CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Dans les îles du Sud-Ouest de l’océan Indien, l’existence d’un rythme commun, généralement présenté comme du « 6/8 » ou du « 12/8 » selon une appellation issue du solfège occidental, fait l’objet de revendications diverses quant à son origine et à son rôle de marqueur culturel. Les acteurs du monde culturel régional (musiciens, intellectuels, entrepreneurs de la musique…) caractérisent souvent ce rythme comme une « exception », une « spécificité » face aux rythmes « binaires » qui dominent la production et la diffusion de musiques populaires internationales. La revendication d’une telle « exception rythmique » exprime un positionnement identitaire où cohabitent des aspirations particularistes et une sorte d’appartenance culturelle régionale. Tantôt revendiquée comme la spécificité propre d’un territoire, tantôt appréhendée dans sa dimension pan-insulaire, cette exception rythmique fonctionne à la fois comme marqueur culturel (d’un pays ou d’une région) et comme lien ou trace d’un passé partagé.

2Dans un tel contexte, quel peut être l’apport de l’ethnomusicologie pour comprendre cette « exception rythmique » ? De prime abord, deux voies, qui impliquent autant la posture que la méthode de recherche, se présentent à l’ethnomusicologue qui s’intéresse à cette question. Il peut tout d’abord appréhender le rythme (en lui-même) comme la trace d’un passé culturel plus ou moins lointain. L’objectif d’une telle archéologie consisterait à identifier une ou plusieurs origines d’un rythme afin d’en comprendre la diffusion et l’éventuelle adaptation dans d’autres sociétés et territoires [3].

3L’ethnomusicologue peut aussi s’intéresser, de façon plus synchronique ou focalisée sur le « temps court », au rôle de marqueur identitaire joué par ce rythme en se dégageant partiellement de son histoire lointaine ou de son archéologie musicale. Ces deux « voies », qui a priori n’ont rien d’exclusif ou d’incompatible entre elles, paraissent claires d’un point de vue méthodologique. Toutefois, les contextes scientifiques, politiques et identitaires dans lesquels sont menées ou « reçues » une partie des recherches qui touchent de près ou de loin à cette « exception rythmique » tendent souvent à « brouiller les pistes » et à « considérer » les marqueurs identitaires actuels à l’aune des appartenances « originelles » et du temps long.

4À travers cet article, première étape de restitution d’un travail que nous menons depuis plusieurs années sur les circulations musicales dans l’océan ­Indien, nous souhaitons poser les bases d’une contribution alternative à cette question par une nouvelle approche soucieuse d’éviter l’essentialisation de formes musicales. Notre hypothèse est que ce rythme commun, qui a certes traversé le temps long, ne peut être appréhendé comme trace d’une histoire linéaire ou d’une origine première. Nous proposons plutôt de comprendre ce temps long comme une succession de moments clés, de différents contextes historiques et de « branchements » qui, à partir de ce rythme commun, ont nourri des redéfinitions esthétiques et identitaires de l’autre et du même, dans des jeux de miroirs et d’interrelations.

5Dans un premier temps, nous nous attacherons à caractériser l’espace de réflexion scientifique et culturel dans lequel est généralement appréhendé ce « 6/8 » de l’océan Indien. L’étude des représentations, des discours et des « postures » qui lui sont associés nous a amené à saisir combien la question de l’origine reste, explicitement ou implicitement, au cœur des préoccupations de ceux qui, chercheurs, musiciens, acteurs du monde de la culture, appréhendent cette « exception rythmique » pour l’expliquer, la comprendre ou la valoriser. Après une mise en relief des positions saillantes qu’un état des lieux sur la question nous a permis de dégager, nous nous questionnerons sur la pertinence et l’utilité d’une approche non essentialisante des pratiques musicales de l’océan Indien en exposant les prémices d’une autre façon d’appréhender leurs caractéristiques rythmiques.

« Exception rythmique » et appartenances primordiales

6Comme l’ont montré plusieurs travaux consacrés aux musiques des îles de l’océan Indien (notamment Déodat, 2016 ; Desroches & Desrosiers, 2000 ; Mallet, 2009 ; Samson, 2006), la musique participe activement à la construction des identités culturelles de ces territoires. Depuis la seconde moitié du XIXe siècle, tous revendiquent ou se voient assigné des genres musicaux, des répertoires voire des instruments emblématiques. On parle ainsi du maloya réunionnais, du séga typique mauricien, du séga tanbour rodrigais, du salegy malgache, du moutya seychellois. Autant de genres musicaux dont « l’appartenance » contemporaine ne fait pas débat et dont les processus contemporains de patrimonialisation, qui ont donné lieu ces dix dernières années à l’inscription d’une partie de ces musiques [4] au PCI (Patrimoine culturel immatériel) de l’UNESCO, ont renforcé la dimension emblématique. Ces inscriptions successives, qui peuvent être considérées en partie comme l’aboutissement des mouvements de revitalisation culturelle qui ont émergé dans les années 1960-1970, s’inscrivent dans un processus d’affirmation des identités nationales qui pourrait, de prime abord, laisser croire que les frontières culturelles sont clairement tracées. Toutefois, les affirmations particularistes s’accompagnent elles-mêmes d’une valorisation (ou d’une redécouverte) des liens qui « unissent » ces territoires culturels. En particulier dans les îles créoles, la question des origines et des relations culturelles aux territoires « ancestraux » est au cœur des discours. Les patrimoines musicaux n’y sont pas uniquement appréhendés comme appartenant en propre à une nation ou un groupe culturel particulier ; ils se présentent également comme les facettes d’un héritage commun qui est issu d’une histoire coloniale marquée par l’esclavage et les transferts culturels (notamment depuis l’Afrique de l’Est et Madagascar vers les îles créoles).

7C’est sur la reconnaissance plus ou moins consciente et revendiquée de cette histoire que se fonde l’idée, véhiculée autant par des entrepreneurs culturels, des universitaires, des acteurs des politiques culturelles que par certains musiciens eux-mêmes, qu’il existe des « musiques de l’océan Indien ». En dehors des milieux universitaires, l’idée qu’il existe des parentés, ou plus généralement, une sorte de cohérence culturelle entre les musiques de l’océan Indien est également très répandue. En témoigne en 2015 la création du spectacle Li Té vé War qui, réunissant des artistes de La Réunion, de l’Île Maurice, de Madagascar et des Seychelles, valorisait le peuplement métissé des îles de l’océan Indien. De même, en 1998, le Pôle régional des musiques actuelles (PRMA) de La Réunion créa le label Takamba, collection de disques explicitement dédiée au « patrimoine musical de l’océan Indien ».

8Parmi les éléments musicaux qui sont souvent mobilisés dans la réflexion sur la diversité et l’unité musicale de l’océan Indien, le rythme qui nous intéresse ici est régulièrement évoqué. Bien que souvent appelée « 6/8 » ou « 12/8 », il s’agit en réalité d’une formule contramétrique que l’indication métrique occidentale traduit mal  [5] :

Figure 0
Les différentes « frappes » qui constituent ce motif sont réparties différemment selon le ou les instruments avec lesquels il est joué et selon le genre musical dans lequel il s’inscrit

9Cette formule, dont la pulsation n’est pas toujours matérialisée [6], est au cœur d’un nombre important de genres musicaux anciens ou récents pris dans des univers locaux et/ou globaux, rituels et/ou commerciaux. Nous la trouvons notamment dans le salegy (Madagascar), le séga (Maurice, La Réunion, Rodrigues), le maloya (La Réunion), le moutya (Seychelles), le m’godro (Mayotte) pour ne citer que des musiques qui sont connues en dehors de leurs contextes locaux… Déclinée sur des tempi variés selon les styles et les régions, pratiquée avec des ensembles instrumentaux divers, elle donne lieu à plusieurs types de combinaisons. À Madagascar par exemple, lors des cérémonies de possession ou lors des concerts de salegy [7], la pratique du rombo consiste pour l’assistance à se répartir la formule en trois frappements de mains distincts, qui s’entrecroisent comme suit :

Entrecroisement rythmique caractéristique du rombo à Madagascar

Figure 1

Entrecroisement rythmique caractéristique du rombo à Madagascar

10Le caractère très répandu de notre formule et la variété de ses matérialisations en font un marqueur partagé par de nombreux musiciens et communautés qui peuvent le mobiliser pour se situer sur l’une ou l’autre des échelles d’appartenance précédemment évoquées. De fait, ce motif rythmique est au cœur d’un espace partagé de réflexion voire de théorisation sur les musiques de l’océan Indien. Le chanteur Jaojoby, figure reconnue du salegy malgache, souligne ainsi la diversité des musiques mobilisant ce rythme à Madagascar et dans les autres îles de l’océan Indien :

11

Aux racines du salegy, il y a tous les chants traditionnels malgaches. Antsa, osky […], jijy […] à l’Est, le basesa, c’est presque la même chose, une variante du salegy. Dans le pays Betsileo, ils appellent orija. C’est la même musique, même mesure rythmique. Et même si on fait l’extension, toutes les îles sœurs de l’océan Indien jouent de ce « 6/8 » : ils peuvent l’appeler maloya [8] ou séga [9] ou je ne sais quoi… En abrégeant et par chauvinisme c’est quand même le salegy, qui est sur tout le territoire de Madagascar… (Entretien réalisé par Julien Mallet, le 19/05/2015, à Antananarivo).

12Sous-jacent à ce discours, il y a l’idée que l’exception rythmique de l’océan Indien, dont d’après Jaojoby le salegy serait une illustration contemporaine, ­trouverait ses origines dans les formes « traditionnelles » malgaches. Cette approche par l’origine et les « racines », qui nourrit le récit des parentés culturelles et étaye la conscience d’une unité musicale de l’océan Indien, dépasse les discours des pratiquants et des acteurs culturels. Elle transparaît, de façon plus ou moins développée, dans les travaux de chercheurs en sciences sociales qui, sensibles aux spécificités culturelles, offrent par leurs travaux des réponses « techniques » à des questions discutées de façon plus empirique, sensible voire « passionnelle » en dehors du champ académique. À propos du séga rodrigais, B. Desrosiers introduit ainsi la notion d’hémiole pour caractériser le rythme séga dont elle note, à l’instar de Jaojoby, la présence à Madagascar (dans des genres « traditionnels » et « modernes ») et dans les îles créoles de l’océan Indien : « On notera que l’hémiole, telle qu’on la retrouve à Rodrigues, se retrouve intégralement dans le salegy, musique fusion moderne issue d’éléments sakalaves qui offre de fortes similarités avec le séga moderne de l’Île Maurice et de La Réunion. » (Desrosiers, 2005 : 234). Elle pose néanmoins l’hypothèse que le rythme du séga rodrigais pourrait être issu de « l’insertion d’une métrique européenne dans un rythme d’origine africaine au préalable non accentuée » (Desrosiers, ibid. : 236) ; « le séga se caractériserait donc par l’emboîtement d’une logique rythmique accentuée, plus souvent associée aux traditions européennes et d’une logique rythmique non accentuée encadrée par une étalon “isochrone, neutre, constant, organique qui détermine le temps” (Arom, 1985 : 329). » (ibid.). On retrouve là, de façon prudente, une approche centrée sur les origines, multiples cette fois, le rythme du séga remontant selon cette hypothèse à la période coloniale. Dans ses recherches sur le rythme joué au kantsa à Madagascar, Marc Chemillier (2014) l’aborde quant à lui dans une approche de la contramétricité telle que l’a développée Simha Arom à propos des musiques d’Afrique centrale. En établissant plusieurs parallèles, son argumentation inscrit notre figure rythmique et son caractère contramétrique dans une parenté africaine (et non plus euro-africaine comme dans l’hypothèse de B. Desrosiers).

13Ces trois approches, bien que prises dans des perspectives d’analyse différentes, situent toutes à leur manière notre rythme dans une sphère d’appartenance primordiale. Elles permettent potentiellement d’alimenter un débat, incluant mais dépassant le champ académique, dans lequel sont mobilisées des « histoires » différentes qui prennent toutes comme point d’origine les « traditions » (i.e. anciennes voire « atemporelles ») dans une logique de recherche ou d’affirmation de « racines » musicales (malgaches, africaines ou résultant de fusions à l’époque coloniale). Comme nous le verrons plus avant, d’autres hypothèses et d’autres récits existent parmi les musiciens de l’océan Indien. Mais à ce stade, il est important de souligner que ce débat génère deux types d’hypothèses principales : 1) celle d’une origine unique (Madagascar, Afrique) d’une formule considérée comme une entité première ; 2) celle d’une origine multiple (Europe, Afrique…) d’une formule qui se serait constituée à partir de plusieurs entités.

Temps long et atavismes culturels, les limites d’une quête de l’origine

14Nonobstant l’intérêt de ce type d’hypothèses qui ont le mérite d’alimenter la réflexion et de fournir des connaissances, la réponse à la question de l’origine reste complexe à formuler car les traces matérielles de cette formule sont rares. Il n’existe pas d’archive sonore témoignant de ce rythme avant les années 1930, période des premiers collectages et enregistrements de musiques « folkloriques » dans l’océan Indien [10]. À La Réunion, les écrits « musicologiques » du XIXe siècle et du début du XXe siècle insistent certes sur les transformations rythmiques que les musiciens créoles appliquèrent aux musiques européennes (La Selve, 1995). Présentes dans certaines partitions de quadrilles créoles de l’époque, l’accentuation à contretemps, la syncope et l’hémiole peuvent à cet égard être interprétées comme un moyen pour les compositeurs réunionnais d’évoquer, en solfège occidental, l’altérité musicale insulaire. Toutefois, elles ne constituent pas la preuve de l’origine, africaine ou créole, du rythme qui nous intéresse ici (Samson, 2006 : 246).

15Cette fragilité des traces « matérielles » n’indique pas que ce rythme soit apparu récemment. Elle ne discrédite pas non plus les hypothèses que nous avons résumées. La relever est cependant utile car elle permet de prendre conscience que, dans le contexte actuel, c’est ce qui est d’ordinaire présumé avoir été transmis oralement qui fait office de trace, l’oralité étant directement associée à la tradition, laquelle est elle-même le plus souvent associée, dans le sens commun, à un passé relativement lointain et immuable. Ainsi, les réflexions et argumentations sur l’origine de l’exception rythmique que nous avons évoquées ­précédemment et celles que nous présenterons ci-après reposent-elles sur des hypothèses de diffusion historique d’éléments culturels dans un temps long remontant pour Madagascar à l’arrivée des premiers Africains voire des Indonésiens sur l’île et, pour les Mascareignes, à la période de colonisation européenne et de l’esclavagisme africain et malgache qui s’en est suivi. En l’absence de traces matérielles prouvant l’origine et surtout la singularité culturelle de ces éléments, nul n’est en mesure d’infirmer ou de confirmer ces hypothèses. Dès lors, la musique ne constitue-t-elle pas, comme le questionne Sandrine Loncke à propos des sociétés de tradition orale « un support privilégié de représentations visant à marquer les contours identitaires des groupes humains du sceau d’un passé immémorial ? Il suffit en effet d’un simple renversement de perspective pour comprendre la façon dont un répertoire musical, parce qu’il est perçu comme une trace sonore du passé, peut entériner, de par sa seule existence, une lecture de l’histoire qui permet de “fonder en substance” la société dans sa configuration actuelle » (Loncke, 2009 : 207).

16Avec la focalisation sur le temps long, l’attention particulière portée aux atavismes culturels constitue un autre dénominateur commun des discours sur l’« exception rythmique » de l’océan Indien, qu’ils soient tenus par des « militants » (c’est-à-dire plutôt marqués par le vécu, la revendication et la conviction) ou par des « scientifiques » (c’est-à-dire davantage axés sur la description, la compréhension, la reconstruction). Dans un espace de réflexion commun, se rejoignent de fait des aspirations mémorielles (ou identitaires) collectives et des projets de description et d’analyse de type académique. La frontière entre ces types de discours est parfois poreuse, comme en témoigne cet extrait consacré au rythme dans l’ouvrage de Mireille Rakotomala sur l’histoire de la musique à Madagascar : « Enfin, parmi les éléments “typiquement malgaches”, et non des moindres, nous trouvons le rythme qui constitue la structure essentielle de la musique. […]. Le Malgache n’appréciant pas la précision et recherchant en permanence le consensus, les principes rythmiques obéissent à ces concepts : trouver un équilibre des contraires selon l’expression maromarotra iraisana, littéralement “les différends que l’on partage”. C’est la raison pour laquelle le rythme malgache se schématise comme un 2 temps pensé en 3 ou un 3 temps pensé en 2. » (Rakotomalala, 2003 : 43-44). L’auteure associe le rythme « 6/8 » à une essence culturelle malgache, ce qui, en creux, abonderait dans le sens d’une origine malgache de cette formule. De façon plus générale, cet extrait illustre l’ambivalence avec laquelle l’exception rythmique peut être appréhendée. D’un côté, on la mobilise comme un marqueur de spécificité culturelle qui peut être décrit, revendiqué, valorisé par les ­communautés ou les pays qui s’y identifient. D’un autre côté, elle est souvent appréhendée comme la trace d’un « ailleurs » culturel, géographique ou temporel avec lequel il importe de découvrir ou de valoriser des liens. Dans tous les cas de figure, la quête de l’origine (ou des origines) s’inscrit, directement ou indirectement, dans un agenda identitaire où les appartenances culturelles primordiales sont au centre des questionnements.

17Temps long et atavismes culturels constituant la pierre de touche de l’essentiel des récits et des représentations sur la diversité musicale et plus généralement culturelle dans l’océan Indien, ils sont, comme nous l’avons vu, susceptibles d’orienter plus ou moins explicitement les travaux des chercheurs en sciences sociales. Un tel horizon de recherche nous paraît néanmoins présenter des limites tant au niveau méthodologique que concernant la position du chercheur. Reconstituer (ou tenter de le faire) l’origine — unique, dominante ou partagée — d’un rythme fait tout d’abord courir le risque d’essentialiser des formes musicales. Dans le cadre d’un programme analytique qui serait restreint à cet exercice, cela amène à choisir un paramètre musical isolé (ici, le rythme) et à construire un lien géographique et/ou temporel entre deux « points » (des cultures musicales) réunis par ce paramètre, lequel aurait en quelque sorte « traversé » le temps long. Apporter les « preuves » ou plus modestement les « indices » d’un lien, d’une parenté, d’une origine culturelle (qui peuvent alimenter la construction d’une mémoire collective) participe d’une conception du monde social dans laquelle la transmission de structures profondes ou d’habitus ancestraux (par le corps, la musique…) constitue un prisme central [11]. Il valorise en cela les altérités anthropologiques premières. Ceci est susceptible de restreindre le regard du chercheur qui, prenant ces altérités comme une donnée première de l’analyse, sera tenté d’établir des liens dans le temps long en restant aveugle au temps court dans lequel précisément s’inscrit l’intérêt contemporain pour les altérités primordiales. En d’autres termes, vouloir définir ce qui est intrinsèquement différent, ce qui marque « profondément » jusque dans les structures cognitives ou, a contrario, ce qui est commun, risque de créer la différence ou le commun plutôt que de les découvrir…

18L’approche proposée par Ron Emoff (2002) ouvre une voie alternative à ce type de regard. Plutôt que d’appréhender la formule rythmique comme une « trace » contramétrique d’africanité, comme un mélange d’hémiole africaine et européenne (Desrosiers) ou comme un trait « purement malgache » (Rakotomala), il montre que les musiciens betsimbaraka considèrent ce rythme comme relevant à la fois d’un mètre de type « 6/8 » (pensé comme malgache) et d’un mètre de type « valse » « 3/4 » pensé comme tel. La référence à la valse européenne renverrait directement au « souvenir » de l’époque coloniale, tout en jouant un rôle direct dans les cérémonies de possession où elle est associée à la notion de pouvoir (Emoff, ibid. : 138). Pour les musiciens, le basesa viendrait du salegy qui viendrait lui-même d’une adaptation de la valse. D’après Emoff, la formule rythmique permettrait ainsi aux musiciens de naviguer entre une malgachité (contramétricité) et un signifié métrique renvoyant à la colonisation (le « 3/4 »).

19C’est avec le même type de regard que nous pouvons analyser ce témoignage de Willy Philéas sur l’origine à la fois africaine et indienne du rythme du maloya réunionnais :

20

[…] Le maloya est complexe, très complexe. Un jour que Gramoune (Gramoune Lélé, son père) jouait, Manu Dibango est venu le voir, il a dit : « Je comprends pas. C’est calé où ? Mais elle est où la mesure ? Il est où le temps ? » Mais c’est parce qu’il y a l’Inde là-dedans et… le ternaire… malgache. Le sati il fait : TakoutiTakouti TakoutiTa et le rouler : Toukoutoukou. Donc ça fait ces deux apports : l’Inde et Madagascar qui se croisent et pour trouver la mesure, le temps, il faudrait être dans la culture pour comprendre. » (Entretien réalisé par Julien Mallet, Claude‑Alain Randriamihaingo et Guillaume Samson, le 27/10/2015 à Saint‑Benoît).

21L’enseignement que nous pouvons tirer de ce témoignage, qui propose un nouveau récit de l’origine (malgacho-indienne cette fois), est que les éléments constitutifs du rythme sont interprétés dans un cadre mémoriel (les héritages culturels réunionnais) qui leur confère une signification et donc une fonction identitaire et une efficacité discursive. Comme dans le cas des musiciens auxquels s’est intéressé Emoff, Willy Philéas associe les éléments constitutifs de la formule rythmique à des entités culturelles qui, tout en se référant au passé, font sens pour lui « ici et maintenant ».

22Il paraît vain et contre-productif de vouloir infirmer ou confirmer la validité de ces hypothèses que l’on peut d’ailleurs toutes considérer comme plausibles. Elles renvoient en effet toutes à des moments et à des phénomènes historiques avérés : peuplement de Madagascar, colonisation européenne dans l’océan Indien, esclavagisme (et engagisme) africain et malgache, engagisme indien à La Réunion… Et les musiques que l’on considère comme ayant pu se transmettre ou fusionner dans notre formule rythmique (la valse, le formule contramétrique « africaine et malgache », certaines musiques d’Inde ou d’Indonésie…) partagent des caractéristiques musicales qui sont soit communes soit potentiellement « compatibles » ou en « concordance » [12].

23Face à la diversité des scénarios possibles et face à l’absence de traces vraiment tangibles et exclusives, il s’avère en revanche pertinent de développer une approche analytique élargie et contextualisée, qui prenne davantage en considération la pluralité des acteurs, des situations et des temporalités inhérente à la vie sociale.

Pour une ethnomusicologie non essentialisante des circulations

24Sans discréditer catégoriquement l’approche par l’origine, le temps long et les atavismes culturels, qui a le mérite d’approfondir un champ de réflexion en phase avec des aspirations mémorielles contemporaines et d’alimenter la connaissance générale des musiques de l’océan Indien, nous pensons qu’elle gagnerait à être incluse dans une réflexion plus large où la question des « traces », des « survivances » et des « métissages » serait analysée au regard des circulations contemporaines (ou inscrites dans le temps court) dont notre formule rythmique a été et est toujours partie prenante et pour lesquelles il existe des traces plus tangibles. À travers la notion de « branchement », Jean-Loup Amselle propose ainsi une approche des constructions culturelles où l’expression des singularités implique une manipulation permanente de signes qui peuvent être proches ou éloignés : « L’identité implique d’emblée une traduction et une conversion parce qu’elle est un être pour les autres. C’est en opérant la transmutation de schèmes englobants, proches ou éloignés, qu’une culture parvient à faire entendre sa voix. L’expression d’une identité quelconque suppose donc la conversion de signes universels dans sa propre langue ou, à l’inverse, de signifiés propres dans un signifiant planétaire afin d’y manifester sa singularité. La traduction et la conversion, loin d’apparaître comme le résultat de la confrontation de deux ensembles linguistiques ou religieux distincts, se caractérisent donc comme des données immédiates de l’expression culturelle. » (Amselle, 2001 : 59)

25Ce cadre d’analyse trouve un écho particulier dans l’étude du rythme qui nous intéresse. Il laisse de côté la quête d’une origine (exclusive ou partagée) et l’idée de transmission ou de fusion de schèmes culturels abstraits anciens (les musiques séculaires d’Afrique, de Madagascar, d’Inde, d’Indonésie, d’Europe…) au profit de la qualité d’expression identitaire des formes culturelles, expression qui mobilise des ressources accessibles au moment où elle émerge. Dans la même optique, plutôt qu’une analyse linéaire en arbre généalogique, il nous semble plus fécond d’aborder le phénomène comme un tourbillon dont le mouvement circulaire se reproduit au fur et à mesure qu’il avance. Séga, maloya, salegy ou m’godro sont autant de genres nommés, rattachés à des temps, des espaces et des pratiques différenciés mais qui s’inscrivent dans un tourbillon des influences sans cesse réalimenté et réinventé [13].

26L’évolution rythmique du séga moderne réunionnais dans les années 1950-1970 offre une illustration intéressante de ce changement de perspective lié à l’étude des branchements culturels.

27Dans son analyse de la contramétricité du rythme à Madagascar, Marc Chemillier identifie un motif rythmique de type 2+2+3+2+3 qui, jouée par des musiciens antandroy [14], se superpose à notre formule comme suit :

Figure 2

28« Ce motif antandroy », constate-t-il, « correspond exactement à la même pulsation que dans tous les exemples centrafricains connus tels que ceux publiés par Arom (1985) et Chemillier (1995 : 155) » (Chemillier, 2014 : 116). Or cette formule est répandue depuis les années 1950 dans les musiques populaires de l’océan Indien, en particulier dans les séga modernes réunionnais et mauriciens où elle se joue notamment à la batterie, sur la caisse claire en rimshot [15]. Selon un raisonnement logique, il serait donc possible de construire une argumentation montrant que la présence de cette formule dans le séga moderne serait un héritage d’une formule « traditionnelle » du sud de Madagascar, qui serait elle-même héritée d’Afrique. L’importance des Malgaches, notamment antandroy (Samlong, 1995), dans l’histoire du peuplement des Mascareignes viendrait corroborer cette hypothèse.

29Toutefois, en rester là serait passer à côté du « moment » durant lequel cette formule a émergé dans les musiques populaires créoles : les années 1950, soit une vingtaine d’années après l’arrivée des derniers engagés malgaches. Ce moment fut marqué par des relations commerciales et musicales entre Madagascar et les Mascareignes et en particulier entre Madagascar et La Réunion. À cette époque, la production de disques émergente accompagnait celle d’un vedettariat d’orchestres et d’interprètes vocaux qui s’illustraient dans deux ­répertoires modernes toujours très populaires aujourd’hui : le séga moderne (joué aux Mascareignes et à Madagascar mais plutôt associé aux Mascareignes) et le salegy (exclusivement joué et associé à Madagascar). Les enregistrements de l’époque sont, pour La Réunion tout au moins, fortement marqués par la figure rythmique 2+2+3+2+3 qui est généralement jouée en ostinato. Dans les années 1950, elle fut plutôt jouée sur des claves de type cubain tandis que dans les années 1960 elle se pratiquait davantage à la batterie.

30Ce fait est loin d’être anodin : les années 1950 furent marquées notament par la mode des musiques et des danses dites « typiques », c’est-à-dire les musiques caribéennes et latino-américaines (cha-cha-cha, rumba, samba, biguine…). Cette mode et le goût prononcé de nombreux musiciens de l’époque pour les musiques cubaines ont ainsi conduit à l’introduction des congas, des bongos, des claves et des maracas dans le séga réunionnais. Elle a aussi donné lieu à des emprunts et à l’adaptation de chansons cubaines en séga.

31Au regard du profil socioculturel des musiciens impliqués dans ces processus (« urbains », médiatisés, tournés vers la modernité musicale internationale mais en même temps fortement impliqués dans l’enregistrement de musique locale), le 2+2+3+2+3 serait autant (si ce n’est peut-être plus) à interpréter dans le cadre d’un branchement du séga sur les esthétiques cubaines que dans celui du lien mémoriel avec les antandroy (dont il n’est pas question dans le séga réunionnais de l’époque et dont les musiciens de séga ne font pas état, à la différence des musiciens de maloya contemporain). Le 2+2+3+2+3 pourrait ainsi être vu comme une version « ternaire » de la célèbre « clave » cubaine 3+3+4+2+4.

32Le fait que le séga ait eu une visibilité, certes éphémère, à la fin des années 1950 dans la sphère des musiques dites « typiques » et des « danses exotiques » en France métropolitaine (Valentine Legros, 2017) a également contribué au branchement sur l’esthétique d’orientation caribéenne. Dans un contexte marqué par les préjugés culturels où les musiques directement associées aux héritages malgaches, africains et indiens n’avaient pas droit de cité dans l’espace médiatique, ce branchement exprima une africanité, mais par un biais détourné, celui d’une musique à la mode, reconnue, et porteuse d’une altérité qui faisait sens dans La Réunion en voie de modernisation de l’époque (Samson, 2007).

Figure 3
Sur cette photo (D.R.) de l’orchestre de Serge Barre qui enregistra des séga à la fin des années 1950 et au début des années 1960, la présence des congas et des maracas cubaines témoigne de l’impact des musiques caribéennes dans les répertoires des orchestres modernes réunionnais

33Cet exemple ne vise pas à démentir l’hypothèse d’une origine malgache, voire même antandroy, de la formule 2+2+3+2+3 [16]. Il montre cependant les limites d’une certaine forme de comparatisme qui masque la complexité pratique et sémiologique de la circulation des formes culturelles. Car, après tout, pourquoi ne pas envisager par exemple (toujours comme hypothèse) que les antandroy aient pu eux-mêmes entendre à la radio des formes de musique populaire utilisant cette « clave », avant de l’incorporer dans leurs propres pratiques ? Au contraire, chercher à comprendre des « moments » d’émergence culturelle implique de se pencher sur la (ou les) signification(s), la (ou les) valeur(s), l’(ou les) usage(s) qui sont conférés à une forme musicale (en tant que signe culturel).

34Pour conclure, on peut s’interroger sur les raisons qui ont conduit les liens qu’entretient la musique avec la mémoire, les traces et l’histoire [17] à être aussi centraux en ethnomusicologie. Est-ce par la « capacité spéciale » de la musique, notée par Marcus Verne : « Not only for preserving history over very long periods, but also for presenting it in both a surprising and convincing manner » ? (Verne, 2013 : 101). Est-ce parce que « le langage musical s’enracine au plus profond des sensibilités traditionnelles » (Sallé, 1988) et que « […] les musiques traditionnelles sont des mémoires sonores, des anamnèses de savoirs accumulés et inscrits dans les corps » (Salini, 2016 : 53). Ou faut-il reconnaître avec Sandrine Loncke que « nos analyses tendent encore trop souvent à présenter ces (mêmes) musiques sous la forme de systèmes atemporels, préoccupés que nous sommes d’en mettre au jour le “modèle”, les “règles structurelles”, “l’ossature”, les “invariants” […] » (Loncke, 2009 : 221).

35Un travail épistémologique de l’ethnomusicologie, en ce sens, reste à faire mais, quoi qu’il en soit et au-delà de la qualité des travaux des chercheurs qui les mobilisent, les notions (heuristiques par certains aspects) de traces, de « structures profondes », voire l’idée du caractère immuable des musiques étudiées, sont omniprésentes en ethnomusicologie et participent à une vision essentialiste à laquelle il nous semble important de proposer des alternatives. Dans le cas du rythme qui nous a intéressé dans cet article, la question des origines peut être pertinente dès lors qu’elle participe, avec d’autres éléments, à saisir la complexité sociologique et sémiologique des moments sociomusicaux marquants de l’histoire des musiques de l’océan Indien. Esclavage, colonisation, industrie du disque et revitalisations patrimoniales, mondialisation contemporaine et inscriptions au PCI sont à ce titre autant de moments où se construisent et se reconstruisent des jeux d’identités musicales, sociales, culturelles, où se redéfinissent des relations d’altérité, des esthétiques, du sens ; où des dynamiques propres se déploient dans des contextes qu’il s’agit d’appréhender dans leur complexité, au présent et dans leurs relations au passé.

Notes

  • [3]
    Au-delà du rythme lui-même, d’autres éléments d’ordre étymologique, organologique ou encore social ont été mobilisés comme « trace » des origines. De Sachs (1938) à Rakotomala (2003), de Kunst (1936) à Lomax (1968) en passant par Jones (1964), la question des traces perdure, qu’elle soit orientée vers une origine tantôt africaine, tantôt indonésienne voir même afro-indonésienne (c’est-à-dire africaine marquée par des éléments d’origine indonésienne). Pour une synthèse de cette dernière approche voir Markus Verne (2013).
  • [4]
    Le maloya a été inscrit sur la liste représentative du PCI de l’Unesco en 2009. Le séga tipik mauricien et le séga tanbour l’ont suivi en 2014 et en 2017.
  • [5]
    Le plus souvent présentée comme « 6/8 » par mimétisme et/ou par un processus de « traduction » culturelle, notre formule peut aussi être appréhendée comme l’équivalent d’un rythme en « 12/8 » avec une pulsation sur 4 temps ternaires (mesure composée). Les « arrangeurs » malgaches (qui enregistrent et programment ces musiques sur ordinateur et qui sont aussi musiciens), lorsqu’ils doivent prédéfinir une structure métrique dans les logiciels, choisissent quant à eux le « 4/4 » avec triolets de croches. Quoi qu’il en soit, au-delà des termes employés et de ce qu’on y met (ou cherche), pour les musiciens concernés par cette formule rythmique, les notions de mesure, de temps fort ne font pas nécessairement sens. La pulsation est pensée comme un débit et les formules rythmiques comme la répétition (variation) de motifs pris dans un flux. Pour une réflexion et un regard critique sur la notation et la désignation de cette formule rythmique, voir notamment Fuhr (2010).
  • [6]
    C’est par exemple le cas, à Madagascar, lorsque la formule est jouée au katsa katsa (hochet). A contrario, les batteurs de salegy (ou de séga moderne) marquent la pulsation avec la grosse caisse.
  • [7]
    Le salegy est un genre musical emblématique du nord de Madagascar. Joué par des orchestres électriques, il conjugue des esthétiques et procédés musicaux issus de traditions musicales locales et venues d’ailleurs (notamment de musiques africaines et nord-américaines modernes).
  • [8]
    À La Réunion, on distingue généralement le maloya dit « traditionnel » du maloya dit « électrique ». Le premier se caractérise par un chant exécuté en alternance entre un soliste et un chœur et accompagné par des tambours, des hochets et des idiophones divers, tandis que le second intègre des sonorités issues des modes internationales (reggae, rock, jazz, electro…). Ces deux courants s’inscrivent en réalité dans un continuum où le rythme est un dénominateur commun.
  • [9]
    Particulièrement présent aux Mascareignes, le séga recouvre deux formes principales. À l’Île Maurice et à l’Île Rodrigues le séga tipik et le séga tanbour désignent les formes dites « traditionnelles » de séga (marquées par l’alternance soliste/chœur et le jeu de tambours, d’idiophones et de hochets). Ces formes contrastent avec le séga moderne marqué par la forme chanson (couplet/refrain) et les sonorités électriques. Les textes de séga sont très marqués par la chronique et le commentaire social.
  • [10]
    Les enregistrements de la mission Henry Clérisse menée à Madagascar en 1939 témoignent de la présence de ce rythme dans les musiques de l’époque. Voir à ce propos les archives en ligne du CREM : http://archives.crem-cnrs.fr/archives/collections/CNRSMH_E_1946_001_001/
  • [11]
    Sur ce thème voir notamment l’article de Caroline Déodat (2015) cité en référence. Elle y décrit les processus de racialisation du séga mauricien. Elle montre comment, depuis la période de l’esclavage, la « sexualisation du corps dansant » a participé à la construction d’un imaginaire sexuel et racial du séga, lequel perdure aujourd’hui à travers une « rhétorique de l’authenticité dans la fabrique d’une tradition créole nationale ».
  • [12]
    Sur la notion de compatibilité des systèmes musicaux, voir notamment Nettl (1978) et sur la notion de « concordances musicales » voir Mallet (à paraître).
  • [13]
    Sur la notion de « tourbillon des influences » à partir de la musique de Madagascar voir Mallet (2009).
  • [14]
    Groupe ethnique du sud de Madagascar.
  • [15]
    Pour une démonstration du jeu de batterie du séga contemporain, voir cette vidéo de cours en ligne pour débutant : https://www.youtube.com/watch?v=yvdRbYtk118. Rimshot désigne le fait de frapper le cercle de la caisse claire en même temps que la peau.
  • [16]
    Hypothèse qui, prolongée par celle d’une « origine » antérieure africaine, pourrait expliquer la présence d’une clave « cousine » à Cuba.
  • [17]
    Pour une réflexion sur ce thème voir notamment le numéro 22 des Cahiers d’ethnomusicologie intitulé « Mémoire, traces, histoire » (2009).
Français

La présence d’un rythme commun, utilisé dans plusieurs genres musicaux de différentes îles du Sud-Ouest de l’océan Indien, est au cœur de représentations, de discours et d’analyses menés à travers le prisme des notions d’origine, de trace ou d’atavisme. Notre hypothèse est que ce rythme commun, qui a certes traversé le temps long, ne peut être appréhendé comme trace d’une histoire linéaire ou d’une origine première. Nous proposons plutôt de comprendre ce temps long comme une succession de moments clés, de différents contextes historiques et de « branchements » qui, à partir de ce rythme commun, ont nourri des redéfinissions esthétiques et identitaires de l’autre et du même, dans des jeux de miroirs et d’interrelations.

  • circulation
  • identités
  • musique
  • océan Indien
  • rythme

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Julien Mallet
IRD – URMIS Paris 7 Diderot.
Courriel : julien.mallet@ird.fr
Guillaume Samson
PRMA, La Réunion.
Courriel : guisams@yahoo.fr
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 20/11/2020
https://doi.org/10.4000/jda.9647
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