CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Certains pourraient considérer que la question des relations entre école et religion n’a pas à être posée dans le cas français : la laïcité, n’est-ce pas le fait que les religions doivent être absentes de l’école ? Il n’est pas sûr que la réponse soit si simple ; et pourtant la laïcité est parfois entendue de cette façon. Professeur d’histoire-géographie en collège, au début des années 1990, je demandai un jour à un de mes collègues comment il s’y prenait, en classe de 4e, pour expliquer la différence entre catholicisme et protestantisme. Il me répondit, avec un sourire en coin : « Je ne le fais pas, c’est de la religion, je n’ai pas à enseigner ça ! ». Je lui demandai alors s’il faisait aussi l’impasse sur la religion égyptienne, au programme de la classe de 6e, mais il me rétorqua : « Ça n’a rien à voir, ce n’est pas de la religion, c’est de la mythologie… ». Cette anecdote rappelle d’abord que les religions, et pas seulement les religions disparues, ont toujours été présentes à l’école à travers le cours d’histoire. Par-delà la tentative de distinction entre religion et mythologie, elle suggère aussi que ce sont les religions encore pratiquées qui peuvent poser problème dans le cadre scolaire ; ou plutôt la question est de savoir quelle attitude adopter. Faut-il, tel mon collègue, pratiquer ce qu’on appelle la « laïcité d’abstention » ? C’est un fait, certains enseignants ont une vision très critique des religions : la « laïcité d’abstention » est souvent un brin antireligieuse. Pourtant, la laïcité, ce n’est pas forcément la défiance envers les religions. Il faut donc se demander pourquoi la laïcité a parfois pris en France cet aspect de promotion de la rationalité qui peut dériver vers une attitude antireligieuse. Assurément, contrairement à ce qui est parfois affirmé, la laïcité n’est pas une exception française : d’autres pays l’ont mise en place, sous d’autres formes. Néanmoins, la « voie française » (P. Cabanel) est singulière. Pour l’expliquer, le détour par l’histoire est nécessaire.

L’Ancien Régime : l’école au service de la religion

2« Souvenons-nous que nous sommes en la sainte présence de Dieu ». C’est par cette phrase que, toutes les demi-heures, sont interrompus les exercices scolaires dans les établissements des Frères des écoles chrétiennes, congrégation fondée par Jean-Baptiste de la Salle, au xviie siècle. Dans les collèges des jésuites, les cours commencent par une prière, la messe est quotidienne, les élèves doivent se confesser, la dévotion envers Marie est encouragée. Il s’agit d’imprégner de religion tout le temps scolaire. Dans ce contexte, l’école sert d’abord à l’instruction religieuse : catéchisme, prière, éléments du culte, devoirs du chrétien. Ce n’est pas le propre des établissements congréganistes. Le Traité des études de Charles Rollin, en 1726, proclame que « la fin de toutes nos instructions doit être la religion ». Cela ne veut pas dire que tout l’enseignement soit religieux ; mais même les matières profanes sont attachées à la religion, et surtout les structures d’enseignement sont sous le contrôle des institutions religieuses. Dans les villages, le maître d’école enseigne certes les rudiments de la lecture, de l’écriture, du calcul ; mais il doit avant tout préparer les enfants à la communion. Comme ses revenus sont insuffisants, il est aussi sonneur de cloche, bedeau, sacristain, fossoyeur : il est vraiment l’auxiliaire du curé, qui a un droit de veto sur sa nomination. Cette situation est liée à la mission, coextensive à la société, qui est alors celle de l’Église : comme l’assistance publique, l’enseignement fait partie de ses missions.

3Cependant, le conflit entre catholicisme et protestantisme a aussi contribué à faire de la religion un enjeu à l’école. Henri IV est l’initiateur du célèbre édit de Nantes, mais en 1606 il cède aux remontrances du clergé catholique en publiant un édit prescrivant que les maîtres des petites écoles devront être « approuvés » par les curés des paroisses. Après l’ordonnance d’avril 1695 qui réitère cette obligation, Louis XIV, par la Déclaration royale du 13 décembre 1698 fait obligation aux paroisses d’établir des maîtres et maîtresses, dans le but en particulier d’instruire les enfants des protestants dans la religion catholique. Une seconde déclaration, en 1725, reprend ces prescriptions, en spécifiant que, chaque mois, il devra être remis à la justice un « état exact de tous les enfants qui n’iront pas aux écoles, ou aux catéchismes et instructions » [1]. Il s’agit en l’occurrence de faire des enfants des protestants de bons petits catholiques.

4Contesté par les parlementaires au xviiie siècle [2], détruit par la Révolution, ce système est longtemps resté un modèle pour l’Église catholique. De là les grandes luttes du xix e siècle.

L’Église tente de reconquérir son hégémonie (1806-1879)

5En 1808, Napoléon 1er instaure l’Université impériale, qui a le monopole de l’enseignement, hors les séminaires. Elle est sous le contrôle d’un grand maître, nommé par l’Empereur. Le système éducatif est donc placé sous l’influence de l’État, et non plus de l’Église, même si des membres du clergé sont présents dans les organes de gouvernement de l’Université [3]. La religion n’est d’ailleurs pas écartée de l’enseignement : l’article 38 du décret du 17 mars 1808 stipule au contraire que « toutes les écoles de l’Université impériale prendront pour base de leur enseignement les préceptes de la religion catholique ». Ainsi le règlement du 19 septembre 1809 sur l’enseignement dans les lycées stipule-t-il que la journée commence par les prières du matin et se termine par les prières du soir, que les repas sont précédés d’une prière et que les élèves doivent se rendre le dimanche et les jours de fête aux offices dans la chapelle du lycée, après avoir suivi les instructions assurées par l’aumônier. Le rôle de l’aumônier (lequel est rémunéré par l’État), est renforcé par son logement dans l’établissement.

6Après 1815, le régime de la Restauration maintient l’Université, mais la « cléricalise », particulièrement lors de sa phase « ultra ». En 1824, c’est symboliquement un ministère des Affaires ecclésiastiques et de l’Instruction publique qui est créé ; son premier titulaire est d’ailleurs un évêque, Mgr Frayssinous. L’influence de l’Église est concrète. Les candidats aux fonctions d’enseignement doivent être munis d’un certificat de bonne conduite (ce qui comprend des observations en matière de religion) délivré par le recteur pour les candidats à l’agrégation, par le curé pour les candidats au brevet de capacité pour les fonctions d’instituteur. Le curé et l’évêque reçoivent un rôle de surveillance et d’inspection.

7Après la Révolution de Juillet, le nouveau régime met un coup d’arrêt aux progrès de l’influence cléricale sur l’enseignement. Symbole : le Conseil royal de l’Instruction publique est désormais composé de sommités universitaires d’esprit libéral. La monarchie de Juillet sépare par ailleurs les portefeuilles de l’Instruction publique et des Cultes. Avec la loi Guizot (1833), le clergé reste présent dans les comités de surveillance locaux et d’arrondissement institués, mais son rôle y est amoindri.

François Guizot (1787-1874)

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François Guizot (1787-1874)

Portait par Nadar

8La différence par rapport à l’Ancien Régime tient non seulement au rôle de l’administration universitaire, mais aussi à la possibilité pour les « religions reconnues » d’ouvrir des écoles spéciales. Cette possibilité est admise dès l’ordonnance du 29 février 1816. En 1833, la loi Guizot précise par ailleurs, dans son article 2, que « le vœu des pères de famille sera toujours consulté et suivi en ce qui concerne la participation de leurs enfants à l’instruction religieuse ». Même prescription dans le secondaire : les lycéens non catholiques sont dispensés des exercices religieux prévus au lycée, mais le proviseur doit prévoir pour les internes une instruction religieuse : la circulaire du 12 novembre 1835 précise que :

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« dans tous les collèges royaux, toutes les fois qu’il se trouvera des élèves appartenant à l’un des cultes reconnus par la loi, et s’il existe dans la ville une église de ce culte, vous ferez en sorte […] qu’un des pasteurs soit appelé pour donner à ces élèves l’instruction religieuse ».

10Jean Baubérot a proposé d’appeler cette situation « premier seuil de laïcisation » : prédominance de la religion catholique, mais reconnaissance des droits des autres religions [4].

11Remarquons que cette situation est encore celle de l’Alsace et de la Moselle, qui étaient allemandes au moment des lois Ferry et qui en ont par la suite refusé l’application [5]. Ces départements ont donc encore des écoles rattachées aux « cultes reconnus ». Certes, la majorité des écoles sont devenues interconfessionnelles et les établissements secondaires ne sont pas confessionnels, mais dans tous les cas, l’enseignement religieux y reste obligatoire, inscrit dans l’emploi du temps. L’enseignement religieux est donné par des personnes agréées par les ministres des différents cultes ; ce n’est pas un enseignement du fait religieux, mais une vraie catéchèse. Archaïsme à résorber ou au contraire modèle à étendre aux autres religions et à généraliser au pays tout entier ? Il existe en tout cas une différence par rapport au xixe siècle : la possibilité de dispense (la possibilité pour les parents de demander que leurs enfants ne suivent pas les cours d’instruction religieuse a été introduite par la circulaire du 17 juin 1933 et confirmée par le décret du 10 octobre 1936) [6], c’est-à-dire l’acceptation des sans religion.

12Avant Jules Ferry, en effet, pas de place pour les sans religion. Le respect de la liberté de conscience vaut pour les protestants et les israélites, mais pas pour les athées. Se déclarer sans religion serait en effet comme se déclarer amoral. Encore en janvier 1870, le ministre écrit à un recteur pour lui rappeler que « nul élève [d’un lycée] ne peut être placé en dehors d’une confession religieuse » [7]. Dans l’enseignement primaire, la religion fait partie des matières enseignées par l’instituteur. Dans la loi Guizot comme dans la loi Falloux, l’instruction religieuse figure symboliquement en tête de la liste des disciplines obligatoires, associée à l’instruction morale.

13L’Église catholique n’est pas pour autant satisfaite de ce système. Dans les lycées elle reproche la présence conjointe d’élèves catholiques, protestants et juifs. Cette juxtaposition conduirait à l’« incrédulité ». De toute façon, l’Église catholique voudrait retrouver le contrôle de l’enseignement qu’elle détenait sous l’Ancien Régime. Pendant la Restauration, elle a pu « cléricaliser » l’Université quand les ultra sont été au pouvoir. Mais avec la victoire des libéraux, confirmée avec l’avènement de la monarchie de Juillet, en 1830, l’Église catholique change de tactique : elle prône désormais la liberté de l’enseignement, c’est-à-dire le droit de fonder des établissements libres, indépendants de l’Université. Elle l’obtient pour l’enseignement primaire avec la loi Guizot (1833), pour l’enseignement secondaire avec la loi Falloux (1850), pour l’enseignement supérieur avec la loi Laboulaye (1875).

14En 1833, les libéraux ont accepté la liberté de l’enseignement primaire, mais pas celle de l’enseignement secondaire. En fait, s’ils pensent qu’il faut former des élites rationnelles, les libéraux conservateurs comme François Guizot ne sont pas hostiles à l’influence de la religion sur le petit peuple. La peur de l’Enfer, c’est le début de la sagesse : cela maintient l’ordre social et préserve des révolutions. La religion est vue comme un instrument de moralité et de préservation de l’ordre social.

15Cela explique que l’influence de l’Église sur l’enseignement primaire ait été renforcée en 1850, avec le vote d’une loi Falloux qui introduit les représentants des religions reconnues dans le Conseil supérieur de l’Instruction publique (Csip). Les barricades des « journées de juin » 1848 ont épouvanté la bourgeoisie possédante. Même des « voltairiens »comme Adolphe Thiers se rallient à l’influence de l’Église sur l’enseignement. Désormais, sous prétexte de contrôler l’instruction religieuse, le curé pénètre quand il veut dans une école pour surveiller l’instituteur. Dans une page célèbre de son roman Bouvard et Pécuchet, Gustave Flaubert montre un curé en train de tyranniser l’instituteur du village. Nombreux sont les instituteurs à avoir l’impression d’être ravalés à la situation de répétiteurs de catéchisme et forcés de surcroît d’emmener leurs élèves à la messe. De là, un anticléricalisme croissant dans le corps des enseignants du primaire.

Alfred de Falloux (1811-1886)

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Alfred de Falloux (1811-1886)

Portait par Disderi (source : BNF Gallica)

Les lois Ferry et la guerre scolaire (1879-1959)

16L’anticléricalisme unit les républicains qui prennent le pouvoir à la fin des années 1870. Ils ne sont pas tous, loin de là, hostiles aux religions, mais ils refusent l’influence du clergé sur la politique et la société [8] : dans une société sécularisée, chacun doit être à sa place, l’instituteur à l’école, le curé à l’Église. Ce n’est pas seulement par principe : c’est aussi parce que l’Église semble avoir partie liée avec les forces réactionnaires qui refusent la société issue de 1789. Enraciner la République suppose donc de laïciser l’école. C’est ce à quoi va s’employer Jules Ferry : conformément à ses convictions positivistes comme à son positionnement politique opportuniste, il entend procéder à la séparation de l’Église et de l’École avant qu’il ne soit procédé à la séparation des Églises et de l’État. Une des premières mesures est la suppression de la présence des représentants des cultes reconnus (« le banc des évêques) au Csip. C’est dire expressément que l’Église n’a pas à surveiller l’enseignement, du moins l’enseignement public. Mais la grande affaire est la mise en place de l’école primaire laïque avec trois aspects :

17– Laïcité des locaux : donc retrait des crucifix sur les murs (1882) ;

18– Laïcité des programmes scolaires : donc suppression de l’instruction religieuse (1882) ;

19– Laïcité du personnel (loi Goblet de 1886).

20Pour Mgr Freppel, la loi ne produira « que des sceptiques ou des indifférents » : ne pas parler de Dieu à l’enfant pendant sept ans, alors qu’on l’instruit six heures par jour, c’est lui faire accroire que Dieu n’existe pas ou qu’on n’a nul besoin de s’occuper de lui [9]. Pour Jules Ferry, la loi n’est pas antireligieuse : les familles, si elles le souhaitent, doivent pouvoir donner ou faire donner une instruction religieuse à leurs enfants ; le jeudi est dédié à cette possibilité. Cette instruction religieuse devra être donnée en dehors des édifices scolaires : les parlementaires républicains refusent en effet l’immixtion de deux fonctions différentes. L’école, c’est le domaine des connaissances rationnelles ; la religion, c’est du domaine de la croyance.

21La laïcisation du personnel se traduit par l’éviction des congréganistes des écoles publiques. Un congréganiste, qui considère le mariage comme un état inférieur, qui a une patrie céleste qu’il préfère à la patrie terrestre et qui obéit à un chef étranger (le pape), ne pourrait pas être un bon citoyen. Ces arguments, qui avaient déjà été exprimés par un La Chalotais à l’époque des Lumière, traduisent l’hostilité de nombreux républicains à l’encontre du clergé régulier.

22La laïcisation concerne aussi l’enseignement secondaire. La séparation entre matières profanes (enseignées par les professeurs) et instruction religieuse (dispensée par l’aumônier) a au reste été présentée par Jules Ferry comme une préfiguration de la laïcité à instaurer dans le primaire. Ce modèle est repris dans l’enseignement secondaire féminin, créé en 1880 : l’enseignement religieux ne pourra se faire que sur demande des parents et en dehors des heures de classe ; en outre (nouveauté par rapport à la période précédente), les parents peuvent ne pas demander d’instruction religieuse. Par ailleurs, les cours de morale sont dépourvus de soubassement religieux [10]. Concernant l’enseignement secondaire masculin, un décret de Paul Bert du 24 décembre 1881 prévoit que l’instruction religieuse sera elle aussi donnée en dehors des heures de classe et que la volonté du père de famille sera respectée. Par ailleurs, les aumôniers perdent leur statut de double moral du censeur, puisque la loi du 21 décembre 1880 spécifie qu’ils ne résideront pas dans l’établissement [11].

Jules Ferry (1832-1893)

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Jules Ferry (1832-1893)

Portrait réalisé par Nadar

23La politique de séparation de l’Église et de l’école correspond à un « deuxième seuil de laïcisation ». La fermeté dans les principes n’exclut pas la prudence dans l’application. Conformément à la logique de la politique « opportuniste », la circulaire du 2 novembre 1882 recommande ainsi de ménager les populations au sujet du retrait des emblèmes religieux des bâtiments scolaires. Dans sa fameuse « Lettre aux instituteurs » du 17 novembre 1883, Jules Ferry prêche par ailleurs la prudence aux instituteurs. Au reste, les devoirs envers Dieu, dont il n’a pas voulu dans la loi, sont inscrits dans les programmes (ils ne seront retirés qu’en 1923) [12]. Le règlement scolaire du 14 janvier 1887 autorise par ailleurs les instituteurs à terminer leurs classes plus tôt dans la semaine précédant la première communion [13]. La modération est également de mise dans l’enseignement secondaire : la circulaire du 24 janvier 1882, pourtant signée par le très anticlérical Paul Bert, supprime bien la prière que le professeur devait faire lui-même au début et à la fin de chaque classe, mais maintient l’usage de la prière à l’étude du matin et à celle du soir (ces prières disparaîtront seulement au début du xxe siècle, suite aux protestations des répétiteurs).

24La dualité de la politique de Jules Ferry (rigueur des principes, souplesse dans l’application) explique que son exemple soit aujourd’hui invoqué en sens contraires, par exemple au sujet du foulard islamique. Les partisans de l’interdiction ont invoqué la loi Ferry interdisant les emblèmes religieux. Mais les adversaires de l’interdiction du voile ont insisté sur le fait que Jules Ferry avait eu une pratique accommodante et qu’il n’entendait pas heurter la population, afin de ne pas la faire fuir hors de l’enseignement public. De toute façon, font remarquer d’autres partisans du refus d’interdire, l’interdiction des signes religieux visait les murs de la classe, pas les élèves, qui étaient acceptés avec leurs origines religieuses : la « Lettre aux instituteurs » de Jules Ferry indique bien qu’il faut accepter les élèves tels qu’ils sont. Mais d’autres estiment que l’école de Jules Ferry avait pour ambition de faire en sorte que les élèves dépassent leurs particularismes, que l’instruction civique en particulier, (qui, symboliquement, remplace l’instruction religieuse) devait permettre de subsumer les différences. Même s’il ne s’agissait pas de s’adresser à des élèves abstraits, le port de la blouse devait permettre d’oublier l’origine de chacun, et ainsi chacun devait être amené par le maître à s’émanciper des préjugés de son milieu (y compris familial) pour devenir un individu et surtout un citoyen rationnel [14].

25Aux yeux des républicains, la laïcité était en tout cas le corollaire de l’obligation : comme les enfants devront aller à l’école, il faut respecter leur liberté de conscience (sans parler de celle de l’instituteur). Pour les adversaires de la laïcité, c’est au contraire parce que l’instruction est obligatoire que l’école ne doit pas être laïque, car l’« école athée » [15] est une atteinte à la liberté de conscience des parents pour qui l’enseignement doit être imprégné de religion. Au vrai, on aurait pu tout aussi bien assurer une instruction religieuse différenciée ; la mise à l’écart de l’instruction religieuse est un vrai choix, qui consiste à répudier la religion des lieux institutionnels de la République (Parlement, tribunaux, écoles), ces lieux étant censés être placés sous le signe de la seule rationalité. Refusé par les catholiques militants, ce choix va avoir pour conséquence le développement d’écoles privées catholiques qui doivent offrir une alternative. Aussi le projet de mettre tous les petits Français sur les mêmes bancs va-t-il être un échec. C’est la « guerre scolaire », la guerre de deux écoles concurrentes dans les villes et les villages, deux jeunesses élevées de façon antagoniste et qui se jettent des cailloux dans la rue. De ce fait, alors que Jules Ferry avait récusé l’idée d’interdire l’enseignement libre (le monopole, disait-il, c’est bon pour les régimes despotiques), l’idée de monopole scolaire va être prônée par certains républicains, au début du xxe siècle [16].

26Aux yeux des cléricaux, l’école publique, c’est « l’école sans Dieu », donc « l’école du diable ». Aux yeux des tenants de l’école laïque, de « la laïque », comme on dit, la vraie école libre, c’est l’école laïque, car elle seule émancipe de l’obscurantisme. Le catholicisme militant n’est-il pas, de surcroît, contre révolutionnaire ? Être républicain, c’est combattre l’école libre, rangée dans le camp de la réaction et des partisans du retour à l’Ancien Régime. Inversement, les catholiques estiment vivre une nouvelle époque de persécution, surtout quand, en 1904 le gouvernement interdit aux congrégations enseignantes d’enseigner dans les écoles libres : n’est-ce pas une mesure discriminatoire prise contre une certaine catégorie de citoyens ? Il est vrai que s’opère au début du xxe siècle un durcissement de la laïcité, qui vire parfois au laïcisme. La mention de Dieu est supprimée des fables de La Fontaine ou du livre de lecture très répandu Le Tour de la France par deux enfants. Dans les manuels scolaires d’histoire du primaire, on insiste sur le côté négatif des religions : les Croisades, l’Inquisition, les guerres de religion. En fait, l’intolérance est mutuelle. Du côté du clergé, il arrive qu’on exerce des pressions sur les propriétaires terriens pour qu’ils choisissent des fermiers qui mettent leurs enfants dans l’école libre ; que, pour les examens de la communion, on classe dans les derniers les élèves de l’école laïque, mis par ailleurs dans les derniers rangs de l’église [17]. Du côté laïque, certains inspecteurs choisissent le vendredi pour organiser les conférences pédagogiques des instituteurs, et voir ceux qui ne mangent pas de viande lors du repas commun : ceux-là n’auront pas de promotion [18]. Si on trouve dans la valise d’un élève d’une école normale une bible, il est mal vu et souvent mal noté. On refuse aux élèves provenant des écoles libres de passer le concours des écoles normales (en juillet 1939, un arrêt du Conseil d’État cassera le refus de l’Inspecteur d’Académie de Seine-et-Oise d’accepter des candidatures « catholiques » à l’École normale). De même, si on a besoin de suppléants dans les écoles primaires, on refuse les candidatures provenant d’anciens élèves des écoles libres. Une association d’institutrices publiques, mais catholiques, les Davidées, s’est d’ailleurs créée pour lutter contre ce qui leur apparaît comme des brimades. Leurs adversaires les accusent de vouloir noyauter les écoles publiques et de servir de cheval de Troie au clergé. De fait, le syndicalisme des instituteurs fait de la question laïque le cœur de son identité. Cette trace identitaire s’est transmise dans le syndicalisme enseignant, notamment du premier degré, jusqu’à une date récente, parfois jusqu’à nos jours.

27En 1909 comme en 1925, l’épiscopat français condamne avec beaucoup de virulence les lois laïques (accusées en 1925 de « substituer au vrai Dieu des idoles : la liberté, la solidarité, l’humanité, la science, etc. ») et oblige les parents catholiques à mettre leurs enfants dans les écoles libres, faute de quoi ils ne seraient pas admis à la communion. Exception seulement s’il n’y a pas d’école libre dans les environs ; mais dans ce cas, il faut surveiller l’enseignement des instituteurs, pour qu’au moins il ne soit pas antireligieux. Le clergé demande donc la constitution d’associations de chefs de famille pour surveiller les écoles publiques, et en particulier les manuels scolaires. Une liste de mauvais manuels est mise à l’index, des manuels sont brûlés. Le ministère engage les instituteurs à ne pas céder à la pression des parents. En 1913, Louis Barthou, politiquement modéré, accepte que ceux-ci puissent prendre connaissance du projet de catalogue des livres classiques et produire à l’inspecteur d’académie des observations écrites ; mais ces dispositions sont annulées en 1914 par René Viviani [19]. L’Union des associations catholiques de chefs de famille fait par ailleurs campagne contre la politique de gémination d’écoles, assimilée à une entreprise de coéducation visant à faire perdre leur pudeur aux jeunes filles et à les enlever à l’Église [20].

28Les catholiques estiment injuste la situation créée par l’école laïque : ils paient des impôts qui contribuent à financer les écoles publiques même s’ils mettent leurs enfants dans des écoles privées. C’est pourquoi ils exigent la « répartition proportionnelle scolaire » : que l’État finance écoles publiques et écoles libres en proportion de leurs effectifs. Cette réclamation d’une aide financière de l’État est refusée pendant toute la Troisième République. Elle ne trouve un accueil favorable que sous le régime de Vichy. Cette mesure de subvention est rapportée à la Libération, mais en 1951 les lois Marie et Barangé accordent des aides à l’enseignement privé.

De 1959 à nos jours : disparition progressive de la « querelle scolaire » et nouveaux enjeux

29En 1959 est votée la loi Debré, qui permet aux établissements privés de passer un contrat avec l’État : les enseignants sont rémunérés par l’État ; en échange les établissements ne peuvent pas refuser un élève pour motif religieux et les enseignants sont inspectés par les inspecteurs de l’État [21]. La loi comporte une ambiguïté : d’un côté, elle stipule que l’enseignement est délivré dans le respect de la liberté de conscience des enfants ; d’un autre côté, il est précisé que l’établissement conserve un « caractère propre », caractère propre qui peut être religieux. Dans un premier temps, la loi n’a pas réglé la querelle scolaire : le camp laïque s’est mobilisé par des pétitions et des manifestations ; il lui apparaît scandaleux de subventionner des établissements privés qui affirment un caractère religieux ; c’est, selon lui, une atteinte, à la Séparation des Églises et de l’État, puisque cela revient à subventionner une religion. En réalité, l’instruction religieuse, est hors contrat avec l’État, qui ne la subventionne pas. Mais il est vrai que les contreparties exigées ne sont pas toujours respectées. Ainsi du caractère facultatif de l’instruction religieuse. Tel instituteur fait toujours soigneusement commencer son cours par des prières, même quand survient l’inspecteur primaire [22]. Quant aux cours de morale, ils font référence à la morale chrétienne. Toutefois ces cours sont supprimés en 1969. Par ailleurs, comme l’écrit l’historien Bruno Poucet en particulier à propos du second degré, « l’enseignement privé a échoué dans son entreprise de constituer un système disciplinaire qui lui serait propre » [23] ; l’idée qu’il y aurait une mathématique chrétienne suscite des réactions de rejet [24].

30Le camp laïque a promis de tout faire pour que la loi Debré soit abrogée. Tant que la droite est au pouvoir, ce sont cependant des mesures en faveur de l’enseignement privé qui sont prises. En 1977, la loi Guermeur prévoit ainsi que l’enseignant doit se conformer au « caractère propre » de son établissement. Un enseignant d’un établissement privé catholique qui divorce peut donc être licencié. Quand les socialistes arrivent au pouvoir, en 1981, le camp laïque attend d’eux qu’ils nationalisent l’enseignement privé. Mais quand, en 1984, le ministre Alain Savary essaie d’intégrer les établissements privés dans le secteur public, ont lieu les plus importantes manifestations que la France ait connues. Le président Mitterrand préfère reculer. Les socialistes abandonnent leur projet. En 1992-1993, ils vont même conforter la loi Debré en passant un accord sur la formation des enseignants du privé sous contrat (accords dit « Lang-Cloupet » [25]). La querelle scolaire semble dépassée. Certes, elle connaît une résurgence en 1993, quand François Bayrou essaie de modifier une disposition de la loi Falloux qui limitait les subventions aux établissements privés ; mais la remise en cause de la loi Debré ne figure plus au programme des candidats socialistes à la présidentielle. La querelle scolaire n’est plus un élément clé du conflit droite/gauche.

31Cela s’explique d’abord par les mutations de l’Église catholique : avec Vatican II, elle s’est ouverte à la modernité et aux droits de l’homme, elle n’est plus tournée vers les partis réactionnaires. Les écoles catholiques ne menacent donc plus la République. Par ailleurs, la population est de plus en plus déchristianisée, la société de plus en plus sécularisée. C’est de moins en moins souvent pour des raisons religieuses que les familles mettent leurs enfants dans le privé. On l’a bien vu dès 1977 : c’est alors qu’ont surgi les premières manifestations contre le projet socialiste de nationaliser les écoles privées [26]. La fin des filières séparées liée à la loi Haby sur le collège unique a joué un rôle dans le souci de conserver une alternative à un enseignement public qui mêle tous les élèves : le privé est un recours contre les dérives supposées du public et sa mixité sociale (relative, certes, mais plus forte que dans le privé). Il y a une dérive clientéliste de l’enseignement privé, dérive qui exaspère d’ailleurs une partie du clergé, qui déplore que l’enseignement catholique soit composé d’établissements parfois plus privés que catholiques et voudrait donc renforcer leur identité chrétienne dans une perspective pastorale. Il reste qu’en général, la querelle public / privé n’est plus aujourd’hui un conflit entre laïcité et religion.

32Un corollaire de la fin de ce conflit réside dans l’apparition du thème de l’enseignement du fait religieux : n’émane-t-il pas au départ du camp laïque, plus exactement de la Ligue de l’enseignement ? La réflexion part de l’inculture religieuse d’un nombre grandissant d’élèves, qui ne reçoivent plus d’instruction religieuse hors de l’école. Cette inculture peut pénaliser en termes de réussite scolaire, car la civilisation européenne est pétrie de références religieuses. Par ailleurs, l’enseignement du fait religieux est considéré comme un moyen de lutter contre l’intolérance et la xénophobie, par la connaissance mutuelle. Des rapports sont donc rédigés sur la question, tel le rapport de Régis Debray, qui propose de passer d’une laïcité d’indifférence à une laïcité d’intelligence. Sont toutefois refusées la généralisation de la situation alsacienne et la réintroduction du clergé ou de ses représentants dans les écoles ; est également écartée la création d’une nouvelle discipline, et surtout d’une histoire comparée des religions, qui pourrait être destructrice pour les religions. On préfère donc mettre l’accent sur le fait religieux dans diverses disciplines, histoire-géographie et français en particulier.

33Cet enseignement du fait religieux dans le cadre des disciplines est laïque. Il n’a rien à voir avec la catéchèse. Mais la situation est particulière dans les établissements privés catholiques. Ces derniers estiment en effet que leur mission est d’enseigner, d’éduquer, ainsi que de proposer un chemin vers la foi. La religion y est présente de différentes manières : à travers l’enseignement du fait religieux dans les différentes disciplines (normalement laïque) ; à travers l’instruction religieuse (normalement facultative) ; à travers le modèle éducatif de l’établissement ; mais aussi à travers des cours de culture religieuse, que beaucoup d’établissements ont créés. Ces cours ne font pas partie du contrat passé avec l’État, mais sont malgré tout inscrits à l’emploi du temps, donc obligatoires. Dans certains établissements, on y étudie les différentes religions dans une démarche plutôt objective ; dans d’autres, on y étudie le christianisme. Assurément, il ne s’agit pas de catéchèse. Néanmoins, les autorités de l’enseignement privé ont demandé qu’il existe un lien entre cet enseignement dit de « culture religieuse » et l’instruction religieuse proprement dite [27]. En fait, la question de l’enseignement du fait religieux a été employée par les autorités de l’enseignement catholique pour servir le processus de recatholicisation de l’enseignement privé.

34Certains dénoncent une « communautarisation rampante », qu’ils mettent aussi en rapport avec le fait que certains établissements juifs (pourtant sous contrat) exigent un certificat du rabbin pour l’inscription. Cependant, d’autres estiment que le développement d’écoles privées juives est lié à la montée de l’antisémitisme dans certains établissements dits sensibles. Ce phénomène a été dénoncé en 2002 par un ouvrage, Les territoires perdus de la République, et confirmé par un rapport de l’inspection générale, rédigé par Jean-Pierre Obin. L’école publique serait confrontée à un nouvel intégrisme, avec des élèves musulmans qui refusent certains cours de SVT [28], d’EPS ou d’histoire et de géographie ou des visites de cathédrale. Ce phénomène a été contesté : il serait ultra-minoritaire et plus le fait d’adolescents en échec scolaire que d’adolescents manipulés par les islamistes. Le problème serait social et scolaire, et non pas religieux.

35Ces divergences d’opinions traversent la gauche. Elles se sont manifestées en particulier à propos de la question du « foulard », puis du « voile » islamique. Deux conceptions s’opposent : fermeté laïque ou bien laïcité ouverte (qui prend davantage en considération la liberté de conscience et les identités individuelles). La droite en profite pour récupérer le thème de la laïcité. C’est Jacques Chirac qui, en 2004, fait voter une loi, alors qu’en 1989, Lionel Jospin s’était contenté de demander l’avis du Conseil d’État. La loi du 15 mars 2004 interdit le port de signes religieux ostensibles à l’école. La circulaire d’application de François Fillon rappelle l’obligation de suivre tous les cours. Cependant, la fermeté laïque de la droite marque une limite avec Nicolas Sarkozy, partisan d’une « laïcité positive », qui déclare le 20 décembre 2007 à la basilique Saint-Jean de Latran, à Rome, que « dans la transmission et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur », ce qui, à l’évidence, l’éloigne de la conception que Jules Ferry avait développée dans sa « Lettre aux instituteurs ». Par ailleurs, avec Vincent Peillon, la gauche semble se réapproprier le thème de la laïcité scolaire.

36La Charte de la laïcité, au demeurant, ne règle pas tous les problèmes concrets. En fonction de leur conception de la laïcité, ferme ou ouverte, les enseignants doivent faire des choix personnels, par exemple quand un élève demande à pouvoir respecter en classe la rupture du jeûne, pendant le Ramadan.

Conclusion

37À l’évidence, la loi du 15 mars 2004 renvoie à celle du 15 mars 1850, la loi Falloux. Cette allusion historique vise à suggérer qu’on serait passé, avec l’islamisme, à un nouveau cléricalisme, auquel il importerait d’opposer de nouveau les valeurs de la République. Cette référence historique rappelle que la laïcité à la française s’est construite au terme d’un parcours historique dans lequel la question religieuse a été instrumentalisée à des fins morales et politiques ; de là, dans la gauche républicaine, un anticléricalisme virulent, qui a trouvé sa solution radicale dans la « séparation de l’Église et de l’école ». Allant plus loin que les instigateurs des grandes lois des années 1880, les laïques les plus militants y ont vu, par la suite, l’espoir de remplacer les religions par le règne de la raison. La laïcité n’est plus alors une garantie juridique, mais une idéologie militante.

38Cependant, la querelle scolaire entre public et privé est aujourd’hui en grande partie apaisée. Elle recouvre de moins en moins, aux yeux des parents consommateurs d’école, un conflit entre religion à l’école et laïcité scolaire. Le conflit s’est déplacé sur le terrain de la réussite scolaire.

39L’autre déplacement, c’est le passage du catholicisme à l’Islam, ou plutôt à sa forme radicale, l’islamisme. Mais y a-t-il vraiment en France une menace communautariste, c’est-à-dire le désir d’opposer aux règles de la République des règles communautaires ? Ou bien est-ce, au contraire, un désir d’égalité dans les règles de la République qui se manifeste, avec le constat que toutes les religions ne sont pas traitées à égalité, comme le montre la question du calendrier scolaire ? Autrement dit, la question n’est pas forcément de savoir s’il faudrait appliquer à l’islamisme la même fermeté qui a été jadis pratiquée à l’encontre du catholicisme clérical ; le véritable déplacement à opérer est peut-être de passer d’une laïcisation comme prise de distance avec la culture dominante à une laïcité respectueuse de la diversité des cultures.

Notes

  • [1]
    F. Lebrun, M. Venard, J. Quéniart, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, t. II : de Gutemberg aux Lumières, Paris, Nouvelle librairie de France, 1981, p. 256 et p. 391-392.
  • [2]
    La volonté des parlementaires d’avoir un rôle dans la gestion des questions scolaires est illustrée par la création de l’agrégation en 1766 : cf. D. Julia, « La naissance du corps professoral », Actes de la recherche en sciences sociales, septembre 1981, p. 71-86.
  • [3]
    De 1810 à 1815, le Conseil de l’Université a comporté parmi ses membres M. de Villaret, évêque de Casal ainsi que l’abbé Roman, chanoine à Notre-Dame (Ch. Jourdain, Les conseils de l’Instruction publique, Paris, Jules Gervais Libraire-éditeur, 1879, p. 8).
  • [4]
    J. Baubérot, Histoire de la laïcité française, Paris, Puf, 2004.
  • [5]
    S’appliquent dans ces départements la loi Falloux ainsi que, pour l’enseignement secondaire, les dispositions de la législation allemande (ordonnances du 20 juin 1883 du 16 novembre 1887). L’arrêt du Conseil d’État du 23 mai 1958 stipule que le statut scolaire local est également applicable aux établissements d’enseignement technique public.
  • [6]
    Quand on s’inscrit dans l’établissement, on doit donner sa religion ou bien demander la dispense d’enseignement religieux (dans ce cas, on reçoit un enseignement moral). Le décret du 3 septembre 1974 permet par ailleurs aux enseignants du primaire de refuser d’assurer l’instruction religieuse. Ces dispositions sont réputées assurer la liberté de conscience, ce que contestent certains militants de la laïcité.
  • [7]
    Cité par J.-L. Marais, « L’aumônier des lycées, cheval de Troie de l’Église dans l’Université ? », P. Caspard, J.-N. Luc, Ph. Savoie (dir.), Lycées, lycéens, lycéennes : deux siècles d’histoire, Paris, Inrp, 2005, p. 101.
  • [8]
    G. Weill, Histoire de l’idée laïque en France au xixe siècle, Paris, Hachette, 2004, p. 211-247 (1ère édition : Félix Alcan, 1929).
  • [9]
    Cité par A. Israël, L’École de la République. La Grande Œuvre de Jules Ferry, Paris, Hachette, 1931, p. 115.
  • [10]
    F. Mayeur, L’enseignement secondaire des jeunes filles sous la troisième République, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1977, p. 222-223.
  • [11]
    Après 1906, on cesse de recruter des aumôniers fonctionnaires pour les lycées.
  • [12]
    Pour Paul Janet, Henri Marion et Ferdinand Buisson, trois philosophes qui jouent un rôle important dans l’introduction dans les programmes des devoirs envers Dieu, l’idée de Dieu n’implique pas celle de la confession, c’est donc une « idée laïque » (P. Ognier, Une école sans Dieu ? 1880-1895. L’invention d’une morale laïque sous la IIIe République, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2008, p. 97).
  • [13]
    Sur les accommodements laïques, cf. p. Cabanel, Entre religions et laïcité, la voie française, xixe-xxie siècles, Toulouse, Privat, 2007, p. 175-198.
  • [14]
    En réalité, toutefois, le port de la blouse n’était pas obligatoire et servait avant tout à protéger les vêtements pour éviter d’avoir à en racheter.
  • [15]
    Pour Jules Ferry, l’école laïque est neutre, mais pas athée, car l’athéisme est aussi une croyance.
  • [16]
    J. Baubérot et al., Histoire de la laïcité, Besançon, CRDP de Franche-Comté, 1994.
  • [17]
    M. Launay, L’Église et l’École en France, xixe-xxie siècles, Paris, Desclée, 1988, p. 89.
  • [18]
    A. Prost, L’enseignement en France, 1800-1967, Paris, Colin, 1968, p. 110.
  • [19]
    M. Gontard, L’œuvre scolaire de la Troisième république. L’enseignement primaire en France de 1876 à 1914, CDRP de Toulouse, 1976, p. 173-181 ; C. Amalvi, « Les guerres des manuels autour de l’école primaire en France (1899-1914), Revue historique, 1979, t. 262, p. 359-398 ; J.-F. Condette, Les deux « guerres » des manuels scolaires dans le Nord et le Pas-de-Calais (1882-1883 et 1908-1910), Irhs-Ceges-Lille 3, Villeneuve d’Ascq, p. 409-459 ; Y. Déloye, École et citoyenneté. L’individualisme républicain de Jules Ferry à Vichy, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1994, p. 276-286. Toutes proportions gardées, cet épisode a connu récemment une réplique à propos des manuels de svt et de la question du genre.
  • [20]
    Y. Verneuil, « Coéducation et mixité : la polémique sur la gémination des écoles publiques dans le premier tiers du xxe siècle, Le mouvement social, à paraître.
  • [21]
    B. Poucet, La loi Debré. Paradoxes de l’État éducateur ?, Amiens, CRDP de l’académie d’Amiens, 2001.
  • [22]
    B. Poucet, La liberté sous contrat. Une histoire de l’enseignement privé, Paris, Fabert, 2009, p. 98.
  • [23]
    B. Poucet, « L’enseignement privé en France au xxe siècle », Carrefours de l’éducation, 2002/1, p. 162.
  • [24]
    É. Poulat, « Les dimensions non mathématiques d’une authentique mathématique », Les Cahiers de la Cerf, mars 1997, p. 5-7.
  • [25]
    Y. Verneuil, « Les accords Lang-Cloupet (1992-1993) : une histoire écrite à l’avance ? », Histoire de l’éducation, juillet-septembre 2011, p. 51-87.
  • [26]
    Témoignage de N. Fontaine, B. Poucet (dir.), L’État et l’enseignement privé ? L’application de la loi Debré, Rennes, PUR, 2011, p. 55.
  • [27]
    Annonce explicite de l’Évangile dans les établissements catholiques d’enseignement. Texte adopté par le CNEC et promulgué par la Commission permanente d’août 2009, p. 10-12.
  • [28]
    Sciences et Vie de la Terre.
Français

Assurément, la laïcité n’est pas une exception française : d’autres pays l’ont mise en place, sous d’autres formes. Néanmoins, la « voie française » est singulière. Sous prétexte d’une promotion de la rationalité, certains considèrent que l’école laïque doit pratiquer une « laïcité d’abstention ». Le détour par l’histoire permet de comprendre comment a pu naître cet état d’esprit. La « querelle scolaire » a pu revêtir des aspects manichéens. Il ne faut pourtant pas négliger tous les accommodements qui ont été acceptés. Par ailleurs, depuis une trentaine d’années, on ne peut plus poser de la même manière la question de la place des religions à l’école.

English

School and religion: questions of the past, outdated questions ?

Secularism is not a French exception. Nevertheless, the “French way” is singular. This article studies the relationship between school and religion since the eighteenth century. Debates were often Manichean. But there were also agreements between the schools of the state and religions. For thirty years the debates on the place of religion in schools have changed. The French model of secularism has become uncertain.

Yves Verneuil
Université Champagne-Ardenne, cerep
Mis en ligne sur Cairn.info le 16/03/2015
https://doi.org/10.3917/hmc.032.0013
Pour citer cet article
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