CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Investir dans les enfants, favoriser l’emploi des femmes et l’égalité entre les hommes et les femmes aussi bien dans la vie professionnelle que dans l’organisation domestique, prolonger la vie active et l’améliorer, se former tout au long de la vie... Telles sont quelques-unes des préconisations proposées pour redéfinir une architecture du système de protection sociale adaptée à la problématique actuelle. Les bases d’un nouvel État-providence ?

2Les systèmes européens de protection sociale se sont développés après 1945, dans un contexte spécifique marqué par le baby-boom, par une forte croissance économique assise sur une industrialisation et sur une consommation de masse, par le plein-emploi (masculin), et par des politiques économiques (keynésiennes) qui comptent sur les politiques sociales pour soutenir voire relancer la consommation. Dans ce schéma, l’État joue un rôle important pour soutenir la consommation et participer à la croissance économique. Tous ces éléments sont remis en cause aujourd’hui, le contexte économique, social et démographique ayant radicalement changé : on a aujourd’hui une relative faiblesse de la fécondité, une faible croissance économique assise sur les emplois de services, un taux de chômage élevé, une participation des femmes au marché du travail, ainsi qu’une remise en cause des politiques sociales en raison de leur coût économique et de leurs éventuels effets désincitatifs sur le travail. Il semble donc important de repenser les politiques sociales et de redéfinir les principes qui permettront d’orienter les réformes à venir. Comme toujours en matière de politique sociale, les principes doivent permettre de combiner efficacité économique et justice sociale. Cette tension qui porte les politiques sociales avait été résolue par l’approche keynésienne, qui intégrait les politiques sociales dans les objectifs et les moyens d’action des politiques économiques fondées sur la demande. Cette approche a constitué le socle théorique et politique sur lequel les États-providence se sont développés. Mais dans un nouveau monde, où ce sont les politiques économiques orientées vers l’offre qui dominent, il s’agit de voir quelle place et quelle forme on peut donner aux politiques sociales nouvelles.

Contrôler l’augmentation des dépenses publiques

3La première préoccupation de qui veut réformer les politiques sociales à l’heure actuelle est sans doute financière [1]. En raison de la limitation des ressources (liée à une croissance lente et à des gains de productivité ralentis) et de l’augmentation continue des dépenses (du fait des conséquences sociales des crises économiques et financières, de l’arrivée à maturité des systèmes de protection sociale et de l’émergence de nouveaux besoins sociaux), les systèmes de protection sociale des pays développés se retrouvent, en effet, dans des situations de déficits quasiment permanents. Depuis le milieu des années soixante-dix, les dépenses sociales augmentent plus vite que les ressources. Cette crise financière constante engendre un contexte d’austérité qui entoure voire structure toute réflexion sur l’avenir des politiques sociales, dans la mesure où de nouvelles augmentations importantes des prélèvements obligatoires ne semblent réalistes ni économiquement du fait des problèmes de compétitivité, ni politiquement du fait du rejet d’une pression fiscale trop forte.

4Dès lors, la plupart des solutions envisagées portent sur la diminution des dépenses sociales publiques, politiques de repli de l’État-providence qui marquent l’agenda des réformes depuis le milieu des années quatre-vingt. Si l’on en a beaucoup parlé, peu de pays développés ont véritablement réduit le niveau de leurs dépenses sociales publiques, dans la mesure où ils ont, en réalité, réussi à augmenter fortement les prélèvements obligatoires et où les projets de réduction drastique des prestations sociales ont souvent fait l’objet de rejets politiques virulents, la France en fournissant évidemment bien des exemples. Du fait de l’approfondissement de la compétition économique internationale, comme des engagements européens, il se pourrait que l’augmentation continue de prélèvements obligatoires, et notamment des cotisations sociales, ait cependant trouvé ses limites.

5Une solution passe par une compensation de l’abaissement du niveau de protection sociale obligatoire et publique par d’autres mécanismes, reposant sur des acteurs privés, qu’il s’agisse de la famille, des associations ou du marché. Mais se pose alors la question de l’égalité et des solidarités nationales, souvent mises à mal par l’intervention d’acteurs notamment marchands. L’autre solution passe par une meilleure efficacité des politiques sociales, notamment en matière de services.

6Au-delà des enjeux purement financiers, les évolutions économiques récentes imposent aussi une restructuration des systèmes de protection sociale, de façon à les rendre plus compatibles avec leur nouvel environnement économique et à favoriser l’augmentation du nombre de personnes actives.

Rendre la protection sociale plus favorable à l’emploi

7Dans les pays développés, l’enjeu est de reconstruire une protection sociale qui soit plus favorable à l’emploi. Dans les économies européennes de l’après-guerre, la protection sociale, en développant des prestations non directement liées à l’activité économique (retraites, prestations familiales), voire destinées à compenser des pertes de revenus (indemnités journalières en cas de maladie, prestations de chômage) permettait de soutenir la demande dans les périodes de plus faible croissance. Elle a aussi permis la création de nombreux emplois dans le secteur sanitaire et social. Cette capacité de la protection sociale de soutenir le plein-emploi, par le maintien de la demande et la création directe d’emplois, était importante dans tous les systèmes de protection sociale, qu’ils aient été financés par des cotisations ou par l’impôt. Dans les années quatre-vingt, la croissance plus lente combinée à l’ouverture des économies a placé la question du coût du travail au centre des débats. Les dépenses sociales sont alors apparues comme des coûts pesant sur le travail, plutôt que comme des facteurs de croissance et de plein-emploi.

8Dans le même temps, face à la montée du chômage, la protection sociale a été utilisée pour retirer des individus du marché du travail : sont apparus l’abaissement de l’âge de départ à la retraite (France), l’aide au maintien voire au retour des femmes au foyer (Allemagne), la multiplication des systèmes de préretraite (Allemagne et France), ainsi qu’un nombre croissant de bénéficiaires d’allocation pour handicapés (aux Pays-Bas notamment). Il s’agit là d’une évolution paradoxale des politiques sociales : partant d’une situation où elles devaient soutenir le plein-emploi, elles ont peu à peu été utilisées pour retirer des individus du marché du travail. De telles politiques de retrait du marché du travail ont conduit à une hausse des dépenses de protection sociale non compensée par de nouvelles ressources.

9Dans ces conditions, l’enjeu des réformes en cours et à venir est sans aucun doute de reconstruire une protection sociale tournée vers le travail. Pour beaucoup, les réformes doivent rendre les systèmes de protection sociale plus favorables à l’emploi en réduisant leur coût (notamment les charges sociales qui pèsent sur le travail) et non plus en augmentant les dépenses sociales. De même, les prestations doivent inciter à travailler plutôt que favoriser le retrait du marché du travail. Dès lors, la recherche d’un système de protection sociale qui soit plus favorable à l’emploi est devenue un trait commun des réformes conduites, relayé d’ailleurs par les analyses menées au sein de l’Union européenne.

10Une autre façon de rendre les programmes sociaux plus favorables à l’emploi passe par la mise en place de prestations plus incitatives, qui rendent préférable de travailler plutôt que de recevoir une prestation sociale pendant la période d’inactivité. Ces politiques d’activation des dépenses sociales visent à conditionner de plus en plus les allocations chômage à des activités de formation et de recherche active d’emploi, à “rendre le travail payant” par la création de crédit d’impôt destiné aux salariés modestes (comme la prime pour l’emploi) et à tenter d’augmenter les taux d’emploi (notamment des salariés âgés, par la réduction des préretraites). Il s’agit de passer de la garantie d’un revenu de remplacement hors marché à une stratégie d’incitation visant à favoriser le retour à l’emploi et à ramener les individus sur le marché du travail.

11En Europe, beaucoup dénoncent ce retour vers le marché, souvent marqué par des politiques néolibérales de workfare, c’est-à-dire conditionnant l’obtention d’une allocation à une obligation d’activité. D’autres interprétations prônent cependant une version alternative et positive, d’un point de vue de politique sociale, de ces tendances, marquée par le passage d’une action réparatrice à une action préventive et par une réorientation des dépenses sociales qui doivent moins se focaliser uniquement sur les hommes âgés (les dépenses de retraites) et davantage sur des investissements en direction du futur : les enfants et les femmes (via les politiques de lutte contre la pauvreté des enfants, via les politiques d’éducation et de formation initiales, et via les politiques visant à rendre compatibles la vie familiale et la vie professionnelle). On parle alors de réorienter les dépenses sociales de la compensation et de l’indemnisation vers l’investissement social.

Répondre aux nouveaux besoins sociaux

12Si elle doit être favorable à l’emploi, la protection sociale nouvelle doit aussi être adaptée au nouveau type d’emplois qui se développent du fait de la tertiarisation de l’économie, de la plus grande flexibilité des carrières, des difficultés rencontrées par ceux qui sont à côté du marché du travail des salariés masculins protégés : à savoir les jeunes, les femmes, les travailleurs vieillissants, les chômeurs de longue durée… On voit ici que les enjeux d’efficacité économique sont intrinsèquement liés aux enjeux de justice sociale.

13Si les enjeux économiques sont nombreux, leurs dimensions sociales ne doivent pas non plus être négligées. Les difficultés économiques récentes, tout comme les mutations des modes de production, font que de plus en plus de personnes mais aussi de nouveaux groupes se retrouvent en difficulté (les jeunes, les femmes, les personnes non qualifiées…). Ces personnes ne sont pas forcément les mieux protégées par les systèmes existants, qui se sont construits pour soutenir les travailleurs salariés (masculins) ayant un contrat à durée indéterminée, le plus souvent dans les secteurs industriels ou de services classiques. Ces travailleurs salariés protégés se retrouvent eux-mêmes dans une situation plus précaire, du fait des évolutions démographiques comme des mutations économiques qui risquent d’affaiblir leurs protections autrefois bien établies.

14L’un des enjeux de la définition des réformes à venir est de savoir qui sont les perdants et qui sont les gagnants. La situation est-elle si désespérée qu’on ne puisse envisager qu’un jeu à somme négative ? Tout le monde ne peut-il que perdre dans un contexte économique (globalisation, faible croissance économique) et social (vieillissement démographique) qui n’est plus du tout favorable à la protection sociale ? Ou bien doit-on proposer un jeu à somme nulle, les mieux protégés devant consentir quelques sacrifices au profit des moins bien lotis ? Et quelles sont surtout les possibilités de définir des scénarios où le jeu est à somme positive ? Certains proposent de tirer parti des évolutions démographiques, de profiter de l’allongement de la durée de vie, de l’amélioration de la condition physique des travailleurs autrefois qualifiés de vieillissants pour les maintenir dans l’emploi, pour profiter de leur expérience et augmenter les ressources de la protection sociale ; d’autres proposent aussi de tirer parti de la volonté des femmes de travailler pour créer des services sociaux (crèches, soins à domicile pour les personnes dépendantes), ce qui a le mérite à la fois de créer de nouveaux emplois et de permettre aux femmes de travailler par ailleurs. Ce débat autour des options en matière de protection sociale montre que des solutions existent et que le pessimisme absolu n’est en aucun cas de rigueur.

15Au-delà des solutions particulières qui peuvent être proposées, les débats sur l’avenir de la protection sociale posent la question générale de savoir comment à la fois respecter les engagements du passé, garantir les droits futurs et couvrir les nouveaux besoins sociaux. Dans ce nouveau contexte, les principes fondateurs de la protection sociale sont rediscutés. Faut-il encore lier la protection sociale au travail, et ainsi réserver les régimes de protection sociale les plus importants aux salariés et à leur famille, au risque d’exclure un nombre croissant de personnes, notamment ceux qui ont le plus besoin de protection ? Faut-il au contraire promouvoir une protection sociale universelle, accessible à tous les citoyens, sans condition de travail, de façon à garantir un minimum à tous ? A-t-on encore les moyens de promouvoir une protection sociale universelle, ou ne faut-il pas cibler l’intervention publique sur ceux qui en ont le plus besoin ?

Pourquoi nous avons besoin d’un nouvel État-providence

16C’est sous ce titre [2] que quatre chercheurs ont récemment travaillé à la redéfinition d’une nouvelle architecture pour la protection sociale européenne au XXIe siècle : Gøsta Esping-Andersen, Duncan Gallie, John Myles et Anton Hemerijck. Il s’agit sans doute de l’un des travaux les plus importants et cohérents actuellement produits sur ces questions. Les auteurs proposent une nouvelle définition des politiques sociales qui ne soit pas purement une déclinaison des politiques sociales promues par les économistes néoclassiques, tout en s’inscrivant dans le nouveau contexte économique dominant.

17Quelles sont les transformations des politiques sociales et d’emploi nécessaires pour accompagner et contribuer à l’émergence en Europe de l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique au monde (objectif que s’est fixé l’Europe au sommet de Lisbonne, en mars 2000) ? L’heure n’est plus au rafistolage des systèmes issus du passé mais à l’élaboration de nouveaux principes et de nouvelles pistes pour les politiques sociales et les politiques d’emploi. Il s’agit moins d’élaborer un nouveau plan de Sécurité sociale, tels ceux proposés dans les années quarante par W. Beveridge ou P. Laroque, que de mettre en avant de nouveaux principes et de nouvelles lignes générales d’action. Les systèmes européens de protection sociale sont bien trop différents et il n’est pas possible de faire table rase du passé pour prétendre promouvoir un nouveau modèle social européen clé en main.

18En revanche, il est possible de souligner les réorientations nécessaires pour permettre aux citoyens européens de vivre dans les meilleures conditions sociales possibles la transition d’une économie essentiellement industrielle vers une économie de service, qui mobilise des emplois de plus en plus qualifiés, mais fait aussi appel aux services à la personne, souvent peu qualifiés. De nouveaux risques de polarisation sociale apparaissent avec la transformation des économies, et notamment avec le développement d’emplois peu qualifiés et mal rémunérés. Pour faire face à ces nouveaux risques, nos auteurs proposent de moins se soucier de l’égalisation des conditions de vie (qui était un des objectifs de l’ancien État-providence) que de garantir une égalité des chances tout au long de la vie, et notamment d’éviter à quiconque de rester piégé dans des emplois de mauvaise qualité (les “MacJobs”) ou dans des situations de marginalisation sociale. L’enjeu est d’abandonner une perspective statique pour en adopter une qui soit dynamique et qui pense les problèmes sociaux en termes de cycle de vie. Cette perspective doit permettre de passer d’une stratégie de politiques sociales réparatrices et compensatrices à une stratégie préventive et d’investissement social. Il s’agit donc d’exposer une stratégie cohérente et articulée de restructuration des systèmes européens de protection sociale à partir d’une réflexion sur chacune des phases du cycle de vie : l’enfance, la compatibilité entre vie familiale et vie professionnelle et l’égalité entre les genres, les conditions de la vie active, la retraite, tout en soulignant les interconnections entre chacune de ces dimensions.

19Alors que les systèmes actuels de protection sociale dépensent de plus en plus pour les personnes âgées, G. Esping-Andersen souligne la nécessité d’investir dans les enfants. Plutôt que de lutter contre l’exclusion sociale une fois qu’elle est réalisée, plutôt que de devoir former de nouveau une main-d’œuvre sur le tard, on peut concentrer les efforts sociaux sur une démarche préventive centrée sur l’enfance. Lutter contre la pauvreté des enfants et leur garantir les meilleures conditions de garde et d’éveil doit à la fois permettre de prévenir l’exclusion (la pauvreté sévit le plus chez les adultes issus de milieux pauvres) et préparer une main-d’œuvre mieux formée, qualifiée et flexible (les difficultés scolaires peuvent être évitées grâce à une socialisation précoce en crèche). Pour ce faire, il est nécessaire à la fois de garantir un revenu minimal à toutes les familles (donc de ne pas abandonner les anciennes politiques distributives, voire de les développer dans le cas de pays où les prestations sont résiduelles : la lutte contre les effets de la pauvreté et de la précarité des familles reste essentielle) et de favoriser le développement des modes collectifs de prise en charge des enfants qui garantissent une bonne socialisation primaire, une future capacité d’apprentissage qui permettra plus tard de développer les capacités intellectuelles adaptées à une économie de la connaissance et des services.

20Le développement des services sociaux de prise en charge des enfants et d’autres personnes dépendantes permet en outre de réaliser des objectifs définis en fonction d’un deuxième enjeu, celui qui doit permettre de favoriser l’emploi des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes. Développer des crèches et d’autres services sociaux permet de créer des emplois pour les femmes et permet aux mères de travailler. En outre, cela apparaît essentiel aussi bien pour les enfants que pour favoriser l’emploi des femmes et rendre compatible vie familiale et vie professionnelle. Favoriser le travail des femmes correspond à une volonté de ces dernières (acquérir une autonomie financière par rapport aux hommes), mais aussi à un double besoin social : réduire les risques de pauvreté des enfants (la pauvreté des enfants est toujours plus faible dans les ménages où les deux parents travaillent) et augmenter les taux généraux d’emploi (afin de dégager des ressources pour les retraites). Mais des politiques favorables aux femmes ne peuvent se satisfaire de la seule compatibilité vie professionnelle/vie familiale, elles doivent aussi insister sur l’égalité entre les hommes et les femmes. Il s’agit bien sûr d’égalité de traitement dans la vie professionnelle. Mais il convient aussi de rééquilibrer la répartition des tâches domestiques entre les hommes et les femmes. La vie professionnelle des femmes, et notamment leurs carrières, adopte des traits de plus en plus masculins. Une véritable politique d’égalité devrait donc aussi viser à féminiser les traits de la vie des hommes, en les incitant à plus s’investir auprès des enfants et des tâches familiales.

21Il s’agit ainsi de transformer à la fois la vie familiale et la vie professionnelle. Si l’on veut augmenter les taux d’emploi et prolonger la vie active, il devient nécessaire d’améliorer la qualité de la vie active afin de lutter contre la marginalisation et les exclusions inhérentes à l’économie de la connaissance et des services. Fondées sur la mobilité et sur le renouvellement des compétences, ces économies relèguent ceux dont les qualifications ne changent pas, voire se dégradent au fil de la carrière. Le risque de déqualification devient un véritable risque social. Or les emplois peu qualifiés actuels tendent à renforcer la déqualification. Si la formation initiale est essentielle, il convient dès lors de transformer et d’améliorer les emplois de façon à ce que même les emplois très peu qualifiés soient ouverts et que soit fournie à tout salarié l’occasion de renouveler ses compétences, ses capacités d’apprentissage et d’adaptabilité. Les politiques d’activation doivent donc être complétées par des politiques d’amélioration des emplois et des conditions professionnelles.

22Il sera dès lors plus aisé de demander aux individus de travailler plus longtemps et d’augmenter les taux d’emploi : les deux stratégies principales proposées pour résoudre les problèmes des retraites engendrés par le vieillissement démographique. À ces solutions qui passent par les politiques d’emploi, John Myles ajoute pour les politiques de retraites proprement dites le principe dit de Musgrave, qui veut que si l’on modifie les niveaux de cotisations (payées par les actifs) ou bien les niveaux des pensions des retraités, on ne modifie pas le rapport entre salaire net des actifs et revenu net des retraités, afin de maintenir l’équité intergénérationnelle.

23Toute recommandation pour réformer l’État-providence doit prendre en compte la diversité des voies nationales empruntées, tout en rappelant que les institutions européennes sont de plus en plus entrées dans le jeu des réformes, notamment par le biais de la méthode ouverte de coordination, qui vise à proposer des principes communs d’action tout en laissant chaque État libre de choisir les voies et les moyens d’atteindre les objectifs partagés. Toute réflexion sur l’avenir de la protection sociale en Europe doit en effet tenir compte des différences entre les systèmes de protection sociale, ainsi que du nouveau contexte créé par la construction économique européenne. Cependant, le mérite de ces orientations inspirées par certaines expériences et réflexions européennes est de proposer un horizon nouveau et commun pour les réformes de la protection sociale, qui ne se limite plus à de simples restrictions budgétaires mais qui allie ajustement aux nouveaux contextes économiques et possibilité de progrès social. ?

Notes

  • [1]
    Ces réflexions sur les enjeux des réformes actuelles de la protection sociale sont inspirées du premier chapitre de Mondialisation et politiques sociales, ouvrage collectif dirigé par Bruno Palier et Louis-Charles Viossat, Paris, Futuribles, 2001.
  • [2]
    Why we Need a New Welfare State, Oxford University Press, 2002.
Français

Résumé

Le contexte théorique et politique sur lequel l’État-providence s’est constitué dans les pays développés n’est plus le même. Les solutions envisagées à partir des années soixante-dix n’ont pas réussi à prendre acte du nouvel environnement. Après avoir retiré des individus du marché du travail, l’enjeu est maintenant de se tourner vers le travail, mais sans négliger les aspects de justice sociale. Les axes principaux de cette transformation, selon de nombreux chercheurs internationaux, seraient en particulier centrés sur une stratégie de prévention et d’investissement social, notamment en direction des enfants.

Bruno Palier
Chercheur CNRS au CEVIPOF, à Sciences-po, il est l’auteur de Gouverner la Sécurité sociale, Paris, PUF, coll. “Le lien social” (2e édition actualisée en 2005) ; La réforme des systèmes de santé, Paris, PUF, coll. “Que sais-je ?” (2e édition actualisée en 2005) ; La réforme des retraites, Paris, PUF, coll. “Que sais-je ?” (2e édition actualisée en 2004). Courriel : bruno.palier@sciences-po.fr
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/05/2008
https://doi.org/10.3917/inso.128.0118
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Caisse nationale d'allocations familiales © Caisse nationale d'allocations familiales. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
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