CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 « L’empire nous a ruinés, il nous a énervés il a fait la guerre malgré nous, une guerre folle et désastreuse. » C’est là l’une des nombreuses évocations du Second Empire telle qu’on peut les lire sous la Commune de Paris, tirée du Journal Officiel de la Commune du 16 mai 1871.

2 Comment parlait-on du Second Empire dans le « Paris insurgé [1] » ? La question paraît absurde, tant les deux expériences politiques sont proches dans le temps. Derrière cette interrogation incongrue se niche pourtant un reliquat de l’historiographie républicaine, une surprise et une délicate question d’histoire.

3 Le reliquat est l’expression « Second Empire ». Comme l’avait noté, il y a longtemps déjà, Juliette Glickmann [2], et comme le confirme ce numéro spécial, on parle plutôt d’« Empire » en 1852-1870. Poser la question avec l’expression consacrée ensuite par l’historiographie revient à se mettre d’emblée dans une sorte d’extériorité temporelle avec son objet.

4 La surprise vient de la richesse des termes employés pendant la Commune pour désigner cette période, sur le plan politique (« les bandits de l’Empire ») mais aussi économique (le temps de la « féodalité industrielle »). Expressions, métaphores, détours linguistiques sont légions. Ils sont le produit tant des Parisiens que des Versaillais, qui composent d’ailleurs eux-mêmes rien moins que des camps homogènes - chacun est surtout soudé par la haine de l’autre.

5 Vient la question d’histoire : cette richesse discursive et sémantique ne relève pas d’un simple jeu sur le langage ; plus exactement, en relevant d’un jeu sur le langage, elle est aussi une atteinte au passé récent et à l’organisation symbolique – et par là sociale – que ce passé portait ou était supposé porter avec lui. Il faudra se demander qui produit ce vocabulaire, ou comment celui-ci se produit. Mais l’inventivité des dénominations se révèle un des moyens – un parmi d’autres – de saisir ce qui fait que la Commune est une révolution. On retrouve là, on finira sur ce point, le redoutable problème des temps de l’histoire.

6 Pour mener à bien cette enquête, le présent article s’appuie sur un travail en cours portant sur la Commune de Paris. Il mobilisera la presse, les affiches placardées dans les rues, ainsi que des écrits de soi, des procès-verbaux de clubs politiques ou des rapports de commissaires de police communards, heureusement conservés. Nous n’exposerons pas ici les diverses méthodes d’analyse employées, mais chacune a fait l’objet d’un traitement adapté à ses conditions de production, de réceptions, à ses visées. Trois étapes guideront l’enquête : après avoir repéré les usages du terme « empire » en 1870-1871, nous analyserons les expressions employées dans le Paris communard pour désigner l’Empire de Napoléon III ; puis nous aborderons le problème de leur signification et de leur qualité en contexte révolutionnaire.

1870-1871 : Attester la fin de l’Empire

7 Commençons par la confirmation du fait historiographique : on ne parle presque pas dans les sources consultées pour 1870-1871 de « Second Empire ». Ni dans les Journaux, ni dans les affiches, ni dans les journaux intimes [3].

8 Cette absence n’est pas une spécificité de la Commune. Le maire républicain du 4e arrondissement Greppo écrit par exemple dans une affiche publiée peu après le 4 septembre : « Souvenons-nous qu’en défendant nos maisons, nous combattons pour la République universelle et pour l’humanité […] L’empire s’est lâchement rendu, la république ne capitule pas ! » Il en est de même pour les premiers intéressés : le 4 février 1871, s’adressant au peuple français dans une affiche, celui qui signe encore Napoléon III parle aussi de l’Empire :

9

Une insurrection éclata dans Paris, la représentation nationale fut violée, l'Impératrice menacée, un gouvernement s'installa par surprise à l'Hôtel de Ville, et l'Empire, que toute la nation venait d'acclamer pour la troisième fois, abandonné par ceux qui devaient le défendre, fut renversé [4]. »

10 Autrement dit, l’Empire est bien le nom donné, en cette période, à ce que nous appelons le Second Empire. Point n’est besoin de préciser duquel il s’agit : quand l’auteur ou l’orateur entend le préciser, il mentionne Napoléon III. Les travaux du républicain Taxile Delord, qui inaugurent l’expression « Second Empire [5] », et dont on perçoit l’écho dans certaines autres publications du temps [6], ne semblent pas encore avoir pénétré les désignations ordinaires du régime passé.

11 Cette précision permet de suggérer un point de méthode : elle aide à identifier les ajouts dans certains Mémoires qui relèvent souvent de complexes palimpsestes. C’est le cas du récit de Georges Cavalier, dit Pipe-en-bois, qui alterne annotations faites sur le moment et réécritures postérieures. Celles-ci peuvent être repérées par le changement de ton, mais également par le recours à cette référence, comme dans la citation suivante : « Ah, comme elles étaient plaisantes et familiales nos petites émeutes du second empire comparé à cette atroce révolution [7]. »

12 Juliette Glickmann a bien expliqué l’absence de numération impériale. Pour ses défenseurs, l’Empire est une restauration, celle d’une réalité politique et sociale qui se poursuit avec Napoléon III. Il en va de ce régime comme des monarchies : lui et son principe ne cessent pas ; seul son représentant-incarnation [8] change, ce que signale le numéro de l’Empereur. La logique des nombres est dynastique, au point, comme on sait, que Louis-Napoléon Bonaparte se fait appeler Napoléon III par respect pour le fils de Napoléon Ier, le roi de Rome, proclamé Napoléon II en 1815 (et même si lui n’est que le neveu de l’Empereur). L’esprit de continuité est essentiel. La situation est peut-être similaire pour ses détracteurs, notamment les libéraux d’opposition et les républicains, dans la mesure où pour eux, c’est bien le principe même de l’Empire qui est rejeté [9]. Notons que cet usage n’a pas forcément une signification politique toujours arrêtée : en ce second tiers du xixe siècle, les expériences monarchistes et impériales ont été plus nombreuses en France, et cette logique de dénomination relève sans doute d’une évidence usuelle et plus partagée. Il faut éviter de projeter nos propres représentations du temps politique : l’exception est plutôt la République, à ce moment.

13 Il est alors intéressant de noter que seule la République paraît se compter elle-même au xixe siècle. Les remarques qui suivent, tirée d’une rapide recherche sur la Seconde République, mériteraient d’être prolongées de manière plus systématique, tant le sujet paraît important. Dans la presse, dans les discours parlementaires ou dans les mises en histoire les plus immédiates [10], on parle alternativement de « cette » seconde république ou de « la » seconde république (qui implique une plus grande individualisation). Alphonse de Lamartine en particulier, la « voix » des débuts de la République, fait sienne l’expression à plusieurs reprises, jusque dans les discours électoraux, tels celui-ci, prononcé lors de la campagne présidentielle de 1848 :

14

Je vois d'ici cette maison où je suis né au milieu de vos pères et de vous, où je suis né avec la première République, comme un présage sans doute du rôle accidentel et immérité que je serais appelé à prendre un jour dans la fondation de la seconde République [11].

15 La seconde République, de fait, se pense en écho à la première. En novembre 1850, à l’Assemblée, lors du débat sur le budget de l’instruction publique, Charles Dupin joue lui aussi au détour d’une phrase de cette logique des temps.

16

En face de ces grandes créations [l’école Polytechnique, etc.] que l'on peut citer avec fierté, quels établissements aurez-vous à mettre en parallèle pour prouver que la seconde République n'est pas au-dessous de la première [12] ?

17 Une telle conception se comprend : contrairement à l’empire ou à la monarchie, la république n’est pas incarnée par un souverain selon un principe dynastique ; et si l’on suit leur propre justification, chaque nouvelle république se place dans une perspective de progrès par rapport à la précédente. Aussi la compte-t-on. Elle porte la marque du temps ouvert par la Révolution française et bien connue grâce aux travaux de Reinhart Koselleck ou François Hartog, celui du régime d’historicité dit moderne [13]. L’historien des concepts allemand avait même suggéré dans une de ses études que la République s’était imposée en France car elle était, par son principe même, le régime le mieux adapté à ce rapport au temps [14]. Cette vision est sans doute discutable - après tout, la monarchie de Juillet ou le Second Empire se sont eux-mêmes pensés comme les régimes les mieux adaptés à ce rapport au temps ; mais on peut noter qu’en se comptant, cette pratique si courante au siècle de l’industrie, du commerce et de la mécanisation des durées [15], la République se situe dans un des rapports au temps possible du xixe siècle, celui de la « modernité » et du progrès. Il est sans doute plus intéressant encore de noter que ce décompte semble valoir surtout pour les régimes institués, dotés d’une constitution et d’un fonctionnement institutionnel ; dans les textes instituants, comme la Constitution, on parle seulement de République ; de même dans les temps de transition, de crise politique et de révolte, les protagonistes parlent de république, sans chiffre : c’est alors moins un régime fixé que la présence vivante du principe républicain qui est invoquée. Cette référence se situe dans un autre rapport au temps encore, plus discontinu, frappé d’absolu et d’exclusivisme dans l’esprit de ses soutiens [16]. Les pétitions, parmi d’autres, en rendent compte. Ainsi celles des chefs d’ateliers et industriels de Nantes envoyée à l’Assemblée en 1848 :

18

Nous tous, concitoyens, chefs d'ateliers de la ville de Nantes, à nos concitoyens représentants et frères de Paris, les félicitons sur l'heureux résultat qu'ils ont obtenu sur la monarchie tyrannique qu'ils viennent d'abattre, et leur protestons de notre dévouement à maintenir la République sage et vertueuse, et, dans l'intérêt de toute la population française, leur représentons néanmoins que, pour obtenir une République semblable, il ne faut pas supprimer les droits appartenant à chaque classe de la Société, et que la haute bourgeoisie ne s'infiltre pas seule dans les ressorts de la République […] [17].

19 La République est là principe d’un avenir autre. Le chiffre, de son côté, fige et établit davantage. Ainsi le plus évident de l’outillage historien – les dénominations des périodes et des régimes – s’avère-t-il brouillage, pour le chercheur qui observe sa période, et vecteur de sens pour les acteurs, au sens politique, mais aussi de direction, de situation temporelle. Elles indiquent ce faisant la complexe discordance des temps qui caractérise l’avènement dit de la « modernité » au xixe siècle [18]. Ces considérations sur la République et la révolution nous mènent à la Commune. Les enjeux de dénominations jouent en effet à plein en 1870, lorsque le régime bonapartiste s’écroule ; il faut les avoir à l’esprit pour comprendre ce qui suit en la matière [19].

La Commune contre le « régime du 2 décembre »

20 Sans doute est-il inutile de reprendre dans le détail la succession des évènements qui mènent de la guerre à la Commune. Rappelons qu’en juillet 1870, la France déclare la guerre à la Prusse. Celle-ci se solde par une défaite, et par la chute du régime bonapartiste en septembre 1870. Le 4, la République est proclamée à Paris et dans quelques grandes villes. Le Gouvernement de la défense nationale tente de poursuivre la guerre par une toute républicaine « guerre à outrance » ; mais il est vite confronté au siège de Paris et à la poursuite des échecs militaires. Après plusieurs mois de conflits, l’armistice est signé le 28 janvier 1871. Sur la demande de Bismarck, des élections sont organisées le 8 février pour donner à la France une représentation nationale. Bien que mues surtout par un désir de paix, elles assurent au final une victoire des monarchistes, entendus au sens large, pourtant en perte de vitesse sous le Second Empire. Cette opposition politique se double d’une autre, même si la superposition est moins nette qu’on a dit, entre villes et campagnes. La ville, pour les urbains, est le lieu de la modernité confronté à l’arriération des campagnes. Les tensions entre Paris, ville la plus républicaine du pays, et l’Assemblée vont alors croissant. Les marques de défiance à l’égard de la capitale se multiplient. Finalement la tentative par le chef de l’exécutif Adolphe Thiers de reprendre les canons de la garde nationale aboutit, le 18 mars, au mouvement révolutionnaire de « reconquête de la ville par elle-même ». Il se prolonge, après la tenue d’élections à Paris, dans la proclamation de la Commune le 28 mars. Certes, le choix des récits et des généalogies n’est jamais neutre (il est tout aussi légitime de débuter avec le mouvement des réunions publiques de 1869 ou avec les recompositions des mondes ouvriers des années 1850 etc.  [20]). Au moins cette rapide évocation permet-elle déjà de rappeler que la Commune s’inscrit dans une succession rapide de changements depuis le 4 septembre, qu’elle est une révolution qui fait suite à une guerre, à une transition puis à une crise politique. Dès lors, comment, à l’issue de ces « lents glissements » [21] qui sont autant de déplacements concrets de situation, parle-t-on du régime précédent de Napoléon III ?

21 Dans le Paris insurgé, le terme d’Empire est employé, cela a été dit, mais rarement de manière isolée. Charles Beslay, le doyen de la Commune, républicain de la première heure sans être le plus radical des révolutionnaires, le montre dans une lettre ouverte du 24 avril 1871. Affichée dans les rues et publiée au Journal Officiel de la Commune, elle invite Adolphe Thiers à la démission :

22

Vos hommes ? Mais ce sont les hommes de l'Empire, les défenseurs de l'Empire, les états-majors de l'Empire, si bien qu'en voyant tout ce qui se passe, le journal inavouable qui ose encore soutenir à Londres l'idée d'une restauration bonapartiste a eu l'impudence de dire : Sire, la France vous attend !

23 Le vieux républicain cherche à renforcer l’idée d’une continuité entre l’Empire et Versailles. Mais l’extrait indique aussi à quel point, dans ces discours parisiens, l’Empire est toujours incarné, que ce soit par des personnes, des évènements ou des pratiques. Journaux et affiches en témoignent à l’envi, lorsqu’ils mentionnent les « sergents de ville de l’empire » ou la « clique impériale », autres expressions alors courantes. Une affiche non signée du 10 mai exulte :

24

Les bandits de Versailles, les gendarmes et sergents de ville de l’empire, les royalistes de Charrette égorgent et fusillent au cri vive le roi et drapeau blanc tête […] Le gouvernement de Versailles se place en dehors des lois de la guerre et de l’humanité.

25 De telles expressions renvoient tantôt à l’idée d’un État policier, tantôt au thème de la fête impériale, au sens orgiaque et dispendieux du terme. Tout le travail de dénomination du régime prolonge ce mécanisme. Particulièrement éclairant est un autre jeu d’expression récurrent, qui renvoie au coup d’État. Bien des discours ou articles évoquent « l’homme du deux-décembre », ou font référence à « 51 ». Significativement intitulé « une page d’histoire », un article du Journal Officiel de la Commune du 27 mars proclame :

26

Il est indispensable que la France ne perde jamais le souvenir des monstruosités sans nom qui ont inauguré le régime du 2 décembre, et il n’est pas moins nécessaire qu’elle voue à l’infamie, pour l’édification des générations futures, les misérables ambitieux […] qui se sont fait les complices et les instruments des attentats commis à cette époque.

27 Ces discours débordent d’ailleurs les frontières nationales et sont repris tels quels par les soutiens étrangers. Ainsi les orateurs républicains du meeting de Londres en faveur de la Commune, mi-avril, fustigent dans leur adresse « vos adversaires, les hommes de Versailles, comme les dignes émules de l'homme de Décembre, lâches instruments des despotes de l'Europe. » Une dernière manière d’évoquer le Second Empire, suivant cette même logique, est le terme de « Badinguet ». Bien que ce ne soit pas l’origine exacte du sobriquet, le nom propre fait alors référence à la fuite de Louis-Napoléon du fort de Ham et à son déguisement comme ouvrier. Toutes ces expressions sont certes connues : elles renvoient aux stéréotypes construits dès la fin des années 1860 par l’opposition républicaine et pour partie libérale, pendant ce qu’on a appelé le « moment républicain [22] » ; à la chute du régime, elles s’imposent comme une évidence.

28 En réalité, très vite, il ne semble plus avoir existé de désignation réellement neutre du régime dans Paris. Employées dès l’avènement de la République, ces jeux d’expression sont ainsi courants dans le Journal officiel, le Cri du Peuple ou le Père Duchesne, ces derniers journaux étant les plus lus sous la Commune. Les écritures de soi, rédigées pendant les évènements et publiées ensuite, témoignent mieux encore de cette diffusion. Ainsi le jeune calicot Xavier-Édouard Lejeune, républicain sans être révolutionnaire, évoque lui aussi ces termes pour parler de la période précédente. Dans ses réflexions datées du 18 mars, jour de la révolution parisienne, il indique [23] :

29

Quand les tambours du gouvernement passent dans le quartier, les boutiquiers et bourgeois disent : nous ne nous dérangerons pas d’une semelle, vous voulez nous ramener un roi dans le fourgon des Prussiens. Vous avez menti à vos promesses en capitulant comme Bazaine ou Badinguet […] Allez au diable !

30 De telles références semblent bien courantes dans l’espace parisien insurgé. Dans ses Tablettes d’une femme pendant la Commune, publiées en 1872 à partir des notes prises pendant les évènements, l’écrivaine Malvina Blanchecotte raconte une visite à l’Hôtel de ville, destinée à sauver le curé de Saint-Severin, tout juste arrêté. Arrivée devant le bâtiment, elle s’entend dire par le garde de faction, surpris : « vous, une protégée de Badinguet  [24] ! » L’expression vaut également par son ironie, suivant cette pratique éprouvée du Paris insurgé qui cherche, par la moquerie, à affaiblir le « sérieux » des institutions précédentes. Ne parle-t-on pas, suivant cette fois la terminologie officielle, de « l’ex-préfecture de police » pour désigner cette institution policière honnie et jugée toute bonapartiste qu’était la Préfecture de police ? Les lettres de dénonciations comme les écritures administratives quotidiennes portent aussi la trace de ces manières de nommer. Une « notte de course » (sic) du commissaire de police du quartier de l’Odéon Lelièvre, destinée à son inspecteur, mentionne : « voir rue Hupin la femme d’un ancien employé de badinguet au 2e étage sur le derrière pour le motif est à Versailles, il revient quelques fois. Surveiller et prendre [25]. » Le mot fait donc plus qu’abîmer la mémoire du régime déchu, il se dote, dans le contexte communard, d’une vraie efficacité pour jeter la suspicion sur des personnes et les placer du côté des « ennemis de la Commune ».

31 Considérées globalement, la charge de ces expressions s’analyse aisément : elles contrent parfaitement le discours d’auto-légitimation du Second Empire qui avait cherché à imposer une relation entre l’Empire, la France, et la longue durée, selon un savant mélange des références, pour s’inscrire dans une histoire d’ample portée et un avenir assuré [26]. En réaction, ces termes minorent cette expérience politique en la réduisant systématiquement à un homme et une date. Le terme « Badinguet » plus encore, jouant de l’inversion entre Louis-Napoléon Bonaparte et l’ouvrier censé avoir rendu possible sa fuite, permet de réduire la personne de l’Empereur à un homme du commun ; c’est-à-dire à lui ôter toute aura de souveraineté et à le ramener à son indignité. Ces formules stéréotypées, en devenant courantes, désignent ainsi un homme, un coup d’État, une pression policière et des abus financiers. Elles campent un régime accidentel, autoritaire et sans légitimité. Rien de neuf ici, on l’a dit : il s’agit du discours républicain qui se recompose dans les années 1860. Quelques précisions peuvent toutefois être proposées. Il convient d’abord, contre une histoire politique linéaire qui a longtemps épousé d’emblée ce discours, de rappeler l’historicité de cette indignité et ses rythmes : c’est une des vertus de cette approche par les mots du temps que de pénétrer dans le temps de l’autre, ou plus exactement les temps des autres. Par ailleurs, il apparaît qu’à la chute de l’Empire, et plus encore sous la Commune, cette lecture, cantonnée à l’opposition, devient un lieu commun qui colore les temps. Il déborde les camps politiques radicaux pour devenir un élément d’identification de soi dans le Paris insurgé et un outil de repérage des amis et des ennemis. Les temps de transitions politiques, on le sait, facilitent de telles expansions discursives, qui permettent de créer un sentiment de proximité. Rappelons toutefois que ce n’est pas le cas sur l’ensemble du territoire national, et que cette désignation reste bien une arme de combat. Enfin, ces éléments apportent une preuve de plus, s’il en fallait, du caractère avant tout républicain de la Commune de Paris [27] : elle vit dans l’imaginaire de la République radical forgé auparavant. Mais ce n’est sans doute pas suffisant.

Badinguet en révolution

32 Il faut lire, à nouveau, les listes de l’indignation communarde. Landeck, délégué du comité central près de Marseille, de retour à Paris, proclame ainsi dans un tract, en prévision des élections du 16 avril :

33

Citoyens, Voulez-vous repousser l'agression féodale de Versailles ? Voulez-vous empêcher que les chouans, les ventrus orléanistes et les hommes de Décembre conjurés ne réalisent leurs projets infâmes ? […] Voulez-vous, en un mot, que Paris, insulté par les vieilleries rurales de Versailles, reprenne son rang et montre à l'Europe que si Paris n'a pas vaincu l'étranger, c'est qu'il était vendu par des bandits titrés, mitrés et décorés ? Voulez-vous être représentés par des hommes énergiques, ne reculant devant aucun sacrifice […] Je suis un de ses hommes.

34 Relevons aussi les considérants de cette affiche non datée émanant de la Mairie du 2e arrondissement :

35

CONSIDÉRANT qu'aujourd'hui le devoir de tout Citoyen est de voler à la défense de Paris, outrageusement bombardé par les ex-membres du Gouvernement de la Défense nationale, alliés aux capitulards bonapartistes […]

36 Les expressions sur le Second Empire sont légions, et toutes les évocations ne se valent pas. Pour comprendre la signification précise des noms donnés au Second Empire sous la Commune, il faut sans doute s’intéresser davantage à leur contexte social, politique et discursif (c’est-à-dire se demander à quels autres termes elles sont associées). Complétant le volet précédent, nous nous concentrons à présent sur les positions les plus ouvertement révolutionnaires, qu’elles le soient par conviction ou par respect des normes langagières en cours : dans un cas comme dans l’autre, elles dessinent une autre trame de temps et de sens dans un Paris à la fois insurgé et assiégé. Il convient là encore de montrer en quoi, dépassant l’ordre du discours ces noms d’époque s’ancrent dans l’expérience communarde elle-même. Bien souvent, l’« Empire », ces deux extraits le montrent, est alors lié à toutes les autres tares dénoncées par les communards, selon une logique de juxtaposition qui compacte les temps. Les bonapartistes sont ainsi associés aux « ventrus orléanistes », aux « chouans » de 1793, aux « vieilleries rurales » en référence à la Chambre élue grâce au vote des campagnes [28] . S’observe une collusion de références, signifiantes pour les insurgés, même si elles ont en apparence perdu leur actualité ou leur pertinence.

37 Le phénomène nourrit les écritures révolutionnaires, notamment celles tournées vers l’action. Dans son appel désespéré à la garde nationale, le 11 mai, le nouveau délégué à la guerre Delescluze tente de mobiliser les gardes nationaux :

38

La situation est grave, vous le savez ; l'horrible guerre que vous font les féodaux, conjurés avec les débris des régimes monarchiques […] vous a déjà coûté bien du sang généreux, et cependant, tout en déplorant ces pertes douloureuses, quand j'envisage le sublime avenir qui s'ouvrira pour nos enfants, je saluerais encore avec enthousiasme la Révolution du 18 Mars.

39 L’extrait indique d’ailleurs une autre perspective, signalée en introduction et sensible dans certains discours cités, qui mérite attention : la relation entre l’Empire et la féodalité. Ce terme, fort, peut surprendre tant il renvoie à un mode d’organisation médiéval lointain. Mais il s’avère là aussi adapté. Il s’appuie, en la détournant, sur l’insertion de la Monarchie impériale, comme l’analyse ici Juliette Glickman, dans une histoire de France qui remonte aux temps médiévaux et met en scène ses racines carolingiennes et mérovingiennes. L’auto-justification rendait potentiellement actuelle cette critique communarde. Le terme relève surtout, du côté des ouvriers parisiens, du travail intellectuel des socialistes dit utopiques, qui ont forgé dans les années 1840 le terme de « féodalité industrielle ». Celui-ci s’est ensuite diffusé dans certains groupes ouvriers, s’est révélé en 1848, dans sa dimension sociale, puis maintenu dans les années 1860 [29]. À l’évidence, le développement du capitalisme et des grands travaux sous le Second Empire a contribué au sentiment de sa pertinence. Enfin le terme prend probablement une épaisseur particulière dans cette expérience de gouvernement appelée « Commune », mot dont les acteurs ont conscience de l’origine médiévale et qu’ils associent de manière assez lâche aux idées d’émancipation et de liberté urbaine. Les journaux, en particulier, alimentent alors l’idée qu’existe là une « tradition vraiment populaire [30] ».

40 Pour apprécier ce qui est en jeu ici, il convient de changer de perception du temps : abandonner la recherche du point d’origine chronologique pour saisir d’un bloc la grille de significations sédimentées ainsi véhiculées. La féodalité vient donner sens aux rapports sociaux d’avant. La référence au Second Empire exprime alors, avec les autres, la sensation d’un fossé entre le monde d’avant et le présent. Un monde d’avant fait des passés de toutes les soumissions, et un monde d’après qui est celui de la libération (la sortie de la féodalité) et de l’avenir, maître mot de la phraséologie communarde [31]. On retrouve ce thème repris de diverses manières, par exemple chez le comité central de l’union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés dans une affiche du 8 mai. Celle-ci réagit à une proposition de conciliation :

41

Aujourd'hui, une conciliation serait une trahison ! Ce serait renier toutes les aspirations ouvrières, acclamant la rénovation sociale absolue, l'anéantissement de tous les rapports juridiques et sociaux existant actuellement, la suppression de tous les privilèges, de toutes les exploitations, la substitution du règne du travail à celui du capital, en un mot l'affranchissement du travailleur par lui-même ! […] Paris ne reculera pas, car il porte le drapeau de l'avenir.

42 Or cette perception est tout sauf celle des seuls discours officiels. Elle apparaît dans les discours administratifs de l’organisation quotidienne, résonne encore dans ces lieux de discussion populaires que sont les clubs. Au club patriotique St Ambroise, le « citoyen Rouiller » propose le 9 mai de créer un impôt forcé pour les veuves et blessés, sur les bureaux de tabac tenus par « les satellites de l’empire », et sur la prostitution, et ceux qui les fait exploiter [32]. Il faut clarifier l’implicite. La gestion des bureaux de tabac était en effet accordée par l’administration précédente à ceux envers qui l’État et la nation ont une dette (famille des soldats morts aux combats etc. [33]) Quant à la référence à la prostitution, elle ajoute évidemment le vice à l’association entre Empire et féodalité. Qu’importe que ces liens paraissent curieux, ils disent là encore quelque chose de ce rapport au temps en jeu.

43 Enfin ces lectures se prolongent aussi dans des pratiques concrètes. La plus connue et manifeste, pour l’Empire, est sans doute la destruction de la colonne Vendôme. En détruisant ce symbole bonapartiste, la Commune entendait mettre à bas non seulement une référence au Premier Empire, mais aussi au Second, et à toute la trame de temps qui lui est associée. Le décret du 12 avril le suggérait déjà en « considérant que la colonne impériale de la place Vendôme est un monument de barbarie, un symbole de force brutale et de fausse gloire, une affirmation du militarisme […] un attentat perpétuel à l’un des trois grands principes de la République française, la fraternité ». Le Cri du peuple précisait encore :

44

Elle est tombée, cette colonne faite de canons achetés par tant de cadavres […]  ; monument de la dictature du sabre, du despotisme militaire, au milieu du Paris républicain, artiste et ouvrier […] ; souvenir insolent de l’Empire, commencé avec le 18 brumaire et terminé par l’invasion ! [Cette statue dont le César du 18 brumaire avait cru] se dresser dans l’apothéose sanglante du militarisme despotique et barbare [34].

45 La lecture pénètre le quotidien et la matérialité de la ville, chargés, eux aussi, de la trace et du souvenir des temps passés. Cette activité opère à des niveaux moins spectaculaires, mais plus massifs. Ainsi en est-il de la destruction des insignes impériaux dans l’espace public, ou encore de la traque policière des vestiges du régime déchu. L’exemple des sergents de ville de l’Empire est éclairant : la plupart de ces 4 000 agents sont partis avec leur administration le 18 mars, mais ceux restés à Paris sont arrêtés et gardés comme otage, en même temps que des gendarmes, prêtres et banquiers. Leurs appartements privés sont souvent perquisitionnés, par les agents de l’ex-préfecture de police, par les commissaires de la Commune ou par la garde nationale. Puis les meubles laissés dehors, les lieux ouverts à la foule [35]. De tels actes ne sont pas anodins : le Second Empire avait réalisé, avec force publicité, une grande réforme policière à Paris en 1854, qui assurait la présence continue d’un agent dans les rues de la capitale ; et ces agents, selon un principe d’inoculation policière dans l’espace urbain, devaient habiter dans leurs quartiers d’exercice, dont ils étaient peu à peu devenus une figure courante. S’attaquer aux appartements revenait à effacer les traces physiques les plus récentes et quotidiennes du monde ancien. C’est là un exemple, parmi d’autres, du travail de purification anthropologique mis en œuvre par les Communards, qui touche donc aussi les imaginaires temporels, de manière tout à la fois discursive et matérielle [36].

46 Ce rapport au temps n’est pas exactement le même que le précédent. Nous sommes là dans le temps révolutionnaire : la référence à l’empire ne renvoie pas uniquement au régime de Napoléon III ou à la période 1852-1870, mais à la perception plus générale de tout un système social, politique et temporel qu’il s’agit de rejeter en bloc. Ces relations entre rapports au temps ne sont pas exclusives, ni confondues – et elles n’évitent pas les conflits. Elles se complètent et se rejettent selon les moments et les acteurs. Sans doute, même si ce n’est pas exactement l’objet du présent article, faudrait-il ajouter les perceptions et désignations des indifférents ou des opposants à la Commune. Côté Versaillais, la Commune subit un même traitement : l’évènement est réduit aux « insurgés de Paris » ou à une « clique infâme » ; il est renvoyé à son tour à une pratique anachronique, celle de révolutions violentes qui ne conviennent plus au monde moderne des années 1860 ; il est aussi rapproché d’autres épisodes du passé censés en prouver la totale barbarie (de la Terreur de 1793 aux sombres heures de l’histoire romaine) ; enfin, est systématiquement opposé à l’épisode son terme prochain, après « ce combat dont l’issue ne saurait être douteuse », et affiché en contrepoint le fonctionnement légitime et rassurant des institutions nationales [37]. Au moins ces considérations montrent-elles comment les « mots du temps » possèdent une profondeur anthropologique variable selon les situations, les besoins ou les qualités du temps : banales dans un contexte républicain ou d’opposition, les désignations communardes du Second Empire portent en elles un désir temporel proprement extraordinaire.

47 On peut alors comprendre d’une autre manière le mot d’ordre célèbre de Mac Mahon venant d’écraser les derniers fédérés à Belleville. « Aujourd’hui, la lutte est terminée. L’ordre, le travail, la sécurité vont renaître ! » La référence à la journée, l’annonce performative de la fin de la guerre civile, l’usage du présent comme le rythme ternaire de la dernière phrase, tout annonce dans cette dépêche militaire pourtant lapidaire la promesse radicale d’un retour à un temps jugé « ordinaire ».

48               

49 L’examen du rapport au temps en situation révolutionnaire ou de transition politique tend à devenir plus courant en histoire et sciences sociales. Il est bien connu des spécialistes de la Révolution française [38], mais aussi, pour le xxe siècle, des sociologues et politistes, comme le montrent, par exemple, les travaux de Brigitte Gaitti sur la transition entre la IVe et la Ve République [39]. Son intérêt ne se dément pas ici, dans cette étude davantage centrée sur les habits du temps. Trois aspects, en guise de conclusion, peuvent être retenus. Le premier concerne le Second Empire, terme que nous conservons ici par commodité historiographique. Les lignes qui précèdent indiquent l’usage courant du nom « Empire » et la diversité des termes employés pour désigner le régime. En réalité, sans doute aucune dénomination n’est jamais pleinement neutre, qu’elle soit le fait des ennemis du régime, de ses promoteurs, ou des indifférents. Les mots du temps rappellent ainsi que l’on a affaire à un passé toujours travaillé, et qui ce faisant travaille toujours le présent. Même gelée dans des habitudes de désignations devenues banales et sans relief, cette dimension reste latente. Et s’il existe des « présences » et des « spectres » révolutionnaires – spectres de Marx, de la Révolution française, de 1830, 1848, 1871 –, il existe probablement aussi, des « présences » du Second Empire. Les spectres du passé sont de multiples natures, et diversement agissants.

50 Le second a trait à la Commune. Une telle étude autorise, parmi bien d’autres manières de faire, une entrée dans la perception du temps révolutionnaire, dans une sorte d’anthropologie sensible de la révolution [40]. Elle montre notamment comment les acteurs de la Commune ont habités le temps. L’expérience de la Commune, retrouvant la discontinuité des temps insurrectionnels, modifie ainsi la perception des passés, présents et avenir, selon un phénomène qui tient à la volonté des protagonistes les plus impliqués, mais aussi au simple fait de l’existence du processus révolutionnaire et de son prolongement. La dimension pleinement révolutionnaire de l’évènement, de ce point de vue, est évidente.

51 Le dernier constat peut contribuer à la réflexion sur les chrononymes suggérée par ce numéro, et par d’autres publications récentes [41]. L’examen de la Commune rappelle notamment que les mêmes noms du temps, les mêmes expressions se dotent selon les contextes de significations, d’intensités et d’efficacités variables. Les historiens du langage le savent bien : un même terme recouvre des sens et des usages multiples, changeants dans le temps. Le présent exemple le confirme.

52 De cette variabilité des densités sémantiques, l’étude de la sortie de la Commune offrirait sans doute le meilleur test, même si nous devons nous contenter ici de quelques pistes. La période 1871-1879 est sans doute celle d’une réorganisation des noms des temps qu’il faudrait étudier de près. On sait en tout cas que dans la Troisième République des années 1890, au moment où s’organise une (re)lecture républicaine de l’histoire, la critique de ce qu’on appelle désormais le « Second Empire » s’enracine, et avec lui une partie du compactage des références indiqué plus haut. Dans les manuels d’histoire, le régime fait partie des expériences liées à la persistance de l’Ancien Régime, en opposition à la marche inexorable du progrès et de la démocratie incarnée par l’avènement de la République. Comparée aux usages au temps de la Commune, cette référence paraît cependant avoir perdu de son urgence, et l’association des passés plus mesurée ; le « Second » Empire appartient à un temps que l’on estime désormais révolu, éloigné de la nouvelle actualité du monde, parfois associé à d’autres imaginaires (telle la fête impériale, étudiée ici), tressant une autre histoire. Ces quelques considérations montrent à quel point la marche de la vie sociale est indissociable de la manière dont on dit et dont on fait dire le temps. Elles rappellent également combien les historiens doivent savoir se déprendre, par de patients allers-retours, des rêts que composent le palimpseste des lectures passées du temps, qui enserrent, le plus souvent sans en avoir l’air, notre accès à l’histoire, même la plus classique en apparence.

Notes

  • [1]
    Jacques Rougerie, Paris insurgé, Paris, Gallimard, 2012.
  • [2]
    Juliette Glickman, La Monarchie impériale. L’imaginaire politique sous Napoléon III, Paris, Nouveau Monde, 2013.
  • [3]
    Plus exactement, aucune mention n’est faite dans la documentation que nous avons receuillie.
  • [4]
    L’ouvrage Les Murailles politiques françaises a publié en 1871 un nombre important d’affiches (plus de 1 000) éditées et placardées, notamment à Paris, pour la période du 4 septembre au 28 mai (Paris, Le Chevalier éditeur, 1873). Toutes les affiches citées sont tirées de cet ouvrage.
  • [5]
    Taxile Delord, Histoire du Second Empire, 1848-1869, Baillière, Paris, 1869
  • [6]
    Par exemple, Charles Besson, Études politiques sur le Second Empire, Paris, Renou et Maulde, 1870 ; Auguste Deschamp, Histoire de la chute du Second Empire, Lacroix, Verboeckhoven et Cie, 1871. La base Gallica de la Bibliothèque Nationale de France, ne recense que deux ouvrages avec « second empire » dans le titre pour 1870, 16 pour 1871. Les graphiques tirés de la base de google book (Ngram viewer) indiquent une croissance de l’usage de l’expression « second empire » à partir de 1868, qui augmente nettement après 1871, avec un pic entre 1872 et 1874, avant de diminuer un peu en 1880, puis franchement en 1900. L’argument reste ici trop impressionniste (il faudrait comparer avec le nombre d’ouvrages numérisé pour chaque année dans le premier cas, mieux connaître la base initiale pour le second) mais il tend à confirmer l’analyse des sources effectivement consultées.
  • [7]
    Pipe-en-bois, témoin de la Commune, Paris, éditions de France, 1932.
  • [8]
    Selon l’analyse de Pierre Rosanvallon, La Démocratie inachevée. Histoire de la souveraineté du peuple en France, Gallimard, Bibliothèque des histoires, 2000.
  • [9]
    Sur les logiques de l’opposition sous le Second Empire, voir Sudir Hazareesingh, From Subject to Citizen. The Second Empire and the Emergence of Modem French Democracy, Princeton, New Jersey, Prin­ceton University Press, 1998 ; sur la complexité des mouvements libéraux, Louis Girard, Les Libéraux français, (1814-1875), Collection historique, Aubier, 1985.
  • [10]
    Notamment celle d’Alphonse de Lamartine, Histoire de la Révolution de 1848, t. I, Paris, Perrotin, 1849-1850.
  • [11]
    Alphonse de Lamartine, Discours à ses compatriotes de Saône et Loire, novembre 1848.
  • [12]
    Débat du 9 novembre 1850.
  • [13]
    Sur les logiques d’incarnation de la République, voir l’étude classique de Maurice Agulhon, Marianne au combat. L’imagerie et la symbolique républicaines de 1789 à 1880, Paris, Flammarion, 1979 ; sur les régimes d’historicité, Reinhart Koselleck, Le Futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, Paris, éd. de l’EHESS 1990 (1re éd. 1979), et François Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, 2003.
  • [14]
    Reinhart Koselleck « la sémantique des concepts de mouvement dans la modernité », in Le Futur Passé, op. cit, p. 311-357, p. 348-349.
  • [15]
    Sur cette dernière, Alain Corbin, « L’arithmétique des jours au xixe siècle » in Le Temps, le désir et l’horreur, Paris, Flammarion, 1998.
  • [16]
    Michelle Riot-Sarcey, Le Procès de la Liberté, une histoire souterraine du xixe siècle en France, Paris, La Découverte, 2016.
  • [17]
    Pétition des chefs d'atelier et industriels de Nantes aux membres du gouvernement national pour la nomination de députés ouvriers, 1848
  • [18]
    Christophe Charle, Discordance des temps. Une brève histoire de la modernité, Le temps des idées, Paris, Armand Colin, 2011.
  • [19]
    Il faudrait mener la même enquête pour le terme « Troisième République » en 1870-1871. Si l’on reprend les outils précédents, avec la même fragilité des résultats, il apparaît que le terme est très peu employé en 1870-1871 : une occurrence de titre dans la base Gallica ; selon google book, le nombre augmente significativement à partir de 1875, avec un pic entre 1907 et 1910. Là encore, la « Troisième » République serait davantage la marque d’un régime installé.
  • [20]
    Sur ces reconfigurations, je me permets de renvoyer aux analyses proposées dans Quentin Deluermoz, Le Crépuscule des révolutions, 1848-1871, Paris, Seuil, 2012.
  • [21]
    Suivant l’heureuse expression de Jacques Rougerie.
  • [22]
    Philip Nord, The Republican Moment. Struggles for democracy in nineteenth-century France, Cambridge, Harvard university press, 1995.
  • [23]
    Xavier-Édouard Lejeune, Enquête de Michel et Philippe Lejeune, Calicot, Paris, Arthaud-Montalba, 1984.
  • [24]
    Augustine-Malvina Blanchecotte, Tablettes d'une femme pendant la Commune, Paris, 1872
  • [25]
    Service Historique de la Défense [désormais SHD], Ly 17, Odéon.
  • [26]
    Juliette Glickman, op.cit.
  • [27]
    Voir la démonstration de Jacques Rougerie, La Commune de 1871, Paris, PUF, 2009.
  • [28]
    Sur l’efflorescence à cette période de l’épithète, dans un sens négatif, voir Raymond Huard, « "Rural". La promotion d'une épithète et sa signification politique et sociale des années 1860 aux lendemains de la Commune », Revue d’histoire moderne et contemporaine 1998, 45-4, p. 789-853.
  • [29]
    Jacques Rougerie, « Le mouvement associatif populaire comme facteur d'acculturation politique à Paris de la révolution aux années 1840 : continuité, discontinuités », Annales historiques de la Révolution française, 1994, Vol 297, No 1, p. 493-516 ; voir aussi Thomas Bouchet, Vincent Bourdeau, Edward Castleton, Ludovic Frobert, François Jarrige (dir.), Quand les socialistes inventaient l'avenir. Presse, théories et expériences, 1825-1860, Paris, La Découverte, 2015,
  • [30]
    Journal officiel de la Commune [désormais JOC], 6 avril 1871. Voir aussi « Une Commune au Moyen Âge », JOC, 18 avril 1871.
  • [31]
    Une analyse plus développée de ce point dans Quentin Deluermoz « Sous la table rase, les passés. Destructions d’Église sous la Commune de Paris (1871) », in Michèle Riot-Sarcey, Claudia Moatti (dir.), La référence au passé, Paris, L’Atelier, à paraître.
  • [32]
    SHD, Ly 22, club, associations.
  • [33]
    C. Robier, « Titulaires et gérants de débits de tabac à Lyon (fin xixe -début xxe siècles) », dans Bulletin du centre Pierre Léon, Lyon, n° 1-2 1999, p. 147-160.
  • [34]
    Le Cri du peuple, 18 mai 1871
  • [35]
    Une bonne description dans Archives de la Ville de Paris [désormais ADVP], D2U6-5, Femme Crussard, arrestation illégale, vol, 26.7.1871. Lettre du sergent de ville Amouroux au procureur général de la République du 11 juillet 1871.
  • [36]
    Sur cette réforme et cette traque communarde, Quentin Deluermoz, Policiers dans la ville. La construction d’un ordre public (1854-1914), Paris, Publication de la Sorbonne, 2012.
  • [37]
    Télégramme d’Adolphe Thiers, 26 avril 1871.
  • [38]
    Parmi bien d’autres titres : Haim Burstin, Révolutionnaires. Pour une anthropologie politique de la Révolution française, Paris, Vendémiaire, 2013 ; Lynn Hunt, “The French Revolution : Time’s Degree Zero” in Elena Višlenkova and Denis Sdvižkov, eds., Izobretenie veka. Problemy i modeli vremeni v Rossii i Evrope XIX stoletija, Moscow : Deutsches Historisches Institut, p. 40-55 ; Guillaume Mazeau, «Introduction : la Révolution comme on la fait », Adrien Duquesnoy. Un révolutionnaire malgré lui. Journal (mai-octobre 1789), Mercure de France, 2016.
  • [39]
    Brigitte Gaïti, De Gaulle, prophète de la Ve République, Paris, Presses de Sciences po, 1998 ; « Les incertitudes des origines. Mai 1958 et la Cinquième République », Politix, dossier « changer de régime », 12, n° 47, 1999, p. 27-62 ; il faut signaler aussi les travaux de Ludivine Bantigny sur mai 68 : « le temps politisé. Quelques enjeux politiques de la conscience historique en mai-juin 1968 », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, « Historicités du xxe siècle. Coexistence et concurrence des temps » 117, janv-mars 2013, p. 215-231.
  • [40]
    Sur le temps révolutionnaire, voir également Ludivine Bantigny : « le temps politisé… » op.cit. ; ainsi que les contributions réunies dans Emmanuel Fureix (dir.), Iconoclasme et révolutions, de 1789 à nos jours, Ceyzérieux, Champvallon 2014 ; et Michèle Riot-Sarcey, Le procès de la liberté, Paris, La Découverte, 2016.
  • [41]
    Sur les nombreux enjeux historiographiques des chrononymes, voir le numéro spécial dirigé par Dominque Kalifa de la Revue d’Histoire du xixe siècle, « Chrononymes. Dénommer le siècle » (n° 52, 2016/1), et notamment son introduction, p. 7-15.
Français

Cet article s’intéresse à la manière dont la période dite du « Second Empire » est dénommée pendant la Commune de Paris. Il montre les expressions employées, leurs usages, les pratiques auxquelles elles donnent lieu. Mobilisant les travaux sur l’historicité et la discontinuité, il invite ce faisant à plonger dans l’expérience révolutionnaire du temps sous la Commune, qui peut alors être appréhendée. Il suggère également qu’il convient, en plus de l’étude des usages sociaux, politiques et culturels de la dénomination, de distinguer ces différentes qualités du temps pour pleinement saisir de quoi le Second Empire peut alors être le nom.

English

This paper studies the way the so-called « Second Empire » period has been named during the Paris Commune. It shows the expressions employed, their uses and the practices that followed. Mobilizing current reflections on historicity and discontinuities, it invites to discover the revolutionnary experience of time, than can then be seized. It suggests, too, that it is necessary to add a distinction between several qualities of time to the study of the social, political and cultural uses of this denomination, in order to fully understand what « Second Empire » then mean.

Quentin Deluermoz
Université Paris 13 – Laboratoire Pléiade, Sorbonne Paris Cité – CRH-EHESS – Institut Universitaire de France
Mis en ligne sur Cairn.info le 26/09/2017
https://doi.org/10.3917/hes.173.0048
Pour citer cet article
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