CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Voici près d’un demi-siècle que la réflexion sur le développement s’est engagée et a donné lieu à de multiples tentatives pour conduire les populations de la planète sur les pas des ressortissants des pays industrialisés. Les échecs ont été nombreux, les désillusions fréquentes et le chantier du développement ne semble pas encore assuré de ses fondations. Après avoir tracé l’itinéraire de l’appréhension du développement avec ses résultats, nous nous interrogerons sur les atouts potentiels du monde francophone dans ce défi majeur de l’histoire.

L’appréhension des mécanismes du développement

2Le développement est saisi très largement comme un retard sur les pays les plus avancés qui s’offrent comme la préfiguration universelle d’un avenir consumériste. Les courants dominants, tant sous la houlette du marxisme que de celle des néoclassiques, voyaient dans la satisfaction des besoins de chacun et dans leur démultiplication les aspirations vers des lendemains enchanteurs. Mais l’effondrement de l’Union soviétique ne laisse à cette prospective que l’espérance d’un modèle calqué sur la société américaine. Faute d’imagination, les attentes se calent sur ce qu’offre, outre-Atlantique, la société consumériste américaine. Dès lors, cette quête de l’avenir devient ambiguë, distinguant mal ce qui relève de ses aspirations à la modernisation de ce qui n’est plus qu’une pâle copie de l’américanisation des mœurs. De cette confusion émergent de nouvelles appréhensions : l’avenir n’aurait-il plus qu’à offrir des perspectives uniformisantes, un consumérisme généralisé et une américanisation modélisée ? C’est dans ce contexte que la francophonie peut offrir quelques éléments d’alternative et présenter les atouts d’un avenir moins univoque.

3Revenons d’abord à la pensée dominante. En matière de développement, l’évolution de l’analyse se partage en deux séquences successives, mais fondées l’une et l’autre sur un monoéconomisme causal.

4La première approche est fondée sur la conviction que la mise à disposition de capitaux, de techniques et de savoirs provoquera automatiquement, par le jeu du multiplicateur d’investissement, un mécanisme de croissance. Le ressort de cette dynamique étant établi, le débat ne porte plus que sur les arbitrages stratégiques des investissements et sur les modalités de leur financement.

5La littérature économique concentre ses efforts à débattre sur les mérites respectifs d’investissements équilibrés, de pôles de croissance, d’industries industrialisantes, de production de substitution aux exportations ou, plus rarement, sur les mérites de productions axées sur la conquête de marchés extérieurs.

6En fait, la vraie question se trouve en amont : comment financer ces ambitieux programmes tandis que le cercle vicieux de pauvreté ne permet pas de dégager une propension à épargner suffisante ?

7À cette impuissance constatée fait écho le rôle de l’État dont on espère qu’il saura catalyser tous les concours nationaux et étrangers. Puisque le cheminement vers le développement est inéluctable, la puissance publique aura la charge d’en forcer l’allure. On retrouve dans cette démarche quelques similarités avec l’impatience de Lénine envers la société communiste. N’avait-elle pas été annoncée par Marx comme le fruit inéluctable de l’évolution du capitalisme, la révolution devant en précipiter l’avènement ? De la même façon, le volontarisme de l’État devait permettre de donner corps au développement en une seule décennie, comme le proposaient avec ingénuité les Nations unies.

8Mais après l’expérience de trois décennies, le constat est amer pour la plupart des pays et l’État révèle ses carences, ses erreurs et ses déviances. Les mécanismes du marché apparaissent dès lors plus impartiaux et plus efficaces pour parvenir à une optimisation de l’allocation des ressources. Débarrassé de l’arbitraire de la puissance publique au profit de la loi du marché, le développement pourrait venir se greffer sur un système économique libéralisé, ouvert sur l’extérieur et porteur d’un nouveau souffle. L’intérêt bien compris de chacun des acteurs guidés par les prix mobilisera avec plus de sûreté et de pertinence les créateurs de richesses et les opérateurs économiques.

9L’économie américaine se fait le chantre de la promotion et du déploiement de la loi de l’offre et de la demande. Dominante sur le marché des échanges extérieurs, impériale par la « dollarisation » de l’économie mondiale, dynamique par ses innovations technologiques, envahissante par sa maîtrise médiatique, surpuissante par ses capacités militaires…, la mondialisation apparaît sous les traits renforcés d’un processus d’américanisation généralisé. Peu importe que cette conviction soit pertinente ou non, son existence est en soi une réalité qui débouche sur une vision du monde où l’agacement perce sous la standardisation. Car, simultanément, les adeptes-contestataires rêvent de cliquer sur Microsoft, de boire Coca-Cola, de manger avec des amis chez Mc Donald’s, de s’habiller d’un Levi’s et de chausser des Nike. L’ouverture des marchés facilite davantage la pénétration des clips de la mode musicale anglo-saxonne, la diffusion de l’industrie cinématographique impose ses codifications hollywoodiennes et la reprise universelle des feuilletons télévisés sur toutes les chaînes hertziennes ou câblées aurait pu faire de « Dallas » leur éponyme…

10En fonction de cette mutation dans l’approche économique et pour résoudre l’endettement extravagant qui vint clore la phase précédente, on élabora à des plans d’ajustement structurel dont la fonction essentielle fut de rétablir l’équilibre des comptes du budget, du commerce extérieur et de la balance des paiements. Pour ce faire, on en vint à éliminer toutes les entraves qui pouvaient perturber le fonctionnement du marché, gêner la concurrence ou conduire à des distorsions de prix. La politique économique se concentrait sur la mise en place d’un terrain apte à susciter le déploiement des acteurs économiques. En fait, la réhabilitation de l’extérieur dans une dynamique de développement constituait bien un retournement copernicien contrastant avec les approches précédentes.

11Ainsi, la pensée du développement, au cours de ce demi-siècle, s’est d’abord déployée dans un courant d’inspiration keynésienne avec forte implication de l’État et logique nationale prépondérante, puis elle s’est fondue dans une approche néoclassique, fondée sur le marché et calée sur l’ouverture extérieure. Mais des critiques n’ont pas manqué pour corriger ou contrarier ces deux courants successifs dominants. Elles peuvent être regroupées autour de quatre critiques majeures, chacune ayant ses propres fondements :

  • certaines se fondèrent d’abord sur la causalité du processus de développement. Le sous-développement n’est pas perçu dans cette analyse comme un retard, mais comme le produit du développement des pays les plus avancés. C’est en se nourrissant de l’exploitation des plus faibles que les plus riches prospèrent. Il s’agissait en fait de reprendre la doctrine marxiste dans une analyse internationale et d’identifier les pays non développés comme des nations prolétaires. La politique préconisée reposait sur une déconnexion des économies de ces pays pour une polarisation autocentrée de leur logique économique ;
  • une seconde critique traitait du processus du développement en refusant cette projection linéaire de l’évolution des sociétés. Le développement ne se réduisait pas à une démultiplication de la production, des tonnages d’acier, des métrages de tissu ou des kilowatts des machines… Il reposait avant tout sur le basculement d’une logique fondant l’organisation des sociétés traditionnelles à une cohérence issue d’autres référents pour asseoir une société industrielle. Cette mutation touchait l’essence du pouvoir, les fondements de l’organisation sociale, les valeurs et les convictions partagées auxquels s’ajoutaient, bien sûr, des critères techniques. Mais ces derniers n’avaient aucune chance de s’insérer avec efficacité si les premiers aspects ne les accompagnaient pas. Cette hypothèse de développement se rattachait à un processus multicritère et à une notion de rupture.
Avec le changement de paradigme dominant privilégiant une approche néoclassique et une valorisation appuyée du marché, les critiques se focalisèrent sur les finalités et la méthode de développement :
  • c’est d’abord une contestation de la rationalité fondée sur la médiation du marché pour induire des comportements appropriés. L’extension de ce mode d’approche fait craindre une marchandisation généralisée des relations humaines qui éliminerait tout autre rapport que marchand (dans les sociétés anciennes, le don et la redistribution tenaient une place majeure). De proche en proche, la marchandisation finirait par atteindre tous les espaces de la vie collective et des services publiques. Les critiques sous la houlette d’une « altermondialisation » dénoncent les accents de ces menaces d’outrance, mais laissent à l’utopie le soin de dresser de nouvelles perspectives ;
  • un quatrième ensemble de critiques accepte le marché, mais refuse la vraisemblance des hypothèses en arguant des distorsions de fonctionnement. Dans ces conditions, le marché n’offre pas des prix pertinents pour indicateurs et les acteurs ne sont pas en situation de concurrence pour des raisons qui tiennent tant du fonctionnement du système que de la géographie (carences d’infrastructures). Ces imperfections du marché appellent des rectifications que l’État seul semble en mesure d’apporter. Si l’État est réintroduit, sa mission n’est plus celle d’un accélérateur du processus d’investissement, mais celle d’un ajusteur qui élimine les défaillances du marché.
Mais, malgré la diversité du cadre analytique, tant dans ses approches méthodologiques que stratégiques, le développement n’a pas encore porté ses fruits pour les deux tiers de l’humanité. Comment faut-il lire le développement ? Il fut d’usage, jusqu’à une période récente, de considérer le PNB par habitant comme un indicateur expressif du niveau de développement obtenu. En définitive, ce résultat renvoyait à la capacité consumériste des ménages. Elle ne pouvait manquer d’évoquer Jean-Baptiste Say qui assimilait le bonheur à la quantité de biens consommée et le développement à cette quête. Bien plus tard, la Banque mondiale établissait chaque année, dans son « rapport annuel sur le développement », le « hit parade » du bonheur planétaire en classant tous les pays sur les bases de ce seul critère ! Ces toutes dernières années, la Banque mondiale ne propose plus qu’un ordre alphabétique, moins par le fait qu’elle ne croirait plus au bonheur que par le besoin d’une approche moins réductrice pour appréhender les progrès du développement. Les indicateurs multicritères du développement humain ont aujourd’hui pris une place significative et font l’objet, à eux seuls, d’un rapport annuel d’évaluation.

12À l’exception de quelques pays toujours cités, les résultats du développement restent malgré tout très affligeants au terme d’un demi-siècle et au regard des espérances. Le quart de la population mondiale vit avec moins d’un dollar par jour et parmi eux ce sont presque 900 millions d’individus qui souffrent de malnutrition. Ces faits appellent l’urgence, mais la réflexion a sophistiqué une approche plus normative que concrète : le commerce doit être équitable, l’organisation productive doit répondre à une éthique (pas de travail d’enfants, par exemple), le développement doit être durable (sans mettre en péril le capital naturel pour nos descendants) et l’État doit répondre aux critères de la bonne gouvernance. Alors que les critères quantitatifs n’ont pu être atteints, voici qu’on semble les suspendre à des préalables qualitatifs qui pourraient bien apparaître pour les plus démunis comme une diversion d’impuissance. Gageons qu’ils ne le soient pas…

Les atouts et les limites du monde francophone

13Le constat des situations acquises à ce jour bouscule les certitudes d’antan : les pays aidés semblent avoir moins bien réussi que les autres, les pays disposant d’un sous-sol riche n’en ont pas tiré parti pour accélérer leur développement vis-à-vis de ceux qui en étaient dépourvus, les pays qui se sont frottés à l’échange international ont mieux réussi que ceux qui se défiaient des échanges internationaux. Les hypothèses de développement s’inscrivent dans un contexte pacifié alors que la réalité d’un terrain livré aux guerres n’est ni une hypothèse ni une exception. Des fractions significatives du planisphère redeviennent ces pages blanches aux yeux de l’extérieur, faute de pouvoir y faire accéder diplomates, journalistes ou chercheurs. En Afrique, sur cinquante pays, plus d’une trentaine vivent dans des situations conflictuelles. La polémologie y a davantage de pertinence que l’analyse du développement…

14Dans ce paysage de ruines, il émerge quelques splendides réalisations et de mirifiques pépites, mais les faits restent têtus. Et le cheminement conceptuel n’est point parvenu à sortir de l’ornière les deux tiers de l’humanité. D’abord, les nouvelles technologies de la communication confrontent quotidiennement les populations aux richesses de la société consumériste ; elles révèlent ainsi un état de pauvreté dans un monde où le niveau de vie constitue le critère social déterminant. Ensuite, l’influence des technologies modernes a déstructuré les sociétés traditionnelles et provoqué une déculturation de ses membres, désormais aux prises avec un patchwork d’influences anciennes et modernes sans cohérence. Peu de sociétés en ont réchappé.

15Les pays anciennement colonisés avaient souvent été séduits par un engagement privilégiant « une déconnexion souverainiste » pour donner à leur récente indépendance politique des assises économiques. Mais cette hypothèse de développement endogène n’a pas produit les résultats escomptés. L’émergence d’une nouvelle étape au sein d’un monde plus interdépendant présente d’autres écueils. Les politiques naviguent entre les risques d’un laminage des différences au profit d’une « uniformisation mondialiste » et les périls d’un éclatement irrédentiste valorisant le « communautarisme identitaire ». Le modèle de développement souffre aujourd’hui de l’absence d’options alternatives. Les plans d’ajustement structurel ont débouché sur la mise en coupe des pays lourdement endettés et le modèle du succès des pays d’Asie tend à se réduire à un schéma tronqué de libéralisation économique et d’ouverture internationale.

16Alors, dans un tel contexte, la francophonie a-t-elle un rôle à jouer ? On peut s’interroger de trois manières : au sein de la pensée francophone elle-même (a-t-elle des apports spécifiques vis-à-vis des courants dominants ?), dans l’observation de la réalité économique de la communauté francophone (concourt-elle à un monde davantage multipolaire ?), et enfin dans sa propre perception (constitue-t-elle un ancrage populaire et identitaire suffisant ?).

17La pensée francophone a contribué au débat sur le développement d’abord en l’identifiant. C’est le mot tiers-monde forgé par Alfred Sauvy qui est resté dans la sémantique pour désigner les pays non développés. Mais c’est la contribution majeure de François Perroux qui a influencé plusieurs générations d’économistes du développement en orientant la réflexion sur des voies moins exclusivement économistes que ne le faisait le courant dominant. Cette approche théorique ouverte a été confortée en France, en Belgique et au Canada par une mobilisation massive de coopérants chargés d’apporter sur le terrain, un soutien technique ou didactique. Elle a été complétée par un maillage opérationnel d’organisations para-étatiques spécialisées (Orstom, Institut Pasteur, Cirad…). Cela a permis de cumuler une expérience concrète du développement et de nourrir plus volontiers les sentiers hétérodoxes de la pensée du développement. Cette approche pluridisciplinaire a été confortée par une forte implication à caractère démographique (Alfred Sauvy), géographique (Yves Lacoste), sociologique et anthropologique (Jacques Austruy, René Gendarme), écologique (René Passet), informel (Marc Penouil) qui n’empêcha pas certains des théoriciens d’en formaliser la présentation (Patrice Guillaumont) ou d’autres d’explorer des chemins de traverse (Serge Latouche). Philippe Hugon a tenté d’en faire l’inventaire.

18D’une façon plus générale, la pensée francophone apparaît liée à trois notions importantes qui la singularisent fortement :

  • la première se réfère aux droits de l’homme, qui dépassent les contingences du lieu et du moment, pour en tirer des principes universels ;
  • la deuxième s’inscrit dans le cadrage juridique des relations entre les acteurs. La portée d’un droit d’inspiration romaine qui précise, délimite, contraint et stipule, corsète l’agencement des initiatives ;
  • la troisième se réfère à l’exception culturelle qui dresse une barrière de principes à la submersion économique lorsque les lois du marché mettent en cause son existence même. Elle hiérarchise la culture et le marché en plaçant celle-là hors des lois de la marchandisation en cas de danger existentiel.
Vis-à-vis de la culture anglo-saxonne dominante, le contraste est total. L’action économique menée et testée au travers des diverses communautés qui composent les États-Unis permet de valider un produit ou une méthode. Cette vérification empirique achevée, ce qui est testé comme bon pour l’Amérique le devient pour la planète entière puisque les communautés noire, latino-américaine, juive, italienne ou asiatique en auront apprécié le contenu. La mondialisation anglo-saxonne des biens ou des méthodes contraste avec l’affirmation francophone de droits à portée universelle. Les vocations globales de l’une et de l’autre ne se situent manifestement pas dans le même champ.

19La conception du droit en Amérique procède d’une approche beaucoup plus judiciaire que juridique dans le sens où le tribunal est source d’indemnités et d’affaires dans le premier cas et affirmation pour dire le droit dans l’autre.

20Enfin, le modèle culturel américain s’appuie sur l’influence de son armée, la puissance de ses marchés et la maîtrise des nouvelles technologies. Ce tripode assure une prédominance à son modèle culturel et lui donne une dimension planétaire que n’a pas, à l’évidence, l’ensemble francophone.

21La réalité économique de la francophonie est diverse, mais surtout multipolaire. Le Nord se partage entre la France, la Suisse, le Québec et la Belgique, tandis que le Sud s’inscrit en Afrique centrale et occidentale, dans l’océan Indien, dans le Pacifique, en Asie du Sud-Est ou dans les Caraïbes. Cette diversité communautaire facilite une approche diversifiée faisant une plus large place aux identités culturelles. Contrastant avec son modèle étatique centralisateur, la France développe dès les premiers temps de son expansion coloniale une tradition d’hétérogénéité culturelle et d’autonomie locale au sein du Royaume. L’expansion française en Amérique en est une illustration. C’est encore un historien américain du xixe siècle, Francis Parkman, qui commente : la civilisation hispanique a écrasé l’Indien, la civilisation britannique l’a méprisé et la civilisation française l’a adopté [1]. Cette approche humaniste a persisté au-delà des péripéties de l’histoire. Mais elle souffre aujourd’hui de compter dans les rangs de ceux qu’elle a influencés de nombreux pays inscrits sur le registre des pays les moins avancés de la planète. Et ce constat nuit gravement à la générosité de cette démarche. Une large concertation au sein de cette communauté pour une coopération Nord-Sud plus efficiente s’avère indispensable.

22Enfin, la perception identitaire qu’ont les membres vis-à-vis d’eux-mêmes est radicalement insuffisante pour insuffler une dynamique propre. La francophonie est souvent l’affaire du microcosme politique, du monde culturel et des milieux universitaires, encore que cette élite ne soit pas exempte de la trahison de certains de ses clercs. Mais, à l’évidence, la francophonie saisie comme l’appartenance à une communauté reste insuffisamment populaire. Il faudrait, pour qu’elle exprime davantage son ancrage, sa solidarité et son identité, qu’elle partage plus clairement ses signes d’appartenance. La scolarité en a tous les moyens : la littérature francophone, par exemple, en sortant de considérations purement hexagonales, offre un réel potentiel capable d’insuffler une unité d’esprit, une richesse d’approches et une familiarité partenariale.

23On peut imaginer d’autres dispositifs qui pourraient s’étendre à la définition de tarifs douaniers spécifiques pour les productions issue de cette communauté, à une spécificité pour les visas ou à une file identifiée pour le contrôle des passeports aux aéroports comme on l’applique aux ressortissants du Commonwealth, à la mise en place d’un organisme chargé de la coordination Nord-Sud au sein de cette communauté en y associant opérateurs privés et institutionnels des diverses parties prenantes, à des échanges culturels privilégiés et facilités pour valoriser la connaissance de cette communauté linguistique encore très virtuelle dans les opinions, à des actions symboliques fortes puisant dans l’histoire les sources d’une solidarité, par exemple la participation des troupes africaines à une descente des Champs-Élysées pour la commémoration de combats passés (les anciens adversaires ont déjà eu cet honneur), à une coopération décentralisée inventive qui pourrait associer un tourisme fondé sur la découverte des réalités et la mise en place de circuits de ressources pour les intéressés pour, en retour, assurer une aide populaire adaptée, fondée sur une connaissance mutuelle.

24Les échecs du développement montrent à l’évidence que le processus est de nature plus complexe que ne l’a exposé la théorie dominante. Mais la connaissance empirique que la communauté francophone détient et les enseignements qu’elle en tire n’ont pas été jusqu’ici suffisants pour créer une dynamique efficace. Il manque à cet espace des signes visibles qui rendent cette idée populaire, susceptible de mieux canaliser les énergies et les espérances. La chanson (Francophonies), la télévision (TV 5), les municipalités (Association des maires francophones), la recherche universitaire (AUF) ont déjà concrétisé des pistes certaines. Elles sont encourageantes, mais n’ont pas encore l’impact économique suffisant.

Note

  • [1]
    Havard G., « Les Français en Amérique, la colonisation oubliée », L’Histoire, n° 285, mars 2004.
Français

Le développement est devenu une préoccupation majeure depuis un demi-siècle. L’idée dominante – confiant à l’État l’impulsion décisive et à la nation une souveraineté ombrageuse – a basculé au profit de la loi du marché et de l’ouverture internationale. Néo-keynésienne ou néo-classique, l’analyse du développement a reçu quatre critiques majeures tenant à la causalité, au processus, à la rationalité et au fonctionnement. Les limites d’une action qui laisse les deux tiers de l’humanité en marge du processus, suscitent l’émergence de nouveaux critères d’équité, de gouvernance, d’éthique ou d’écologie. Les atouts de la communauté francophone s’inscrivent dans une connaissance empirique de cette diversité, elle transparaît dans ses approches universitaires, mais elle manque encore d’un ancrage suffisant pour donner à l’ensemble une vigueur économique de référence et une solidarité effective.

Mots-clés

  • développement
  • développement durable
  • solidarité
  • gouvernance

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Claude Albagli
Claude Albagli, professeur à l’université Panthéon-Assas, Paris II.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 02/11/2013
https://doi.org/10.4267/2042/9571
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