation synthétique des conclusions auxquelles nous sommes parvenus dans chacun des trois cas.

61 Si, comme nous l’avons montré dans le cas des organisations éphémères, le marché du travail et en particulier les mécanismes de contrôle et de sanction qui lui sont propres semblent parfois subsumer, pour les faire disparaître, les logiques organisationnelles, ces dernières peuvent aussi trouver à se déployer de manière très largement autonome et distincte des mécanismes marchands, comme dans le cas des organisations permanentes. Nous retrouvons donc ici les conclusions qu’avançaient Crozier et Friedberg (1977) avec la notion de relais d’environnement : le sens des déterminations entre l’organisation et son environnement varie d’une situation empirique à l’autre. Nous montrons cependant que ces variations ne sont pas purement idiosyncrasiques, puisque nous avons pu repérer trois grands agencements typiques dans nos deux secteurs : les organisations éphémères et le marché des contrats spots, les quasi-firmes et le marché des emplois renouvelables, les organisations permanentes et le marché des emplois à durée indéterminée. Les dispositifs organisationnels de contrôle et d’intégration d’une part, les logiques concurrentielles et les mécanismes d’appariement d’autre part, s’ordonnent dans ces trois agencements selon des principes stabilisés et contrastés.

62 Souligner ces variations et refuser de les renvoyer aux spécificités conjoncturelles de configurations empiriques locales impose d’identifier ce qui en est leur principe. Empiriquement, on peut évidemment mettre au jour des mouvements historiques expliquant pourquoi, dans tel ou tel secteur, tel agencement se développe et tel autre régresse : on pourrait, en particulier, s’attacher à expliquer pourquoi et suivant quels mécanismes le troisième agencement a tendu à perdre du terrain dans le monde universitaire, alors que les deux premiers progressaient, ou pourquoi, dans le monde musical, les orchestres permanents, sans disparaître, ont vu croître à leur côté des formes plus temporaires d’emploi. Une exploration systématique de ces questions dépasse cependant le cadre de cet article, et notre conclusion est davantage théorique ou méthodologique : là où Crozier et Friedberg insistaient sur l’inégale capacité stratégique des acteurs à maîtriser leur environnement, nous avançons que pour rendre compte de ces variations, il faut accorder au moins autant d’importance au travail qui se déroule au sein de l’organisation, à sa nature (plus ou moins standardisée, plus ou moins spécialisée, plus ou moins collective) et à son organisation (est-il précisément divisé ? comment est-il contrôlé ?). On ne peut donc faire de sociologie des organisations sans s’adonner, simultanément et dans un même geste, à une sociologie du travail. Cependant, en comparant sous ce jour les trois agencements typiques que nous avons repérés, on constate aussi que les organisations sont inégalement sensibles aux spécificités des tâches qu’elles abritent. Lorsque les mécanismes marchands prennent le pas sur les logiques organisationnelles, les spécificités du travail musical ou universitaire s’effacent, tandis que lorsque l’organisation est close ou, à tout le moins, beaucoup plus protégée des mécanismes marchands, elle fonctionne comme un havre qui permet à ces singularités de se développer davantage.

63 Des deux veines que nous distinguions en introduction – celle qui explore les mécanismes d’articulation entre l’organisation et son environnement, et celle qui s’ordonne à des questionnements morphologiques – c’est incontestablement à la première que participe avant tout notre propos. Mais il n’est pas pour autant sans implications morphologiques. Il apporte une nuance d’importance à l’invitation de Friedberg (1992) à ne pas chercher à identifier les frontières organisationnelles et à abandonner systématiquement la notion d’organisation pour celles d’action organisée et de système d’acteurs. Des trois agencements que nous mettons au jour, le premier correspond à bien des égards aux conclusions de Friedberg : l’organisation y disparaît et seules demeurent des interactions stabilisées, de concurrence et d’échange, indistinctes de celles qui sont à l’œuvre sur le marché. Mais d’autres agencements (le troisième en particulier) montrent en revanche que les logiques d’intégration verticales et horizontales qui se déploient au sein de l’organisation peuvent aussi être irréductibles aux mécanismes de concurrence et d’échange qui président aux recrutements de ceux qui en sont membres. Pour parcourir le spectre des configurations empiriques dans toute son extension, la boîte à outils du sociologue ne doit pas trop promptement abandonner certains outils qui, inutiles dans un cas, pourront se révéler cruciaux ailleurs.

Notes

  • [1]
    Le travail de thèse mené par S. Paye (2013) sur les universitaires britanniques fait exception puisqu’il porte sur ce que l’auteur appelle l’économie du travail universitaire et explore les relations d’interdépendance entre marché du travail, répartition des tâches et relation d’emploi.
  • [2]
    Dans sa thèse (François, 2005) et dans d’autres recherches (François, 1998 ; François, Becquet, 2004 ; François, Lurton, Maublanc, 2006) P. François a exploré le monde de la musique ancienne et s’est intéressé aux modes de recrutement, d’emploi et de rétribution des musiciens. C. Musselin a travaillé sur le recrutement des universitaires dans différents pays (Musselin, 2005), la situation des post-docs (Dedieu, Musselin, 2004), le travail universitaire (Musselin, Becquet, 2008) et enfin sur l’évolution longitudinale des carrières (Musselin, Pigeyre, Sabatier, 2015).
  • [3]
    Pour ne prendre que cet exemple, Ma et Stephan (2005) estiment que le nombre de post-docs aux États-Unis est passé de 23 000 en 1991 à 30 000 en 2001.
  • [4]
    Il devient cependant plus fréquent aujourd’hui de recruter des post-docs en faisant un appel à candidatures plutôt que de se fier à son seul réseau.
  • [5]
    Selon les statistiques du NCES (2005), alors que les personnels part-time représentaient 25 % de l’ensemble des enseignants-chercheurs américains en 1960 et 35 % en 1989, ils atteignent aujourd’hui 46 % de cette population.
Français

En s’appuyant sur une comparaison des secteurs musical et universitaire, l’article revient sur une question classique de sociologie des organisations, celle des liens qui s’établissent entre une organisation et son environnement, en s’intéressant plus particulièrement au marché du travail sur lequel elle intervient. L’article met au jour trois modalités d’articulation des organisations et de leurs marchés du travail : les organisations éphémères adossées à des marchés pour des contrats de travail ponctuels ; les quasi-firmes appuyées sur des marchés du travail pour des emplois éphémères mais reconductibles ; les organisations permanentes articulées aux marchés du travail des emplois à durée indéterminée. Il montre que les liens de détermination qui s’établissent entre l’organisation et son environnement dépendent avant tout de la nature du travail qu’abrite l’organisation.

Mots-clés

  • Contrôle organisationnel
  • Emplois contractuels renouvelables
  • Emplois contractuels non renouvelables
  • Emplois permanents
  • Intégration horizontale
  • Intégration verticale
  • Marchés du travail
  • Organisation du travail
  • Quasi-firmes
  • Relation d’emploi
  • Réputation
  • Réseaux

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Pierre François
est directeur de recherche au cnrs (Centre de sociologie des organisations à Sciences Po) et professeur à l’école polytechnique. Ses travaux portent sur les mondes de l’art, la transformation des firmes et des élites économiques depuis le xix e  siècle, la régulation financière et la sociologie des marchés.

Sciences Po/CSO-CNRS et École Polytechnique
pierre.francois@sciencespo.fr
Christine Musselin
est directrice de recherche au cnrs et a dirigé  le Centre de Sociologie des Organisations, unité mixte de Sciences Po et du cnrs de 2007 à 2013, avant de devenir directrice scientifique de Sciences Po. Elle mène un programme de recherche comparatif sur les systèmes d’enseignement supérieur et de recherche qui est structuré autour de trois axes : le gouvernement des universités, les politiques d’enseignement supérieur et de recherche au niveaux national et européen, et les marchés du travail académiques.

Sciences Po/CSO-CNRS
christine.musselin@sciencespo.fr
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Mis en ligne sur Cairn.info le 05/11/2015
https://doi.org/10.3917/anso.152.0305
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