CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Depuis plusieurs années, le marché du véhicule électrique en Chine apparaît comme un eldorado potentiel pour les constructeurs mondiaux. Pour des raisons de pollution urbaine et de politiques publiques environnementales, comme pour des raisons de sécurité énergétique et de stratégies industrielles, la Chine développe depuis les années 1990 une politique volontariste impressionnante et continue en faveur de la mobilité électrique.

2Pourtant, le marché des « vraies » voitures électriques ne parvient toujours pas à décoller. Les politiques incitatives se succèdent et s’amplifient sans pour autant déclencher la vague attendue des consommateurs sur un marché exigu, où les constructeurs chinois se battent avec les constructeurs occidentaux qui essaient de vendre leurs offres de véhicules électriques, y compris les plus sophistiqués.

3À côté de ce marché automobile des véhicules électriques (VE) « officiels » se développe de manière impressionnante, dans des villes de province, un marché de véhicules « illégaux », les micro-véhicules électriques (MVE), qui occupent l’espace intermédiaire entre les scooters électriques et les voitures conventionnelles. Ces véhicules électriques ne répondent pas aux normes exigées des « vraies » voitures électriques ; leurs performances et leur coût les placent de manière significative en marge du marché officiel. Mais, contrairement aux VE classiques, ces MVE ont d’autant plus su trouver leur clientèle dans un usage de mobilité de proximité dans les villes de province qu’en majorité, ils ne demandent pas de posséder le permis de conduire, ce qui ouvre le marché à des clients âgés qui n’auraient pas accès à la mobilité automobile classique et pour lesquels le deux-roues devient problématique. Ce marché des MVE est aujourd’hui exclusivement occupé par des fournisseurs chinois, le fossé entre les caractéristiques des deux types d’offre étant infranchissable pour des constructeurs mondiaux.

4Cette situation de dualité du marché automobile électrique entre un marché VE officiel exigu et un large marché MVE autorisé localement, mais non conforme officiellement, va-t-elle perdurer ? Peut-on envisager qu’une dynamique de la régulation de la mobilité électrique chinoise bouleverse cette situation, incitant, d’un côté, les fournisseurs de MVE à améliorer leur offre et créant, de l’autre, en deçà des exigences du marché officiel actuel, une nouvelle niche de véhicules électriques moins chers et mieux adaptés à une base de clients potentiellement immense ? Comment les constructeurs globaux peuvent-ils intégrer de telles dynamiques dans leurs stratégies visant des marchés qui restent des plus attractifs, en termes de croissance ?

5L’objectif de cet article est d’apporter des éléments de réponse à ces trois questions. Il est construit en trois parties.

6Dans la première partie, nous caractériserons cette dualité du marché en précisant les différences entre les deux types de produits, l’état actuel de leur déploiement et les différences radicales qui les opposent en termes de régulation de produit comme en termes d’usage de mobilité.

7Dans la deuxième partie, nous interrogerons les dynamiques de ces deux marchés à la lumière des politiques chinoises en matière de normalisation de la mobilité automobile. Nous montrerons que l’hypothèse d’une dynamique de rapprochement entre ces deux marchés, aujourd’hui totalement cloisonnés, est la plus probable, et ce pour des raisons qui tiennent à la fois à la consistance des stratégies chinoises en matière industrielle et d’environnement, et à une tradition d’intervention pragmatique alliant le laisser-faire ex ante des initiatives locales et la reprise en main ex post des expérimentations les plus abouties.

8Dans la troisième partie, nous expliciterons les problématiques que posent ces dynamiques aux stratégies des constructeurs occidentaux. Nous insisterons sur l’importance d’une implication dans la « zone grise » des initiatives actuelles, sur lesquelles vont, de fait, se construire les normes des marchés des futurs VE en Chine.

9Dans notre conclusion, nous reviendrons sur des enseignements généraux sur le rôle de la réglementation dans les stratégies de reverse innovation (GOVINDARAJAN et TRIMBLE, 2012).

10Cet article s’appuie sur une recherche doctorale [1] menée au Centre de recherche en gestion de l’École polytechnique dans le cadre de l’Institut de la mobilité durable, un programme de recherche coopératif entre Renault et les établissements de ParisTech. Cinq missions ont été menées en Chine entre avril 2013 et janvier 2016. Le matériau a été collecté au travers d’entretiens avec des acteurs de l’industrie et de collaborations académiques, ainsi que d’enquêtes de terrain spécifiques menées dans une région chinoise où le marché des MVE est très développé (CHEN et MIDLER, 2016a). Ce travail a bénéficié de deux ans de collaboration avec le Center for Automotive Industry (CAI) School of Automotive Studies, à l’Université de Tongji, à Shanghai (Chine).

Le marché dual de la mobilité électrique en Chine

11Le marché du VE en Chine se divise en deux parties, le marché officiel et le marché informel (voir la Figure 1 ci-après). L’essentiel des ventes du marché officiel présente une typologie en 4 segments. Les hybrides rechargeables de milieu de gamme connaissent une forte croissance, car ils investissent des opportunités réglementaires : ils profitent des subventions accordées aux VE, tout en permettant un usage proche de la mobilité thermique. Les VE 100 % électriques sont divisés en 3 segments : le premium est monopolisé par des Tesla d’importation, le milieu de gamme est investi par la majorité des constructeurs chinois (BYD, BAIC et SAIC) et étrangers, et, enfin, le bas du segment est dominé par des constructeurs chinois (Chery, Geely et Zotye). Le marché des MVE informels, qui est près de 10 fois supérieur à celui des VE « officiels », est, quant à lui, constitué d’une multitude de constructeurs (illégaux, aux yeux du gouvernement central) qui produisent des véhicules allant de trois-roues électriques à de véritables automobiles électriques low cost.

Figure 1

Typologie du marché des véhicules électriques en Chine et volumes de ventes cumulés de 2009 au premier trimestre 2015

Figure 1

Typologie du marché des véhicules électriques en Chine et volumes de ventes cumulés de 2009 au premier trimestre 2015

Un marché officiel forgé par des initiatives institutionnelles

12Le marché officiel du VE en Chine est formé des constructeurs automobiles domestiques officiels – reconnus par le gouvernement central et détenteurs d’une licence constructeur – et de constructeurs étrangers ayant créé une coentreprise avec leurs homologues locaux. Il a été formaté par les forces institutionnelles et politiques au travers de programmes de développement des technologies, des industries et du marché du VE. Les VE officiels sont éligibles aux aides à l’achat et aux incitations fiscales mises en place par le gouvernement central et par de nombreux gouvernements locaux. Dans les principales métropoles, l’immatriculation de ces véhicules est gratuite et quasi immédiate. À l’inverse, les futurs acheteurs de véhicules thermiques doivent attendre plusieurs années et payer pour obtenir leur immatriculation jusqu’à l’équivalent de 10 000 euros, à Shanghai ou à Beijing. Mais, surtout, les VE 100% électriques et les véhicules hybrides rechargeables peuvent circuler librement dans ces villes, alors qu’à Beijing, la circulation alternée a été décrétée pour les véhicules thermiques.

13Outre le Premium Tesla importé, le VE milieu de gamme se heurte à l’insuffisance d’autonomie de l’offre actuelle par rapport aux équivalents thermiques, au manque d’infrastructures de charge publiques et à la difficulté d’installer des bornes de recharge privées (WU et al., 2015). Ce sont les flottes captives qui ont été investies les premières par les gouvernements locaux, engendrant des initiatives top-down comme la flotte de 4 000 taxis BYD e6 [2], à Shenzhen, ou des entreprises de location longue durée de VE. Ce n’est que dans des environnements réglementaires contraignants, comme à Beijing, que les ventes de VE sont significatives auprès des particuliers.

14C’est finalement par le bas que le marché officiel du véhicule électrique rencontre aujourd’hui la plus forte croissance. En effet, les VE low-end[3] contribuent à 60 % aux ventes de véhicules 100 % électriques en Chine, en 2015. La plupart d’entre eux (Zotye Z100, Chery eQ ou Geely-Kandi K10/K11) bénéficient des mêmes incitations financières et réglementaires que les VE de milieu de gamme, hormis un véhicule à batterie au plomb, le Chery QQ, apparu en 2009 et leader des ventes de VE officiels en 2012 et 2013. Ce Chery QQ [4] a servi d’inspiration aux constructeurs de micro-VE qui en ont développé un marché illégal, de 2009 à ce jour.

Un marché informel en plein essor évoluant dans des vides institutionnels

15Les micro-véhicules électriques (MVE) sont des véhicules ruraux et urbains compacts, majoritairement adoptés par des particuliers. Les MVE fonctionnent grâce à des batteries au plomb, dont la technologie, loin de l’état de l’art, est néanmoins éprouvée et bon marché – il est à noter que la très légère percée du VE en Inde suit aussi cette voie du recours à la batterie au plomb, d’autres voies plus « propres » se révélant décevantes (du moins pour le moment). Leur autonomie, variant de 50 à 150 km, et leur vitesse maximale, allant de 40 à 80 km/h (KIMBLE et WANG, 2013 ; WANG et KIMBLE, 2012), correspondent à des usages de proximité. Leur recharge s’opèrent exclusivement sur une prise 220 V. Leurs qualités diffèrent, allant de la voiture de golf modifiée à de véritables automobiles. Ils n’observent pas les normes automobiles (notamment de sécurité) et ne requièrent pas, dans la plupart des villes, de permis de conduire. Mais malgré leurs prestations et leurs technologies limitées, surtout au regard des standards occidentaux, il s’en est vendu plus d’un million depuis 2009 (CHEN et MIDLER, 2016a).

16Les MVE sont nés de l’expertise des constructeurs de deux-roues électriques et de véhicules thermiques agricoles et ruraux, des industries qui se sont également développées « hors du contexte traditionnel des politiques de développement technologique » (WELLS et LIN, 2015). Ils s’appuient sur une stratégie produit low-tech, à contresens des directives du gouvernement central en faveur du développement technologique des VE officiels. En ce sens, les MVE sont un exemple typique de produits « good enough » (GADIESH et al., 2007) – et, ici aussi, le parallèle avec l’Inde est intéressant : sur le marché plus réglementé de ce pays, la Tata Nano, véhicule thermique mais « good enough » par excellence, a été, de fait, un échec commercial par comparaison aux ventes de véhicules conventionnels. Les constructeurs non officiels ne réalisent aucun investissement dans le développement des technologies, notamment dans celle des batteries. Ils se concentrent plutôt sur le déploiement de leurs produits auprès d’une base clients existante possédant des engins agricoles, des tricycles commerciaux ou des deux-roues électriques (SHEN et al., 2015). On peut noter, enfin, que, géographiquement, ces produits se développent dans les villes petites et moyennes. Laissées-pour-compte des politiques d’appui aux constructeurs traditionnels, ces villes encore peu congestionnées bénéficient d’une « mobilité intra-électrique » : leurs typologies plus compactes les placent dans un tissu de distances inter-municipalités les rendant compatibles avec des autonomies-véhicule relativement faibles (LANCKRIET et RUET, 2011).

17Pour l’usager, les MVE sont moins chers à l’achat que leurs équivalents thermiques low cost. De même, ils coûtent en moyenne 8 fois moins cher à l’utilisation et sont plus faciles à entretenir (WANG et KIMBLE, 2013). Ils sont, pour la majorité d’entre eux, rechargés au domicile de leurs utilisateurs et pendant la nuit, lorsque l’électricité est moins chère. Contrairement aux marchés officiels, en Chine comme en Occident, les MVE sont donc davantage adoptés, car ils sont plus coût-performants que leurs équivalents thermiques. Les conducteurs sont âgés (en majorité) de plus de 45 ans et utilisent leur MVE pour leurs trajets quotidiens (urbains ou entre la ville et la campagne). Ces petites voitures répondent à des usages de proximité : faire les courses, accompagner les enfants ou petits-enfants à l’école, ou encore, se rendre à son travail. Ce marché non régulé n’imposant pas la détention du permis de conduire, la grande majorité des usagers n’en possède pas.

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« Les constructeurs non officiels ne réalisent aucun investissement dans le développement des technologies, notamment dans celle des batteries, ils se concentrent plutôt sur le déploiement de leurs produits auprès d’une base clients existante possédant des engins agricoles, des tricycles commerciaux ou des deux-roues électriques. »
Jeunes mariés chevauchant un scooter électrique, Xining, Chine, 11 mai 2017.
Photo © Shi Tingyi/SIPA ASIA via ZUMA Press /REA

18En Chine, les MVE se déploient rapidement dans les vides institutionnels laissés par les réglementations et les normes automobiles nationales. Par contre, dans ces environnements où les réglementations nationales sont inexistantes, les institutions informelles – le guanxi – comblent ces vides (PUFFER et al., 2010) et les gouvernements locaux s’engagent directement, lorsqu’il y a un enjeu pour eux à développer une industrie forte. C’est le « fédéralisme chinois » (QIAN et ROLAND, 1999), contrairement à l’idée généralement répandue d’un pays piloté uniquement par un « trickle-down » institutionnel [5]. Ainsi, du fait qu’ils participent pour la plupart d’entre eux de manière significative à la puissance économique des régions et des villes hôtes, les constructeurs de MVE entretiennent des liens forts avec les gouvernements locaux – régionaux, mais surtout municipaux (SHEN et al., 2015).

19Face au constat, d’un côté, de la prééminence de l’entrée de gamme dans le marché officiel et, de l’autre, du dynamisme du marché des MVE, la question qui se pose est de savoir quelle est la frange « haute » du secteur informel qui pourrait trouver un intérêt à se relier au segment bas du marché officiel. En termes de produit, quelle partie de ce marché illégal se rapproche-t-elle le plus d’une innovation frugale, telle que Renault a pu, par exemple, en développer en Inde avec la Renault Kwid (MIDLER et al., 2017) ? Et en termes de structure d’offre, comment certains producteurs de MVE peuvent-ils intégrer dans leur niche géographique le réseau des constructeurs « low-end officiels », qui sont eux-mêmes de plus en plus présents dans les provinces ?

Deux marchés évoluant dans des environnements sociotechniques et institutionnels quasi disjoints

20Notre analyse empirique du marché du véhicule électrique en Chine (CHEN et MIDLER, 2016a) montre que celui-ci est scindé en deux parties quasi disjointes tant du point de vue de l’industrie et des marchés géographiques que de la réglementation et du soutien des pouvoirs publics. Le marché officiel est concentré dans les villes de rangs supérieurs et bénéficie du soutien constant du pouvoir central et des institutions locales. Il est à noter qu’en Chine, ce type de « politiques parallèles du développement industriel » (ARVANITIS et ZHAO, 2008) ou d’« économie en strates » (RUET, 2016) est loin de se réduire au seul marché automobile, on le retrouve en effet dans de nombreuses autres industries. Développé en co-entreprises sino-étrangères très encadrées, le secteur automobile a longtemps fait exception (RICHET et RUET, 2008 ; BALCET et RUET, 2012). Des licences de production accordées dans de nombreuses provinces avaient ainsi fini par devenir totalement obsolètes et donc non utilisées. BYD a d’ailleurs profité de l’une de ces « licences oubliées », rachetée à la province du Xinjiang, pour développer ses premiers véhicules (RUET, 2016). Au final, la double difficulté rencontrée par l’industrie chinoise ‒ à savoir rattraper internationalement son retard sur la technologie du moteur thermique et développer un marché de VE top-down ‒ l’a conduite récemment à « normaliser » cette longue exception. Le deuxième marché, le marché informel, a, quant à lui, émergé, sans le soutien des autorités centrales, dans les villes de rang inférieur. Alors que le protectionnisme local des grandes métropoles empêche l’entrée des MVE informels, les VE low-end officiels sont déployés dans les villes de rang inférieur bénéficiant des aides à l’achat allouées par les États locaux. Ces territoires intermédiaires sont ainsi le lieu de la rencontre de ces deux mondes.

21La coexistence de ces deux marchés naît d’un équilibre entre institutions formelles et institutions informelles (PUFFER et al., 2010), ainsi que d’une grande diversité dans la géographie des systèmes sociotechniques (HANSEN et COENEN, 2015). Loin de Shanghai et de Beijing, les villes chinoises de taille plus petite montrent des profils sociotechniques favorisant le développement des MVE : une densité de stations-service et de transports publics plus faible, des croissances urbaine et économique importantes, de grands besoins de mobilité de proximité pour des populations à revenus plus modestes, et davantage de places pour stationner et recharger son véhicule de manière plus ou moins frugale.

22Dès lors, pourquoi et comment élaborer une réglementation permettant d’unifier les deux marchés ? Sur la base d’autres travaux (RUET, 2016), nous défendons l’idée que, dans le contexte spécifique chinois, au-delà du « marché », c’est du côté des politiques industrielles de moyen terme et des normalisations associées qu’il convient de chercher la réponse.

Politiques chinoises et dynamique de la normalisation de la mobilité

Des politiques chinoises volontaristes

23La Chine est un pays de « planification souple » : la planification y est développée dans le cadre de son système socialiste, mais elle est souple en ampleur (avant les réformes : seulement 700 produits planifiés, contre 20 000 en ex-Union soviétique) et en termes de process, selon le « fédéralisme chinois ». Sa stratégie consiste à développer l’électromobilité de manière systémique sous la forme d’investissements dans la recherche et l’industrie, d’aides à l’achat de véhicules, d’attributions gratuites et immédiates d’immatriculations, d’exonérations de taxes ou encore du déploiement d’infrastructures de charge publique. Dès les années 1990, la recherche et le développement des technologies VE ont été initiés par l’actuel ministre des Sciences et de la Technologie, M. Wan Gang. Les modèles captifs (comme les flottes de bus et de taxis) et les véhicules spéciaux (véhicules d’assainissement et de logistique, camions-poubelles) sont développés avec succès dans les années 2000 à grand renfort d’investissements (principalement municipaux). Il s’agit pour les autorités de manager des niches stratégiques (XUE et al., 2016), qui sont autant de villes chinoises en compétition les unes avec les autres, ayant chacune des réglementations locales, des produits, des modèles d’affaires et des technologies différents (SHEN et al., 2015 ; HUCHET, RICHET et RUET, 2015).

24L’année 2009 marque la mise en œuvre de la première phase du programme des villes pilotes VE (2009-2012) visant à promouvoir l’achat en masse de VE. Le programme s’avère être un échec auprès de la population. Et ce, même si de sévères restrictions – comme la mise en place de la circulation alternée à Beijing – pénalisent de plus en plus les possesseurs de véhicules thermiques. La deuxième phase des villes pilotes VE (2013-2015) ne rencontre pas davantage de succès : à part dans les villes soumettant les véhicules thermiques à de fortes contraintes et malgré un dispositif d’incitation avantageux, le marché de consommation du VE peine à décoller. Fin 2014, le gouvernement central, poussé par le Premier ministre Ma Kai et le Président Xi Jinping, s’attaque au problème de l’infrastructure de charge, qui est jugé comme le premier frein à l’adoption de masse de la mobilité électrique.

25Ce n’est qu’en 2015, que le gouvernement met en place un comité chargé de rédiger la future réglementation nationale des MVE regroupant des représentants des pouvoirs publics, d’instituts technologiques d’État, des constructeurs et des experts académiques. La réglementation technique des micro-VE du 18 novembre 2016 enflamme la discussion : le gouvernement veut imposer des conditions de légalisation drastiques, un texte qui, en l’état, tuerait l’industrie des MVE du Shandong. En 2017, le débat se poursuit entre autorités centrales, gouvernements locaux et industriels ‒ un débat fortement influencé par ce marché en pleine croissance, mais dont les consommateurs restent plongés dans l’incertitude.

Les bénéfices d’une normalisation de l’industrie informelle des micro-VE

26Les forces œuvrant en faveur de la légalisation des MVE sont multiples. La Chine a annoncé avant tout un objectif national de 5 millions de véhicules à énergies nouvelles vendus à l’horizon 2020. Pour les constructeurs domestiques et étrangers, le respect des normes de pollution chinoises très sévères et basées sur le nombre de véhicules vendus impose de contrebalancer les ventes de véhicules thermiques par celles de véhicules électriques. Or, le « bottom of the pyramid » que constituent les MVE est composé de produits abordables et à faibles marges, mais générateurs pour cette raison de ces importants volumes de vente. La diminution, puis la suppression annoncée des aides à l’achat de VE pour 2020 pousse davantage à reconsidérer le prix des gammes, à la baisse. Enfin, l’augmentation de la sécurité des MVE devient un enjeu national, les incidents se multipliant et faisant le tour des réseaux sociaux chinois.

27La régulation de l’industrie automobile par le gouvernement a poussé à la constitution de marques « chinoises ». L’industrie chinoise s’est adaptée face à son incapacité à rattraper les constructeurs étrangers dans le domaine du moteur thermique – et ce malgré le rachat de Volvo par le constructeur chinois Geely et l’installation d’usines de moteurs Volvo sur le sol chinois. À l’inverse, dans le domaine du VE, la Chine est aujourd’hui convaincue de sa forte capacité de rattrapage suite à la constitution d’un écosystème de technologies vertes sur son sol (RUET, 2016) et au fait que BYD, qui s’internationalise, semble émerger en tant que marque « mondiale ». Dans le même élan, les MVE, du fait de leur simplicité technologique, représentent une industrie à fort potentiel d’exportation pour la Chine.

Les défis à venir entre seuils réglementaires, application de la réglementation et crédits CAFC [6]

28Plusieurs mécanismes participent à la détermination du niveau des réglementations relatives au MVE. D’un côté, la résistance du régime conforte la mise en place de seuils réglementaires techniques et économiques élevés, poussant ainsi le développement des technologies et de la sécurité et limitant la disruption des acteurs en place – l’industrie officielle – par la niche que sont les MVE (GEELS, 2014). De l’autre, les objectifs 2020 et la logique de développement économique et industriel poussent à une légalisation en masse des MVE favorisant de fait des seuils réglementaires plus laxistes. Autre facteur influent : une grande partie des usagers actuels de MVE n’ont pas le permis de conduire. Le rendre obligatoire au niveau national pourrait tuer dans l’œuf une industrie certes informelle, mais prospère.

29Cependant, l’application même de la nouvelle réglementation nationale des MVE aux niveaux locaux – provincial et municipal – est incertaine. L’industrie « pirate » des MVE s’apparente au Shanzhai – les copies chinoises low cost – qui concerne aujourd’hui un large spectre de secteurs (allant des téléphones mobiles à la restauration Shanzhai) évoluant dans des vides institutionnels (HENNESSEY, 2012). Les diversités régionales et la compétition entre gouvernements locaux rendent ainsi difficile une politique de convergence nationale, à l’image de l’intégration incomplète de l’industrie automobile dans l’Union européenne (JULLIEN et SMITH, 2014). La légalisation des MVE n’interviendrait pas d’un seul coup et partout en Chine, mais initierait plutôt une transition hétérogène (BRIDGE et al., 2013 ; HANSEN et COENEN, 2015) intervenant à des moments différents dans les différentes villes et provinces. Industrie et marché informels peuvent donc continuer à coexister (PUFFER et al., 2010), notamment dans les villes de rang inférieur.

30Mais alors que l’objectif avéré de la légalisation des MVE est de les comptabiliser dans les chiffres de vente nationaux, les crédits CAFC intéressent les constructeurs souhaitant continuer à vendre des voitures thermiques. Une évolution contextuelle nouvelle, et non des moindres, que la Chine a traduite dans son nouveau Plan quinquennal, avec pour ambition de devenir le premier marché de crédits carbone du monde.

Figure 2

Scénario d’évolution de la régulation : légalisation des MVE et création d’un nouveau standard de type quadricycle

Figure 2

Scénario d’évolution de la régulation : légalisation des MVE et création d’un nouveau standard de type quadricycle

31Dès lors, le scénario d’évolution de la régulation le plus probable est le suivant.

32D’un côté, serait stimulée la croissance du bas de gamme des VE officiels en « aspirant » les offres MVE qui en sont les plus proches, au prix d’une amélioration des performances de sécurité, notamment, et d’un développement technologique significatif.

33De l’autre, serait créé un nouveau standard s’inspirant de celui des quadricycles européens, qui garantirait un minimum de qualité et de sécurité pour les acheteurs, tout en gardant certains traits actuels du marché des MVE qui ne sauraient être transposés aux « vraies » voitures (on peut penser en particulier à la non exigence du permis de conduire). On peut faire l’hypothèse que le détail de ce scénario dépendra vraisemblablement de rapports de force entre différentes classes de producteurs, entre les provinces concernées et le pouvoir central, et d’une logique contextuelle propre à chaque province, entre souci de rattrapage technologique, d’une part, et souci de création d’emplois, d’autre part.

34Un tel scénario aurait l’avantage de s’inscrire dans une volonté publique clairement affichée de stimuler une industrie chinoise qui soit capable, à terme, d’exporter selon des standards internationaux, tout en donnant un cadre régulateur acceptable pour les régions dont le niveau de développement ne leur permettrait pas de suivre, tant du point de vue du pouvoir d’achat des clients que du point de vue de la capacité des offreurs.

35Dès lors, quels sont la place et le rôle des constructeurs occidentaux, dans cette transition réglementaire chinoise ?

Les stratégies de déploiement des constructeurs occidentaux dans les pays émergents : quelle place pour des problématiques « trickle-up[7] » ?

La mise à l’épreuve d’un modèle traditionnel : vendre l’image du luxe et de la technologie

36En Occident, le véhicule électrique est né avec une dominante design, celle de la technologie, et même du luxe. Les Teslas Model S et BMW i3 et même la Renault Zoé et la Nissan Leaf parient sur la technologie, celle du véhicule du futur. Les constructeurs premium, comme Tesla et BMW, adoptent clairement une stratégie de trickle-down. La course à la vitesse de recharge des batteries est lancée, elle est soutenue par une infrastructure de charge de plus en plus coûteuse, et bientôt « sans fil ». D’ailleurs, la réglementation occidentale soutient cette inflation technologique. Les véhicules sont chers et les aides à l’achat sont importantes. Pourtant, la technologie du véhicule électrique, qui est née il y a plus de 100 ans en compétition avec le moteur thermique, permettrait de concevoir des produits automobiles très simples et abordables.

37Pour les consommateurs chinois, les automobiles occidentales restent de meilleure qualité, symboles du haut de gamme, et synthétisent les technologies les plus récentes. Ainsi, les grands constructeurs étrangers ont tous proposé des modèles électriques basés sur des plateformes existantes et obligatoirement produits localement en JV (joint-venture, co-entreprise) avec un partenaire chinois (voir la Figure 3 de la page suivante).

Figure 3

Nouvelles marques de coentreprises produisant des véhicules électriques en Chine [9]

Figure 3
OEM chinois OEM étranger Nouvelle marque Lancement marque Modèle Ventes cumulées au 1er trimestre 2015 Plateforme d’origine BYD Daimler Denza 2010.05 Denza EV 399 Mercedes Classe B DFM Nissan Venucia 2010.09 E30 1031 Nissan Leaf SAIC VW Tianyue 2011.03 Tantus EV Négligeable VW Lavida FAW VW Kaili 2011.05 Carely E88 EV Négligeable VW Bora BAIC Hyundai Shouwang 2011.11 500e EV Négligeable Hyundai Elantra DFM + Yueda Kia Dianyue 2012.02 N30 Négligeable Kia Cerato Changan Ford Jiayue 2012.10 Jiayue EV Négligeable Ford Focus SAIC GM Springo 2012.11 Springo EV 213 Chevrolet Sail Brilliance BMW Zinoro 2013.04 1E 307 BMW X1 FAW Toyota Ranz 2013.03 E50 EV Négligeable Toyota Corolla EX GAC Toyota Leahead 2014.10 i1 EV Concept à lancer Toyota Yaris DFM Renault Fengnuo 2015.04 E300 EV à lancer Renault Fluence

Nouvelles marques de coentreprises produisant des véhicules électriques en Chine [9]

38Pourtant, une grande partie de ces véhicules n’ont pas été commercialisés, mais uniquement listés comme VE auprès des autorités pour répondre à l’obligation, pour les JV, de proposer des modèles électriques (CHEN et MIDLER, 2016b). Une autre partie a rejoint des projets de démonstration en équipant des flottes publiques, parfois gratuitement. Les rares modèles disponibles à l’achat n’ont pas séduit : les Venucia e30, Denza EV, Springo EV et Zinoro 1E, dont les prix à l’achat (avant obtention des aides) oscillent entre 250 000 et 400 000 RMB [8], déclenchent quelques rares ventes. Alors qu’au cours de la même période, le constructeur premium Tesla a vendu 4 000 Model S (avec 25 % de taxes d’importation non éligibles aux aides à l’achat, et un prix de vente de plus de 700 000 RMB).

39Ainsi, hormis le cas Tesla, les constructeurs étrangers ne parviennent pas à vendre leurs modèles électriques premiums et milieu de gamme en Chine, malgré des aides à l’achat importantes. Il y a plusieurs raisons à cela : des dispositifs de protectionnisme chinois nationaux et locaux dissuasifs, une inadéquation entre offre et besoins, des prix trop élevés et une focalisation sur les grandes villes chinoises.

Stratégies low cost : l’intérêt du « chaînon manquant » en Chine

40La notion de low cost est toute relative. En Occident et dans les grandes villes chinoises, c’est l’équivalent du prix d’une Dacia (50 000 RMB). Dans une ville de rang inférieur, ce sont 20 000 RMB. En effet, les acheteurs de MVE sont des primo-acquéreurs venant principalement de la population des possesseurs de deux-roues électriques. Pour ces clients, les MVE représentent plutôt le haut de gamme de la mobilité urbaine du fait qu’ils offrent davantage de sécurité, de capacité de charge et de protection contre les éléments météorologiques que les deux-roues électriques. En Chine, le low cost est donc multiforme et géographiquement hétérogène.

41Notre analyse montre la possibilité de réintroduire dans le cadre réglementaire une continuité du rapport prix/performance sur la totalité des segments de MVE informels, de VE low-end officiels et de VE milieu de gamme. Il existe donc, théoriquement, une opportunité pour les constructeurs étrangers – et chinois – de concevoir un VE moins onéreux, à performance équivalente, que les VE de milieu de gamme et plus performants que les VE low end, à prix équivalent (voir la Figure 4 de la page suivante), suivant le principe de la rupture low-end (CHRISTENSEN et RAYNOR, 2003).

Figure 4

Stratégie disruptive du VE low cost en Chine

Figure 4

Stratégie disruptive du VE low cost en Chine

42Pour les constructeurs occidentaux, l’intérêt au fond d’un tel positionnement est multiple. Tout d’abord, les volumes de ventes permettent d’obtenir des crédits d’émission CAFC, devenus la véritable condition d’existence du business des véhicules thermiques en Chine pour une JV donnée [10]. Aussi, le nombre de VE vendus restant le critère déterminant pour évaluer la performance des constructeurs dans un contexte de compétition pour s’assurer le leadership du VE, il est plus avantageux de privilégier les volumes aux marges. Ensuite, l’enjeu est d’expérimenter un projet low cost en Chine en visant une rentabilité par les volumes, avant de l’exploiter potentiellement à l’échelle mondiale (MANIAK et al., 2014).

43Enfin, la stratégie produit consiste à construire une lignée en trickle-up (MIDLER, 2013). Partir du bas, dans une logique trickle-up, a ses avantages. Installer moins de technologies innovantes sur un véhicule simple, c’est adopter une dynamique sustaining moins incertaine. Un véhicule se chargeant principalement sur une prise 220 V classique court-circuite le débat sur les normes des prises de recharge. L’usage principalement urbain et périurbain des MVE allié à une recharge directement au domicile de l’utilisateur rend inutile l’attente d’un déploiement par le gouvernement d’infrastructures de charge publiques dédiées. Enfin, aujourd’hui, la croissance chinoise ne se trouve plus à Beijing ou à Shanghai, mais dans les villes de rang inférieur. Conquérir ces nouveaux marchés est généralement reconnu comme étant la stratégie à déployer pour les firmes occidentales.

Les défis à venir entre produits adaptés, dynamique réglementaire et capacités de déploiement

44Le cas de la Logan (JULLIEN et al., 2013) suggère que l’innovation inversée dans l’industrie automobile est une stratégie crédible sous la double condition d’une maîtrise des démarches du design-to-cost et de l’innovation fractale (MIDLER et al., 2017) et d’une industrialisation localisée innovante. Le succès passe par un équilibre entre une prise en compte au plus près des réglementations locales (en termes d’équipements de sécurité, par exemple) et celle des prestations voulues par le client. Ainsi, les choix produit résultent d’un équilibre entre une approche se conformant au minimum des régulations, ce que décrit la stratégie bottom of the pyramid (PRAHALAD, 2012) et une démarche prescriptive précédant les réglementations et pouvant influencer celles-ci.

45Les conditions imposées par la nouvelle loi sur les MVE sont décisives dans la stratégie des constructeurs occidentaux. La place réelle accordée aux constructeurs étrangers reste à préciser. La contribution au CAFC des nouvelles catégories de véhicules créées n’est pas connue. Il faut aussi apprécier entre l’obligation ou non de passer par des partenariats avec des entreprises du marché officiel (le plus probable) ou faire le choix de reprises de savoir-faire issus du marché informel, mais en les formalisant (le moins probable). De tels changements institutionnels reconfigurent les chaînes de valeurs et modifient les règles du jeu (DIERKS et al., 2013). Il s’agit alors d’anticiper, de décrypter les rapprochements en cours ou possibles entre ces deux marchés ou ensembles sociotechniques et, au final, de négocier avec les autorités et d’accompagner le contexte institutionnel en transition. Du point de vue organisationnel, l’adaptation à un contexte institutionnel changeant passe par la capacité de faire évoluer l’offre tout au long du développement de la lignée (MIDLER, 2013).

46L’autre défi du low cost, c’est le déploiement (BEN MAHMOUD JOUINI et al., 2015b). Adresser des marchés géographiques éloignés des implantations dans les grandes villes chinoises implique d’engager des institutions locales formelles et informelles méconnues. Le réseau de distribution et d’entretien est à bâtir, c’est là l’occasion de convertir en ressources les bénéfices d’un réseau relationnel acquis construit avec les partenaires de JV dans le cadre des programmes de développement de véhicules thermiques (PENG, 2003). Une ingénierie du déploiement (VON PECHMANN et al., 2015) spécifique à la Chine et à un projet low cost reste à construire.

Conclusion : la régulation, une dimension oubliée des stratégies low cost ?

47Depuis plusieurs années, de nombreux champs de la littérature en gestion mettent en avant l’intérêt de repenser l’innovation produit selon un compromis coût/valeur profondément repensé. C’est bien sûr le vaste courant des stratégies « low-end », s’inscrivant dans les pas de Christensen (CHRISTENSEN, 1997). D’autres courants croisent cette approche « par le bas » des marchés avec les stratégies d’internationalisation des processus d’innovation : stratégies « bottom of the pyramid » (PRAHALAD, 2012), de l’« innovation frugale » (RADJOU et al., 2012 ; MIDLER et al., 2017) et de la « reverse innovation » (GOVINDARAJAN et TRIMBLE, 2012). Dans l’ensemble de ces travaux, les auteurs mettent l’accent sur l’intérêt de ces stratégies qui ciblent la valeur d’usage des produits sur des besoins de segments de clients jusqu’ici délaissés. À côté de la question des valeurs d’usage et de celle d’une mise en relation directe entre l’offre et la demande, les auteurs de ce champ étudient peu l’importance que peuvent avoir les régulations de marchés sur les stratégies « sustaining », alors qu’elles jouent un rôle majeur dans la définition des prestations autorisées, notamment en termes de niveau de fonctionnalité.

48L’étude du développement du véhicule électrique en Chine nous a permis de montrer l’importance de la prise en compte de la variable « régulation » dans la définition de sa stratégie. La Chine aborde clairement la transition vers l’électromobilité de manière systémique par le management de niches stratégiques – compétitions entre les villes, les constructeurs et leurs solutions – et par le management de transition – engagement politique, expérimentations et légitimation ex post des outsiders, comme les MVE (NILL et KEMP, 2009). Cette stratégie induit un dynamisme réglementaire propre aux économies en transition et à l’opposé des politiques occidentales, dans lequel l’énoncé de normes ex ante balise les scénarios d’innovation possibles. L’accélération d’une volonté « zéro émission » dans l’UE, accompagnée de la prise en compte du réel (l’essor en Europe du low cost thermique), pourrait y ouvrir, à terme, une fenêtre de tir pour une relaxation de ces contraintes, à la condition que les voies de recyclage écologique y soient développées. La voie de progrès réside essentiellement du côté de la réglementation. En Chine, à l’inverse, le dynamisme de l’entreprenariat chinois et la coexistence des institutions formelles et informelles sont à l’origine de l’émergence, puis du succès des MVE (aujourd’hui informels, mais constituant un marché bien réel). La légalisation des MVE consiste en une transition institutionnelle géographiquement hétérogène, de la niche vers le régime. Mais ici, la niche (les MVE) rencontre davantage de succès que le régime (les VE officiels). Les pays en transition économique comme la Chine deviennent dès lors des territoires d’expérimentation non seulement pour les produits et les usages, mais aussi pour les réglementations. Il s’agit de s’inspirer de ces contextes plus agiles.

49Pour les multinationales, l’innovation inversée propose de se décentrer par rapport à un marché mature, mais aussi par rapport à un contexte institutionnel rigide. Les systèmes réglementaires dans les économies émergentes sont « moins développés et présentent moins de délais lorsqu’une entreprise apporte une solution innovante sur le marché » (GOVINDARAJAN et TRIMBLE, 2012). En France, le Renault Twizy s’est conformé à une loi existante sur les quadricycles à moteur. En Chine, les MVE ont, au contraire, un effet normatif, engendrant une réglementation sur mesure par et pour le véhicule électrique low cost. Le positionnement « design-to-cost » inédit d’un constructeur occidental, en équilibre entre une approche conformiste et une approche normative, permet de participer à ce débat.

50Du côté des politiques réglementaires, peut-on imaginer que les nations développées remettent en cause la dynamique inflationniste des politiques de normalisation, qui, poussées par la convergence des consuméristes et des offreurs de technologies, induit une dynamique de « toujours plus » de sophistication et de coûts ? Et dont l’un des effets rarement soulignés est la réduction de l’accessibilité au marché du neuf pour une part importante de la clientèle potentielle, diminuant, par là même, l’effet réel des progrès escomptés dans un parc de véhicules qui vieillit (JULLIEN et al., 2013) ? Ne pourrait-on pas, au contraire, s’inspirer de ces démarches réglementaires innovantes fondées sur l’expérimentation en vraie grandeur, sur l’évaluation et la normalisation ex post ? Dans cette hypothèse, le positionnement des multinationales dans le processus d’innovation inversée consisterait non seulement à profiter du contexte institutionnel des pays émergents, mais aussi à devenir vecteurs de nouvelles propositions réglementaires afin de créer les conditions soutenables d’un retour d’une mobilité automobile propre et low cost vers les marchés matures.

Notes

  • [1]
    Nous avons restreint le périmètre de notre recherche aux véhicules particuliers 100 % électriques (BEV, Battery Electric Vehicle, comme la Tesla Model S ou la Nissan Leaf) et hybrides rechargeables (PHEV, Plug-In Hybrid Electric Vehicle, comme la Chevrolet Volt), faisant l’hypothèse qu’ils seront, à terme, les principaux moteurs du marché du véhicule électrique.
  • [2]
    BYD (Build Your Dreams) est un constructeur chinois qui produit notamment des véhicules électriques, le « e6 » étant le modèle le plus répandu de la marque parmi les taxis électriques chinois.
  • [3]
    Le terme anglais « low-end » (bas de gamme) est conservé dans cet article en clin d’œil au « low-end disruption » (CHRISTENSEN, 1997).
  • [4]
    Pour le marché des VE en Chine, le Chery QQ EV est peu ou prou ce que la Maruti Alto est sur le créneau des petites voitures thermiques en Inde.
  • [5]
    L’idée du trickle-down institutionnel fait référence à un mouvement du haut vers le bas, ici au pouvoir du gouvernement central sur certains gouvernements locaux.
  • [6]
    Le Corporate Average Fuel Consumption (CAFC) est une réglementation destinée à contrôler la consommation moyenne de carburant de la gamme des véhicules thermiques et électriques d’un constructeur. En Chine, le standard CAFC est l’un des plus sévères au monde : il a pour objectif une consommation de 5 L aux 100 km mesurée par le cycle NEDC (New European Driving Cycle). Les VE ne consommant pas d’essence, ils font baisser le CAFC d’un constructeur donné en générant des « crédits CAFC ».
  • [7]
    Nous entendons par trickle-up l’adoption d’une innovation du bas vers le haut de l’échelle socio-économique. Au contraire, Tesla, par exemple, adopte une stratégie plus classique de trickle-down, c’est-à-dire que l’innovation VE est d’abord proposée aux clients de produits Premium (Tesla Roadster, Model S et Model X), pour ensuite descendre dans l’échelle socio-économique (Tesla Model 3).
  • [8]
    Renminbi, la monnaie chinoise officielle. 1 € ≈ 7,7 RMB (en juin 2017).
  • [9]
    OEM : Original Equipment Manufacturer (traduit ici par constructeur automobile), BYD : Build Your Dream, DFM : Dongfeng Motors, SAIC : Shanghai Automotive Industry Corporation, FAW : First Automobile Works, BAIC : Beijing Automotive Industry Holding Co, GAC : Guangzhou Automobile Group Co, VW : Volkswagen.
  • [10]
    Les constructeurs étrangers seraient soumis à de lourdes pénalités (dues au durcissement des normes sur les émissions de GES de leurs gammes de véhicules thermiques) s’ils ne parvenaient pas à vendre des véhicules électriques en Chine à l’horizon 2018-2020.
Français

Dans cet article, nous étudierons le développement du véhicule électrique en Chine et ses conséquences sur les stratégies des constructeurs globaux. Nos résultats montrent d’abord l’importance, à côté d’un marché régulé exigu, d’un marché informel de véhicules électriques low cost. Ils montrent quelle va être la dynamique du fossé entre ces deux marchés à la lumière des politiques chinoises en matière de normalisation de la mobilité automobile. Nous expliciterons par ailleurs les problématiques que posent ces dynamiques au regard des stratégies des constructeurs globaux. Alors que la littérature sur les stratégies des multinationales dans les pays émergents se concentre généralement sur la question des valeurs d’usage pour les clients des produits de ces pays, nous montrerons également l’importance d’une prise en compte des modes de régulation qui déterminent fortement la dynamique de ces marchés.

English

The development of electric vehicles in China: Market facts and regulatory trends

The development of electric vehicles in China: Market facts and regulatory trends

How does the development of electric vehicles in China affect global automakers’ strategies ? Alongside an exiguous, regulated market, China has an informal market for low-cost electric vehicles. The gap between these two markets is analyzed in the light of Chinese policies with regard to automobile transportation standards ; and the problems raised for global automakers are discussed. Whereas the literature on the strategies of multinational firms in emerging countries generally concentrates on the question of the use value for customers, our research shows the importance of taking account of the forms of regulation that strongly determine market dynamics.

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Bo Chen
Bo Chen est ingénieur et docteur en management de l’innovation. Sa thèse CIFRE, dirigée par Christophe Midler, a été réalisée de 2013 à 2017 au Centre de recherche en gestion de l’École polytechnique, en partenariat avec le département Produit véhicule électrique de Renault et l’Institut de la mobilité durable de Renault-ParisTech. Sa recherche a porté sur les stratégies et le management de la globalisation de l’innovation du point de vue des constructeurs occidentaux de véhicules électriques en Chine. Côté opérationnel, en plus d’une montée en connaissances chez Renault sur le sujet du véhicule électrique en Chine, son travail a fourni à ce constructeur des leviers et hypothèses lui ayant permis d’initier un programme de véhicules électriques low cost destinés au marché chinois, un programme hybride entre les programmes véhicules électriques et véhicules low cost (Dacia) existant déjà au sein du groupe.
Avant son doctorat, il a travaillé à la NASA sur la question de la réduction de la masse osseuse chez les astronautes, puis au sein du département Motorisation hybride de Ferrari, avant de connaître une expérience d’entrepreneuriat de deux ans en Chine. Il est titulaire d’un Master en Ingénierie de l’innovation technologique de l’École polytechnique et d’une licence en Mécanique et calcul de structures de l’École Normale Supérieure de Cachan. Il a commencé ses études supérieures par deux années de médecine à l’Université Paris VI. Ses principaux centres d’intérêt sont les technologies durables et digitales, en particulier dans les domaines de l’énergie et des transports, ainsi que le déploiement de ces technologies en harmonie avec les contextes socio-économiques locaux. Il est aujourd’hui ingénieur chez Palantir Technologies, où il participe à la transformation digitale des grandes entreprises et des organisations publiques. Il est en recherche perpétuelle de cet espace se situant entre l’art et la science.
Il a publié deux autres articles sur le sujet du véhicule électrique en Chine :
“The electric vehicle landscape in China : between institutional and market forces”, International Journal of Automotive Technology and Management 16(3), 2016, pp. 248-273 ;
“Designing strategy for the globalisation of innovation : perspectives for foreign electric vehicle manufacturers in China”, International Journal of Automotive Technology and Management 16(4), 2016, pp. 436-463.
Christophe Midler
Ancien élève de l’École polytechnique, Christophe Midler est docteur en gestion. Il est directeur de recherche CNRS au Centre de recherche en gestion, professeur de Management de l’innovation à l’École polytechnique et est responsable du Master Projet Innovation Conception.
Il mène des recherches dans les domaines des stratégies d’innovation, de l’organisation des projets, de la R&D et des coopérations inter-entreprises en conception.
Il participe à plusieurs réseaux académiques nationaux et internationaux : European Academy of Management (EURAM), International Motor Vehicule Program (IMVP), International Research Network on Organizing by Project (IRNOP)...
Il est Docteur Honoris Causa de l’Université D’Umea (Suède) et a reçu le Research Achievement Award du Project Management Institute en 2013 pour l’ensemble de ses contributions de recherche dans le domaine du management des projets.
Il a publié de nombreux ouvrages et articles dans ce domaine. Ses parutions les plus récentes sont :
Innover à l’envers ; repenser l’innovation et la conception dans un monde frugal (avec JULLIEN B. et LUNG Y.), Dunod, 2017 ;
Managing and Working in Project Society – Institutional Challenges of Temporary Organizations (avec LUNDIN Rolf A., ARVIDSSON Niklas, BRADY Tim, EKSTEDT Eskil et SYDOW Jörg), Cambridge University Press, 2015. Prix Project Management Institute du meilleur livre 2016 en management de projet ;
Management de l’innovation et globalisation. Enjeux et pratiques (en collaboration avec BEN MAHMOUD-JOUINI Sihem et CHARUE-DUBOC Florence), Dunod, 2015 ;
Réenchanter l’industrie par l’innovation, stratégie et management de l’innovation dans l’industrie automobile (en coll. avec MANIAK R. et BEAUME R.), Paris, Dunod, 2012, 178 p. ;
L’épopée Logan ; nouvelles trajectoires pour l’innovation (en coll. avec JULLIEN B. et LUNG Y.), Paris, Dunod, octobre 2012, 350 p. Prix du meilleur ouvrage en sciences de gestion FNEGE et l’EFMD ;
L’auto qui n’existait pas, management des projets et transformation de l’entreprise, Dunod, 2012 (nouvelle édition). Prix Dauphine et Grand prix Afplane ‒ L’Expansion-McKinsey du livre de Management et de Stratégie ;
Management de l’innovation de rupture. Nouveaux enjeux, nouvelles pratiques (edts. en coll. avec BEN MAHMOUD JOUINI S. et MANIAK R.), Presses de l’École polytechnique, Paris, 2012, 189 p. Prix spécial de l’Association CESA de HEC.
Joël Ruet
Ancien élève de l’École des Mines de Paris, Joël Ruet est économiste, chercheur CNRS au CEPN (Centre d’économie de Paris-Nord) et est associé au Centre de recherche en gestion (CRG) de l’École polytechnique. Ancien visiting Fellow de l’Université de TsingHua (Beijing) et de la London School of Economics, il a enseigné à l’École des Mines de Paris, à HEC-Paris, à l’Université Jawaharlal Nehru (New Delhi, Inde) et à l’Université Rennes II. Joël Ruet préside le think tank The Bridge Tank, est membre du groupe « Think20 » du G20 et est membre du Conseil d’orientation de Green Cross France & Territoires.
Il a été chroniqueur Économies émergentes pour le supplément « Économie » du Monde, de 2007 à 2014. Depuis lors, il publie régulièrement des tribunes dans Le Monde Afrique ou Diplomatic Courier, Washington DC. Il est régulièrement invité sur les plateaux de France 24.
Spécialiste de l’émergence, notamment en Chine, en Inde et en Afrique, ses travaux portent sur la recomposition industrielle et l’économie politique du capitalisme, et sur l’innovation conjointe technologique-financière-sociale dans la lutte contre le changement climatique. Il est l’un des co-animateurs des débats et travaux de l’axe « Vision mondiale » de l’Institut de la mobilité durable Renault-ParisTech.
Il est l’auteur du livre « Des capitalismes non-alignés : les pays émergents, ou la nouvelle relation industrielle du monde », aux Éditions Raisons d’Agir, Paris, 221 p., octobre 2016. Analysant la dimension industrielle de l’essor des économies émergentes, il montre qu’elles ne convergent pas plus vers un modèle capitaliste-libéral en voie d’unification qu’elles ne peuvent être réduites à des capitalismes d’État centralisés et autoritaires. Ces émergences sont marquées par l’invention de formes étatico-économiques originales non-alignées aux capitalis- mes de l’Occident, mais déjà capables de changer la face de la mondialisation, sur fond d‘une foisonnante diversité, d’une innovation de trajectoire.
Joël Ruet a vécu en Inde, en Chine et en Afrique de l’Ouest.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 06/03/2018
https://doi.org/10.3917/geco1.131.0069
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