CAIRN.INFO : Matières à réflexion
« Les terres rares sont à la Chine ce que le pétrole est au Moyen Orient. »
Deng Xiaoping, 1992
“Change resource advantage to economic superiority”
Jiang Zemin, 1997

Problématique

1La percée des industries chinoises des technologies environnementales – éolien, solaire – en apparence fulgurante, est le fruit d’une stratégie d’État menée sur le long terme. Le pouvoir central à Pékin (ci-après « Beijing ») a transformé en « avantage industriel construit » à l’aval (sur les technologies) son avantage naturel précédemment construit à l’amont : le monopole mondial de production des terres rares.

2Cette remise en selle d’une question négligée d’économie industrielle, la protection des industries naissantes, a ici pris une ampleur inouïe compte tenu du dépassement par la Chine du reste des industries mondiales.

3Dans le secteur de l’éolien, le nombre de demandes de brevets technologiques d’origine chinoise a crû depuis 2003 et vite atteint le premier rang mondial dès 2006. Dès 2010 la Chine contrôlait 75 % de la production mondiale d’aimants industriels issus de terres rares, constituants clés d’industries telles que celles de l’éolien, des véhicules électriques et hybrides, ou de l’éclairage à haute performance. La Chine, qui produit près de 90 % des terres rares mondiales, est le leader mondial de la R&D sur le secteur (Adachi et al., 2010 cité par Bartekova & Kemp, 2016) [2] et en transforme une part croissante sur son territoire, soit 70 à 75 % du volume mondial depuis la fin des années 2000 [3] (De Lima & Leal Filho, 2015). La fulgurance de cette transformation, la constance de sa mise en œuvre, ne sauraient s’expliquer par les seules subventions, même massives. La spécificité des méthodes de gestion du capitalisme d’État chinois s’illustre, aussi, par la singularité de ses formes institutionnelles, leur cohérence de long terme et leur transversalité sectorielle. La littérature économique de l’émergence industrielle chinoise, en particulier de l’éolien, ne l’aborde que rarement ; elle est pourtant déterminante pour comprendre l’efficacité de la stratégie chinoise.

4L’acquisition de compétences technologiques au sein des économies émergentes est souvent analysée à l’échelle de segments de chaînes de valeur contingentés dans le temps et/ou dans l’espace, au mieux à l’échelle sectorielle. Des auteurs tels Hobday (1995), Kim (1997) ou Xie (2004) analysent les phénomènes de rattrapage technologique en différentes séquences d’acquisition, assimilation, et amélioration « de l’imitation à l’innovation » de technologies par le tissu d’entreprises locales (Ru et al., 2012) mais sans analyser les forces à l’origine de ces mouvements. Lewis (2005) décrit l’obtention, l’adaptation et la commercialisation des technologies de l’éolien et avance que le « global learning network » est le moyen du développement technologiques de l’industrie chinoise de l’éolien, mais sans pousser l’analyse aux conditions d’accès à ce réseau… De leur côté, Ru et al. (2012) proposent une caractérisation théorique de l’innovation des entreprises chinoises du secteur éolien : coopérative, imitative et incrémentale, mais en dehors de son contexte macroéconomique.

5L’analyse bornée au segment des industries n’explique pas l’éclosion dans les années 2000 du système industriel chinois des nouvelles technologies. Nous postulons qu’il faut pour le comprendre élargir la focale, via le rôle des institutions constitutives du système national d’innovation, approche initiée dans Ruet (2011), Balcet & Ruet (2012), Lanckriet (2012), Ruet (2016) et Lanckriet (2017) et systématisée ici.

6Ici, nous nous intéressons au rôle de Beijing dans l’émergence puis l’essor d’un tissu d’acteurs industriels chinois des nouvelles technologies via l’exemple de l’industrie éolienne, pour (i) en détailler la stratégie d’économie industrielle de « mise en levier » et (ii) aborder le domaine de l’apprentissage organisationnel inter-secteurs. Par une mise en perspective du développement de l’aval de la filière en ancrage avec l’amont minier, par son inscription dans le pilotage public des nouvelles énergies, nous pointons le rôle prépondérant de l’État.

7La littérature existante décrit bien l’essor quantitatif de la production amont des terres rares en Chine, ainsi que la captation des technologies que le pays a opérée.

8Si la « politique des quotas sur les terres rares » a été ailleurs discutée, elle n’est qu’un moment et un seul aspect de cette saga industrielle ; nous voulons l’inscrire dans une vision plus large : le rattrapage technologique et la structuration industrielle issus des terres rares ont été orchestrés selon une quadruple stratégie, pensée dès le début des années 1980 :

  • Politique scientifique d’intégration technologique, définie très précocement [4] ;
  • Politique industrielle de transformation d’une rente minière vers l’aval par des quotas calibrés pour attirer les technologies choisies par le régime[5] ;
  • Création, dimensionnement et contrôle du marché domestique par l’État pour durablement fixer les entreprises étrangères mais progressivement siniser l’écosystème ;
  • Appui de la diplomatie économique pour asseoir un avantage compétitif mondial.

9Quatre sections reprennent ces temps stratégiques, explicitant leurs mécanismes de gestion. C’est la progression et l’affinage régulier des outils mobilisés au service de cette stratégie qui ont permis aux industries qui en sont issues de dominer le « capitalisme vert » mondial.

Une stratégie qui s’affine : d’un avantage « naturel » (1980-1995) à l’acquisition technologique pour le développement industriel (1995-2007)

10L’analyse ex-post montre que l’intérêt de Beijing dans la constitution de ce monopole n’était pas d’ordre rentier ni, comme ont pu le suggérer certains auteurs, géostratégique, cantonné à l’amont minier. Le monopole chinois des terres rares, délibérément et politiquement construit, sert une stratégie industrielle en plusieurs actes ciblant le transfert sur le territoire chinois des technologies nécessaires aux chaînes de valeur industrielles aval des terres rares.

11Dès 1952 est créé l’Institut de Recherche générale sur les Métaux non ferreux puis, en 1963, le Baotou Research Center, dédié aux applications technologiques et industrielles des terres rares. Préparée par la recherche, la production chinoise de terres rares prend son essor en 1980.

12Leader mondial de la production dès le milieu des années 1980, la Chine demeurait pour autant un acteur stratégique mineur, exportant un minerai à faible valeur ajoutée quand les USA conservaient le leadership de la transformation et de l’aval à forte valeur ajoutée. En 1987 est créé le State Key Laboratory of Rare Earth Chemistry and Physics, puis, en 1991, le State Key Laboratory of Rare Earth Material Chemistry and Applications. Ils s’inscrivent dans le cadre du « programme 863 ».

Le cadre des « programmes » nationaux de recherche

En 1986 est créé le programme public de développement technologique et industriel « 863 », dont la validité de cadrage demeure. Il a régulièrement évolué depuis mais conserve l’objectif de doter le pays des capacités technologiques du rattrapage industriel dans les domaines stratégiques pour le développement économique et la sécurité. Il incluait à l’origine les biotechnologies, les technologies de l’espace et de l’information, les technologies laser, de l’automatique, de l’énergie et des nouveaux matériaux. La plupart nécessitent des terres rares.

13Dès 1992, Deng Xiaoping confirmait l’importance des terres rares dans la vision stratégique de long terme économique de la Chine : « Les terres rares sont à la Chine ce que le pétrole est au Moyen Orient ». Selon la littérature, la fin des années 1990 marque la fin de la trappe d’exportation de faible valeur ajoutée (De Lima & Leal Filho, 2015). Elle met en avant les investissements préalables réalisés par Beijing dans les capacités publiques d’innovation.

14Néanmoins, elle ne mentionne pas une autre facette de l’intervention de Beijing pourtant déterminante dans son succès : l’acquisition d’actifs technologiques étrangers par les entreprises chinoises et les moyens de politique publique de l’essor industriel national. Dans les années 1990, les entreprises chinoises manquent toujours des savoir-faire technologiques et industriels nécessaires à une valorisation industrielle en composants clés, détenus par les entreprises américaines, européennes et japonaises. Ces entreprises ont alors été la cible de nombreuses OPA chinoises. Parmi ces opérations, le rachat en « sous-main » de l’américain Magnequench en 1995 est emblématique des méthodes chinoises.

15Le contrôle d’une technologie en particulier a été décisif : celle des aimants permanents, clés pour l’industrie militaire, mais aussi celle de tous les moteurs et générateurs électriques pour la production d’éoliennes et de véhicules électriques. Magnequench, leader mondial historique de ces technologies est racheté par des acteurs… très proches de Beijing.

16Avec l’acquisition de Magnequench, Beijing détient les brevets et maîtrise la production des aimants permanents au néodymium, jusqu’alors exclusifs des USA et du Japon. Ce « transfert » de technologie par acquisition de société, associé à la disponibilité locale de la ressource minière, permet aujourd’hui à la Chine de dominer la production mondiale d’aimants permanents à base de néodymium [6], au cœur de la nouvelle économie.

La première méthode chinoise « d’acquisition » technologique : rachat de l’américain Magnequench en 1995

Magnequench a été créé en 1986 par General Motors (GM), sur financements du Pentagone, pour la production d’aimants permanents issus de terres rares de la mine américaine de Mountain Pass. Les industries de la défense américaines constituaient les principaux clients [7]. Malgré son importance stratégique, des acteurs chinois sont parvenus à l’acquérir. C’est –en façade− un groupe américain qui a racheté en 1995 Magnequench à GM [8] : le fonds d’investissement Sextant, en réalité co-détenu par deux groupes chinois, chacun minoritaire, mais qui ensemble en détenaient la majorité (62 %).Or, ces deux entreprises −San Huan New Material et The China National Non-Ferrous Metals Import and Export Corporation– étaient toutes deux dirigés par des gendres de Deng Xiaoping. Après l’acquisition, l’un des deux beaux-fils de Deng Xiaoping devient chairman de Magnequench [9].
L’une des filiales de Magnequench est G.A. Powders, qui réalise à partir des terres rares les granulés fins utilisés dans la fabrication des aimants. En 2000, Magnequench délocalise la ligne de production de G.A. Powders à Tianjin, en Chine. En 2002, tous les actifs de Magnequench ont été transférés en Chine. En 2005, l’entreprise –depuis renommée Neo Performance Material et qui demeure propriétaire des brevets de fabrication− annonçait que 85 % de ses actifs et 95 % de son personnel étaient implantés en Chine, le reste en Thaïlande ; il ne demeurait plus aucun actif aux USA [10]. Cette même année, le chinois Magnequench faisait l’acquisition d’AMR technologies INC, entreprise canadienne de transformation des terres rares.

17La technologie des aimants a pu être intégrée et véritablement transférée du fait des programmes de recherche précédents, et elle a contribué à définir les suivants.

18Après l’acquisition de Magnequench, de nouveaux programmes publics stimulent le développement industriel de technologies issues des terres rares, dont le programme industriel « 973 » en 1997, auquel Jiang Zemin, président chinois de 1993 à 2003, donne pour objectif : ‟improve the developments and applications of rare earths and change resource advantage to economic superiority”, dans la pure continuité de Deng Xiaoping.

19Les capacités nationales sont renforcées par la création en 1999 du Rare Earth Functional Materials Engineering Technical Research Center, à Xiyuan en Mongolie Intérieure. En 2001, après qu’a commencé en 2000 la production de poudre de néodymium à Tianjin, le centre de recherches de Baotou inaugure un nouveau cycle sur les métaux et matériaux composites issus des terres rares. Le pays devient dès la fin des années 2000 le premier au monde de la R&D sur les terres rares (Adachi et al., 2010 cité par Bartekova & Kemp).

20Premier pays producteur de terres rares, producteur des composés clés issus de terres rares pour l’industrie, le pays ne dispose alors encore que d’un nombre restreint d’industriels de l’aval de la chaîne de valeur. La Chine a constitué, par l’investissement minier soutenu par la recherche, un avantage naturel. Elle a acquis un portefeuille technologique dans le raffinage et la production de poudres, un savoir-faire au premier niveau de l’aval −le segment des aimants−, mais sans avoir encore véritablement fait émerger une industrie.

Les acquisitions technologiques permettent d’approfondir la stratégie

21Vu de 2005, sans avoir à déployer de politique très agressive, la Chine s’est constituée un quasimonopole mondial de la production du minerai indispensable aux industries des nouvelles technologies, bénéficiant de l’étonnant sous-investissement d’acteurs mondiaux court-termistes, pris entre jeu des marchés et normes environnementales imposées aux sociétés minières occidentales. Mais la majeure partie de la valeur ajoutée de l’aval des terres rares échappe toujours à Beijing qui, à partir de 2005-2007, enclenche alors une politique plus pro-active. D’abord par d’ultimes tentatives d’OPA, puis par les quotas, dont il apparaîtra plus tard qu’ils étaient bien plus fins qu’une stratégie rentière.

22Lorsque Pékin engage le passage à la phase active de sa stratégie de verrouillage du monopole des terres rares, les derniers producteurs de terres rares sont américains et australiens et deviennent la cible d’OPA chinoises. Le principal acteur aux USA, Molycorp, propriétaire de la mine de Mountain Pass, est une filiale du pétrolier UNOCAL, qui est en 2005 la cible d’une OPA de CNOOC [11], l’une des trois grandes entreprises pétrolières d’État chinoises. L’offre est retirée un mois plus tard, suite à l’intervention du gouvernement américain. Cependant, l’action de Beijing n’est pas nécessaire pour stopper la production de Molycorp, dont l’Agence américaine de Protection de l’Environnement a en 1998 ordonné la fermeture pour son impact sur l’environnement. Malgré les lenteurs d’exécution de la décision, la production américaine de terres rares y succombera [12] (Tkacik, 2008). À la fin des années 2000, les OPA chinoises ciblent les mines australiennes : les sociétés minières de Lynas [13] et Arafura Resources [14] dont des acteurs chinois acquièrent des parts respectivement en 2008 et 2009. En 2009, la China Investment Corp. acquiert 17 % de Teck Resources Ltd., société minière canadienne de production et transformation.

23Mais ce sont là des queues de comète. Dès 2007, la donne minière était claire et la Chine accentuait surtout ses politiques de rattrapage technologique, là où elle aurait pu se contenter d’une vision rentière financière. Les terres rares allaient devenir pour la Chine, bien plus que le pétrole pour le Moyen-Orient, la clé d’une avance dans un secteur technologique d’avenir.

24Cette émergence industrielle sera le fruit d’une double innovation après 2005 : l’accélération de transferts technologiques par une méthode économique innovante et l’accompagnement institutionnel sur la base de la capitalisation d’apprentissage préalable des « programmes » socialistes de l’État chinois au service de l’internationalisation de ses « poulains industriels ». Les fameux quotas de 2007 en auront surtout été un catalyseur.

25La stratégie de l’État chinois porte ainsi sur deux axes majeurs :

  1. Faire acquérir par ses industriels les technologies nécessaires à l’émergence d’une industrie chinoise des aimants puis des clean-techs. La phase des acquisitions frontales étant dépassée, elle s’opère en deux temps : les partenariats sur le sol chinois en joint-ventures, et le transfert progressif aux acteurs chinois en dehors des joint-ventures.
  2. Garantir à l’industrie nouvellement constituée –y compris les étrangers installés− un débouché sur le territoire national doublé pour les acteurs chinois d’un essor international. Il s’agit donc d’un axe incitatif à la localisation étrangère mais aussi, à plus longue portée, de la constitution d’un avantage comparatif industriel, notamment par les effets technologiques et effets-coûts induits du retour d’expérience.

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« Premier pays producteur de terres rares, producteur des composés clés issus de terres rares pour l’industrie, le pays ne dispose encore dans les années 2000 que d’un nombre restreint d’industriels de l’aval de la chaîne de valeur. »
Mine de terres rares, Chine, province du Jiangxi
Photo © Zhong Shi-FEATURECHINA/ROPI-REA

Création-sinisation d’un écosystème technologique national (2005-2007-2014)

26La maîtrise de l’implémentation de la stratégie de 2005 ne saurait être rétrospectivement sous-estimée. Beijing disposait certes de deux atouts pour servir le premier axe de sa stratégie : son monopole du minerai raffiné et son marché intérieur ; contrôler l’amont (poudres) et l’aval (marchés publics) de la chaîne de valeur des clean-techs lui donnait l’espoir de forcer le transfert des technologies de la partie médiane de cette chaîne. Mais l’un comme l’autre de ces deux atouts manquaient en 2005 encore de robustesse :

  • le monopole amont des terres rares n’était pas encore total à l’intérieur du pays
  • le marché intérieur devait être développé et un cadrage politique acté afin qu’il serve véritablement la stratégie de captation technologique.

27Surtout, l’hypothèse centrale d’intégration effective des technologies au sein d’une industrie dédiée diversifiée ne se réalise pas par simple transfert de technologies. L’exemple de l’industrie automobile en Chine montre que ce ne sont pas les transferts de technologie au sein de co-entreprises (transferts en réalité limités) qui ont permis le rattrapage technologique territorial, mais plutôt l’amont des équipementiers communs aux entreprises étrangères –co-entreprises− et aux entreprises purement chinoises. La relation client-fournisseur fut moins méfiante que les relations « partenariales » (Richet & Ruet, 2008 ; Balcet & Ruet, 2012).

28C’est la tactique intégrée et les outils pour répondre à ces multiples enjeux que nous décrivons maintenant ; elle n’est pas affaire de simples quotas, normes administratives, programmes technologiques, subventions ou commandes publiques, création de marché par l’offre pris séparément, mais d’une approche intégrée caractéristique du mode de développement chinois et appuyée organisationnellement par la coordination des entreprises par l’administration.

Partenariats organisés et création d’un marché local : la stratégie unifiée quotas-technologie-marchés et ses outils de pilotage

29Différents ministères du gouvernement chinois sont mobilisés au service de cette stratégie et leurs rôles respectifs sont coordonnés.

30C’est cette coordination qui rend réaliste l’utilisation de l’avantage construit sur les terres rares au service d’un large développement technologique et industriel et d’un second avantage construit, plus pérenne : technologique.

31Avec la mise en œuvre du 11e plan quinquennal en 2006, la Chine se dote d’un marché de l’éolien susceptible de motiver les industriels étrangers à y réaliser des transferts de technologies. Beijing prend néanmoins des précautions pour pré-assurer sa maîtrise et instaure en 2005 par décret de la National Development & Reform Commission (NDRC) l’obligation d’au moins 70 % de composants chinois aux éoliennes installées dans le cadre d’un marché public [15]. Le 11e plan concrétise une politique d’investissement public massif dans les énergies renouvelables et l’Empire du Milieu devient incontournable pour les industriels internationaux détenteurs des technologies prisées.

Organisation politique du pilotage de la stratégie quotas-technologie-marchés

La stratégie quotas-technologie-marchés est unifiée. Les différents ministères qui appuient la stratégie de transformation de l’avantage naturel des terres rares en atout industriel sont les suivants :
À l’amont minier de la chaîne, le Ministry of Land and Resources (MLR) et le Ministry of Environmental Protection (MEP) pilotent la concentration des activités à l’échelle nationale. Le MLR est également en charge de la politique de stockage stratégique initiée en 2010. Ils assurent sa profondeur stratégique minière au pays.
Le segment intermédiaire de la chaîne de valeur est sous la coupe du Ministry of Industry and Information Technology (MIIT) qui pilote la stratégie de transformation de la matière première en produits industriels intermédiaires et finaux. Ses outils sont les quotas de raffinage, il exécute la politique de verticalisation du secteur par l’amont ; via le pilotage temporel fin de l’attribution des ressources, il oriente la sélection des entreprises et le déploiement technologique.
Le Ministry of Commerce (MOFCOM), en charge du commerce domestique et international de minerais et de produits intermédiaires et finis issus des terres rares, a pour outils les quotas, les taxes à l’export et la politique de prix. Il assure l’environnement de demande propice à la pérennisation financière des entreprises sélectionnées.
Le Ministry of Foreign Affairs appuie les opérations d’influence envers les acteurs internationaux, les entreprises étrangères détentrices de technologies ciblées. Il contribue, vu de l’environnement compétitif domestique, à créer par l’appui à l’international un sur-avantage compétitif aux entreprises chinoises face à leurs partenaires-rivales étrangères implantées en Chine.
Le Ministry of Sciences and Technologies (MOST) pilote le financement de la recherche. Il stimule une densification des échanges entre acteurs du système technologique des terres rares, de la recherche fondamentale, de la R&D, des universités et des industries, par le soutien à des mégaprojets. Il est dépositaire de la mise à jour régulière de la vision à long terme initiée par Deng Xiaoping.

Beijing verrouille intérieurement son monopole des terres rares (2007-2010)

32Dès 2007, des signaux forts lèvent le voile sur la stratégie industrielle et commerciale chinoise de protection d’une industrie naissante et posent les bases légales d’un contrôle public du commerce mondial des terres rares en les déclarant « minerais d’importance stratégique », à la suite de quoi le Conseil d’État renforce le contrôle des activités de production et de commercialisation des terres rares par des quotas et stipule l’obligation de création de joint-ventures pour toute entreprise étrangère souhaitant réaliser en Chine des activités industrielles liées à la transformation des terres rares. Cette même année, la Chine arrête l’approvisionnement commercial de l’entreprise américaine W.R. Grace, productrice de catalyseurs pour le raffinage pétrolier. Le message aux industriels étrangers de délocaliser leurs unités de production en Chine est clair et W.R. Grace la première agit dans ce sens.

33Mais, fait rarement signalé, c’est sur la scène intérieure que Beijing rencontre les principales limites au verrouillage de son monopole mondial des terres rares. Toutes les régions chinoises ne coopèrent pas et de nombreuses exploitations clandestines perdurent : entre 25 et 75 % de la production, selon les estimations, échappent au contrôle de Beijing et percolent dans les marchés d’export clandestins. Le National Plan for Mineral Resources (2008-2013) renforce la politique de quotas par des mesures de restructuration interne du secteur ciblant un meilleur contrôle du pouvoir central sur les activités minières régionales [16]. Ces objectifs sont encore renforcés en 2009 par le Rare Earth Industry Development Plan (Tu, 2010), dont la nouveauté est d’invoquer l’argument du respect des normes environnementales pour justifier la politique chinoise des terres rares, tant domestique qu’extérieure (Lanckriet, 2012) [17].

34Ces mesures entraînent dès 2007 une nette réduction des exportations [18], mais demeurent insuffisantes aux yeux des autorités chinoises qui vont durcir leur stratégie.

Le verrou externe : renforcer l’implantation en Chine (2010-2014), relaxer les prix

35En 2010, la Chine pèse 98 % de la production mondiale des terres rares ; un incident diplomatique avec le Japon en septembre servira de prétexte à un embargo total des exportations du minerai vers ce pays. Les industries japonaises de l’électronique et des nouvelles technologies sont alors parmi les premières consommatrices, et comptent parmi les principales concurrentes de l’écosystème industriel que Beijing entend structurer. Cet embargo, partiellement étendu à l’Europe et aux USA (Bradsher, 2010a), avec un recul des exportations chinoises de 40 % en 2010, engendrera en 2011 une extrême volatilité, spéculation voire panique sur les marchés d’échanges de terres rares, certains cours progressant de 1800 %.

La politique des quotas, doublée d’une politique fiscale, renforce l’avantage-prix des industriels implantés en Chine

En plus de sa politique de quotas à l’exportation, la politique fiscale donne un avantage-prix aux industriels consommant des terres rares installés en Chine. À titre d’exemple, le lanthanum, utilisé pour la production de véhicules hybrides, ainsi que le cérium, utilisé pour polir les semi-conducteurs, ont été taxés à l’export à hauteur de 25 % à partir de 2011. En 2014, les taxes à l’exportation des différentes terres rares étaient situées entre 10 et 25 % selon le produit, le néodymium utilisé dans les moteurs de la Toyota Prius étant taxé à hauteur de 15 % (De Lima & Leal Filho, 2015).

36En réaction, les États-Unis, le Japon et l’UE déposent en 2011 une plainte à l’OMC. Mais c’est la réponse « industrielle » de ses concurrents qui suscitera une réaction chinoise. La spectaculaire hausse des cours des terres rares a stimulé un nouvel engouement des investisseurs pour la réouverture des mines et les gouvernements des pays concernés soutiennent le mouvement. Molycorp est renfloué dès 2012 pour reprendre l’exploitation de la mine de Mountain Pass, ex-leader mondial. Cependant, la réouverture de mines est un processus de long terme, requérant 3 à 5 ans minimum avant commercialisation, et Beijing utilise cette fenêtre temporelle pour décourager le mouvement.

37La fin de la politique des quotas est annoncée au tournant de l’année 2011. L’effet suit rapidement : les prix chutent et découragent la concurrence [19]. Le marché clandestin devient alors un allié de la stratégie nationale, les industriels implantés en Chine continuant de bénéficier d’un accès privilégié à la ressource. Bondaz (2012), relève qu’en mars 2012, les terres rares s’achetaient en moyenne 2 fois moins cher en Chine que sur le marché international. Des notes d’orientation politiques chinoises confirment qu’en 2012, malgré les annonces d’abandon de la politique des quotas, Beijing persiste dans sa politique de contrôle et d’utilisation du marché des terres rares au service de son développement industriel [20]. Après que ses concurrents ont par leur mobilisation menacé la Chine d’une résurgence de la concurrence, en 2013 les cours internationaux des terres rares ont baissé de 40 % ; en 2014, ils avaient rejoint le niveau d’avant 2010, politique de prix bas qui perdure depuis. Beijing confirme l’utilité « industrielle », plus que rentière, de son monopole.

38L’OMC a fini par rendre en 2014 l’arbitrage de la plainte déposée en 2011, anti-quotas et taxes aux exportations, arguant que le pays ne pouvait pas limiter les exportations pour motif environnemental tout en continuant à extraire le minerai pour ses besoins domestiques. Mais la Chine avait eu le temps suffisant pour réaliser sa stratégie et dès lors réellement infléchir ses mesures. Cette transition entrait en cohérence avec le deuxième axe de la stratégie chinoise : le soutien à l’internationalisation de ses jeunes champions nationaux (cf. infra).

39En 2015, la Chine annonce la fin de sa politique de quotas et de taxes à l’export mais les remplace par une nouvelle politique industrielle, plus conventionnelle, faite de taxes sur les ressources et d’octroi de licences d’exportation, afin officiellement de prévenir la surconsommation et de stimuler l’intégration verticale [21].

40Ayant passé en revue les deux éléments de stratégie (obligation de localisation de contenu et quotas), revenons sur les outils de l’écosystème.

Un État chinois très impliqué pour appuyer le transfert de technologies vers la Chine

41Le transfert de Magnequench avait été le point d’orgue de la stratégie originelle ; l’implantation en Chine sans rachat de Gamesa, entreprise espagnole, est exemplaire de la nouvelle phase d’après 2005.

42La mesure passée en 2005 par la NDRC, imposant un contenu minimum de 70 % de contenu chinois, est contraire aux règles de l’OMC. Pour autant, les industriels concernés ne prennent pas le risque d’attaquer la Chine vue l’importance d’un marché que Beijing s’est donné les moyens de structurer à la fois par l’encadrement réglementaire et capitalistique de l’offre et par le financement orienté de la demande.

La seconde méthode chinoise « d’attraction technologique » : cas de l’espagnol Gamesa (2003)

Entreprise espagnole, Gamesa s’est à partir de 2003 progressivement déployée sur le marché chinois de l’éolien, jusqu’à en assurer 35 % en 2005 [22]. Après 2005, afin d’y poursuivre son développement commercial, Gamesa a externalisé la production de l’ensemble des composants et pièces d’assemblage de ses éoliennes et a pour cela formé ses partenaires chinois à la réplication de ses brevets, également suivie par les autres industriels de l’éolien présents en Chine. Pour accéder au marché, les entreprises étrangères ont formé leurs futurs concurrents, Beijing a monnayé le droit d’accès contre le développement de ses compétences technologiques, formation du capital humain incluse.

43Les transferts de savoirs opérés par des acteurs internationaux permettent potentiellement de densifier un écosystème d’acteurs en capacités technologiques. Cela ne suffit pas à faire émerger des champions nationaux capables de concurrencer les acteurs internationaux. D’où l’étape suivante.

44Le tissu de jeunes acteurs doit étendre le champ de ses compétences à l’ensemble de la chaîne de valeur ; cela passe par l’acquisition de brevets sur des produits industriels complets et/ou des fusions-acquisitions avec les entreprises étrangères détentrices de ces savoirs. Ces opérations, conventionnelles selon les règles du capitalisme international, sont cependant directement stimulées par Beijing. Nous présentons ci-après l’exemple de l’entreprise XEMC.

45La stratégie d’acquisition de Darwind par XEMC ouvre à ce dernier les portes des marchés occidentaux, son soutien par le gouvernement chinois amorce la deuxième axe de la stratégie de Beijing : le soutien de ses champions industriels à l’internationalisation (cf. infra), d’autant qu’en parallèle de la constitution d’un écosystème technologique a été constitué un marché domestique.

Constitution d’un marché domestique (2007-2012)

46Le seul soutien au transfert de technologies des entreprises internationales vers les entreprises chinoises peinant à créer un tissu industriel local, Beijing y adjoint des programmes de soutien à l’industrie calibrés selon les stades de développement de l’industrie domestique.

Développement d’XEMC, entreprise d’État soutenue financièrement, par le rachat de brevets technologiques étrangers

XEMC, ou Hunan Hara XEMC Windpower Company, existe depuis 1936. Spécialisée dans la production de moteurs et de générateurs, elle se reconvertit en 2006 dans la production de turbines pour éoliennes. En 2009, XEMC rachète l’entreprise danoise Darwind – spécialiste de la fabrication de turbines pour éoliennes offshore et détentrice d’un brevet pour une turbine offshore de capacité 5 mégawatts (MW) [23] − suite à la faillite de la maison mère Econcern. La turbine de 5 MW développée par Darwind est le fruit d’un projet initié en 2000 et soutenu par le gouvernement danois.
Cet exemple illustre la manière dont le gouvernement chinois aide ses entreprises nationales à acquérir les brevets à l’international. XEMC a pu racheter Darwind :
  1. car le secteur de l’éolien était en crise et de nombreuses entreprises en difficultés financières, peu intéressantes donc pour les capitaux occidentaux ;
  2. car XEMC bénéficiait des fonds du gouvernement chinois pour effectuer le rachat de Darwind.
La province du Hunan est actionnaire majoritaire de XEMC. Comme indiqué sur le site de la société : “Financial backing and staying power of XEMC, de facto a State owned company, is therefore guaranteed for many years to come”. Le CEO de XEMC Darwind Co. ltd, Hugo Groenemans, communique sur les avantages en « nature » que confère à XEMC son statut. Dans un entretien sur Renewable Energy World, il met en avant la réputation d’XEMC, ses génératrices de haute qualité, ses coûts du travail peu onéreux et son accès aux aimants permanents moins chers (De Vries, 2013).
Le soutien financier gouvernemental vise à acquérir des savoir-faire avant la rentabilité. Darwind a longtemps cherché des acheteurs européens avant de se vendre aux Chinois, mais le capital occidental cible la rentabilité financière plus que l’intérêt « technologique ».

Des plans quinquennaux calibrés pour l’incubation des jeunes groupes chinois

47En 2003, la Renewable Energy Promotion Law anticipe une forte croissance du réseau électrique et pose les bases de son adaptation aux énergies renouvelables. La loi répond à un triple enjeu : stratégique (réduction de la dépendance aux importations d’énergie), climatique et économique (développement des industries domestiques des renouvelables). Surtout, elle esquisse une politique commerciale du secteur renouvelable en autorisant les gouvernements locaux à recourir en toute liberté aux instruments classiques de politique tarifaire.

48Les mesures se renforcent avec la Renewable Energy Law (2005) qui instaure un environnement politique favorable à l’éolien industriel dont les acteurs domestiques sont protégés par la directive 1204 de la NDRC. 2005 est l’année où l’industrie chinoise de l’éolien franchit le « cap » du mégawatt (de capacité de turbine produite) [24].

49En 2007, l’État adopte une politique de soutien aux importations technologiques très ciblée. Le Conseil d’État restreint les exonérations de TVA et taxes à l’importation aux seuls composants nécessaires à la fabrication d’éoliennes de haute capacité et que les industriels chinois ne peuvent pas encore produire.

50En 2007, la Chine avait installé 6,04 gigawatts (GW) d’éolien et intégrait le top 5 mondial en matière de capacité installée. En 2008, avec 10 GW installés, le pays avait atteint −avec 3 ans d’avance− les objectifs du 11e plan quinquennal et passait dès 2009 au premier rang mondial des installateurs de nouvelles capacités. En 2009, la mise à jour de la Renewable Energy Law entraînait un élargissement de l’assiette de prélèvement du fonds de soutien à l’éolien (Lanckriet, 2012). À ces mesures centrales s’ajoutent celles de gouvernements locaux [25].

51Fin 2009, les industries chinoises de l’éolien « onshore » sont matures et la nouvelle frontière de l’industrie est celle de l’ « offshore », un saut technologique qui nécessite d’importer de nouveaux types de composants. En parallèle, la plainte déposée par les USA auprès de l’OMC contre les mesures de protection du marché chinois pousse Beijing à abroger sa directive d’obligation de « contenu local » des éoliennes assemblées et installées en Chine [26]. Cette loi avait atteint son objectif et son retrait « imposé » autorisait l’import de nouvelles générations de technologies.

Sélection des champions : mise en compétition pour l’accès aux aides domestiques

Beijing stimule une compétition entre ses différentes entreprises nationales qui vise à sélectionner les plus performantes. Différentes méthodes sont mises en œuvre.
L’énergie renouvelable est subventionnée en Chine mais cette subvention est l’un des outils de stimulation de la compétition. Les gouvernements central et régionaux procèdent par mise aux enchères « inversée » des subventions, pour i) subventionner au plus juste l’industrie, ii) privilégier un soutien public aux acteurs les plus compétitifs, iii) étalonner le budget national de soutien.

52En 2010, les industries chinoises maîtrisent les éoliennes de capacité moyenne de 2,5 MW et l’enjeu est d’atteindre 6 MW pour l’éolien offshore. Via le 12e plan quinquennal (2012-2017), Beijing programme pour la première fois des projets offshore et augmente le seuil de puissance moyenne requise pour les projets « onshore » [27]. Cette opportune convergence permet aux champions nationaux de poursuivre leur rattrapage technologique et de développer leur offre de service. En 2011, Sinovel collabore avec le chinois United Power pour produire et commercialiser les premières turbines offshore de 6 MW. Les industriels chinois passent du statut de fournisseurs d’éoliennes à celui d’installateurs et de gestionnaires de parcs, puis à celui d’investisseurs [28].

Une position technologique dominante sinisée en 5 ans (2007-2012)

53En cinq ans, en s’appuyant sur son marché intérieur, Beijing a structuré une industrie nationale de l’éolien. Les éoliennes des différents constructeurs présents en Chine contenaient alors plus de 95 % de composants fabriqués par des entreprises chinoises (Bradsher, 2010b), et les acteurs chinois occupaient 85 % de leur marché dopé par la commande publique [29]. De 4 entreprises chinoises du secteur de l’éolien en 2001, elles étaient plus de 80 en 2012. La figure suivante illustre cette transition :

Figure 1

Évolution de la répartition du marché éolien chinois (nouvelles capacités annuelles installées)

Figure 1

Évolution de la répartition du marché éolien chinois (nouvelles capacités annuelles installées)

Source : Jiahai et al., 2015.

54Beijing stimule également l’innovation technologique domestique. Un fonds spécial de soutien aux industriels nationaux est créé en 2008, réservé aux 50 premières éoliennes fabriquées avec des technologies innovantes. Le ministère subventionne la conception de chaque modèle de turbine innovant ayant 100 % de propriété intellectuelle chinoise.

55La figure 2 de la page suivante illustre le rattrapage technologique chinois en moins de 10 ans.

Figure 2

Capacité maximale des éoliennes installées en Chine

Figure 2

Capacité maximale des éoliennes installées en Chine

Source : Ru et al., 2012.

Soutien de Beijing à l’internationalisation des « poulains » chinois (2012-2018)

56Comme indiqué supra, le rachat par XEMC d’acteurs étrangers illustre la transition entre les deux axes de la stratégie chinoise : de l’acquisition de technologies étrangères par ses champions nationaux en devenir, à l’internationalisation de ces champions. Outre les brevets, à travers le rachat d’entreprises européennes, les acteurs chinois cherchent à acquérir des « véhicules » pour la diffusion de leurs technologies sur les marchés occidentaux.

57Via l’acquisition de Nordwind, XEMC accède au marché européen. Ce positionnement conforte notamment l’entreprise soutenue par Pékin et cotée à Shanghai [30] dans ses levées de fonds internationaux. L’entreprise réussit ainsi une transition progressive vers le capitalisme international tout en conservant les avantages d’un ancrage dans un pays rompu à l’usage de méthodes et réseaux pour appuyer ses industriels.

58Dans un secteur où la solidité financière de long terme est déterminante, les facilités conférées par la proximité d’XEMC aux capitaux publics chinois ont été un atout dans sa capacité à gagner les appels d’offres étrangers. Pour assurer son évolution sur le marché international et fort de ces soutiens, XEMC s’est diversifié sur l’exploration, le financement, l’installation et la gestion de parcs éoliens. En 2012, XEMC était le 5e producteur chinois de turbines à éoliennes, multipliant les co-entreprises avec des acteurs étrangers et exportant aux Pays-Bas, en Allemagne, en Finlande, au Japon, à Taïwan et en Chine (Bloomberg, 2017).

59XEMC s’est ainsi associé à l’américain Fishermen’s energy LLC en une joint-venture aux USA pour la fabrication d’éoliennes offshore destinées au marché américain. Autre exemple, celui de Goldwind, groupe chinois devenu en 2015 le premier acteur mondial de l’éolien [31] et dont le succès s’est construit sur la gamme de turbines développées grâce aux technologies obtenues par l’acquisition de parts majoritaires de l’allemand Vensys, en 2004 [32], [33].

60Sinovel, champion chinois de l’éolien en compétition directe avec Goldwind, s’est initialement développé à partir des technologies de l’allemand Fuhrländer, qu’il exploite sous licence depuis 2005. En 2005, Sinovel contractualise également avec l’américain AMSC, spécialiste des superconducteurs, et cette association lui permet d’acquérir les compétences en ingénierie et électronique de puissance nécessaires au développement d’éoliennes de grande portée que les deux sociétés conçoivent d’abord conjointement. En 2009, Sinovel commence à exporter des éoliennes de 3 MW. En 2012, Sinovel et Mita-Teknik – spécialiste des systèmes de contrôle électroniques pour éoliennes – annoncent le co-développement de systèmes de contrôle de nouvelle génération destinés à des clients chinois et internationaux [34] (Helm et al., 2012). Sinovel a, dès 2009, ouvert des bureaux aux USA et pu alors s’appuyer sur 13 milliards de dollars de liquidités fournies par les banques d’État chinoises…

61Ces entreprises bénéficient ainsi d’un triple flux de capitaux : gouvernementaux et privés, d’origine chinoise ou internationale. Dès 2009, la Chine dépassait les USA en termes d’investissements publics dans les énergies renouvelables. En 2010, elle a réalisé 20 des 38 introductions boursières mondiales d’entreprises liées aux secteurs des clean-techs ; levant en tout 4,7 milliards de dollars, la part majoritaire des investissements s’est effectuée dans l’éolien qui a rassemblé 2,8 milliards de dollars. Le pays devenait en 2011 le premier récipiendaire mondial d’investissement de capital risque destiné au secteur des clean-techs (il était au troisième rang en 2010). En 2015, les entreprises chinoises de clean-techs ont attiré 34,6 milliards de dollars issus de fonds privés, soit deux fois plus que les USA.

62Le deuxième axe de la stratégie chinoise est un succès : après avoir assuré l’attraction des technologies sur son sol, après y avoir organisé la pré-éminence des entreprises chinoises sur les entreprises internationales établies en Chine, le système appuie leur position à l’international. Il sert l’objectif initial de Deng Xiaoping d’intégrer sur le territoire chinois les industries de transformation des terres rares au stade le plus aval possible. En effet, l’essor international des champions chinois permet de vendre à l’étranger plus de composants et technologies fabriquées en Chine, d’élargir notamment les marchés des turbines fabriquées en Chine, un succès auquel contribuent également les étrangers attirés sur le territoire chinois par l’axe 1 de la stratégie chinoise. Gamesa, devenu grâce à son implantation chinoise le 7e producteur mondial d’éoliennes, produit la quasi intégralité de ses turbines en Chine.

Conclusion

63L’émergence des industriels chinois des nouvelles technologies au tournant du millénaire est l’aboutissement d’une stratégie de longue haleine. Les exportations de minerais brut initiées au début des années 1980 se sont dès la fin des années 1990 transformées en exportations de produits industriels intermédiaires (aimants, phosphores, poudres de polissage) puis en produits complexes intégralement produits et assemblés en Chine (téléphones portables, ordinateurs, batteries, moteurs électriques). Une singularité de méthode a permis au pays de réussir un rattrapage technologique mais surtout un déploiement industriel maîtrisé encore sous-analysé, et de structurer sur son territoire l’écosystème technologique et industriel national qui lui permet aujourd’hui de capter un maximum de la valeur ajoutée issue des ressources qu’il extrait du sol. L’avènement de l’industrie éolienne chinoise est ainsi l’un des exemples les plus complets de la réussite d’une stratégie d’État. Beijing, via des organismes comme les ministères mais aussi la National Development & Reform Commission, a organisé les transferts de technologies nécessaires au développement de chacun des segments de la chaîne de valeur, mettant en levier son monopole sur les terres rares de même que l’accès à son marché intérieur… Des leaders mondiaux du secteur ont délocalisé en Chine leurs activités de production et organisé la formation de leurs « partenaires » chinois à la reproduction de leurs technologies : une greffe réussie et qui doit son succès à la constance des méthodes chinoises préparées par la formation très en amont de compétences technologiques locales.

64Loin d’un positionnement opportuniste, c’est une stratégie cohérente et suivie dans la durée, d’investissement dans le capital humain et social, d’apprentissage inter-administrations, et d’une habile mise en levier d’un avantage construit sur les ressources naturelles.

Notes

  • [1]
    Les auteurs remercient l’Institut de la Mobilité Durable – Fondation Renault – ParisTech pour son soutien.
  • [2]
    Des auteurs soulignent cependant la limite d’une Chine sans capacités d’innovation radicale ou en matière industrielle (Mancheri et al., 2013), ses brevets étant principalement de « design » (Jiahai et al., 2015).
  • [3]
    Entre 1990 et 2014, la consommation domestique de terres rares est passée de 10.000 à 73.000 tonnes.
  • [4]
    Notre article propose ici une relecture de la première phase de construction d’un avantage comparatif par l’adjonction d’un savoir-faire technologique aux ressources naturelles locales, mais sans avoir véritablement fait émerger une industrie.
  • [5]
    Ici nous proposons une explication de l’émergence industrielle par une combinaison d’innovations : dans l’institutionnalisation accélérée des transferts technologiques, mais aussi la capitalisation d’apprentissage autour des « programmes technologiques » d’État.
  • [6]
    80 % de ces aimants sont réalisés sur le sol chinois (Shen, 2015, cité par Bartekova and Kemp).
  • [7]
    85 % des aimants pour les missiles autoguidés de l’armée américaine étaient fournis par Magnequench.
  • [8]
    La Heritage Foundation en 2008 mentionna des pressions du gouvernement chinois auprès de General Motors pour céder Magnequench contre l’autorisation de lignes de production de véhicules à Shanghaï (De Lima & Leal Filho, 2015).
  • [9]
    Titulaire d’un bachelor degree en physique en 1970, il rejoint en 1973 la Chinese academy of Sciences et ses recherches portent sur les aimants superconducteurs. Sa femme, fille de Deng Xiaoping, Deng Nan, était la vice ministre du State Science and Technology Comission durant les négociations pour l’acquisition de Magnequench.
  • [10]
    Site internet de l’entreprise Neo Performance Material : https://www.neomaterials.com/our-history/, consulté le 20/03/2017.
  • [11]
    CNOOC est sous contrôle de la SASAC – State-Owned Assets Supervision and Administration Comission of the State Council, qui détient 70 % de ses parts. L’offre est de 18,5 milliards de dollars (Mancheri et al., 2013).
  • [12]
    Au moment de son rachat, Magnequench se fournissait déjà de manière croissante auprès de producteurs chinois de terres rares.
  • [13]
    Principal producteur australien de terres rares par la China Non-Ferrous Metal Mining Co.
  • [14]
    Prise de participation de la Jiangsu Eastern China Non-Ferrous Metals Investment Co. à hauteur de 25 %.
  • [15]
    Cette loi s’inscrit dans la continuité d’une montée en puissance progressive de la protection du marché chinois aux importations de technologies liées aux énergies renouvelables : instaurées en 1996, elles avaient été renforcées en 2003.
  • [16]
    Fusion de plusieurs micro-compagnies en 6 grands groupes industriels d’État et « chasse » à la production sauvage : arrêts de production volontaires, réduction de capacités nationales de production et création de stocks.
  • [17]
    Le MIIT a émis une circulaire sur les « critères d’entrées pour les industries du secteur des Terres Rares ». Ce texte stipule un volume minimum d’équipement industriel et de capitaux investis et des critères de pratiques environnementales. En novembre 2010, le MOFCOM, impose d’appliquer la norme internationale de qualité́ ISO 9000, condamnant de nombreuses petites exploitations.
  • [18]
    (-4 % en 2007, -5,5 % en 2008 et -12 % en 2009).
  • [19]
    Entre-temps, Beijing était déjà parvenu à amener une relocalisation des principales industries françaises, américaines et japonaises des terres rares en Chine (De Lima & Leal Filho, 2015).
  • [20]
    Dans son rapport sur l’industrie des nouveaux matériaux publié le 22 février 2012, le MIIT souligne l’objectif d’augmenter la part des terres rares allouée à l’industrie chinoise sur la période 2012-2015. La restructuration du secteur minier – au service d’un contrôle plus étroit par le pouvoir central – demeure une priorité et, en 2012, le ministre Miao Wei propose de fusionner les entreprises publiques et privées du secteur minier des terres rares en 2 ou 3 entités, invoquant le respect des normes environnementales.
  • [21]
    Shen, 2015, cité par Bartekova and Kemp.
  • [22]
    Gamesa y commercialisait ses éoliennes mais ne les y produisait pas.
  • [23]
    Les composants de base sont des aimants permanents, fabriqués à partir des terres rares chinoises.
  • [24]
    En 2005, 21,5 % de la production nationale chinoise atteint le MW (85 % en 2009).
  • [25]
    Les provinces du Hebei, du Jiangsu et du Xinjiang ont ainsi défini leurs propres objectifs de développement de l’énergie éolienne, additionnels à ceux du gouvernement central.
  • [26]
    La circulaire NDRC Energy [2009] No. 2991 abolit la directive NDRC [2005] No. 1204 imposant 70 % de contenu chinois dans les éoliens installées en Chine.
  • [27]
    Avec une capacité moyenne entre 3 et 5 MW pour l’éolien onshore et de 5 à 10 MW pour l’offshore.
  • [28]
    Cette progression en compétences inclut l’expertise amont d’évaluation des gisements de vent.
  • [29]
    Gamesa ne détenait alors plus que 3 % du marché mais son chiffre d’affaires en Chine avait doublé sur la même période. En 2010, Gamesa était le 3e acteur mondial pour la production et l’installation d’éoliennes, derrière Vestas et General Electrics.
  • [30]
    Filiale de Xiangtan Electric Manufacturing Co. Ltd.
  • [31]
    Goldwind était en 2014 le 4e groupe mondial, derrière Siemens, Vestas et General Electrics, avec 9,2 % des parts de marché mondiales de l’éolien (4,8 GW installés, dont 4,43 GW en Chine, son marché domestique).
  • [32]
    70 %. En 2014, Goldwind a obtenu des contrats pour des marchés roumains et panaméens, signé une joint-venture en Corée du Sud et sa filiale aux USA avait commencé à vendre des turbines de 2,5MW – fabriquées en Chine – sur le marché américain. En 2015, l’entreprise annonçait des contrats en Afrique du Sud et au Pakistan (WP, 2016).
  • [33]
    D’autres compagnies ont réalisé leur rattrapage technologique par l’acquisition de brevets ou licences auprès d’entreprises étrangères : A-Power, CSIC, Beizhong, Windey and Zhuzhou (licences obtenues d’entreprises européennes ou américaines telles Norwin, Aerodyn, DeWind, REPower, Windtec, respectivement).
  • [34]
    Les termes de l’accord passé avec Mita-Teknik accordent à Sinovel les droits de propriété intellectuelle sur tous les codes et programmes apportés par Mita-Teknik et modifiés dans le cadre de leur collaboration.
Français

La percée des industries chinoises des technologies environnementales – éolien, solaire – en apparence fulgurante, est le fruit d’une stratégie d’État menée sur le long terme. Le pouvoir central a transformé en « avantage industriel construit » à l’aval (sur les technologies) son avantage naturel précédemment construit à l’amont : le monopole mondial de production des terres rares. L’analyse de segments de chaînes de valeur contingentés dans le temps et/ou dans l’espace n’explique pas l’éclosion du système industriel chinois des nouvelles technologies. Au niveau du système national d’innovation, la structuration industrielle a été orchestrée selon une quadruple stratégie scientifique, industrielle, économique, diplomatique.

English

The long march of China’s new “environmental” technologies: State capitalism, “constructed” comparative advantages and the formation of an industry

The long march of China’s new “environmental” technologies: State capitalism, “constructed” comparative advantages and the formation of an industry

The stunning breakout of Chinese industries in environmental technology (wind and solar power) ensues from a long-term government strategy. Central authorities have turned the country’s world monopoly over rare earths from a natural advantage located upstream in the value chain into an “industrial advantage constructed” downstream (and based on technology). An analysis of segments of the value chain limited in time or space does not explain the upsurge in this new industrial technology. At the level of the national system of innovation, the structure of industry has been orchestrated using a fourfold strategy: scientific, industrial, economic and diplomatic.

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Édouard Lanckriet
Édouard LANCKRIET est ingénieur agronome et titulaire d’un mastère spécialisé franco-chinois en gestion de l’environnement. Il a commencé son parcours professionnel à Pékin par du conseil en stratégie dans le secteur des nouvelles technologies : véhicule électrique, énergies solaire et éolienne. Ses travaux l’ont amené à explorer les déterminants politiques de long terme à l’origine de la construction d’avantages compétitifs liant capital naturel, technologies et industries dans les pays émergents. Il a poursuivi ses recherches par une thèse de doctorat en socio-économie du développement sur la filière de la canne à sucre brésilienne où il analyse l’évolution des trajectoires technologiques des filières bio-industrielles issues de la canne à sucre aux enjeux de compétitivité du pays d’abord, à la capacité d’auto-régénération du capital naturel ensuite. Dans sa thèse, il analyse la possibilité d’une croissance véritablement durable basée sur la stimulation des propriétés biologiques du capital naturel vivant et la substitution de produits issus de ressources fossiles par des produits biosourcés que permettent notamment les récentes avancées des génies génétique et biochimique. Ses travaux pointent les déterminants sociologiques et politiques d’une innovation technologique au service d’une croissance basée sur les ressources locales dans les pays émergents et, partant, de modèles de croissance techno-industriels spécifiques aux territoires. Depuis 2018, il accompagne la transformation du secteur agricole et des industries du territoire dans un cabinet d’expertise-conseil en agronomie et environnement.
Joël Ruet
Joël RUET né en 1972, ancien élève de l’École des mines de Paris, est économiste, chercheur CNRS au CEPN (Centre d’économie de Paris-Nord) et associé au Centre de Recherche en Gestion (CRG) de l’École polytechnique. Ancien visiting Fellow de l’université de TsingHua (Beijing) et de la London School of Economics, il a enseigné à l’École des Mines de Paris, à HEC-Paris, à l’université Jawaharlal Nehru (New Delhi, Inde) et à l’université Rennes II. Joël Ruet préside le think tank The Bridge Tank, membre du groupe «Think20» du G20. Il est expert référencé par la National Development and Reform Commission du Conseil d’État de Chine. Il a été chroniqueur « Économies émergentes » pour le Supplément Économie du Monde de 2007 à 2014 et depuis publie régulièrement des tribunes dans Le Monde Afrique ou Diplomatic Courier (Washington DC). Il est régulièrement invité sur France 24. Spécialiste de l’émergence, notamment en Chine, en Inde et en Afrique, ses travaux portent sur la recomposition industrielle et l’économie politique du capitalisme, et sur l’innovation conjointe technologique-financière-sociale dans la lutte contre le changement climatique. Il est l’un des co-animateurs des débats et travaux de l’axe « Vision Mondiale » de l’Institut de la Mobilité Durable Renault-ParisTech. Il est l’auteur du livre Des capitalismes non-alignés : Les pays émergents, ou la nouvelle relation industrielle du monde, publié aux éditions Raisons d’Agir (2016). Analysant la dimension industrielle de l’essor des économies émergentes, il montre qu’elles ne convergent pas plus vers un modèle capitaliste-libéral en voie d’unification qu’elles ne peuvent être réduites à des capitalismes d’État centralisés et autoritaires. Ces émergences sont marquées par l’invention de formes étatico-économiques originales, non seulement non-alignées aux capitalismes de l’Occident mais déjà capables de changer la face de la mondialisation, sur fond d’une foisonnante diversité, d’une innovation de trajectoire. Joël Ruet a vécu en Inde, en Chine et en Afrique de l’Ouest.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 19/06/2019
https://doi.org/10.3917/geco1.136.0003
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