CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Le vieillissement de la population constitue, selon les termes de l’ONU, un phénomène inédit dans l’histoire de l’humanité. Ce phénomène a ainsi suscité un intérêt marqué de la part des chercheurs tant en économie qu’en sociologie. Cependant, et de manière surprenante, les chercheurs en sciences de gestion, en particulier en France, semblent avoir largement ignoré ce phénomène ou tout au moins ses conséquences. Or, il paraît clair que ce phénomène de vieillissement de la population, autrement dit des consommateurs, interpelle fortement les chercheurs et les praticiens de la gestion et, en particulier, les spécialistes du marketing et de la distribution. Les questions posées à ces derniers sont multiples : quels sont les circuits de distribution privilégiés par les seniors ? Quel poids vont-ils représenter dans le chiffre d’affaires de ces différents circuits ? Quelles offres spécifiques leur proposer ? Quelle architecture, quelle organisation ou encore quel design de magasin adopter ?

2 Dans cet article, en nous appuyant sur une large revue de la littérature [1], nous nous proposons de présenter et analyser les pistes de réflexions qui ont été menées sur ces questions à ce jour et de faire le point sur les travaux existants concernant le consommateur senior et sa relation au commerce et à la distribution.

3 La première section de cette contribution est consacrée à un retour sur les typologies usuelles développées par les « marketeurs » dans le cadre de leurs tentatives de segmentation du marché des seniors. La deuxième section sera centrée sur des réflexions quant à la fréquentation des circuits de distribution ainsi qu’aux critères de choix de ces circuits et magasins par les seniors. La troisième et dernière section sera l’occasion de revenir sur l’analyse des situations encore trop rares d’adaptation de la distribution aux besoins et à la demande des seniors.

TYPOLOGIE ET SEGMENTATION DU « MARCHÉ » DES SENIORS

4 Beaucoup de travaux, tant en économie qu’en sciences de gestion ont analysé les seniors [2] comme un groupe homogène. Pourtant, quelques travaux (principalement en gestion) ont très tôt attiré l’attention sur la nécessité de segmenter le marché des seniors. Déjà au milieu des années 70, Towle et Martin posaient la question de la segmentation dans un papier au titre évocateur : « the elderly consumer : one segment or many ? ».

5 On dénombre maintenant de multiples propositions de segmentation du marché des seniors (Bone, 1991 ; Balazs, 1994 ; Oates et al., 1996 ; Scherman et al., 2001 ; Moschis, 2003 ; Stroud, 2005 ; Mathur & Moschis, 2005…). Une large part de ces travaux a été développée dans le cadre de recherches générales sur le comportement du consommateur. Néanmoins, nous considérons que ces travaux ont toute leur place dans cette revue de la littérature dans la mesure où ils sont largement utilisés par les spécialistes de la distribution, qu’ils soient chercheurs ou praticiens. Par ailleurs, certaines typologies ou segmentations ont été construites dans le cadre d’interrogations et d’enquêtes spécifiques sur les circuits de distribution [3] (Lambert, 1979 ; Dove, 1984 ; Pol et al., 1992). Les travaux, dont nous souhaitons faire état ici, adoptent pour l’essentiel deux grandes logiques de segmentation : une logique démographique et une logique psychographique. Néanmoins, au-delà de ces deux logiques dominantes, on dénombre de multiples approches originales, certes nombreuses, mais qui présentent globalement moins de cohérence.

LA LOGIQUE DÉMOGRAPHIQUE : L’ÂGE COMME CRITÈRE DE SEGMENTATION ?

6 L’âge est souvent apparu comme le critère le plus simple pour segmenter les consommateurs âgés. Lev (1993), en couplant âge chronologique et style de vie des seniors, parvient à distinguer trois grands groupes : les préretraités (55-64 ans) ; les jeunes seniors (65-74) et les seniors âgés (75 à 84 ans) :

7

  • les pré-retraités (55-64 ans) constituent le segment le plus aisé financièrement [4]. Leur style de vie se focalise sur la santé, les activités sociales et celles qu’ils souhaitent organiser et pratiquer au moment de la retraite effective. Ce groupe qui dépense son argent de manière beaucoup plus ouverte que par le passé est celui qui dispose du plus haut revenu disponible ;
  • le groupe des 65-74 ans est composé majoritairement de retraités qui dépensent en moyenne moins que l’ensemble des ménages. Ce groupe peut être considéré comme « en transition » entre une vie active et une vie ralentie par les aléas de l’avancée en âge ;
  • le dernier groupe (75-84 ans) dépense moins que les individus ou ménages du premier groupe. Il se démarque cependant par des dépenses nettement plus importantes dans certains domaines comme la santé (150% supérieures à celles du ménage moyen), les services à la personne (140%) et l’alimentation (56%).

8 Les praticiens du marketing des seniors (cf. Tréguer, 2002) continuent aujourd’hui, en particulier en France, à utiliser ce critère. Ainsi, Tréguer (p. 44) considère-t-il que l’âge est un critère à la fois simple et pertinent : « si vous connaissez l’âge des individus auxquels vous vous adressez, vous avez un niveau élevé de fiabilité sur les comportements, attentes, situations personnelles, état d’esprit générationnel des segments ainsi constitués ». Partant de ce constat, cet auteur va distinguer quatre segments principaux (cf. tableau 1) :

9

  • les « masters » (50-59 ans) [5]
  • les « libérés » (60-74 ans)
  • les « paisibles » (75-84 ans)
  • et les « grands aînés » (85 ans et plus).

Tableau 1

Caractéristiques des segments dans la typologie de Tréguer

Segments Principales caractéristiques
Masters
(50-59 ans)
Classe dite des baby-boomers qui possèdent toutes leurs
aptitudes physiques et psychologiques.
Ils sont toujours actifs et disposent de moyens financiers
importants.
Libérés
(60-74 ans)
Cette catégorie est généralement composée de retraités.
Ces derniers profitent du quotidien dans la mesure où ils
sont en bonne santé et disposent de beaucoup de temps
libre. Les consommateurs concernés sont expérimentés et
privilégient la qualité. Ils disposent également de revenus
relativement confortables.
Paisibles
(75-84 ans)
D’âge avancé, cette catégorie est, plus que la précédente,
affectée par la maladie et la fatigue.
Le paramètre santé joue donc ici un rôle important.
Le pouvoir et l’appétit d’achat sont plus faibles.
Grands aînés
(85 ans et plus)
Cette partie de la vie est plus souvent caractérisée par la
solitude et la dépendance. La santé devient une préoccupation
centrale. La catégorie « grands aînés » concentre également
l’essentiel de l’effectif des seniors défavorisés : autrement
dit une population majoritairement féminine (bénéficiant
généralement d’une pension de réversion).
figure im1

Caractéristiques des segments dans la typologie de Tréguer


d’après Tréguer (2002).

10 La focalisation sur le critère d’âge répond également à des logiques et conceptions banalisées auprès des praticiens de la distribution, voire même de l’industrie. C’est d’ailleurs ce que constate Greco (1986, p. 72) lorsqu’il écrit avec un accent très critique : « many retailers and manufacturers seem to think that age alone dictates singular buying pattern and purchasing motives [6] ». Pourtant, il est probable que l’âge effectif soit la variable de segmentation la moins performante, en particulier parce qu’elle classe le consommateur senior a priori et qu’elle ne préjuge que très rarement des comportements qui seront adoptés en matière de consommation (Gabriel, 1990 ; Moschis, 2003 ; Stroud, 2005 ; Myers & Lumbers, 2008…). D’ailleurs, après avoir passé en revue plus d’une trentaine d’études de segmentation depuis les années 70, Bone (1991, p. 48) arrive à la conclusion claire que l’âge chronologique ne constitue en aucun cas un critère pertinent de segmentation : « chronological age does not seem to be an appropriate segmentation variable » [7].

11 Une autre limite importante de ces travaux est qu’ils ne tiennent pas compte des « effets de cohorte » ou des « effets de génération », autrement dit des évolutions socio-économiques, de l’histoire et des habitudes de consommation qui marquent chaque génération (voir sur ce point la contribution de Pascale Hébel, dans ce numéro).

12 En s’appuyant sur les travaux de la psychologie du développement, certains auteurs (Oates et al., 1996) mettent en avant la notion d’âge psychologique ou encore âge subjectif [8] qui renvoie à la représentation des changements liés au vieillissement. La théorie de l’âge subjectif fait référence à la tendance (mesurable) à se percevoir comme plus jeune ou plus âgé que son âge réel. Pour nombre d’auteurs, l’âge subjectif serait un bien meilleur « prédicteur » du comportement d’achat des seniors (Wilkes, 1991 ; Guiot, 1999).

LA LOGIQUE « PSYCHOGRAPHIQUE »

13 La logique psychographique fait référence au style de vie, à la personnalité, aux opinions et aux valeurs des individus. Wolf (1990) montre bien que ce sont ces dernières dimensions et non pas l’âge qui sont les meilleurs déterminants du comportement du consommateur âgé.

Tableau 2

Quelques travaux académiques et les typologies correspondantes

Auteurs Méthodologie Types et segments
French & Fox
(1985)
Enquête indirecte auprès
de 200 gérontologues
(Gerontologists)
Distingue 9 groupes répartis par la suite en trois catégories
selon le niveau d’ajustement constaté : healthy adjustment, fair
adjustment, poor adjustment
Lumpkin
(1985)
Enquête par questionnaire
auprès de 373 personnes
âgées de 65 ans et plus
(Cluster Analysis)
Trois segments classés en groupe 1, groupe 2 et groupe
3. Les caractéristiques principales de ces groupes sont les
suivantes :
Groupe 1 : les seniors concernés sont les moins bien lotis
sur toutes les dimensions de l’évaluation. Ils peuvent être
considérés comme des consommateurs apathiques et peu
engagés.
Groupe 2 : ils se situent entre les deux extrêmes constitués
par les groupes 1 et 3. Ils ont moins de moyens financiers que
le groupe 3 et peuvent être considérés comme sensibles aux
prix. Ils relèvent de la catégorie des « economic shoppers ».
Groupe 3 : seniors actifs et non limités financièrement. ce
sont des leaders d’opinion qui aiment faire les courses et sont
sensibles à la mode et aux innovations.
Gollub & Jarvitz
(1989)
Enquête nationale
auprès de 3 600 seniors
âgés de 55 ans et plus
Six segments différents selon le style de vie : explorers,
adapters, pragmatists, attainers, martyrs, preservers.
Sorce, Tyler &
Loomis
(1989)
418 adultes âgés
de la localité de Monroe
(Monroe County NY)
Six segments appuyés sur les styles de vie : self reliant, quiet
introvert, family nuted, active retiree, young and secure,
solitaire.
Guérin
(2002)
Méthodologie non
clairement spécifiée
Trois catégories : SeTra, SeFra, BooBos.
Les SeTra (seniors traditionnels) renvoient à l’image classique
associée aux personnes âgées : conservatisme, sens du
devoir et de la famille, attachement au domicile, demande de
sécurité. Ils continuent de consommer à la retraite d’autant
qu’ils sont souvent libérés de leurs emprunts et propriétaires
de leur logement. Ils accordent une large priorité aux valeurs
sûres et consomment sans ostentation.
Les SeFra (seniors fragiles) sont en perte d’autonomie soit
pour des raisons physiques, soit parce qu’ils perdent leurs
repères face aux évolutions sociétales. Ils sont très fortement
demandeurs d’assistance et de protection. Leur nombre
devrait être multiplié par trois d’ici trente ans.
Les BooBos (Boomers Bohêmes) sont des quinquas ou
sexas issus du baby-boom. Ils s’attachent à l’image et au
signifiant du produit autant qu’à ses caractéristiques. Ils
sont particulièrement attentifs à ce qu’ils consomment, aux
marques, et de façon générale, à la qualité des produits. Très
informés, ils apprécient aussi les innovations et ont une forte
capacité à orienter la consommation globale.
figure im2

Quelques travaux académiques et les typologies correspondantes

14 Day et al. (1988), en s’appuyant sur des analyses factorielles et des analyses en termes de cluster vont opposer quatre groupes distincts de seniors [9] : active integrated, disengaged integrated, passive dependent, defended constricted.

15 Le groupe des « active integrated » est composé de seniors qui se perçoivent plutôt comme des leaders d’opinion. Ces derniers sont relativement aisés et très confiants en l’avenir. Les « disengaged integrated » présentent des caractéristiques globalement similaires au groupe précédent à cette exception près qu’ils disposent d’un plus faible niveau de revenu. Les « passive dependent » correspondent quant à eux, aux stéréotypes associés traditionnellement à la personne âgée. Ils sont très sensibles au risque et à l’incertitude et ont une préférence marquée pour la sphère domestique (ils sortent généralement peu). Le dernier groupe enfin, « defended constricted », est plus actif que le précédent et se caractérise par un plus grand niveau de sociabilité.

16 Dans la lignée des travaux de Day et al., la littérature économique et de gestion a produit de nombreuses typologies et segmentations des seniors. Nous en présentons quelques-unes parmi les plus significatives dans le tableau 2.

17 Les approches par les variables psychographiques comportent elles aussi un certain nombre de limites qui ont été largement mises en évidence dans les travaux ad hoc. Ahmad (2003), pour sa part, considère qu’il n’y a pas aujourd’hui de consensus entre les auteurs quant aux types de variables psychographiques pertinentes pour la segmentation. Par ailleurs, on peut avancer que si certaines variables touchant aux valeurs et normes se caractérisent par une relative stabilité sur le long et moyen terme, d’autres en revanche, et en particulier celles qui touchent aux opinions et centres d’intérêt des individus, tendent à évoluer et changer au cours du temps. Enfin, et comme le note Kassarjian (1971) dans une recherche sur le lien personnalité-comportement du consommateur, les variables liées à la personnalité semblent n’expliquer qu’une très faible part des différences comportementales (à peine 10% selon lui).

D’AUTRES CRITÈRES DE SEGMENTATION PERTINENTS ?

18 Dans les travaux existants, on peut relever de multiples autres critères de segmentation comme le revenu, le sexe, la localisation géographique, le niveau d’éducation, la santé, la retraite, l’activité sociale et professionnelle, la classe d’âge ou la cohorte, ou encore la dépendance [10] (cf. Burnett, 1991, 1996 ; Schewe & Noble, 2000 ; Weijters&et Geuens, 2003 ; Stroud, 2005). Ainsi par exemple, Burnett (1991), sur la base d’une enquête auprès de plus de 600 individus âgés de 55 ans et plus, montre que le statut de retraité prime sur celui de l’âge tant en ce qui concerne la fréquentation des circuits de distribution qu’en ce qui a trait aux critères de choix des magasins. Les travaux de Lee et al. (2001) vont dans le même sens tout en insistant sur le fait que c’est surtout la perte d’autonomie qui explique le mieux le recours à certains types de canaux de distribution. Moschis (1993, 1996) propose d’utiliser conjointement des variables psychographiques et gérontologiques de manière à produire une segmentation fondée sur les étapes de vie. Son approche, connue sous la dénomination de « Gerontographics », reconnaît ainsi des différences individuelles dans le processus de vieillissement de même que des différences dans le type de vieillissement qui survient. Ainsi en s’appuyant sur les dimensions d’âge biologique et d’âge psychosocial, il parvient à distinguer quatre groupes de seniors : healthy indulgers (jeunes selon les deux dimensions), ailing outgoers (âgés uniquement selon la dimension biologique), healthy ermits (âgés selon la dimension psychosociale) ; frail recluses (âgés selon les deux dimensions).

19 Balazs (1997) oppose de manière assez classique un shopper récréationnel et un shopper fonctionnel (ou économique). Le premier répond à la logique d’achat plaisir : il fréquente plus régulièrement les magasins et y passe plus de temps. Par ailleurs, il aurait tendance à dépenser plus, c’est-à-dire à avoir un panier moyen supérieur à celui du shopper fonctionnel. Ce dernier, à l’inverse, fait les courses pour acheter ce dont il a besoin et n’éprouve pas d’intérêt pour les autres dimensions du shopping. L’enquête de Balasz révèle que 70% des répondants peuvent être classés dans la catégorie récréationnelle, ce qui ouvre de larges potentialités pour les enseignes de distribution.

AU-DELÀ DE LA LOGIQUE DE SEGMENTATION : TENIR COMPTE DE LA PAUVRETÉ DES SENIORS

20 Nombre de travaux ont insisté sur le pouvoir d’achat élevé et les potentialités ouvertes par le marché des seniors. Satterthwaite (2001, p. 115) écrit : « this ageing population, with time on its hands and often money in the bank is a growing market for the retail world[11] ». Pour autant, certains chercheurs montrent que le monde des seniors renvoie à la problématique des consommateurs pauvres. Le vieillissement peut être un révélateur des grandes inégalités sociales et économiques qui caractérisent nos sociétés développées. Certains seniors, en particulier des femmes, vivent en effet avec un budget dérisoire. En France, 4,5% des plus de 55 ans vivent avec un revenu moyen annuel de 7200 €, considéré comme le seuil de pauvreté (cf. Vial, 2008 ; Baclet, 2005). La précarité des seniors touche en effet principalement les femmes veuves très âgées n’ayant jamais exercé d’emploi salarié. Ainsi par exemple, on peut rappeler que le profil type de l’allocataire du revenu minimum vieillesse est en effet à plus de 70% celui d’une femme veuve ou vivant seule et âgée de près de 80 ans (Tréguer, 2002, p. 78). Notons que cette pauvreté s’amplifie avec l’âge et semble très importante à partir de 85 ans [12] (toujours parmi les femmes veuves).

21 Les seniors pauvres rencontrent ainsi un certain nombre de problèmes dans leur comportement de magasinage, problèmes qui apparaissent nettement plus étendus que la simple référence à leur faible niveau de revenu. Kelly & Parker (2005) dans leur remarquable étude sur les consommateurs (âgés) pauvres mettent ainsi en évidence de multiples contraintes qui pèsent sur les seniors et qui indirectement les éloignent de la sphère de consommation. Ils soulignent, par exemple, les effets pervers de la réglementation et de l’aménagement urbains. Cette réglementation et ces aménagements favorisent en effet le développement de centres commerciaux de périphérie et la transformation du commerce traditionnel de centre ville en « convenience stores » qualitatifs (et donc nettement plus chers…). Au-delà des aspects réglementaires, ces auteurs mettent ainsi en évidence les nombreuses difficultés du quotidien rencontrées par les seniors dans leur comportement d’achat ou, pour reprendre les termes de Barth & d’Anteblian (dans ce numéro), dans la réalisation de leurs « courses ordinaires » : coûts de transport, manque de choix dans les magasins de proximité, difficultés de transport des marchandises, inadaptation des conditionnements et portions proposées à la vente, etc.

LES CRITÈRES DE CHOIX DES CIRCUITS ET MAGASINS ET LA QUESTION DE LA FRÉQUENTATION

22 La question de la fréquentation des magasins par les seniors et celle des critères de choix de ces magasins est en lien direct avec celle de la segmentation. Elle constitue un champ de recherche important en sciences de gestion (marketing).

FRÉQUENTATION DES MAGASINS ET CHOIX DES CIRCUITS ET FORMATS DE DISTRIBUTION

23 Il existe un certain nombre d’études sur la fréquentation par les seniors de la distribution (par type de format). Ces études sont généralement centrées sur l’analyse de la grande distribution (supermarchés et hypermarchés) et tendent à montrer que cette dernière reste le lieu de consommation traditionnel des seniors pour leurs achats courants. En effet, les achats secondaires et occasionnels privilégieraient d’autres formes de distribution comme par exemple la vente par correspondance (VPC) ou la vente à distance (VAD) [13].

24 Ainsi, comme le montrent certaines études, la clientèle des seniors représente dans les années 2000 un poids non négligeable (cf. tableau 3) dans le chiffre d’affaires, tant des supermarchés (24,3%) que des hypermarchés (16,3%).

Tableau 3

Poids de la clientèle super-hyper par âge (âge de la personne responsable des achats)

- 35 ans 35-49 ans 50-64 ans 65 ans et +
Hypermarchés 24,5% 37,2% 22,1% 16,3%
Supermarchés 17,9% 34,7% 23,2% 24,3%
figure im3

Poids de la clientèle super-hyper par âge (âge de la personne responsable des achats)


ConsoScan distribution Secodip, Juin 2000 (cité par Tréguer, 2002, p. 72).

25 L’enquête Budget des familles de l’INSEE (cf. figure 1) montre également de manière convaincante l’importance des grandes surfaces (hyper et supers) dans les dépenses d’alimentation des seniors (retraités).

Figure 1

Part des dépenses selon le lieu d’achat (alimentation et boissons alcoolisées)

figure im4

Part des dépenses selon le lieu d’achat (alimentation et boissons alcoolisées)


Lecture : en 2006, les ménages retraités ont effectué 29% de leurs dépenses alimentaires dans un supermarché.

Champ : France métropolitaine.
INSEE (2009), 50 ans de consommation en France, p. 79.

26 De manière plus précise, les ménages retraités font relativement plus que la moyenne leurs courses d’alimentation dans les supermarchés et moins dans les hypermarchés et les magasins harddiscount. Ce résultat confirme un travail de Lehuédé (2003) qui, dans une enquête menée par le CREDOC en 2001, montre que les seniors ont un taux de recours aux supermarchés globalement proche de celui des autres catégories de populations. Les différences s’observant selon lui en ce qui concerne les hypermarchés et le hard discount.

27 Une analyse plus fine menée également par le CREDOC montre cependant qu’avec l’âge, la fréquentation des grandes surfaces, en particulier des hypermarchés, a tendance à diminuer sur le long terme au profit, semble-t-il, du commerce de proximité.

Figure 2

Fréquentation des supermarchés et hypermarchés selon l’âge

figure im5

Fréquentation des supermarchés et hypermarchés selon l’âge


Treguer, 2002, (p. 73).

28 La tendance à la baisse du taux de fréquentation des hypermarchés en fonction de l’avancée en âge semble réelle et est confirmée par nombre d’études et recherches complémentaires (cf. figure 2). Pour Joëlle Vanhamme (1998) l’âge et la restriction de la mobilité qu’il entraîne souvent, tend à influer négativement sur le fréquentation des hypermarchés, d’autant que ces derniers sont généralement éloignés du lieu d’habitation et considérés comme trop impersonnels. Cette baisse de la fréquentation des hypermarchés se ferait selon l’auteur au bénéfice du petit commerce de quartier.

29 Les griefs portés à l’encontre des grandes surfaces et en particulier des hypermarchés sont en effet nombreux. Serrière (2003, p. 172) pour sa part, note : « Les principaux reproches faits aux hypermarchés par les plus de 60 ans sont la trop grande variété de produits, des espaces trop vastes, sans possibilités de se reposer, des rayons pas toujours adaptés, etc. ». Dans la même perspective, Lehuédé (2003) considère que le moindre recours aux hypermarchés à partir de la soixantaine renvoie très largement à leur emplacement géographique : le taux de possession d’une voiture diminuant à partir de 60 ans pour atteindre 56% au delà de 70 ans. Cependant, à partir de ce constat, les perspectives restent ouvertes. Les travaux du CREDOC considèrent que dans la mesure où les seniors de demain seront plus nombreux à posséder une voiture, il n’est pas exclu que la proportion des 60-70 ans fréquentant les hypermarchés ait tendance à augmenter. Rochefort (2000) considère ainsi que « les retraités de l’avenir iront plus souvent dans les hypermarchés, faisant ainsi des économies par rapport à leurs aînés » (p. 66).

Figure 3

Taux de recours à différents formats de magasin selon l’âge

figure im6

Taux de recours à différents formats de magasin selon l’âge


Lehuédé (2003, p. 9).

30 En ce qui concerne les magasins hard discount, Lehuédé (2003) considère également que leur faible score relatif auprès des seniors serait d’abord lié au fait qu’ils proposent aujourd’hui bien moins d’implantations que les supermarchés traditionnels [14]. Il note : « La stratégie de développement du hard discount basée sur de nombreuses ouvertures de proximité, associée au renouvellement des générations, devrait permettre à l’avenir un rattrapage du taux de fréquentation des hard discounts par les seniors » (p. 9).

CRITÈRES DE CHOIX DES CIRCUITS DE DISTRIBUTION

31 La littérature consacrée aux critères de choix des circuits de distribution ou des magasins par les consommateurs est relativement dense. Monroe et Guiltinan (1975) ont ainsi proposé un modèle particulièrement riche de choix de magasin. Leur travail montre que les facteurs importants sont les caractéristiques de l’acheteur couplées à la localisation, les critères démographiques, le style de vie, la personnalité et les circonstances économiques. L’image du magasin, définie comme la perception générale qu’a la clientèle du magasin considéré joue également un rôle important dans le choix (Berry, 1969). Cependant, si les travaux consacrés aux critères de choix des magasins restent nombreux à un niveau général, ils apparaissent beaucoup plus réduits et parcellaires, voire même contradictoires lorsqu’on se limite au cas particulier de la cible seniors (Burnett, 1991, 1996 ; Vanhamme, 1998 ; Lee et al., 2001 ; Arnold et Krancioch, 2008…). Ainsi par exemple, les travaux de Wee (1993) ou encore de Moschis (1996) tendent à considérer qu’il n’y a pas de différence notable dans les critères de choix des magasins entre les consommateurs âgés et les autres. D’autres chercheurs, à l’inverse, vont mettre en avant une spécificité réelle des seniors en termes de préférence pour la proximité et l’accessibilité. On trouve dans la littérature un certain nombre de travaux qui ont montré que la proximité jouait un rôle important (Moschis et al., 1995 ; Miranda et al., 2005). Meneely et al., (2009), dans une enquête menée auprès d’un échantillon de seniors âgés de 60 ans et plus mettent en avant les critères de proximité et de choix pour les seniors (cf. tableau 4).

Tableau 4

Les critères de choix du magasin par les seniors (% de réponses)

%
Proximité de l’habitation 36
Large choix et variété de produits 18
Habitude, routine 16
Là où on me dépose 12
Prix raisonnables 8
Parking 3
Atmosphère 2
Existence de systèmes de fidélisation et de récompense 2
Proche d’un arrêt de bus 2
Existence d’un service de livraison 1
figure im7

Les critères de choix du magasin par les seniors (% de réponses)


Meneely et al. (2009, p. 461).

32 La question de la proximité peut être couplée à celle de l’accessibilité. Ainsi, dans une étude sur les habitudes de consommation alimentaire des seniors, Sherman et Brittan (1993) montrent que les problèmes de mobilité et de transport impactent directement le choix des magasins. Dans le même sens, Smith (1992) montre que les seniors placent très largement l’accessibilité comme principal critère de choix d’un magasin.

33 La question du prix a été largement traitée et a débouché sur des résultats souvent contradictoires. Bone (1991) écrit : « its a false assumption that the mature market has low discretionary income and thus price is the key determinant attribute[15] ». Autrement dit, le prix n’est pas un critère déterminant. Plus généralement, le prix et l’ensemble des aspects liés au prix sont moins importants que d’autres critères, ce qui peut dans une certaine mesure expliquer pourquoi nombre de travaux anglo-saxons montrent que les seniors privilégient les grands magasins (« Department Stores ») au détriment des magasins discount (cf. également sur ce point Lumpkin et al., 1985 ; Lumpkin & Greenberg, 1982). Le même constat peut être fait en ce qui concerne la fréquentation du petit commerce par les seniors. Après avoir montré que les achats constituaient le principal motif de déplacement des seniors (45% des cas), loin devant les visites aux amis (13%), les loisirs (10%) et la promenade (10%), Benlahrech et al. (2001) montrent également que ces achats sont réalisés pour près des deux tiers en petit et moyen commerce [16]. Ce dernier s’est par conséquent adapté en proposant une panoplie de services pour les personnes âgées.

34 Certains travaux considèrent ainsi que le vieillissement pourrait être une chance pour le petit et moyen commerce, que ce soit en zone urbaine (centre ville) ou encore en zone rurale (Miller, 1997 ; Miller & Kim, 1999). Ainsi par exemple, les travaux de Miller (1997) montrent que les consommateurs âgés en zone rurale se caractérisent par un degré élevé d’attachement à leur communauté locale et ont une forte propension à fréquenter les petits commerces locaux. Ils sont même considérés comme des supporters inconditionnels du petit commerce local indépendant.

SERVICES ET FRÉQUENTATION DES MAGASINS : « QUAND LE LIEN IMPORTE PLUS QUE LE BIEN »

35 Un certain nombre de travaux récents ont insisté sur l’importance du commerce et de la distribution en tant que producteurs de liens sociaux (Cova, 2004). Il n’est pas nécessaire de revenir ici sur cette littérature abondante. Néanmoins, il nous semble utile de rappeler que la mise en évidence de situations où le lien importe plus que le bien, selon les termes de Bernard Cova, s’applique encore plus particulièrement aux consommateurs seniors. Un certain nombre de recherche ont montré l’importance que les seniors plaçaient dans la qualité de service et dans l’interaction avec le personnel du magasin (cf. Mogelonsky, 1995 ; Moschis, 2003). Kim et al. (2005) montrent ainsi que les lieux commerciaux sont pour les seniors un instrument de réduction de la solitude. En effet, pour un senior, le shopping ne serait pas seulement une activité traditionnelle de consommation. Il relèverait également de l’événement social (Moschis, 2003). Autrement dit, dans la pratique de consommation au travers du shopping, la satisfaction ne viendrait pas seulement de la consommation en elle-même ; elle dépendrait aussi très largement de l’expérience à laquelle participe le consommateur senior [17]. Comme le précisent Petermans & Van Cleempoel (2010, p. 27), « Older consumers are more likely to return repeatedly and become loyal if they are satisfied with the store’s concrete product and service offer, in store atmosphere, and potential in-store experience… » [18].

36 Certains auteurs, en s’appuyant sur les travaux originels de Pine & Gilmore (1999), montrent ainsi que la satisfaction des consommateurs seniors ne vient pas prioritairement de la consommation au travers de l’accumulation de biens de consommation (tangibles) mais de la consommation liée à la recherche d’expériences (intangibles). De ce fait, ces derniers participent de plus en plus à l’économie d’expérience en ouvrant graduellement le dialogue avec les entreprises sur leurs besoins en termes d’expériences. Autrement dit, de plus en plus, les seniors contribuent à la co-création de valeur dans la distribution et plus largement.

« STORE DESIGN » ET STRATÉGIES D’ADAPTATION AUX SENIORS

37 La reconnaissance de l’importance actuelle et à venir du marché des seniors appelle une réponse rapide des distributeurs. Pour autant, Popper et Krol (2003) ou encore Pak et Kambil (2006) constatent que rares sont les enseignes qui se sont montrées sensibles à ce segment et ont cherché à adapter leurs produits et leurs offres aux seniors.

38 Tréguer (2002), en s’appuyant sur une étude menée au milieu des années 80 par le CECOD auprès de 800 opérateurs de la distribution, constate même que malgré le poids croissant des seniors dans le chiffre d’affaires du commerce, les grands acteurs de la distribution restent encore largement sous-informés en ce qui concerne le marché des plus de 60 ans. Les résultats de cette étude (dont nous présentons quelques extraits dans l’encadré 1), sont particulièrement éloquents.

Encadré 1
Niveaux de sensibilisation du grand commerce à la problématique des seniors : quelques chiffres
5,9% des entreprises sont capables d’évaluer l’âge moyen de leur clientèle
5,2% estiment que les consommateurs de plus de 60 ans ont sans doute des besoins spécifiques
3,4% tiennent comptent des besoins des consommateurs âgés en matière de produit
2,4% tiennent compte de cette population pour organiser leurs structures d’accueil
1% ont l’intention de faire une étude sur la clientèle de plus de 60 ans Source : CECOD, d’après Tréguer (2002).

39 De nombreux faisceaux d’indices suggèrent que depuis lors, les choses n’ont évolué que très lentement. C’est sans doute ce qui explique la faiblesse observée des actions à destination des seniors mises en place par la distribution. En effet, une enquête publiée en 2003 par le magazine « Points de vente » révélait que les initiatives des distributeurs hexagonaux à destination de la cible seniors étaient souvent timides voire inexistantes. Autrement dit, que le marché des seniors restait largement inexploité [19]. Il n’en demeure pas moins que certains distributeurs ont cherché à apporter des réponses au poids croissant des seniors dans la société et dans la consommation. Ces réponses renvoient d’un côté à des logiques simples d’adaptation à la marge de l’offre et du design et, de l’autre, à l’émergence d’une offre ad hoc radicalement nouvelle et innovante.

CHANGEMENT ET INNOVATION INCRÉMENTALES[20]

40 Un certain nombre d’acteurs du grand commerce ont mis en place des programmes d’aménagement de leurs magasins et ce parallèlement à la construction d’une offre spécifique destinée à attirer la clientèle des seniors. Notons cependant que si ces pratiques sont largement développées aux États-Unis ou au Japon, elles restent encore à l’état embryonnaire (relativement) en France.

AMÉNAGEMENT DES MAGASINS

41 L’aménagement du magasin est un élément important qui détermine le taux de fréquentation par les seniors. Les griefs exprimés à ce niveau par ces derniers sont nombreux : absence de zone de repos, prix faiblement lisibles, marchandises peu accessibles, bruits excessifs, « bruit visuel », etc. Aussi, un certain nombre d’enseignes ont cherché à s’adapter ou tout au moins à répondre à quelques-unes de ces attentes particulières. Ainsi par exemple, les convenience stores japonais Daiei-Lawson : allées plus larges, prix affichés clairement et en gros caractère, paniers roulants de petite taille, coins et salles de repos.

42 Wal Mart fait également figure de pionnier en procédant à l’adaptation de ses magasins au marché des seniors, en particulier en favorisant une implantation de supermarchés de 4000 m2 proposant moins de références que les supermarchés traditionnels. Aux Pays-Bas, Albert Heijn propose un nouveau format de magasin qui réduit les distances à parcourir et améliore l’accessibilité aux rayons. En France, certains groupes (dont Monoprix qui est sans doute une des enseignes les plus avancées sur la question) ont, par exemple, fortement accru la taille de leurs étiquettes.

UNE OFFRE DE SERVICES SPÉCIFIQUES ET « SENIOR FRIENDLY »

43 Les offres discount à destination des senior se sont multipliées. B&Q plc [21] propose ainsi une offre discount spéciale de 10% pour les plus de 60 ans le mercredi, ce qui, selon Treguer, a contribué à faire du jour le plus creux de la semaine un des jours les plus actifs. Aux États-Unis, l’enseigne Home Depot, en association avec l’American Association of Retired Persons (AARP) [22] propose régulièrement un bouquet de produits et prestations « senior friendly ». Ces produits sont labellisés AARP et proposés parallèlement sur le site de l’association. En France, l’enseigne Boulanger a été la première à introduire le concept américain de « senior day » en créant « les mardi seniors de Boulanger », avec un traitement privilégié des seniors à tous les niveaux (accueil, formation…). Cette même enseigne, suivant en cela une autre pratique existant depuis plusieurs années aux États-Unis, teste un certain nombre de services facilitateurs d’achat comme par exemple l’accompagnement du client sur le parking par un vendeur.

Sensibilisation, formation et « seniorisation » du personnel

44 L’adaptation aux segments des seniors passe également par une certaine réorientation des stratégies et pratiques de gestion des ressources humaines (GRH) des enseignes. Déjà, à la fin des années 70, Gelb considérait : « elderly consumers would welcome special treatment from retailers with respect to store personnel such as clercks who are their own age and ones who have a positive attitude toward older consumers… » [23]. Ces pratiques et stratégies peuvent prendre trois formes principales que nous synthétisons selon les formules suivantes : comprendre les seniors, former pour les seniors, employer des seniors.

Comprendre les seniors

45 On fait référence ici à toutes les actions menées par la distribution afin de mieux cerner le segment des seniors et améliorer son stock de connaissance relatif à celui-ci. Ces actions et pratiques se développent lentement en France comme peuvent en témoigner Auchan et Monoprix. Le groupe Auchan, au sein de la chaire Auchan de la Reims Management School, a développé plusieurs programmes sur les attentes des seniors en grande distribution. Il en va de même pour l’enseigne Monoprix (dont un client sur deux a plus de 50 ans) qui a publié de nombreuses études sur l’impact du vieillissement de la population dans le domaine commercial et a créé un groupe d’experts chargé de proposer des postes d’actions en ce sens.

Former pour les seniors

46 L’objectif cette fois est de passer d’une connaissance générale sur les seniors et le marché des seniors à la mise en application au sein des magasins concernés. Les actions dont il est ici question peuvent prendre différentes formes. La plus aboutie consiste à investir de manière à développer, au niveau du personnel en contact, des compétences comportementales et relationnelles adaptées aux seniors. Néanmoins l’observation de la pratique des firmes montre qu’elles ont tendance à privilégier des actions qui passent simplement par une sensibilisation au public et consommateurs seniors. L’enseigne Métro organise régulièrement des réunions internes avec les équipes de ses magasins de manière à mieux cerner le comportement des consommateurs seniors. Certaines enseignes ont cependant lancé des programmes de formation spécifiques à destination de leurs employés de manière à améliorer leur capacité d’écoute et d’adaptation à ce public spécifique. Wal Mart mise directement sur une stratégie ressources humaines (RH) en formant une grande partie de son personnel à la vente aux clients seniors

Recruter des seniors

47 Au-delà de la formation du personnel au public des seniors, une autre manière d’assurer la qualité relationnelle et de service vis-à-vis des clients seniors passe tout simplement par une congruence entre les prestataires (le personnel en contact) et les clients. Certaines enseignes ont ainsi lancé des programmes de recrutement de salariés seniors. Wal Mart a là encore fait figure de précurseur au travers de la figure du greeter retraité (cf. dans ce numéro la contribution de Fache et al.). Au-delà du cas de Wal Mart, le modèle américain de distribution présente cette singularité d’être le premier secteur employeur de seniors. En effet, la distribution (grande et moyenne) emploie à ce jour dans ce pays plus de 350000 personnes âgées de 65 ans et plus. Si les pays européens restent encore loin de ce modèle, on observe cependant des évolutions similaires dans un certain nombre d’enseignes européennes visant à une intégration plus large des seniors. De son côté, l’enseigne ADEG (dont nous faisons état de manière plus détaillée un peu plus loin), dans un souci affiché d’adéquation client-personnel, ne recrute que des salariés de plus de 50 ans. L’enseigne de bricolage B&Q Plc affiche quant à elle des ambitions plus modestes en se donnant pour objectif d’avoir au moins 15% de ses employés âgés de plus de 50 ans.

48 Notons à ce niveau que l’ensemble des réponses apportées au travers des offres de services spécifiques restent encore parcellaires en particulier parce que les distributeurs s’interrogent encore sur les incidences et surtout les risques que sont susceptibles d’induire les aménagements considérés sur les autres catégories de consommateurs. Incidences et risques qu’énoncent clairement Petermans & Van Cleempoel (2010, p. 25) : « retailers and the retail industry however often share the concern that changing a retail space to appeal to older shoppers may deter shoppers of younger age… » [24].

INNOVATION RADICALE ET NOUVEAUX FORMATS DE MAGASINS

49 Plutôt que l’adaptation graduelle, certaines enseignes ont opté pour une offre intégrée spécifique aux seniors. Cette offre intégrée passe par l’implantation et le déploiement de points de vente entièrement dédiés aux seniors qui intègrent la plupart des innovations et pratiques que nous avons abordées dans la section précédente. Cette stratégie intégratrice peut présenter un réel intérêt. Dès les années 80, Moschis (1987) a insisté sur le fait que les plus de 65 ans sont attirés par les points de vente qui les ciblent explicitement. Ainsi, à partir du milieu des années 2000, on voit fleurir de nombreuses expérimentations, en particulier en Allemagne, en Autriche et au Royaume-Uni. La presse spécialisée fait régulièrement état d’expérimentations menées par certaines grandes enseignes de distribution alimentaire. Néanmoins, l’intérêt de ce type d’enseignes pour les seniors reste relativement tardif. De ce point de vue, les enseignes de distribution textile font sans doute figure de précurseurs puisqu’elles ont proposé des offres spécifiques dès le début des années 90, voire même, pour certaines d’entre elles, plusieurs décennies avant (cf. encadré 2). Concernant la grande distribution alimentaire, Petermans & Van Cleempoel (2010) mettent en évidence deux expériences originales : celles de Adeg (Aktiv Markt 50) et de Kaiser (Kaiser’s Generation Markt).

Encadré 2 Quelques concepts de magasins européens dédiés aux seniors
Seniorfachmarkt Deliga
En Allemagne, Angelika et Holger Deliga ont inauguré en mars 2005 le premier point de vente allemand entièrement dédié aux seniors. Implanté entre Berlin et Dresde à Grossräschen sur une surface de 800m2, le Seniorfachmarkt Deliga est le seul magasin en Allemagne à répondre aux besoins spécifiques des personnes de plus de 70 ans. L’offre du magasin (2000 références au total) est composée à 60% de vêtements, lingerie de jour et de nuit. On y trouve des vêtements peu ou pas proposés dans les circuits classiques de distribution. Fabriqués par une vingtaine de fournisseurs européens, les produits sont conçus de façon à être facilement enfilables. Les coupes sont adaptées aux proportions du corps et une couturière procède sur place aux retouches pour les jupes et pantalons. Les clients peuvent par ailleurs demander à se faire porter leurs achats jusqu’à leur véhicule ou à être directement livrés à leur domicile.
Le point de vente dispose d’une cabine en 3D permettant non seulement de prendre des mesures mais également de communiquer les données aux fournisseurs afin qu’ils améliorent leurs modèles. Outre l’habillement, le magasin propose également des chaussures de confort (15% de l’offre), des téléphones à grosses touches, des loupes de lecture ou pour écrans de télévision, des couches contre l’incontinence urinaire, des articles d’aide à la marche, du linge de maison, des cosmétiques, des compléments alimentaires, des voyages…
Tout est conçu pour faciliter l’accès aux rayons et rendre le shopping agréable : les allées sont larges, les cabines d’essayage spacieuses et les toilettes adaptées aux fauteuils roulants. A leur arrivée, les clients sont accueillis autour d’un café et peuvent assister à un défilé de mode avant de découvrir les collections du magasin.
Enfin le couple de fondateurs propose d’organiser en plus de la visite de leur enseigne, une excursion touristique pour les groupes qui viennent y passer la journée [25].
La Tienda del Abuelo
En Espagne, La Tienda del Abuelo (en français le magasin des grands-parents), créée en 1993, a été précurseur en matière de magasins spécialisés seniors. Elle propose des produits d’équipement de la personne âgée qui souhaite rester chez elle. Elle cible les grands seniors, son concept alliant produits techniques et ergonomiques (ustensiles de cuisine, sanitaire…) à l’exception du matériel médicalisé, considéré comme facteur de ghettoïsation. L’enseigne propose également de nombreux services : navettes pour les trajets domicile magasin, aide à l’adaptation du lieu de vie, vente à domicile. Derrière cette enseigne se cachent de nombreuses années d’expérience et de recherche de nouveaux concepts, idées et amélioration du quotidien des seniors. Les fondateurs soulignent ainsi que « compte tenu des changements démographiques et des besoins des personnes âgées et de leurs proches qui évoluent, se multiplient, se précisent, cela nous a conduit à mettre en place ces magasins d’avant-garde. Nous voulons que notre enseigne couvre toutes les demandes des personnes âgées mais en même temps, qu’elle centralise dans un décor agréable toutes les nouveautés en matière de produits et services pour les aînés, que ce soit dans le domaine de l’alimentation, des vêtements, des accessoires paramédicaux, des loisirs… nous voulons rendre accessible toutes ces choses aux personnes qui souhaitent entretenir ou développer une certaine qualité de vie » (www.senioractu.com, 2005).
Le succès est au rendez-vous puisque l’enseigne développe désormais son concept en franchise. Elle dispose aujourd’hui de treize points de vente en Espagne et cinq au Portugal. L’objectif à la fin 2007 était d’atteindre trente unités. La Tienda del Abuelo prévoit également d’exporter son concept au Brésil.
Hojo
Cette enseigne est la toute première boutique de France entièrement destinée aux seniors. Elle s’inspire directement du concept de la « Tienda del Abuelo ». Baptisée Hojo, le magasin pilote propose d’ores et déjà plus de 400 articles bien-être, plaisir, santé, loisirs, etc. Hojo s’est implanté en mai 2008 à Lyon, dans le sixième arrondissement. Véritable lieu de commerce à l’intention des seniors, cette boutique « est conçue pour le plaisir, le confort et le bien-être de clients dont les attentes sont très spécifiques ». Ainsi, les seniors, souvent mal à l’aise dans la cohue des grandes surfaces et parfois désemparés face au discours technique des commerces spécialisés, trouveront dans ce nouveau lieu de grands volumes, des allées de circulation plus larges, des hauteurs de présentation et un étiquetage adaptés. De plus, des éléments de confort sont à la disposition des clients qui peuvent se détendre dans un univers aux couleurs chaudes et aux éclairages apaisants..../...
Plus pratiquement, pour se repérer facilement dans cette nouvelle boutique, quatre grands univers sont clairement identifiables grâce à une signalétique simple et adaptée : santé et bien-être, habitat et art de vivre, communication et loisirs et confort. Franck Demaison, le fondateur rappelle également que chaque employé est spécialement formé pour accueillir des seniors, et qu’il possède les connaissances élémentaires sur les principales difficultés liées au vieillissement et sur les pathologies les plus fréquentes des personnes âgées. Enfin, l’enseigne proposera prochainement à ses clients des animations ponctuelles pilotées par des conseillers spécialisés dans des domaines aussi divers que les massages, l’aromathérapie, la cuisine ou l’informatique. A terme, le développement de ce concept est prévu sous forme de boutiques franchisées ou de corners spécifiques dans les grands magasins. Ainsi, à partir de deux boutiques pilotes implantées à Lyon et prochainement à Nice, Hojo devrait poursuivre sa croissance en couvrant les 35 premières villes françaises sous un horizon de cinq ans. Et comme de nos jours, il est inenvisageable de créer une boutique sans lancer simultanément son pendant sur Internet, Hojo propose naturellement un site Internet de vente en ligne.
Damart
Cette enseigne du groupe Damartex est aujourd’hui le numéro un français de la fabrication et de la distribution de vêtements destinés aux femmes de plus de 50 ans. Après un virage raté vers les quadras au début des années 2000, Damart est revenu à l’essence de sa marque : le confort du troisième âge. L’âge moyen de sa clientèle est aujourd’hui de 65 ans et l’enseigne souhaite s’adresser au travers d’une offre élargie de prêt-à-porter aux femmes quinquagénaires.
Daxon
Cette enseigne est le leader de la vente à distance sur le marché des seniors avec 3,5 millions de clients en Europe. Daxon est une enseigne développée par Movitex, filiale de Redcats (groupe PPR). Outre la France, l’enseigne est également implantée en Allemagne, Belgique et au Royaume-Uni. Elle réalise un chiffre d’affaires de 300 millions d’euros (2005), dont un tiers hors de France.
Edité pour la première fois en 1974, le catalogue Daxon cible une clientèle âgée (plus de 50 ans) habitant souvent en milieu rural et propose un offre de vêtements classiques… L’enseigne a lancé son site web marchand en septembre 2001, canal qui connaît un large succès surtout auprès de ses clientes les plus jeunes
Source : Amory et al. (2007), senioractu.com et divers
presse.

Adeg Aktiv Mark 50 +

50 Cette chaîne de supermarchés dédiée aux seniors a été lancée par le groupe Edeka simultanément en Autriche et en Allemagne. C’est en 2003 que le groupe ouvre à Salzbourg une filiale visant à répondre aux besoins de la population senior. L’enseigne créée : Adeg Aktive Markt 50+ est constituée du plus petit format urbain du groupe (600 m2). La mise au point du projet aura nécessité deux ans et demi de tests.

51 L’organisation interne ainsi que l’offre de produits visent à faciliter le shopping des personnes âgées. Les logos des produits ont été grossis, les allées sont plus larges que dans un supermarché standard. Le sol est équipé de revêtements antidérapants. Les caddies sont plus petits, plus maniables et équipés de systèmes de confort. Ils peuvent, le cas échéant, être clipsés aux fauteuils roulants et même offrir un siège aux seniors fatigués. Les étagères sont plus basses, ce qui facilite l’accès aux produits. L’ambiance sonore et lumineuse a été entièrement repensée de manière à être moins agressive et mieux adaptée aux seniors. Le supermarché offre également de nombreux espaces de repos. Avec le succès de cette enseigne, le groupe Edeka a lancé une nouvelle offre en Allemagne (Chemnitz en Saxe) dès décembre 2004.

Kaiser’s Generations Market

52 A la suite du succès d’Adeg, le groupe Tengelmann s’est engagé, lui aussi, dans cette voie en ouvrant dès 2005 un premier supermarché seniors à Berlin (Arnold et Krancioch, 2008). Ce nouveau supermarché en s’appuyant sur les mêmes principes que le précédent et en développant une offre globalement similaire a accru son chiffre d’affaires de plus de 25%. Aujourd’hui les plus de 50 ans représentent plus de 60% de la clientèle du magasin, part en progression constante selon ses promoteurs. Notons cependant que le poids important des seniors s’explique également en partie par les choix de localisation. En effet, les plus de 50 ans représentaient près de 60 % de la population située dans la zone de chalandise du magasin lors de son ouverture.

53 Le succès de cette offre de supermarchés dédiés est incontestable et le déploiement spatial de l’offre qui est déjà largement engagé tant en Allemagne qu’en Autriche en atteste sans difficulté. Plus récemment de nouvelles expérimentations sont menées dans d’autres pays européens et en particulier au Royaume-Uni à l’initiative du groupe Tesco (Irvine, 2008).

54 Le vieillissement de la population ouvre des opportunités très larges pour la distribution et le grand commerce. Pourtant, la grande distribution, en particulier en France, ne semble pas encore avoir pris la pleine mesure du potentiel représenté par les seniors.

55 Il est vrai que même la littérature académique reste très pauvre sur la question. Une revue rapide des sommaires des principales revues françaises en sciences humaines et sociales [26] suffit à montrer que la relation « âge – distribution » a été largement sous investiguée. Les seniors représentent aujourd’hui une part importante de la population et des consommateurs. Ils devraient compter pour près de 30% de la population d’ici à 2030 [27]. Dans ces conditions, il nous semble clair que les acteurs de la distribution devront opérer un changement radical dans leurs offres et dans leur comportement d’adaptation s’ils veulent continuer de maintenir leurs marges et de prospérer.

Notes

  • [1]
    Très nettement dominée, il est vrai, par les travaux anglo-saxons.
  • [2]
    Entendu parfois comme les plus de 50 ans.
  • [3]
    Et sur les modalités et critères de sélection des magasins par les seniors.
  • [4]
    Tant par rapport aux autres personnes âgées que par rapport à l’ensemble de la population.
  • [5]
    Ce premier segment n’entre pas dans le champ de ce travail.
  • [6]
    « Nombre de distributeurs et d’industriels semblent penser que l’âge détermine à lui seul les comportements et motivations d’achat ».
  • [7]
    On notera pour notre part que les différences d'appréciation du critère d'âge sont principalement liées à des méthodologies différentes. Certaines typologies sont des constructions a priori, alors que d'autres sont des résultats a posteriori issus de méthodes statistiques de segmentation.
  • [8]
    Certains auteurs (Gracia Blanco et al., 2004) utilisent la notion plus large d’âge ressenti (perception individuelle des changements liés au temps).
  • [9]
    Définis comme des individus âgés de 65 ans et plus. L’enquête ne porte cependant que sur un public féminin.
  • [10]
    Ou encore des combinaisons choisies parmi ces critères.
  • [11]
    « Cette population âgée, avec du temps disponible et de l’argent en banque, constitue un marché en croissance pour le monde de la distribution ».
  • [12]
    Cette catégorie constitue en effet l’essentiel des personnes âgées défavorisées.
  • [13]
    La vente par correspondance s’appuie sur le catalogue et le courrier. La vente à distance renvoie à des modalités plus larges, c’est-à-dire toutes les techniques permettant au client de commander un produit ou de demander la réalisation d’un service à distance (incluant en particulier l’usage d’Internet).
  • [14]
    En Allemagne où l’implantation de ces magasins est beaucoup plus homogène, ils constituent la première source d’approvisionnement des seniors (Arnold & Krancioch, 2008).
  • [15]
    « Il est erroné de considérer que le marché des seniors dispose d’un faible niveau de revenu et que le prix est un élément déterminant ».
  • [16]
    Pour moins d’un tiers en grande surface (grands magasins, super et hyper) et pour le reste (6%) en marché couvert et de plein air.
  • [17]
    C’est en ce sens que Bloemer et Rujter (1998) appellent à la recherche d’un équilibre entre les dimensions utilitaristes (fonctionnelles) et expérientielles (hédoniques) dans le cas du comportement de merchandisage des seniors.
  • [18]
    « Les consommateurs seniors ont une plus grande propension au ré-achat et ont tendance à être plus fidèles s’ils sont satisfaits de l’offre produit et des services proposés, de l’atmosphère dégagée par le magasin et de l’expérience potentielle qu’ils peuvent y vivre ».
  • [19]
    GMS : un effort pour les seniors, n° 919, 29 octobre 2003.
  • [20]
    En économie de l’innovation, on oppose souvent innovations radicales (ou encore de rupture) et innovations incrémentales (ou encore mineures).
  • [21]
    Enseigne de bricolage britannique.
  • [22]
    Association américaine des retraités.
  • [23]
    « Les consommateurs seniors valoriseraient la mise en place par les enseignes d’une politique de traitement spécifique à leur égard en particulier au travers de personnels comme les employés qui pourraient avoir un âge voisin du leur ou encore qui se distingueraient par une attitude favorable envers eux ».
  • [24]
    « Les commerçants et l’industrie du commerce en général partagent cette idée selon laquelle toute adaptation de l’espace commercial visant à attirer le consommateur senior est de nature à faire fuir le consommateur plus jeune… ».
  • [25]
    Après une première année d’activité, l’entreprise qui employait une vingtaine de salariés a atteint un chiffre d'affaires de 1 million d’euros. Malgré ce succès de départ, le début de l’année 2007 a vu les ventes s’effondrer et la société a été déclarée en faillite mi-avril 2007.
  • [26]
    Si l’on se limite aux deux revues principales sur la question du vieillissement : « Gérontologie et société » d’un côté et « Retraite et société » de l’autre, on peut sans difficulté constater qu’à l’exception de cette livraison, aucun article n’a été publié jusqu’à ce jour sur cette question.
  • [27]
    Nous reprenons ici les prévisions de l’INSEE sur la base 60 ans et plus.
Français

Dans cet article, nous proposons une synthèse des travaux existants sur la relation seniors-commerce/distribution. Nous revenons de manière critique sur les principales typologies et segmentations utilisées pour analyser le comportement d’achat des seniors. Nous analysons en particulier les critères de choix des circuits de distribution ainsi que les pratiques de fréquentation de ces circuits par les seniors. Enfin, nous faisons état des stratégies et pratiques des enseignes commerciales visant à mieux s’adapter à ce type de consommateur.

English

SENIOR CITIZENS, BUSINESS AND DISTRIBUTION : DOCUMENTATION REVIEW


The article presents a synthesis of existing work on the senior citizen/ business/ distribution relationship. The principal typologies and segmentations used for analysing the purchasing behaviour of senior citizens are critically reviewed. Distribution circuits’ choice of criteria along with senior citizens’ user habits of such circuits are particularly analysed in the article. Lastly comments are made on commercial signs and their underlying strategies and practices and how they could be adapted to this type of consumer.

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Camal Gallouj
PROFESSEUR. CEPN-CNRS. UNIVERSITÉ PARIS 13 ET EBS PARIS
Souheila Kaabachi
ENSEIGNANT CHERCHEUR. EBS PARIS
Nacer Laïb
MAÎTRE DE CONFÉRENCES. UNIVERSITÉ DE PARIS 13
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Mis en ligne sur Cairn.info le 08/02/2011
https://doi.org/10.3917/gs.135.0055
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