L’article propose d’abord une généalogie du concept de l’Indopacifique aux États-Unis. Il souligne le caractère précurseur de la politique du pivot vers l’Asie de l’administration Obama, tout en montrant que l’adoption officielle de la terminologie de l’Indopacifique par le président Trump en 2017 marque une inflexion majeure. Dès lors, en effet, les États-Unis basculent dans une approche ouvertement antichinoise et centrée sur l’idée d’une confrontation de système de valeurs. L’Indopacifique des États-Unis est, en ce sens, intimement lié à l’aggravation de leur rivalité avec la Chine. L’article analyse, ensuite, les moyens déployés par les États-Unis pour mettre en œuvre leur stratégie indopacifique. Il montre qu’en l’espèce les États-Unis se sont inscrits dans la continuité d’une approche générale établie dès les années 2000, consistant à renforcer et élargir leur réseau d’alliances et de partenaires en Asie et à explorer différentes combinaisons de formats minilatéraux. Il souligne néanmoins que l’Indopacifique des États-Unis s’est surtout concrétisé dans le domaine de la sécurité et que son volet économique est resté sous-développé depuis 2017, ce qui constitue une faille pour contrer l’influence de la Chine dans ce vaste espace régional.
Article
L’émergence et la popularisation du concept de l’Indopacifique dans les années 2000-2010 résultent d’un processus de décloisonnement des catégories régionales avec lesquelles dirigeants et experts découpaient habituellement l’Asie. Jusques les années 2000, ces dirigeants et experts privilégiaient la catégorie de l’Asie-Pacifique, qui était centrée sur l’océan Pacifique et s’arrêtait à la frontière occidentale de la Birmanie, en laissant de côté l’Asie du Sud. Mais l’affirmation de l’Inde d’une part, et l’intérêt croissant porté aux espaces maritimes, notamment aux couloirs de navigation dans l’océan Indien, d’autre part, ont conduit à un changement des représentations. Divers think tanks en Australie, en Inde et aux États-Unis, de même qu’un influent dirigeant – le Premier ministre japonais Shinzô Abe – ont, en effet, entrepris de promouvoir une vision élargie de la région, intégrant les océans Indien et Pacifique en une seule et même entité spatiale.
Si les États-Unis ont été partie prenante de l’invention de cette nouvelle région, ils ne l’ont adoptée comme cadre officiel de leur politique extérieure qu’en 2017, après l’Australie (2013), l’Inde (2015), le Japon (2016) et même la France (2016-2017). Ils l’ont fait, du reste, en s’appropriant la vision de Abe pour « l’Indopacifique libre et ouvert », et en lui donnant une tonalité de confrontation ouverte avec la Chine. En ce sens, l’Indopacifique des États-Unis est intimement lié à l’aggravation de leur rivalité avec la Chine…
Résumé
Plan
Auteur
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[1]
Maître de conférences HDR, Institut français de géopolitique, université Paris 8.
- Mis en ligne sur Cairn.info le 31/03/2022
- https://doi.org/10.3917/her.184.0285
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