CAIRN.INFO : Matières à réflexion

L’internationalisation des politiques d’enseignement supérieur et de recherche constitue un des faits majeurs de l’évolution des systèmes académiques des trente dernières années (Dubois et al., 2016 ; Leresche et al., 2009 ; Martens et al., 2007 ; Lepori et al., 2015). Si elle ne saurait se réduire à sa forme la plus contemporaine, l’internationalisation puise aux racines même de la science, en particulier dès le XIXe siècle (Bettahar, 2019 ; Gingras, 2010). Cette internationalisation a fait l’objet de travaux pour en identifier les principales caractéristiques (ressources, discours, pratiques, processus, valeurs, normes, labels/standards, programmes politiques, etc.) et en examiner les effets sur les systèmes nationaux (c’est-à-dire les politiques publiques, les financements, les organisations, les carrières, les recrutements, les mobilités, les curricula, etc.) (Gingras, 2002 ; Musselin, 2009).
Marqués par des traditions nationales distinctes (Charle, 2013), les États seraient confrontés à la diffusion au choix d’un « modèle international de politiques scientifiques », de « grands paradigmes internationaux », de « modèles universitaires » (Bettahar et al., 2014) ou de « modèles étrangers » (Louvel & Hubert, 2016 ; Dubois et al., 2016), fortement empreints des réformes managériales (Braun & Merrien, 1999 ; Musselin, 2008) qui ont d’abord vu le jour dans les pays anglo-saxons et soutenues par les organisations internationales. Ce « modèle international » s’imposerait de plus en plus aux États et acteurs académiques, participant de l’imposition de recettes néo-managériales et/ou néo-libérales dans l’enseignement supérieur et la recherche…

Français

Cette introduction vise à esquisser la contribution du dossier thématique aux débats sur l’internationalisation des politiques d’enseignement supérieur et de recherche, en questionnant en quoi les réformes entreprises et/ou la conduite de l’action publique, dans différents pays, sont redevables de la circulation d’idées, de dispositifs ou de modèles internationaux. Pour ce faire, l’introduction revient sur la manière dont la littérature permet de problématiser ces circulations, les groupes d’acteurs qui s’en saisissent, les espaces privilégiés et d’appréhender ce qui se joue en termes d’appropriation ou de résistance. Les contributions rassemblées privilégient des enquêtes empiriques et comparatives, entre projets, pays, territoires infra-étatiques mais aussi entre zones d’intégration régionale, en considérant, non seulement l’espace européen mais aussi l’Amérique du Sud. Si les organisations internationales sont des vecteurs de ces circulations, les échanges bilatéraux sont aussi manifestes et montrent la diversité des univers de référence, loin de l’imposition d’un modèle unique et de l’hypothèse d’une convergence internationale. À travers les articles mobilisés, le dossier montre de la différenciation, mais peut-être surtout une politisation de ces politiques.

Cécile Crespy
Cécile Crespy est professeure des universités en science politique à Sciences Po Toulouse, membre junior de l’Institut universitaire de France et du Groupement de Recherche sur l’Action Multilatérale (GRAM-CNRS). Ses recherches portent sur les circulations internationales des élites et de l’expertise, les organisations internationales (OCDE), les politiques publiques internationales, le gouvernement des politiques universitaires et scientifiques (réformes, disciplines académiques). Parmi ses publications : « Politique de recherche nationale et risque environnemental global. L’action de la DGRST pour les sciences de la stratosphère face à la « crise de l’ozone » (1976-1981) », Revue française de sociologie, vol. 61, no. 1, 2020, pp. 17-42 (avec Morgan Jouvenet).
Sciences Po Toulouse – LaSPP – Université de Toulouse et Institut Universitaire de France, N° ORCID : 0000-0002-9388-6220.
Jean-Philippe Leresche
Jean-Philippe Leresche est professeur ordinaire à l’Institut d’études politiques (IEP) et à l’Observatoire science, politique et société (OSPS) de l’Université de Lausanne. Il a co-publié 24 ouvrages qui portent sur des thèmes aussi différents que la gouvernance métropolitaine et transfrontalière, le développement urbain durable, les politiques alimentaires, la valeur d’usage des sciences, l’évolution des disciplines académiques, l’internationalisation de la recherche et des enseignements supérieurs ou le gouvernement des universités. Son dernier ouvrage Récits facultaires est paru en 2022 aux éditions EPFL Press. Il porte sur l’histoire de la Faculté des sciences sociales et politiques de l’Université de Lausanne entre 1902 et 2022.
Université de Lausanne, N°ORCID : 0000-0003-2108-7726.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Il vous reste à lire 96 % de cet article.
Acheter le numéro À partir de 26,00€ 224 pages, papier et/ou électronique add_shopping_cart Ajouter au panier
Acheter cet article 5,00€ 15 pages, format électronique
(html et pdf)
add_shopping_cart Ajouter au panier
Autres options
S'abonner à cette revue link Via la page revue
Membre d'une institution ? business Authentifiez-vous
Mis en ligne sur Cairn.info le 05/07/2022
https://doi.org/10.3917/ripc.291.0007
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...