CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La question féminine en islam est à la fois un enjeu idéologique, éthique et politique mais aussi l’indicateur des mutations profondes, qui, en dépit des apparences, agitent depuis plus d’un siècle les sociétés musulmanes. Ainsi, les droits des femmes se trouvent à l’évidence au cœur des débats de société dans le monde musulman comme en Occident. À ce titre, la volonté des femmes musulmanes d’accéder à une liberté d’expression et à une participation accrue dans la vie active ouvre la réflexion sur leurs conditions d’existence.

2Ces dernières décennies ont été révolutionnaires pour les femmes de confession musulmane en matière d’accès à l’éducation, de participation politique et associative au sein du monde occidental et musulman.

3Et pourtant :

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« Généralement identifiées à tort par le regard occidental à “des victimes de la violence machiste des islamistes”, voire à des “aliénées” [1], ces femmes se voient refuser dans les analyses les plus courantes le simple droit d’exister en tant que telles. Toutes les études disponibles attestent pourtant que leur nombre est aujourd’hui en croissance rapide » [2].

5Aujourd’hui, les femmes musulmanes s’inscrivent résolument dans l’amélioration de leur condition. D’ailleurs, la littérature abondante sur l’islam et les femmes témoigne de variations assez importantes quant à leur rôle et leur statut dans les premières sociétés islamiques.

6Les contradictions qu’on y relève peuvent dérouter les personnes de confession différente. Il faut reconnaître que l’écart entre l’enseignement éthique et moral contenu dans le Coran et son application concrète par les musulmans dans leur quotidien a toujours engendré une certaine tension. Cette tension s’est naturellement renforcée avec le temps et avec les changements sociaux, économiques et politiques importants qui continuent à bouleverser les sociétés contemporaines.

7En Europe, et plus particulièrement en France comme en Belgique, l’émergence de nouveaux sujets féminins musulmans, aspirant à un processus d’émancipation dans le langage de la religion et dans une perspective féministe, prend son essor au cours des années 2000. L’apparition de cette religiosité d’un nouveau genre se fait dans un contexte de crispation politique à l’endroit de l’islam dans le monde globalisé post-11 Septembre. En effet, c’est en 2004 que leur existence est rendue particulièrement visible lorsque la loi visant à interdire le voile à l’école est votée en France et sujette à débat en Belgique. Ce débat provoqua entre autre l’irruption soudaine de femmes musulmanes dans la sphère publique qui revendiquent le droit de participer au débat politique concernant la question de la femme en islam, d’où « l’hystérie du débat » pour reprendre l’expression d’Emmanuel Terray [3] autour de la question du voile.

8La visibilité croissante de ces figures féministes, voilées ou non, et la capacité d’agir [4] qui les caractérisent ont permis de nuancer le débat ; en effet, ces femmes musulmanes mènent cette lutte à la fois contre le « sexisme » au sein de leur propre communauté de foi et de la société civile, et contre le « racisme » et les discriminations multiples dont elles sont victimes dans les sociétés européennes.

9L’apparition dans la sphère publique de ces femmes n’est plus uniquement de l’ordre de la symbolique, elle est une réalité dans les sociétés françaises et belges. Plus les femmes musulmanes sont contrôlées, plus elles deviennent visibles. Et c’est justement cette visibilité qui mine le débat, car, en étant actrices de leur propre histoire, ces femmes relocalisent les représentations sociales et les stéréotypes qui étaient habituellement produits à leur encontre.

10Aujourd’hui, ces actrices religieuses sont prises entre deux feux : elles sont sans cesse confrontées à deux systèmes de pensée et de représentation qui les placent inévitablement au cœur d’un dilemme identitaire et politique, et qui semblent ne pas les prendre en considération dans leurs « rationalités singulières ».

11En effet, deux luttes se présentent à elles :

12– Instrumentalisées du point de vue de leur communauté de foi, elles sont déresponsabilisées et doivent se battre pour faire valoir leurs droits à l’existence en tant que femmes croyantes hors des contours de l’espace domestique, grâce à une considération profonde de leur nature, de leur féminité, et surtout le refus d’adhérer à un Islam traditionnel souvent interprété à l’aune d’une culture « misogyne ».

13– Victimisées par la société, elles sont confrontées à la stigmatisation et aux préjugés qu’elles doivent combattre pour revendiquer une identité féministe à part entière dans ce processus d’émancipation. Elles sont prises en otage par les multiples représentations des femmes arabes héritées de l’ère coloniale qu’il faut prendre en charge et sont relayées au rang de citoyennes de seconde zone, victimes d’une citoyenneté précaire puisqu’elles vivent une triple discrimination (sexe, origine et religion).

14Dès lors, il semble impossible de se « moderniser » et de revendiquer le droit d’être féministe à moins de se défaire de toutes les références d’origine et de s’affranchir de son appartenance religieuse en particulier. Nous constatons aujourd’hui, à travers les débats de société en France et en Belgique, une tendance à contester cette dynamique en mouvement menée par ces femmes qui assument pleinement leur appartenance nationale et leur islamité.

15En se positionnant comme féministes musulmanes, elles sont considérées comme des subalternes politiques car elles refusent les frontières qui leur sont imposées.

De la construction identitaire, par l’intermédiaire de la religiosité, à l’émergence d’une identité féministe musulmane

16Des mutations liées au statut et au rôle des femmes s’amorcent parmi les femmes européennes de confession musulmane et parallèlement à cela, l’appartenance à l’islam agit comme un des paramètres majeurs dans la construction de l’identité.

17Dans le contexte des sociétés sécularisées en France comme en Belgique, il est intéressant de rechercher les facteurs constitutifs de l’identité des femmes musulmanes : dans ce domaine, les recherches sociologiques francophones visant à mettre en lumière ce processus dans les sociétés occidentales sont plutôt récentes. Ces dernières années, quelques chercheuses [5] commencent à s’intéresser à ce nouveau « modèle féminin » éduqué et revendicatif, qui doit être étudié en terme d’identité et d’un point de vue sociologique. En outre, comme le souligne la sociologue turque Deniz Kandiyoti [6], la littérature existante sous l’étiquette « femmes et islam » ne s’attache pas à des notions telles que le patriarcat et l’État, nécessaires à l’analyse socio-historique et contextuelle. De même, il ne suffit pas de prendre le Coran et les ahadiths (paroles et actes du Prophète de l’islam) relatifs aux femmes comme base d’une argumentation pour définir la place des femmes dans l’islam, puisque la foi religieuse individuelle est en un sens filtrée à travers le prisme d’un temps et d’un espace (historique) spécifiques.

18Pour mettre en lumière la construction de cette identité féministe musulmane émergente, il est crucial de placer au cœur de cette réflexion la dimension de l’identité dans le sens sociologique du terme, mais aussi dans le « sens du moi » tel qu’il se dégage dans la production d’ouvrages littéraires produite par des femmes musulmanes.

19En France et en Belgique, nous constatons que la référence la plus commune à l’identité musulmane est le vêtement des femmes, et elle s’accompagne souvent de l’idée selon laquelle ce code vestimentaire est un signe de « réaction religieuse ». Nous sommes tentés de classer le cas des femmes musulmanes dans le cadre de « la transitivité et de la non-transitivité entre la sphère publique et la sphère privée » [7]. Dans leur cas, l’adoption du code vestimentaire musulman semble fonctionner comme un moyen de se démarquer, une manière de marquer son mode d’appartenance à la religion musulmane

20Ainsi, bien que le cadre de la construction de cette identité tel qu’il s’inscrit dans la tradition musulmane constitue un point de départ, les autres paramètres constitutifs de cette identité traverseront les efforts et les luttes à mener pour s’inscrire « dans la condition moderne » en revendiquant le droit d’être reconnue comme féministe à part entière. Il s’agit bien là d’une rupture quant au rôle prédéfini traditionnel de la femme musulmane et une prise de conscience politique et féministe dans les sociétés européennes qui sont désormais les leurs.

Islam et féminisme : un concept conflictuel ?

21En effet, au regard de l’Occident, le féminisme et l’islam constituent deux champs conflictuels dans les domaines idéologique, scientifique et politique. Chacun des deux est à la fois une vision du monde, un type de savoir, et une forme de pouvoir présentant des caractéristiques communes et des logiques contradictoires comme l’exprime ici Nilüfer Göle :

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« Le mouvement féministe des années 1970 en Europe a, lui aussi, remis en cause les frontières entre espace privé et espace public : le leitmotiv féministe “le personnel est politique” exprime bien la revendication des féministes de nommer les formes d’oppression qui se cachent dans le privé, les transposer à la sphère publique et en faire ainsi un objet politique de libération des femmes. Le mouvement islamiste et celui des féministes sont les deux mouvements majeurs de notre époque, qui cherchent à redéfinir, dans des voies bien différentes, voire opposées, les valeurs et les frontières du privé et du public » [8].

Islam et féminisme : une appropriation mutuelle ?

23Le rapport « islam – féminisme » semble relever d’un combat passionné en France comme en Belgique. La polémique « islamo-féministe », à travers le débat sur l’émergence d’un féminisme islamique, est alors révélatrice d’un conflit lié à des représentations sociales et des stéréotypes mutuels. Les visions radicalement opposées qui animent le débat houleux sur le port du voile en France s’expliquent en partie par le fait que la condition sociale actuelle des femmes musulmanes dans les sociétés dites islamiques est loin d’être égale à celle des hommes ; de nombreux Occidentaux peinent ainsi à concevoir que l’islam puisse procurer aux femmes un quelconque avantage. Alors que le féminisme occidental s’appuie sur des valeurs, une pensée et une idéologie occidentales, le féminisme musulman semble reposer sur une contradiction intrinsèque aux yeux des Occidentaux puisqu’il prend sa source dans l’islam, religion qui serait l’antithèse des valeurs que disent défendre les féministes occidentales.

Le voile de toutes les discordes

24De plus, l’irruption soudaine de la religion à travers la visibilité du foulard islamique dans la sphère publique est vécue comme une menace et un affront qui soumettraient les femmes à une moralité normative imposée par la religion. La question et le sens du foulard islamique se situent donc au cœur de la controverse et de la discorde. Un certain nombre d’écrits de féministes occidentales, s’attardant sur la pratique du voile, réduisent les femmes musulmanes à cet « autre » oppressé. Ces féministes parviennent à cette déduction au départ d’une construction binaire dans laquelle les femmes occidentales sont présentées comme « libérées », grâce à une liberté gagnée contre les contraintes de la domination patriarcale, alors que les femmes musulmanes sont dépeintes comme « oppressées » à travers la pratique du foulard. Pourtant, de nombreuses femmes musulmanes ne considèrent pas le foulard islamique comme le « symbole d’asservissement par excellence », mais comme une légitimation de l’extériorisation de la femme et de son moral [9] et qui peut jouer un rôle dans ces contestations. Leur islam dont le voile constitue « la bannière » s’érige comme une réponse à leur « identité voilée », alliée à une « intégration sans assimilation » [10] et à une prise de pouvoir dans et en dehors de l’espace domestique.

Le féminisme à l’épreuve de l’universel

25Enfin, en France comme en Belgique, les féministes musulmanes questionnent l’universalité du féminisme et mettent en péril le projet féministe universaliste car elles déconstruisent les théories dominantes pour faire place à la diversité, en reconfigurant la « cartographie des féminismes » par leurs revendications politiques et identitaires dans ce désir commun d’une libération à l’égard des structures de domination. À cet égard, le courant féministe majoritaire, qui fait la promotion d’un « universalisme abstrait » ainsi que d’une laïcité anticléricale garante des droits des femmes, ressent un profond malaise à l’endroit de cette nouvelle forme de religiosité au féminin.

26Ces éléments nous paraissent comme les principaux champs de conflictualité au regard de ces actrices religieuses qui vont redéfinir une construction identitaire, alliée à un processus d’engagement et à une « capacité d’agir » qui puise sa source à l’intérieur du paradigme islamique malgré le déni de légitimité qui leur ait imposé.

27En effet, c’est à partir des années 2000 qu’un certain nombre de musulman(e)s commencent à se mobiliser autour du projet féministe musulman, notamment grâce à l’organisation de colloques et d’ateliers d’échanges internationaux sur le féminisme musulman.

L’Europe et le féminisme musulman en débat public

28Ces évènements ont largement contribué à la diffusion médiatique, mais surtout à la normalisation, à la connaissance et à la reconnaissance de ce nouveau courant en plein essor, particulièrement dans le monde francophone ces dernières années.

29À partir de 2004, trois grandes villes européennes accueillaient les travaux de trois colloques internationaux relatifs à cette question controversée : Bruxelles, Paris et Barcelone.

Colloque au Parlement Européen « Musulmanes féministes : du paradoxe à la réalité »

30À l’occasion de la journée internationale de la femme en 2004, le collectif Femmes musulmanes d’Europe s’empare de la question en organisant un débat au Parlement européen à Bruxelles.

31Ce collectif de femmes musulmanes et européennes, issu de la plateforme inter associative Présence musulmane, proche de l’intellectuel musulman Tariq Ramadan [11], avait par ailleurs participé à des séminaires de formation dispensés par ce dernier sur la naissance d’un féminisme musulman.

32En 2003, Tariq Ramadan avait encouragé, à travers l’organisation de séminaires de formation sur la question féminine à Paris, l’autonomisation et l’émergence d’une dynamique de femmes qui construisent aujourd’hui un discours ancré dans une compréhension rénovée du lien qu’elles entretiennent avec leur culture, leur religion et leur féminité. Il recommandait aux femmes de créer des structures fortes en s’inspirant des sources islamiques sur des questions comme l’égalité des sexes et bien d’autres encore.

33Dans son ouvrage, Les musulmans d’Occident et l’avenir de l’Islam[12], et plus précisément dans le chapitre « Naissance d’un féminisme musulman », Tariq Ramadan met en évidence la réforme qui s’opère en Occident sur la question féminine à travers l’émergence d’un féminisme islamique.

34C’est ainsi que cette question fit son entrée dans les sphères associatives féminines et musulmanes, particulièrement en France et en Belgique. Les cadres associatifs musulmans se sont approprié le débat en approfondissant la réflexion grâce à la traduction en français de références intellectuelles et bibliographiques liées à ce phénomène, notamment dans l’ouvrage précité.

35Inspirées par cet état d’esprit, le collectif Femmes musulmanes d’Europe organisa ce débat parrainé avec la députée Vert Madame Alima Boumedienne-Thiérry et avec la participation, entre autres, d’intellectuels et militants engagés sur ces questions, à savoir Christine Delphy (féministe française et chercheure au Cnrs), Saïda Kadda (présidente de Femmes françaises et musulmanes engagées), Tariq Ramadan et Marina Da Silva (journaliste au Monde Diplomatique et membre fondatrice du Collectif des féministes pour l’égalité).

36Le colloque souhaitait mettre en exergue l’idée, qu’aujourd’hui un certain nombre de ces citoyennes européennes de confession musulmane sont actrices de leur propre émancipation, tout en ayant des assises fermes à l’intérieur du cadre de référence islamique.

37Cette dynamique de femmes en mouvement, dans le monde tant musulman qu’occidental, doit être analysée comme « un point de départ » devant permettre aux femmes musulmanes non seulement de se réapproprier le débat religieux et de revendiquer leurs droits, mais également, à terme, de s’inscrire dans les mouvements de femmes internationaux et d’apporter leur contribution à un féminisme « global », pour un monde socialement plus juste et plus équitable.

38Le débat visait à faire entendre ces voix féministes, ces femmes qui souhaitent être artisanes de leur propre liberté, qui participent aux débats de société et promeuvent un discours citoyen de plus en plus construit, mais qui restent toutefois confrontées à différents obstacles.

39L’objectif du colloque était de mettre en évidence que la perspective d’un féminisme musulman, en termes de respect des revendications quant aux droits à développer pleinement une personnalité et une identité musulmanes harmonieuses alliées à un engagement citoyen actif, semble être une posture pouvant « contrecarrer » cette double discrimination.

40Ce colloque a été le point de départ de la normalisation de la participation des femmes musulmanes dans les mouvements féministes, afin d’élaborer un travail en commun, car finalement, au-delà des spécificités religieuses ou philosophiques, il est évident que les préoccupations des musulmanes européennes et de leurs concitoyennes féministes convergent en divers points.

La conférence internationale du féminisme islamique

41En 2005, la Junta Islamica organisait la première conférence internationale sur le féminisme islamique. Abdennor Prado [13], converti à l’islam et directeur de la Junta Islamica[14], explique que l’objectif était d’améliorer la « connectivité mondiale » ainsi que la connexion et le soutien simultanés de celles et ceux qui se battent pour un égalitarisme au sein de l’Islam :

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« Par de nombreuses activités (…), nous avons voulu envoyer à la société des messages montrant non seulement que l’islam est pleinement compatible avec les valeurs fondamentales des démocraties, y compris l’égalité des genres, mais aussi qu’il peut contribuer à améliorer notre société » [15].

43Au cours de ces journées, il est apparu que le féminisme musulman est désormais une réalité transnationale.

44Ndeye Andujar [16], vice-présidente de la Junta Islamica et organisatrice de l’évènement, explique que l’une des raisons de ce colloque était liée à la nécessité de créer des ponts d’entente entre la société d’accueil et les musulmans étrangers.

45À travers les travaux du congrès, l’objectif était d’établir une étroite collaboration avec les organisations de femmes musulmanes à l’échelle internationale. Les féministes musulmanes auraient ainsi la possibilité de faire connaître le féminisme musulman aux hommes et aux femmes musulmans étrangers en Espagne, ainsi qu’aux non-musulmans.

46Le but étant de fonder les bases solides d’un véritable travail d’échanges. C’est ainsi que Ndeye Andujar espère faire connaître les mouvements des femmes musulmanes dans le cadre hispanophone. Il s’agit de donner la parole aux femmes musulmanes qui luttent pour la reconnaissance de leurs droits dans l’islam et non à partir d’une idéologie éloignée, qui se confond souvent avec le colonialisme.

47L’une des autres priorités du congrès a été de construire les bases d’une collaboration entre les femmes musulmanes et le mouvement féministe global.

48À noter, qu’un moment fort et émouvant mais surtout symbolique qui a marqué le congrès est la prière du vendredi a été prononcée et dirigée par Amina Wadud, professeure des Études islamiques à l’université de Commonwealth de Virginie (États-Unis), devant une audience mixte.

49Les trois dernières éditions de la conférence internationale sur le féminisme islamique, dont la plus récente s’est tenue en octobre 2010 à Madrid [17], ont rassemblé des intellectuels et militant du monde entier, musulmans ou non, afin de débattre mais surtout de confronter leurs expériences.

50Les congrès du féminisme islamique sont accueillis avec grand intérêt et profitent d’un écho international. Les travaux de cette plateforme ont ainsi un impact au-delà des frontières européennes.

51En effet, généralement, les médias se mobilisent fortement et contribuent largement à la diffusion de ce mouvement.

Colloque à l’Unesco « Qu’est-ce que le féminisme musulman ? »

52Les 18 et 19 septembre 2006, le féminisme musulman a fait l’objet d’un colloque à l’unesco organisé par la Commission islam et laïcité[18].

53L’objet de ce colloque était de faire un état des lieux des travaux d’un nombre de plus en plus croissant d’intellectuelles et militantes musulmanes américaines, pakistanaises, indiennes, françaises. Leur implication dans la transformation de leur société, en particulier dans la lutte pour une égalité entre les genres, rencontre un écho au sein du mouvement mondial pour les droits des femmes.

54Les intervenantes ainsi que le public ont pu échanger sur leurs expériences. Elles ont ainsi favorisé un dialogue interculturel et des réflexions sur l’Islam et les droits de la femme.

55Au cours des sessions, les militantes ont présenté des outils de réflexion et des méthodes d’action pour lutter contre toutes les formes d’injustice au sein de la société mais aussi au sein de la famille.

56Lors du colloque, une problématique majeure a été mise en exergue : l’éducation. En effet, toutes les intervenantes étaient unanimes pour dire que l’éducation doit être placée au cœur du processus afin de revaloriser le rôle des femmes.

57Tout comme lors des deux colloques précédemment cités, les féministes musulmanes ont interrogé la question du statut des femmes dans les sociétés musulmanes et ont offert une approche alternative des droits de la femme dans l’islam, à partir d’un retour aux sources, d’une relecture et d’une réinterprétation des textes sacrés.

58Cela étant, la particularité de ce colloque a résidé dans la comparaison entre le féminisme musulman et le féminisme des deux autres traditions monothéistes : cet effort a été poursuivi par les femmes d’autres religions également. Trois contributions ont exposé des démarches progressistes similaires au sein du christianisme (l’Évangile de Marie-Madeleine) et du judaïsme (l’introduction de la Bar-mitsva pour les filles).

59D’une part, l’accent a été mis sur le fait que le féminisme laïc, parfois perçu comme exclusivement « occidental », a des racines historiques en Orient. D’autre part, ce colloque a présenté la naissance d’un dialogue qui émerge entre les femmes pratiquantes et les féministes laïques de différents pays et milieux sociaux, interrogeant les notions de droits et de liberté.

60Enfin, lors du colloque, a également été présentée la révision récente du code de la famille au Maroc dont la réforme a pu aboutir aussi grâce à des arguments élaborés à partir d’un travail de réinterprétation de la jurisprudence religieuse (souvent misogyne), à la lumière de textes plus fondamentaux (les ahadiths, paroles du Prophète) et plus égalitaires.

61Même si la société marocaine est en pleine mutation, les sociologues s’accordent à dire que ce courant a joué un rôle constructif dans la religion et la société.

62Dans le cadre de cette recherche, il nous a semblé particulièrement important de présenter ces trois conférences qui ont permis de s’intéresser de plus près au phénomène du féminisme musulman dans le monde francophone.

63Alors que nous entendons des débats inquiétants sur la femme musulmane et plus précisément sur les questions relatives à l’égalité hommes et femmes en Islam, ces colloques ont permis de déconstruire des stéréotypes bien ancrés dans les consciences collectives, mais ont surtout facilité la compréhension des discours et des mouvements émergeant du féminisme musulman.

64Ces manifestations publiques sont des outils qui permettent de débattre du besoin d’un islam libérateur, pluraliste et égalitaire. C’était l’occasion pour les féministes musulmanes, d’Occident pour la plupart, de prendre de la voix.

À l’aube d’une ère nouvelle

65C’est dans ce contexte que diverses formes de mobilisation en actes et en dires émergent au sein de cette génération de cadres associatives qui ont recours de façon exclusive et conciliante à des champs de référence qu’elles mobilisent. Elles vont s’organiser à travers l’élaboration d’un discours critique mais aussi par la mise en place d’actions collectives.

66Il convient de se poser la question de savoir comment islam et féminisme interviennent dans ces processus de mobilisation, à quel niveau, sous quelle forme et selon quelle finalité.

67En effet, les discours varient, que ce soit au niveau de leur rapport à la religion ou au féminisme, dans la façon de se définir ou dans la lutte pour les droits des femmes dans la communauté musulmane comme dans la société civile.

Du local au global : la « pratique féministe transnationale »

68Ces dernières années, la mobilisation transnationale est devenue une des stratégies des féministes musulmanes pour diffuser et transmettre un « discours d’un nouveau genre », une pensée critique et rénovée.

69Très peu d’ouvrages font référence à la manière dont le dialogue, l’échange, la solidarité et la communication entre femmes musulmanes façonnent leur activisme et permettent la diffusion de la pensée féministe musulmane au niveau international.

70Le transnationalisme devient un outil de pouvoir pour elles. Meena Sharify-Funk [19] explore la manière dont les femmes de différents contextes se sentent renforcées dans leur pouvoir et leur savoir afin de s’engager au niveau local en étant plus confiantes et créatives dans leurs revendications pour plus d’égalité et de justice.

71Il existe un certain nombre d’études au sujet de l’engagement local des femmes et associations musulmanes, mais il n’y a pas d’analyse qui démontrent que ces efforts sont de plus en plus reliés les uns aux autres, via le réseautage international, qui contribuent à l’émergence d’une « sphère publique musulmane ».

72Ces dernières années les militantes musulmanes belges et françaises se situent dans une « pratique féministe transnationale », en instituant la lutte contre l’inégalité entre les genres en véritable objet social qui rejoint les initiatives élaborées à l’échelle internationale.

73Cette nouvelle forme de mobilisation, élaborée par ces actrices religieuses issues des quartiers, vise à recentrer les répertoires d’action du groupe au cœur du débat international sur les droits de la femme en islam en se nourrissant de la pensée d’intellectuelles féministes musulmanes engagées qui ont théorisé la pensée féministe islamique qu’elles diffusent par le biais des réseaux transnationaux.

Zahra Ali, Féminismes islamiques, La Fabrique, 2012, 230 p.

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Zahra Ali, Féminismes islamiques, La Fabrique, 2012, 230 p.

74Et cette pensée est devenue une de leurs stratégies pour accroître l’impact et l’ancrage de ce discours sur le terrain. Grâce aux mouvements locaux de contestation, à la fusion entre théorie et pratique, les cadres associatives musulmanes belges et françaises contribuent à l’émergence de ce que nous identifions comme une « sphère publique féministe musulmane ». Elles se situent de façon transnationale afin de s’affirmer, de fonctionner efficacement et de mettre en pratique sur le terrain la théorisation d’une pensée féministe intellectuelle et critique.

75Cet « activisme transnational féministe » est le fruit du développement des nouvelles techniques de communication et d’information qui permet aux militantes musulmanes françaises et belges de partager et faire circuler le savoir grâce à l’intensification de la communication et à l’influence des travaux théoriques des intellectuelles musulmanes.

76L’action et la pensée critique des féministes musulmanes européenne, alliées aux mouvements transnationaux, semblent avoir des conséquences sur le terrain grâce à l’émergence d’un leadership féministe politique et religieux déterminé à implémenter ces réformes et à l’existence d’une culture politique et sociale axée autour de la justice, de la tolérance et de l’engagement civique

77Dans sa dimension réflexive et communicative, les féministes musulmanes européennes tirent profit de la globalisation car cette dernière favorise de nouvelles formes « d’espaces publics » qui favorisent le dialogue et l’échange d’idées critiques entre intellectuelles et activistes musulmanes du monde entier.

Articuler l’unité à la diversité : la « pratique féministe solidariste »

78D’autres féministes musulmanes activent ce que nous décrivons comme une « pratique féministe solidariste » en investissant les mouvements féministes dont elles se réapproprient les principes de justice et d’égalité, tout en forgeant des alliances stratégiques à partir de principes communs fondés sur un équilibre entre leur loyauté religieuse et leur allégeance au féminisme. Elles se mobilisent dans l’espoir d’un « mouvement féministe inclusif » qui place au cœur de sa lutte la diversité constitutive des femmes. Elles ont alors dénoncé une certaine approche normative de la féminité qui serait universelle et homogène. Tenir compte de l’hétérogénéité des expériences des femmes, de la classe sociale ainsi que des identités multiples, tel est le défi du mouvement des femmes et des études féministes afin de développer et promouvoir une analyse de l’oppression des femmes en raison de leur sexe, de leur race et de leur classe.

79Il s’agit de tenir compte de la diversité des expériences des discriminations vécues par les femmes et de remettre en question l’idée selon laquelle les femmes forment un groupe homogène unifié dans l’espoir d’une sororité universelle.

80C’est dans ce contexte qu’un intérêt grandissant naît pour les études postcoloniales anglophones et leur apport à un féminisme antiraciste et anticolonial. Les féministes considèrent la perspective féministe postcoloniale comme porteuse d’espoir et incontournable pour faire émerger un mouvement féministe « décolonisé, en rupture avec l’universalisme occidental ».

81Par conséquent, pour les militantes féministes musulmanes, développer un rapport égalitaire passe aussi par l’implication de ces dernières dans le processus de réflexion et d’action en matière de modèle de libération d’une part, et par la mise en place d’alliance et de collaboration constructive sur des luttes communes, tout en trouvant des compromis sur des problématiques féministes qui divisent, d’autre part.

82Une pratique féministe qui intègre l’intersectionalité ainsi que les théories postcoloniales reconnaît les effets simultanés du racisme, du sexisme, et du classicisme, tout en plaçant au cœur de ses analyses le sentiment d’infériorité des féministes musulmanes et tout en ouvrant le champ à des principes analogues qui renforcent la solidarité entre féministe d’horizons différents et favorisent la découverte de divers univers de référence.

83Dans cette perspective, il convient de rappeler que l’enjeu pour un féminisme inclusif doit être l’élaboration de stratégies de résistance solidaires afin de contrer ces rapports néocoloniaux entre femmes. Il s’agit de reconnaître la diversité des courants féministes et la multiplicité des stratégies de libération dans le mouvement de femmes, dont l’objectif commun est une émancipation qui part de leur propre situation de subordination pour aller vers un féminisme universel qui rassemble autour du projet d’un féministe global où toutes les femmes trouveraient leur place.

Conclusion

84Les tenantes de cette « rhétorique féministe islamique » [20] sont engagées dans un véritable travail de reconstruction identitaire définissant d’une manière inédite une identité féministe musulmane. Il s’agit d’une dynamique de femmes qui traverse les identités et qui va questionner et réorganiser les rapports au sein d’un même groupe social. Cette singularité va remettre en question la conception d’un modèle féminin, qu’il s’agisse du modèle prôné dans le milieu culturel d’origine, ou de celui que valorise la société belge. Elles n’éprouvent aucun complexe à se réclamer de cette « identité hybride ». Ce nouveau « bricolage » identitaire combine le féminisme et l’islam et se décline de manière continue et dynamique entre l’accomplissement du soi et la redéfinition de l’appartenance religieuse. Ainsi, le projet sociopolitique et religieux qui résulterait de ces combinaisons envisageables entre les processus identitaires de ces femmes, le discours, leur trajectoire sociale et leurs stratégies d’action, offre la possibilité de transcender de nouvelles formes de subjectivité qui semblent incompatibles de prime abord.

85Grâce à la théorisation d’une « rhétorique féministe islamique » critique qui se construit à la croisée de la religion et du féminisme d’une part, ainsi que l’activation de ce que nous identifions comme une pratique féministe « transnationale » et « transversale » à l’aide de l’apport des théories féministes postcoloniales d’autre part, elles situent collectivement la lutte pour les droits des femmes dans la société civile comme dans leur propre communauté de foi au cœur de leur agenda politique. Elles vont penser leur libération non plus comme des « objets » dont l’acte se résume à « subir », mais comme des « sujets » capables d’agir, présentes par leurs actions et leurs réactions dans la « construction d’un devenir social – historique ».

86L’apparente incompatibilité entre l’identité musulmane et le féminisme provient davantage du contexte sociopolitique dans lequel ces identités se construisent. Si le retour à l’islam se réalise dans le cadre d’un souffle spirituel, la subjectivité féministe se construit à partir d’un contexte sociopolitique qui lui donne sens et portée. Cette nouvelle forme identitaire, qui se traduit dans le langage de la religion, se négocie dans des rapports sociaux qui transcendent et dominent les univers sociopolitique du local au global.

87Nous sommes face à un mouvement féministe qui se révèle timidement avec des femmes en tant que groupe social qui, pour la première fois, fait de la question de l’émancipation des femmes une priorité majeure éminemment politique, la finalité de cette lutte réside dans des stratégies de mobilisations plurielles souvent coordonnées pour asseoir une unité et une solidarité contre toute attente.

Notes

  • [1]
    Expression employée par Michel Rocard à l’occasion de la « Première affaire du foulard » en 1989.
  • [2]
    François Burgat, L’islamisme en face, édition La Découverte, Paris, 1996, p. 213-214.
  • [3]
    Emmanuelle Terray est un anthropologue français. Son texte « La question du voile : une hystérie politique » est extrait d’un ouvrage collectif publié sous la direction de Charlotte Nordmann intitulé Le foulard islamique en questions paru aux éditions Amsterdam en mars 2004.
  • [4]
    Saba Mahmood, Politique de la piété. Le féminisme à l’épreuve du renouveau islamique, La Découverte, coll. « Textes à l’appui », 2009, p 22. Nous empruntons cette expression à Saba Mahmood qui entend redéfinir la notion d’agency : « capacité d’agir » au sein des études féministes qui, du fait d’une obsédante problématique de l’oppression et de la résistance, ne l’envisagent (implicitement) que comme la « capacité [naturelle] de défendre ses propres intérêts, contre le poids des coutumes, de la tradition, d’une volonté transcendante ou de tout autre obstacle, individuel ou collectif ».
  • [5]
    Voir entre autres les travaux de Nadine B. Weibel, Par-delà le voile : les femmes d’islam en Europe, Édition Complexe, Bruxelles, 2000 ; Isabel Taboada Leonetti, Les femmes et l’islam. Entre modernité et intégrisme, Paris, L’Harmattan, 2004 ; Valérie Amiraux, Musulmanes, musulmans au Caire, Téhéran, Istanbul, Paris, Dakar, Indigène, 2004 ; Dounia Bouzar et Saïda Kada, L’une voilée, l’autre pas, Albin Michel, 2003 ; Fabienne Brion, Féminité, minorité, islamité : questions à propos du hijab, Éditions Académia, 2004.
  • [6]
    Sociologue turque.
  • [7]
    Aynur Ilyasoglu, « Le rôle des femmes musulmanes en Turquie : identité et image de soi », Cemoti, n° 21.
  • [8]
    Nilüfer Göle, Interpénétrations. L’islam et l’Europe, Paris, Galaade, 2005.
  • [9]
    Françoise Gaspard et Farhad Khosrokhavar Le foulard et la république, Paris, La Découverte, 1995, p. 49.
  • [10]
    Farhad Khosrokhavar, « L’identité voilée », Confluences Méditerranée, 1995-1996.
  • [11]
    Professeur d’islamologie (Faculté de Théologie à Oxford). Il est actuellement Senior Research Fellow à l’université d’Oxford (St Antony’s College), à l’université de Doshisha (Kyoto, Japon) et à la Lokahi Foundation (Londres). Il est également Président de l’organisation (groupe de réflexion et d’action) European Muslim Network (EMN) à Bruxelles.
  • [12]
    Tariq Ramadan, Les musulmans d’Occident et l’avenir de l’islam, Arles, Actes Sud, 2003, 383 p.
  • [13]
    Abdennor Prado a édité un choix de contributions des deux premières conférences de Barcelone (2005 et 2007) sous le titre La emergencia des feminismo islamico, Barcelone, Oozebap, 2008.
  • [14]
    C’est une entité religieuse principalement composée de convertis à l’Islam. Son objectif est la consolidation d’un islam contextualisé dans l’Espagne du xxie siècle et la défense des droits civils et religieux des Catalans musulmans. Elle a un rôle éducatif, organise diverses interventions sur l’islam et participe au dialogue inter-religieux, notamment au sein de l’antenne catalane de l’Unesco. Les principales actions consistent à lutter contre l’islamophobie et à promouvoir le féminisme islamique.
  • [15]
    Margot Badran, « Où en est le féminisme islamique ? », dans « Le féminisme islamique aujourd’hui », Critiques Internationales n° 46, janvier-mars 2010, p. 32.
  • [16]
    Ndeye Andujar a récemment été sélectionnée parmi les 10 femmes les plus influentes d’Europe à Madrid.
  • [17]
    Le dernier colloque qui s’est tenu à Madrid en octobre 2010 a rassemblé plus de 550 participants : enseignants, dirigeants d’associations, militants et intellectuels venant d’une vingtaine de pays.
  • [18]
    Créée en février 1997, à l’initiative de la Ligue de l’Enseignement, la Commission Islam et Laïcité (initialement Laïcité et Islam) a pour but de rassembler autour d’une même table, sans souci de représentation institutionnelle, des musulmans, des chrétiens de différentes confessions, des juifs, des agnostiques et des athées, afin de discuter librement de la place de l’islam en France et de ses relations avec les institutions. Tout en cherchant à connaître et à analyser l’islam, les objectifs de la Commission visent surtout à agir sur l’opinion publique par un travail de terrain mené avec des interlocuteurs sociaux divers.
  • [19]
    Meena Sharify-Funk, “Women and the Dynamics of Transnational Networks”, in Fereshteh Nouraie (ed.), On shifting ground : Muslim Women in the Global Era, New York, The Feminist Press, 2005.
  • [20]
    Miriam Cook, « Critique multiple : les stratégies rhétoriques féministes islamiques », dans L’homme et la société, trad. de l’anglais par L. Thiers-Vidal, vol. 4, n° 158, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 169-190.
Français

Ces deux dernières décennies, la question du genre en islam s’est transformée en un véritable mouvement transnational de pensée et d’action féministe islamique. En se positionnant comme féministes et musulmanes, elles sont considérées comme des subalternes politiques car elles refusent les frontières qui leur sont imposées dans le champ féministe et islamique. Cette génération de militantes d’un nouveau genre semble alors contribuer à l’émergence de cette quatrième vague féministe qui s’inscrit elle, non pas dans la continuité, mais dans la réforme de l’idéologie dominante. C’est dans cette perspective que l’apport des théories postcoloniales et le paradigme « d’instersectionnalité », semblent être des concepts pertinents pour appréhender les enjeux du féminisme musulman en Europe francophone dans l’espoir d’envisager un féminisme décolonisé et anti-impérialiste.

English

Muslim Feminism and Social Issues in Post-colonial Context

Over the course of the past two decades, the question of gender within Islam has turned into a veritable transnational movement of Islamic thought and action. By positioning themselves as feminists and Muslims, they are considered as political subordinates because they refuse the borders imposed on them in the feminist and Islamic field. This generation of activists of a new genre seems to be contributing to the emergence of this fourth wave of feminism that fits, not in the continuity, but in the reform of the dominant ideology. It is in this perspective that the contribution of postcolonial theories and the paradigm of intersectionnality seem relevant concepts to understand the issues of Islamic feminism in French-speaking Europe in the hope of the emergence of a decolonial and anti-imperialist feminism movement.

Malika Hamidi
Ehess, CADIS
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 11/04/2016
https://doi.org/10.3917/hmc.036.0063
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