CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Quand des autorités publiques s’engagent dans une stratégie volontaire d’illégalités répétées, quelles sont les conséquences sur le contenu du droit ? Telle est la question que je poserai dans cet article, à partir de l’évolution du droit européen applicable aux plantes génétiquement modifiées. Mon hypothèse est que les illégalités répétées commises par des autorités publiques locales ont contribué à modifier le contenu du droit, en imposant le principe de coexistence des filières OGM et non OGM ; ce nouveau projet politique tente de réaliser un compromis qui permettrait de sortir de la crise, ouverte en 1997 en France par le premier refus d’autoriser un maïs génétiquement modifié à la culture, étendue au niveau européen par le moratoire de 1999. L’hypothèse est donc celle d’une « illégalité créatrice de droit ». Pour l’illustrer, je partirai du premier état du droit, la directive 90/220. Elle était caractérisée par un système d’autorisation de mise sur le marché unique pour l’ensemble du territoire de l’Europe, et ne se préoccupait pas de la mise en œuvre de l’autorisation sur le terrain. Elle instituait une coopération entre les Etats membres et les autorités de l’Union, le niveau régional étant exclu du processus de décision comme du processus de mise en œuvre. Le moratoire de 1999 signa l’échec de ce premier état du droit et ouvrit une période de recomposition politique dans un contexte marqué par des enquêtes d’opinion défavorables, des stratégies de fauchage menées par des agriculteurs et les hésitations de certains Etats membres (I)…

Français

Résumé

On parle souvent d’impasses ou de déficits démocratiques en général, plus particulièrement en droit européen, plus encore dans le domaine des sciences et des techniques, les OGM cumulant les trois handicaps. Cet article évoquera la revendication de « zones sans OGM » dans le cadre du mouvement de l’Assemblée des régions européennes. Elles étaient à l’origine clairement illégales au titre du droit européen, seul en cause ici, et elles n’en ont pas moins connu un fort développement. Or, avec d’autres facteurs, elles ont contribué à faire évoluer l’Union européenne d’un premier état du droit où les régions n’avaient aucune place dans le processus de décision, à un second état du droit profondément modifié, prônant la coexistence entre les filières OGM et non OGM. Cette évolution est intéressante sur le plan théorique pour deux raisons. En premier lieu, force est de constater que la répétition d’illégalités a conduit à une transformation du contenu du droit, marque évidente de cette crise du mécanisme représentatif. En second lieu, c’est la première fois, dans l’histoire du droit des techniques, que le pouvoir politique cherche à organiser la coexistence des techniques sans laisser au marché le soin de remplacer l’une par l’autre. C’est une expérimentation dans la voie du pluralisme technologique qui se cherche aujourd’hui.

Mots-clés

  • organisme génétiquement modifié
  • plante
  • droit communautaire
English

Abstract

We often hear of deadlock or democratic deficits in general, more particularly in European law, even more in the field of science and techniques, and GMOs combine the three handicaps. This article will refer to the claims for “GMO-free zones” within the framework of the movement of the Assembly of European Regions. At the beginning they were clearly illegal as far as European law (the only one that interests us here) was concerned and yet they have developed considerably. However, with other factors, they have helped the evolution of the European Union from a first state of law where the regions had no place in the decision process to a second profoundly modified state of law, advocating coexistence between GMO and non-GMO sectors. This evolution is interesting on the theoretical level for two reasons. First of all, it has to be recognised that repeated illegal actions have led to a transformation of the content of the law, an obvious mark of this crisis of the representative mechanism. Secondly, it is the first time in the history of the law of techniques that the political powers have sought to organise the coexistence of techniques without leaving the market to replace the one by the other. Today what is being sought is experimentation in the way of technological pluralism.

Keywords

  • genetically modified organisms
  • plants
  • community law
Marie-Angèle Hermitte [*]
  • [*]
    Directeur de Recherche au CNRS, Directeur d’Etudes à l’EHESS, mahermit@ club-internet. fr This study was financially supported by the European Commission through the Integrated Project “Co-Extra”, contract no. 007158, under the 6th Framework Programme, priority 5, food quality and safety. This is gratefully acknowledged.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2009
https://doi.org/10.3917/jib.173.0039
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