CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le lourd héritage de l’expédition d’Égypte a longtemps poussé les spécialistes de l’histoire pharaonique à s’intéresser presque exclusivement aux constructions monumentales – complexes funéraires et édifices religieux abondamment épigraphiés – dont le pays est richement doté. La fouille des habitats, qui présentent la plupart du temps des vestiges bien moins spectaculaires, est de ce fait restée au second plan; il faut ajouter à cela que l’étude des villes est souvent rendue délicate par leur localisation dans des basses terres, longtemps soumises au régime de l’inondation. Ce n’est que récemment que plusieurs grandes cités – comme Memphis, ou Per-Ramsès dans le Delta – ont commencé à faire l’objet d’une exploration systématique, qui met bien en valeur l’importance du fait urbain en Égypte ancienne. Ces recherches, toujours en cours, mettent tout particulièrement l’accent sur la relation privilégiée entretenue par les centres administratifs les plus importants et le pouvoir royal. De nombreuses capitales semblent ainsi avoir connu un sort qui les liait étroitement à la personnalité de leurs fondateurs, leur déchéance intervenant parfois rapidement après la disparition de ceux-ci. La création d’une ville peut ainsi apparaître comme le reflet de la politique qui l’a suscitée, qu’il s’agisse d’une réponse à une question d’ordre administratif, économique ou militaire, ou encore d’un enjeu portant sur la définition même du pouvoir royal.

La fondation des villes et la mise en valeur du pays

2Le récit d’Hérodote, lorsqu’il évoque la personnalité de Menès, premier pharaon à avoir selon la tradition réuni la Haute et la Basse-Égypte, établit déjà un lien implicite entre l’établissement du pouvoir de ce roi et la fondation de la ville de Memphis – qui demeura la capitale administrative du pays pendant la quasi totalité de l’histoire pharaonique :

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« À ce que m’ont raconté les prêtres, Min, premier roi de l’Égypte, mit à l’abri d’une digue l’emplacement de Memphis; car le fleuve coulait alors tout entier le long de la chaîne sablonneuse, du côté de la Libye; Min, en amont, à 100 stades environ de Memphis vers le sud l’obligea par des levées de terre à faire un coude, mit à sec l’ancien lit, et dériva le fleuve de façon qu’il coulât par le milieu de la plaine. Aujourd’hui encore, les Perses exercent sur ce coude, pour que le cours du Nil soit écarté, une grande surveillance et ils le renforcent tous les ans; car si, à cet endroit, le fleuve venait à rompre la digue et à déborder, Memphis entière risquerait d’être submergée. Après, continuent les prêtres, que ce Min, qui fut le premier roi, eut asséché l’espace d’où le Nil était écarté, il y fonda la ville qui maintenant est appelée Memphis. Memphis est en effet déjà dans la partie étroite de l’Égypte, et en dehors de cette ville, il fit creuser un lac, alimenté par le fleuve, qui l’entoure au nord et à l’ouest (du côté du Levant le Nil lui-même la limite); puis, dans la ville, il construisit le sanctuaire d’Héphaïstos, qui est vaste et très digne qu’on en parle » [1].

4Malheureusement, les sources contemporaines de la constitution de la société pharaonique sont beaucoup plus délicates à utiliser pour étudier la fondation des villes. Les vestiges des plus grandes cités qui ont vu s’épanouir la civilisation de Nagada – Hiérakonpolis, Nagada et Abydos, en Haute-Égypte – restent en effet modestes. Ils montrent cependant que la constitution de ces pôles urbains a dû être un phénomène très lent, s’échelonnant sur plusieurs siècles [2]. En revanche, rien n’exclut une « refondation » d’ordre politique de ces cités, à des moments clés de l’histoire : les fouilles menées à Hiérakonpolis font ainsi apparaître que la cité, déjà ancienne, a reçu une enceinte au début de la période dynastique, et a vu son plan profondément remanié. Ces réaménagements pourraient correspondre à l’édification d’une résidence royale, dont des vestiges ont également été identifiés sur le site [3]. On remarque en tout cas que les villes sont régulièrement évoquées dans les premiers documents figurés transmis par la civilisation pharaonique : les palettes à fard décorées de l’époque de Nagada III, période qui correspond précisément à l’apparition d’un pouvoir royal unifié sur l’ensemble du pays. Ainsi la « palette des villes » (fig. 1) montre-t-elle sur l’une de ses faces un alignement de sept cités, sur deux registres.

Figure 1

Palette dite « des villes» ou «du tribut libyen» (recto et verso)

Figure 1
Figure 1 : Palette dite « des villes» ou «du tribut libyen» (recto et verso) d’après B. Midant-Reynes, Préhistoire de l’Égypte, Paris, 1992, fig. 21, p. 229.

Palette dite « des villes» ou «du tribut libyen» (recto et verso)

d’après B. Midant-Reynes, Préhistoire de l’Égypte, Paris, 1992, fig. 21, p. 229.

5Chacune de ces entités est matérialisée par une enceinte crénelée qui enserre une série de petits carrés et un ou plusieurs signes hiéroglyphiques servant sans doute à écrire le nom de la localité. Au-dessus de ces enceintes figurent des animaux et des enseignes, pourvus systématiquement d’une houe : on observe un faucon au début du premier registre, un lion et un scorpion au registre suivant. Or ces trois animaux sont ceux qui, pour leur combativité, sont régulièrement retenus dans l’iconographie de cette période pour évoquer la figure du prince. De très nombreuses interprétations ont été données de ce document, malheureusement fragmentaire. On a parfois suggéré qu’il s’agissait d’une évocation de la destruction de cités de Basse-Égypte, par des rois de Haute-Égypte, dans le contexte d’une unification violente du pays. Mais le caractère pacifique de cette représentation semble confirmé par ce que l’on trouve sur l’autre face du document, des processions bien alignées d’animaux domestiques (bovidés, ânes, capridés) et un paysage planté d’arbres. Il est bien plus probable que la houe, tenue par les enseignes qui surmontent la ville, fasse allusion à un acte de fondation, par exemple au creusement d’un premier sillon délimitant symboliquement la cité [4]. On retrouve d’ailleurs cet outil, dans un rôle positif, sur un document contemporain : la massue du roi Scorpion (fig. 2).

Figure 2:

Tête de massue du roi Scorpion

Figure 2:
Figure 2: Tête de massue du roi Scorpion, d’après B. Midant-Reynes, Aux origines de l’Égypte, Paris, 2003, fig. 81, p. 352.

Tête de massue du roi Scorpion

d’après B. Midant-Reynes, Aux origines de l’Égypte, Paris, 2003, fig. 81, p. 352.

6Le roi y est représenté debout, équipé de cet instrument, près d’une voie d’eau; devant lui deux personnages lui présentent un balai et une corbeille. Une fois de plus, de multiples interprétations ont été données à ce tableau : mise en place d’une irrigation artificielle, aménagement de l’espace sacré d’un temple, fondation de la cité de Memphis – suivant le récit pourtant bien plus tardif d’Hérodote [5]. Quoi qu’il en soit, la manipulation de la houe par le roi s’inscrit très clairement dans le cadre d’une valorisation du territoire, confirmant ainsi le message livré par la palette des villes. Lorsqu’elle est mise en scène, la destruction violente d’une cité – telle qu’elle apparaît par exemple au registre inférieur de la palette de Narmer (fig. 3) – est quant à elle dépourvue d’ambiguïté.

Figure 3

Palette de Narmer (recto) : le registre inférieur montre le roi, sous la forme d’un taureau, détruisant une cité

Figure 3
Figure 3 : Palette de Narmer (recto) : le registre inférieur montre le roi, sous la forme d’un taureau, détruisant une cité, d’après B. Midant-Reynes, Aux origines de l’Égypte, Paris, 2003, fig. 82a, p. 356.

Palette de Narmer (recto) : le registre inférieur montre le roi, sous la forme d’un taureau, détruisant une cité

d’après B. Midant-Reynes, Aux origines de l’Égypte, Paris, 2003, fig. 82a, p. 356.

7Ces premiers documents semblent donc mettre la fondation des cités en relation étroite avec la mise en valeur économique du territoire, dès les origines de l’Égypte. Ce phénomène s’observe encore plus clairement aux périodes suivantes de l’histoire pharaonique, l’exploitation de nouvelles terres s’accompagnant manifestement, pendant l’ensemble de l’Ancien Empire, d’un développement important des fondations royales permettant d’administrer les régions [6]. L’archéologie permet parfois d’avoir un aperçu de ces nouvelles implantations : ainsi à Balat, dans l’oasis de Dakhla, les fouilles menées par l’Institut français d’archéologie orientale depuis 1976 ont-elles permis de mettre en valeur l’existence d’une cité remontant à la VIe dynastie, et équipée d’un palais du gouverneur. L’abondante documentation écrite découverte sur le site – notamment des tablettes d’argile gravées en hiératique – donne une image précise de la gestion d’une province depuis un pôle administratif local à cette époque [7]. Il est vraisemblable que la création de cette implantation urbaine, très éloignée de la vallée du Nil, ait été décidée par le pouvoir central pour permettre l’exploitation d’un territoire agricole nouveau, dans un contexte général de pénurie des domaines disponibles.

Les villes de pyramides

8À toutes les époques de l’histoire pharaonique, la construction du complexe funéraire du roi au pouvoir constituait l’une des réalisations majeures du règne. Ces chantiers royaux mobilisaient, pendant parfois plusieurs dizaines d’années, des milliers d’ouvriers spécialisés et d’artisans chargés de la taille des blocs de pierre, de la construction et la décoration des monuments. Le travail ne se résumait pas à l’édification d’une pyramide : à partir de la IVe dynastie, un certain nombre d’éléments cultuels sont nécessaires autour du tombeau pour rendre un culte au roi défunt. On y trouve ainsi un temple haut, accolé à la pyramide, une chaussée montante permettant d’accéder à ce sanctuaire, et enfin, en contrebas, à la lisière des cultures, un temple bas (ou temple de la vallée, temple d’accueil), le plus souvent équipé d’installations portuaires. L’ensemble couvre donc un très vaste espace, reliant la périphérie du lit majeur du Nil à des constructions édifiées sur le sommet du plateau libyque. Dans le cadre de l’édification de ces complexes funéraires, la création d’une nouvelle ville était nécessaire pour deux raisons. La première était la nécessité d’assurer l’intendance des travaux, tout au long de leur réalisation : l’administration devait impérativement s’implanter à proximité du chantier dont elle assurait la supervision, chantier d’ailleurs susceptible de se déplacer de plusieurs dizaines de kilomètres d’un règne à l’autre, voire au cours du même règne. Snefrou, le fondateur de la IVe dynastie, fit ainsi construire un premier monument à Meidoum (60 km au sud du Caire) avant de retenir, pour ses dernières réalisations, le site de Dahchour (40 km plus au nord). Son fils et successeur Chéops choisit quant à lui le site de Giza (20 km au nord de Dahchour), le troisième roi de la dynastie – Djedefrê – optant enfin pour le site d’Abou-Rawash, encore 8 km plus au nord. La seconde nécessité était celle d’entretenir le culte du roi défunt : chaque temple funéraire était doté d’un clergé qui avait pour mission de présenter quotidiennement des offrandes alimentaires au pharaon, de vêtir, oindre, maquiller certaines de ses effigies qui se trouvaient conservées dans les sanctuaires, en fonction d’un calendrier religieux complexe. Des papyrus de la Ve dynastie, qui émanent de la nécropole royale d’Abousir, permettent d’avoir une idée des effectifs mobilisés dans ce contexte : probablement 300 prêtres, répartis en tribus (phyles) alternant à un rythme mensuel au cours de l’année [8]. Ces personnages, ainsi que leurs familles, devaient impérativement être logés à proximité du lieu de l’exercice de leur fonction. L’implantation de ce groupe social privilégié pouvait ainsi servir de point de départ à une occupation plus massive, et plus diversifiée.

9Toutes les villes de pyramides ne nous sont pas connues. On observe parfois les vestiges d’un habitat prolongé à proximité de certains temples bas. Dans celui de Mykérinos à Giza on peut même remarquer que, à la fin de l’Ancien Empire, les prêtres chargés du culte funéraire et leurs familles ont progressivement « privatisé » l’espace sacré du sanctuaire pour ne laisser en dernière instance au culte du roi défunt qu’une simple chapelle [9]. Le même phénomène a été observé à plusieurs endroits (notamment à Dahchour). Il s’agit le plus souvent d’implantations modestes, mais certaines d’entre elles ont certainement connu un développement plus important : on note par exemple que le nom qui est resté à la ville de Memphis – Men-Nefer selon les sources égyptiennes – dérive du nom porté par le complexe funéraire du pharaon Pépi Ier (VIe dynastie), dont l’énoncé complet est « Pepi-Men-Nefer » (La perfection de Pepi est stable). La cité associée à ce complexe royal, bien que ses vestiges n’aient pas été découverts, devait être de tout premier plan pour avoir ainsi laissé son empreinte dans la désignation du centre administratif le plus important de l’histoire égyptienne.

10Ce sont des exemples plus tardifs, tel celui de Kahoun dans la province du Fayoum, qui permettent le mieux d’avoir une idée de l’organisation interne d’une ville de pyramide. Il s’agit d’une localité qui fut édifiée lors de la construction du complexe funéraire du quatrième roi de la XIIe dynastie, Sésostris II (c. 1881-1873 av. J.-C.). Cette cité est clairement associée, par sa position même, au culte du roi défunt : elle se trouve en effet attenante au temple d’accueil du roi, à la lisière des terres cultivables, quelque 1,2 km à l’est de la pyramide. Le nom de cette localité, « Hotep-Senouseret » (Sésostris est satisfait) est d’ailleurs modelé sur celui de son fondateur. Les fouilles qui furent menées sur le site en 1889 par l’archéologue britannique W. M. F. Petrie ont permis de restituer le plan complet de cette implantation, bien qu’une partie de la zone sud de l’ensemble ait été irrémédiablement détruite par l’érosion (fig. 4) [10].

11La ville s’inscrit dans un rectangle de 384 m est-ouest, sur 335 m nord-sud, et se trouve entièrement entourée d’une enceinte de briques crues, non fortifiée, s’ouvrant par une unique porte au nord-est de l’ensemble. Elle couvre donc une surface de près de 13 hectares, ce qui est considé-rable. Mais, plus encore que sa superficie, c’est sa forme qui est instructive : pur produit de « l’esprit bureaucratique » de l’époque, la ville de Kahoun a été entièrement planifiée avant sa construction par l’administration égyptienne : à l’intérieur du cadre rectangulaire qui lui a été donné, les rues se recoupent à angle droit, et confèrent à la cité un plan « hippodamien » avant la lettre. L’intervention de l’É tat ne s’arrête d’ailleurs pas à cette organisation géométrique : la taille et l’aménagement interne des maisons qui constituent l’espace urbain ont également été scrupuleusement définis. On remarque en effet que seuls deux types d’habitations ont été prévus : de grandes villas – on en dénombre une dizaine – sont regroupées dans la partie nord-est de la ville, de part et d’autre de la voie menant à la poterne. Le reste de l’espace est entièrement occupé par des constructions de taille très modeste, qui sont alignées par doubles travées à l’ouest comme au sud de la localité. Cette organisation spatiale traduit en ellemême une vision hiérarchisée, très schématique, de la société, qui se compose de deux catégories de citoyens : les hauts fonctionnaires, opposés à des couches plus modestes de la société.

12Les villas correspondent à un modèle de grande propriété qui est bien connu par ailleurs : des exemples de ce type de résidence ont été découverts sur des sites contemporains, à Abydos en Moyenne Égypte, comme à Tell Dab’a, dans l’est du Delta [11]. Chacune d’elles occupe à Kahoun une surface respectable de 42 m de large sur 60 m de long (soit plus de 2 500 m2 ). La partie centrale est réservée au logement du maître de maison et de sa famille : on remarque notamment, au cœur du dispositif, la présence d’une série de trois pièces alignées : au centre une salle de réception à quatre colonnes, flanquée d’un côté d’une pièce plus petite, à deux colonnes, et de l’autre d’une chambre à coucher pourvue d’une alcôve. Cet espace est mis en contact, au moyen d’un vestibule à colonnade, avec une cour ouverte qui pouvait comporter un jardin d’agrément. Chacune des villas possède encore, sur sa périphérie, de nombreux espaces de services. Ceux-ci pouvaient servir à la préparation des aliments consommés quotidiennement par la maisonnée, comme au développement de certaines activités artisanales (tissage, menuiserie) : des modèles réduits du Moyen Empire montrent en effet que les grandes propriétés servaient régulièrement de cadre, au profit du maître de maison, à ces industries. Enfin, on relève la présence, dans toutes ces propriétés, de greniers de vaste extension. Les projections qui ont été faites par différents archéologues permettent de penser que ces espaces de stockage – pour seulement 10 villas – auraient pu à Kahoun renfermer quelque 2 500 m3 de grain, en admettant qu’ils aient été utilisés au maximum de leur capacité. Cette quantité de céréales aurait alors permis l’entretien annuel d’une population comprise entre 5 000 et 9 000 personnes [12]. La documentation papyrologique découverte sur le site permet de faire le portrait de l’occupanttype de l’une de ces villas : un recensement de la maisonnée d’un prêtre du nom de Khakaourê-Snefrou, responsable du culte funéraire de Sésostris II, a en effet été retrouvé. Ce texte indique que le personnage avait à son service au moins 20 personnes. La documentation mentionne également un certain nombre d’administrateurs civils, tel le gouverneur de la cité, qui devaient loger dans les villas.

Figure 4:

Plan de la ville de Kahoun

Figure 4:
Figure 4: Plan de la ville de Kahoun, d’après W.M.F. Petrie, Ilhahun, Kahun and Gurob, Londres, 1891, pl. XIV.

Plan de la ville de Kahoun

d’après W.M.F. Petrie, Ilhahun, Kahun and Gurob, Londres, 1891, pl. XIV

13Les maisons les plus modestes couvrent quant à elles une superficie qui n’est guère supérieure à 25 m2. Leur organisation interne est bien plus simple : elles comportent généralement trois ou quatre pièces, qui rayonnent autour d’un même vestibule. Entre 400 et 500 d’entre elles devaient à l’origine être présentes sur le site – bien que le plan montre également que ces structures ont évolué avec le temps, certaines unités ayant fusionné au fil des années pour créer des modèles de logements intermédiaires, que le planificateur n’avait pas prévus. Plusieurs documents administratifs permettent, dans ce cas également, d’avoir une idée de la population type de ces petites structures : un certain nombre de testaments, qui donnent parfois une description sommaire des habitations, montrent que ces maisons sont occupées par des membres inférieurs du clergé, ainsi que par des petits responsables administratifs, des gardiens et des soldats, le nombre moyen d’habitants s’établissant pour chaque maison autour de six personnes, selon les différents recensements qui nous sont parvenus. Tous ces gens constituent une véritable classe moyenne qui dépend très certainement, pour sa survie, des largesses de l’É tat. Le volume des greniers présents dans les villas laisse ainsi fortement penser que l’élite qui en était propriétaire était responsable du ravitaillement de l’ensemble de la population urbaine, dont le chiffre peut être évalué à environ 3 000 habitants.

14La ville de Kahoun constitue ainsi un exemple représentatif de la fondation d’une ville à la fin du Moyen Empire, fondation qui semble avoir connu un relatif succès puisqu’elle fut occupée pendant près de deux siècles. Un cas très proche peut être relevé à Abydos, en Haute-Égypte, près de la fondation funéraire du fils et successeur de Sésostris II, Sésostris III, où l’existence d’une cité de 6 hectares, également désignée d’après le nom de son fondateur « Ouah-sout-Khakaourê-maâ-kherou-en-Abdjou » (Les fondations de Khakaourê justifié perdurent en Abydos), a récemment été mise en valeur [13]. Toutes ces cités ont pour origine une fonction bien précise : l’entretien du culte du roi défunt. Elles acquièrent avec le temps des fonctions plus diversifiées, et peuvent jouer, pendant plusieurs siècles, un rôle de commandement majeur au sein de la province dans laquelle elles s’inscrivent. Le même phénomène peut également s’observer dans les fondations militaires créées, à la même époque, en Basse Nubie. Dans cette région, des implantations fortifiées, qui obéissent au même plan en damier, et qui ont pour fonction initiale d’assurer le contrôle d’une zone disputée aux marges de l’Égypte, deviennent au bout de quelques décennies des nœuds administratifs et économiques importants, où la population vit également de l’artisanat, du commerce et de la mise en valeur des terres avoisinantes [14].

Le roi et sa capitale

15La fondation d’une nouvelle ville peut donc répondre à des motivations d’ordre religieux, administratif ou militaire, tout au long de l’histoire de l’Égypte. Il est cependant des cas où la création d’une capitale peut être, de la part d’un souverain, une initiative essentiellement politique, visant à marquer une rupture avec la période précédant son règne. Cela s’est sans doute produit très tôt dans l’histoire pharaonique, bien que les sources manquent la plupart du temps pour en rendre compte de façon détaillée. L’une des premières attestations claires de ce phénomène peut sans doute être observée au Moyen Empire, où deux dynasties – la XIe et la XIIe – se succèdent dans des conditions qui restent pour nous obscures. On a parfois parlé de complot, de coup d’É tat, voire d’assassinat du dernier roi de la XIe dynastie, Montouhotep IV, dont le règne est très bref. Après la disparition de ce pharaon, le fondateur de la XIIe dynastie, Amenemhat Ier (c. 1994-1964 av. J.-C.) semble avoir dans un premier temps résidé à Thèbes, où il commença à se faire aménager un complexe funéraire [15]. Mais, après cinq années de règne, les travaux sont brutalement interrompus, et le souverain quitte la Haute-Égypte pour s’installer dans la région de Memphis, puis fonder, au nord du Fayoum, une nouvelle capitale au nom-programme de « Ity-Taouy » : Celui qui saisit les Deux-Terres. C’est à proximité de cette localité que fut en dernière instance édifiée la pyramide de ce roi, ainsi que celle de son successeur. Or, d’après les documents qui nous sont parvenus, ce changement de résidence semble correspondre à une modification importante de la titulature royale – autre indice fort de rupture. Le roi abandonne alors son premier nom d’Horus (« Sehetep-ib-taouy » : Celui qui satisfait le cœur des Deux-Terres) pour prendre celui, très évocateur, de « Ouhem-Mesout » : Celui qui renouvelle des naissances. Il est ici vraisemblable que la fondation d’une capitale ait été davantage dictée par des impératifs d’ordre idéologique que des motifs purement administratifs et économiques. Le nouveau pouvoir, après avoir tenté de s’imposer dans une ville sans doute trop marquée par l’œuvre de ses devanciers, aurait finalement choisi de créer ex nihilo une nouvelle cité pour mettre fin à d’éventuelles oppositions, et affirmer le début d’une ère nouvelle dans l’histoire du pays.

16Le même phénomène se reproduit dans des conditions similaires au Nouvel Empire, à la fin de la XVIIIe dynastie – c. 1343 av. J.-C. L’exemple est cette fois-ci bien mieux connu, car il peut être étudié à la fois par des sources épigraphiques, et des témoignages importants fournis par l’archéologie : il s’agit de la fondation de la cité de Akhet-Aton (l’horizon d’Aton) à Tell el-Amarna en Moyenne Égypte. La création de cette nouvelle capitale fut l’œuvre du pharaon Aménophis IV/Akhenaton, auteur d’une véritable révolution politique, culturelle et religieuse. En effet, dès son accession au pouvoir, le roi tenta de substituer au culte du dieu dynastique, Amon de Thèbes, celui d’une divinité solaire beaucoup plus abstraite désignée sous le nom de Aton, « le disque ». Les raisons de ce choix religieux sont encore l’objet de nombreuses spéculations : s’agissait-il de l’expression d’une croyance personnelle, à caractère messianique, du roi, ou bien d’un calcul politique visant à déstabiliser le clergé d’Amon, devenu trop puissant ? Toujours est-il que la rupture franche avec le passé ne se produisit pas immédiatement. Dans un premier temps, le pharaon tenta simplement d’imposer le culte de la nouvelle divinité à Thèbes, en faisant édifier, à l’est du temple d’Amon, une série d’édifices cultuels en son honneur [16]. Ce n’est que vers l’an 4 ou l’an 5 de son règne que l’action du roi se radicalise : il modifie alors l’ensemble de sa titulature, échangeant en particulier son nom de Amenhotep (Amon est satisfait) trop lié à l’ancien culte, contre celui de Akhenaton (Agréable à Aton). C’est à ce moment précis que le pharaon décide de changer de capitale et qu’il ordonne, parallèlement, d’effectuer un martelage systématique de toutes les occurrences du nom d’Amon présentes sur les monuments thébains. Une fois encore, le changement de capitale, et la fondation d’une nouvelle cité, procède sans doute de l’incapacité d’adapter à un pouvoir nouveau une réalité politico-religieuse ancienne. Le site même de Thèbes, couvert depuis le Moyen Empire de monuments en l’honneur d’Amon, ne permettait sans doute pas dans de bonnes conditions le développement de la réforme promue par le roi. La nouvelle capitale est pour cela fondée en terrain neutre, à peu près à mi-chemin entre les capitales de Thèbes et Memphis. Le site retenu est la rive orientale du Nil, au pied d’un hémicycle de falaise pouvant évoquer, par sa forme, le signe hiéroglyphique du soleil levant.

17Les conditions mêmes de la fondation de la cité d’Akhet-Aton – l’horizon d’Aton – sont évoquées par une série de stèles-frontières gravées d’un texte hiéroglyphique, dont le roi avait jalonné le site de sa nouvelle capitale. Celles-ci expliquent comment le lieu même de cette implantation a été inspiré au roi par la divinité elle-même, et indiquent que ce site n’a auparavant appartenu à aucun dieu ou déesse pouvant contester à Aton la propriété des lieux. Enfin, certaines de ces stèles font également état du vœu, exprimé par le roi, d’être inhumé dans la cité qu’il avait fondée, quel que soit le lieu de son décès. Ces documents – quinze d’entre eux ont été découverts – sont bien sûr exceptionnels : au-delà même de l’idéologie qu’ils expriment, ils permettent encore aujourd’hui de matérialiser précisément le domaine d’Aton, c’est-à-dire non seulement la ville proprement dite, mais également le territoire qui lui était alloué pour approvisionner sa population, et alimenter ses fondations cultuelles. L’espace ainsi défini s’étend sur à peu près 300 km2 de part et d’autre du fleuve, incluant, sur la rive ouest, face à la cité, une bande de terre de 13 km nord-sud sur 20 km est-ouest, comprenant au moins 160 km2 de terres cultivables [17].

18La ville elle-même n’obéit pas à un système de planification aussi rigoureux que celui que l’on observe à Kahoun : grandes et petites habitations semblent s’y imbriquer dans un tissu urbain beaucoup plus spontané, et beaucoup plus étendu, la superficie totale de cette implantation étant estimée à 1000 hectares environ – dont seule une petite partie a été jusqu’ici fouillée. Les bâtiments officiels en relation avec l’action du roi constituent cependant l’ossature même de la cité, ce qui transparaît bien du plan schématique que l’on peut aujourd’hui dresser de ces vestiges (fig. 5).

19En effet, le principal axe de circulation visible est une « voie royale » nord-sud qui relie le palais où réside le pharaon, à l’extrémité septentrionale de la capitale, à un « centre ville » où sont regroupés certains bureaux de l’administration, une résidence royale, et deux sanctuaires à ciel ouvert dédiés à Aton. Ainsi organisée, la ville se comprend comme un gigantesque théâtre mettant en scène la fonction royale, les apparitions du souverain et de son épouse Nefertiti rythmant la vie quotidienne, notamment lors du nécessaire déplacement que devait effectuer le pharaon pour se rendre, chaque jour, de son palais au temple d’Aton où il officiait en l’honneur de la divinité. Les représentations découvertes dans les tombeaux des proches du roi, qui furent creusés dans la montagne à l’est de la ville, corroborent cette impression : les édifices urbains ne sont jamais évoqués indépendamment de la personne royale. On y voit Akhé-naton se montrer à la fenêtre d’apparition de son palais, lors de cérémonies récompensant les fonctionnaires méritants, circuler en char sur la voie royale, accompagné d’importantes forces de police (fig. 6), rendre le culte à Aton dans ses temples.

20Plus que jamais auparavant, la capitale semble se confondre avec la personnalité du roi. Elle connaît d’ailleurs, après la disparition de celui-ci en l’an 17 de son règne, un rapide déclin. Désertée par les principaux personnages du pays qui se rangent au service d’un pouvoir se reconstituant dans les capitales de Thèbes et Memphis, Akhet-Aton ne survit que trois années à la mort de son fondateur, aux mains d’une fille d’Akhenaton dont l’autorité ne parvient pas à s’imposer dans le pays [18].

21La création de la cité amarnienne peut a posteriori passer pour un échec, cette capitale n’ayant été en tout occupée qu’une dizaine d’années. Dans le contexte d’un fort développement de l’idéologie royale, le mécanisme de ces fondations urbaines pouvait cependant fonctionner, comme le prouve, quelques décennies plus tard seulement, l’aménagement de la cité de Per-Ramsès (le domaine de Ramsès), dans l’est du Delta. Après l’extinction des derniers Thoutmosides, la XIXe dynastie correspond en effet à l’arrivée au pouvoir d’une famille de militaires. Dès le deuxième roi de cette lignée, Sethi Ier, la construction d’une nouvelle capitale est lancée, sur la frontière est de l’Égypte. La création de ce nouveau centre administratif a pu répondre à plusieurs préoccupations distinctes : la volonté de rapprocher la capitale des régions proche-orientales sur lesquelles rayonne le pouvoir pharaonique – et qui lui sont contestées précisément à cette époque – la nécessité de mettre en valeur de nouvelles terres agricoles, pour asseoir économiquement le nouveau pouvoir, ou simplement, une fois de plus, la volonté affichée d’établir une rupture avec la période immédiatement précédente, considérée comme une période d’affaiblissement de la fonction royale. On note également que la région de Per-Ramsès est vraisemblablement le berceau des Ramessides, ce qui constitue un élément supplémentaire pour expliquer le choix du site. L’édification de cette ville – parachevée sous le long règne de Ramsès II, s’accompagne en tout cas d’une floraison de textes de propagande en faisant l’éloge. Le plus important de ces documents, transmis par deux papyrus de la XIXe dynastie place ainsi la cité royale au centre de l’univers :

Figure 5

Plan schématique de la ville de Tell el-Amarna

Figure 5
Figure 5 : Plan schématique de la ville de Tell el-Amarna, d’après B.J. Kemp, Ancient Egypt, Anatomy of a Civilization, Londres, 1989, fig. 91.

Plan schématique de la ville de Tell el-Amarna

d’après B.J. Kemp, Ancient Egypt, Anatomy of a Civilization, Londres, 1989, fig. 91
Figure 6:

Déplacement en char du roi Akhénaton dans la ville de Akhet-Aton

Figure 6:
Figure 6: Déplacement en char du roi Akhénaton dans la ville de Akhet-Aton, d’après N. de G. Davies, The Rock Tombs of Tell el-Amarna IV, Londres, 1906, pl. XX-XXII.

Déplacement en char du roi Akhénaton dans la ville de Akhet-Aton

d’après N. de G. Davies, The Rock Tombs of Tell el-Amarna IV, Londres, 1906, pl. XX-XXII.

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« Sa majesté – qu’elle vive, prospère, soit en bonne santé – a construit pour elle une fondation dont le nom est « Grande de victoire ». Elle se trouve entre la Palestine et l’Égypte, et regorge de vivres et de provisions. Son plan est celui de l’Héliopolis de Haute-Egypte (i.e. Thèbes) [19], son temps de vie celui de Houtkaptah (i.e. Memphis). Le soleil se lève dans son double horizon, et se couche dans ses murs. Chacun a délaissé sa propre ville, pour s’établir dans son voisinage. Son occident, c’est le domaine d’Amon, son sud, le domaine de Seth. Astarté est apparue à son levant, et Ouadjet à son septentrion [...] » [20].

23D’autres textes insistent sur la beauté des bâtiments officiels de la ville, notamment du palais royal, sur l’importance des garnisons qu’elle abrite, l’activité de son port fluvial, dans un compliment s’adressant en dernière instance au souverain, qui se confond avec la capitale où il réside. La portée idéologique de la fondation de Per-Ramsès est donc immense : il s’agit tout aussi bien, aux yeux de ses créateurs, de recentrer la capitale administrative du pays, que de redéfinir la nature même du pouvoir royal. La création de cette nouvelle cité se conçoit ainsi comme l’œuvre majeure de la dynastie, et la base même de son autorité. Les répercussions de cet acte politique sont d’ailleurs nombreuses : on note, dans la documentation du début de la XIXe dynastie, que l’on a été jusqu’à rebaptiser les principales branches du Nil, en leur donnant le nom des principales divinités du pays, pour conférer artificiellement à la nouvelle capitale une position centrale. Ainsi, le cours d’eau sur lequel elle se trouve reçoit précisément à cette époque le nom pompeux d’« Eau de Rê », qui la place sur le même plan que les deux principaux cours d’eau s’écoulant à l’ouest et au centre du Delta, les branches de Canope et Rosette, respectivement rebaptisées « Eau de Ptah » et « Eau d’Amon ». Cette démarche est, une fois de plus, purement idéologique, l’Eau de Rê n’étant qu’une voie fluviale de second ordre, d’ailleurs probablement réensablée dès la fin du Nouvel Empire [21].

24Ces différents exemples montrent bien tout le caractère idéologique que peut revêtir la fondation d’une capitale en Égypte ancienne : par cet acte, un souverain d’une nouvelle lignée peut se démarquer de ses prédécesseurs, et trouver une légitimité qui pourrait lui être contestée sur un site plus anciennement occupé. Cette pratique s’accentue encore durant la période troublée qui marque les derniers siècles de la royauté pharaonique : le pouvoir changeant de main plus régulièrement, les centres du pouvoir se succèdent à un rythme plus soutenu : les XXIe et XXIIe dynasties fondent la ville de Tanis, à l’est de Per-Ramsès, la XXVe dynastie « éthiopienne » administre le pays depuis la cité de Napata, au Soudan, la XXVIe dynastie conserve un lien très fort avec la ville de Saïs, à l’ouest du Delta, dont elle est originaire. La fondation d’Alexandrie, rapidement parée des dépouilles prestigieuses de la ville sainte d’Héliopolis par les premiers Lagides, procède sans doute encore, au moins en partie, de cet ancien processus de légitimation.

Notes

  • [1]
    Hérodote, Histoires, II, 99 (traduction Ph.-E. Legrand, Les Belles Lettres, Paris, 1948, p. 130-131 ).
  • [2]
    B. Midant-Reynes, Aux origines de l’Égypte, Paris, 2003, p. 237-273.
  • [3]
    T.A.H. Wilkinson, Early Dynastic Egypt, Londres, 1999, p. 333-334.En ligne
  • [4]
    D. Valbelle, dans J.-L. Huot, J.-P. Thalmann, D. Valbelle , Naissance des cités, Paris, 1990, p. 265 ; M. Etienne, « À propos des représentations d’enceintes crénelées sur les palettes de l’époque de Nagada III », Archéo-Nil, 9,1999, p. 149-163.
  • [5]
    Point sur la question dans B. Midant-Reynes, op. cit., p. 350-355.
  • [6]
    L’espace rural semble ainsi s’organiser autour de fondations royales (hout), conçues à la fois comme des centres administratifs et militaires, et que l’iconographie présente comme des éléments fortifiés. Ces implantations s’opposent dans le paysage égyptien aux agglomérations constituées de façon plus spontanée (ou niout), qu’elles contrôlent : voir sur ce point l’étude minutieuse de J.-C. Moreno-Garcia, Hwt et le milieu rural égyptien du IIIe millénaire, Paris, 1999.
  • [7]
    L. Pantalacci, « La documentation épistolaire du palais des gouverneurs à Balat-Ayn Asil », Bulletin de l’Institut Français d’Archéologie Orientale (BIFAO), 98, p. 303-315 ; « Fonctionnaires et analphabètes : sur quelques pratiques administratives observées à Balat », BIFAO, 96,1996, p. 359-367.
  • [8]
    P. Posener-Krieger, Les archives du temple funéraire de Neferirkarê-Kakai, BdE, 65, Le Caire, 1976.
  • [9]
    B. J. Kemp, Ancient Egypt, Anatomy of a Civilization, Londres, 1989, fig. 51, p. 146.
  • [10]
    W. M. F. Petrie, Illahun, Kahun and Gurob, Londres, 1891, pl. XIV.
  • [11]
    D. Eigner, « A Palace of Early 13th Dynasty at Tell el-Daba » dans M. Bietak (sous la direction de), Haus und Palast im Alten Ä gypten, Vienne, 1996, p. 73-80.
  • [12]
    B. J. Kemp, op.cit., p. 153-155.
  • [13]
    J. Wegner, « Excavations at the Town of EnduringarethePlacesofKhakaureMaâKheruinAbydosAbydos. A Preliminary Report on the 1994 and 1997 Seasons », Journal of the American Research Center in Egypt (JARCE), 35,1998, p. 1-44.
  • [14]
    Pour cette dernière catégorie d’implantations, cf. l’exemple d’Askout, précisément étudié dans S. T. Smith, Askut in Nubia, Londres, 1995.
  • [15]
    D. Arnold, « Amenemhat I and the Early Twelfth Dynasty at Thebes », Metropolitan Museum Journal (MMJ), 26,1991, p. 21-32.
  • [16]
    Sur l’œuvre thébaine d’Akhenaton, voir tout particulièrement D.B. Redford, Akhenaten, the Heretic King, Le Caire, 1984.
  • [17]
    B. J. Kemp, op. cit., p. 269.
  • [18]
    M. Gabolde, D’Akhenaton à Toutânkhamon, Lyon, 1998.
  • [19]
    L’archéologie ne permet pas, à l’heure actuelle, d’établir l’identité des plans de Per-Ramsès et de Thèbes. Le rappel de l’architecture et des monuments d’une ville prestigieuse dans l’organisation d’une nouvelle fondation semble toutefois être un phénomène courant en Égypte ancienne, l’aboutissement logique de cette démarche étant le déplacement des éléments ornementaux d’une ancienne cité vers la ville nouvellement créée. Après le Nouvel Empire, les rois de Tanis ont ainsi paré leur capitale de très nombreux vestiges prélevés sur l’ancienne ville de Per-Ramsès.
  • [20]
    P. Anastasi II, 1,1-2,5 = P. Anastasi IV, 6,1-10; R. Caminos, Late Egyptian Miscellanies, Oxford, 1954, p. 37-40; sur le genre littéraire lui-même, voir M. Lichtheim, « The Praise of the Cities in the Literature of the Egyptian New Kingdom », dans S.M. Brustein, L.A. Okin (sous la direction de), Panhellenica. Essays in Ancient History and Historiography in Honor of T.S. Brown, Californie, 1980, p. 15-23 ; Ch. Ragazzoli, É loges de la cité, à paraître.
  • [21]
    P. Tallet, « Les circuits économiques selon les étiquettes de jarres de Deir el-Medineh », dans G. Andreu (sous la direction de), Deir el-Medineh et la vallée des Rois, Paris, 2003, p. 255-278.
Français

Des recherches archéologiques récentes mettent bien en valeur l’importance du fait urbain en Égypte dès les premiers temps de l’histoire pharaonique: les fondations de cités semble en effet avoir été, dès la première dynastie, des événements primordiaux, régulièrement évoqués par les premiers documents qui nous sont parvenus. De l’Ancien Empire au Moyen Empire, certaines de ces implantations, que l’on désigne sous le terme de «villes de pyramides» sont des centres administratifs qui accompagnent l’édification du complexe funéraire royal, programme central du règne. Plusieurs d’entre elles – comme Kahoun, XIIe dynastie – conservent un rôle majeur bien après la disparition de leur fondateur. Le Nouvel Empire livre une documentation encore plus détaillée sur le processus même de fondation des cités : aussi bien Tell el-Amarna (capitale du pharaon «hérétique » Akhénaton, fin de la XVIIIe dynastie) que Per-Ramsès (créée à l’est du Delta par les premiers pharaons de la XIXe dynastie) sont alors conçues comme de véritables théâtres permettant la mise en scène de la fonction royale.

English

Some Observations on Urban Foundations in Pharaonic Egypt

New archeological researches underline the utmost importance of the city in Egypt from the very beginning of pharaonic history. Indeed, the foundation of cities seems to have been a significant fact, often quoted in the sources, even since the 1st dynasty. From the Ancient until the Middle Kingdom, «cities of pyramids» were established, this refers to the administrative centers that used to go with the building of the royal funeral complex: the climax of each pharao’s building programm. Many of those cities like Kahun, XIIth dynasty –, kept on playing an important part in the egyptian life long after the death of their founder. The process of the creation of the cities is even more precisely recorded for the New Kingdom. Tell el-Amarna (main city of the heretic Pharao Akhenaton, XVIIIth dyn.) and Per Ramses (erected in the eastern part of the Delta at the beginning of the XIXth dyn.) are both shown as actual theaters of the celebration of Pharao’s function.

Pierre Tallet
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2009
https://doi.org/10.3917/rhu.013.0033
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