CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1L’étalement spatial des villes américaines en une mosaïque de zones mono-fonctionnelles reliées par des autoroutes entraine une mutation des formes de sociabilité. L’urbaniste Jane Jacobs plaide dès 1961 pour une ville dense et mixte où la proximité spatiale et les relations informelles entre habitants favorisent la coopération dans une ambiance créative. En 1989, le sociologue américain Ray Oldenburg déplore à son tour la diminution des lieux de convivialité traditionnels - cafés, restaurants, places, églises et autres lieux publics - essentiels à la rencontre et à la construction du lien social. L’étalement des banlieues tend à réduire la sociabilité aux liens familiaux qu’offre le domicile et aux liens professionnels entretenus dans ces « seconds lieux » que sont l’usine, le bureau, etc. La ville moderne offre de moins en moins de « tiers-lieux » et les personnes sont de moins en moins inter-reliées. La diffusion des technologies informatiques ne pouvait que renforcer a priori la solitude des individus devant des écrans qui font office d’interface informationnelle plutôt que sociale.

2Internet a cependant révolutionné les technologies de l’information et de la communication. Chacun peut accéder plus facilement et à moindre coût à la connaissance distribuée sur ce réseau numérique mondial et la diffusion des technologies du Web 2.0 a, dans un second temps, fait émerger de nouvelles formes de sociabilité grâce aux réseaux sociaux numériques. Des formes de résistance à la privatisation, par de grandes entreprises, des connaissances et des logiciels se sont développées en contrepoint du succès des multinationales - souvent américaines - de l’informatique : mouvements pour les logiciels libres (Open Source), pour des plateformes de partage de connaissance (Wikipédia et autres wiki), pour l’ouverture des données publiques (Open Data), pour l’innovation ouverte et collaborative (Crowdsourcing, Open Innovation) ou plus récemment le financement par appel « à la foule » (Crowdfunding) qui court-circuite le système bancaire traditionnel. Cette « révolution numérique » (Babinet, 2014 ; Wieviorka, 2013) démocratise également la fabrication numérique (Anderson, 2012) par la miniaturisation (relative) et la standardisation des machines numériques (imprimante 3D, découpeuse laser…) et des composants électroniques (carte Arduino [1], par exemple). Enfin, les ordinateurs portables, tablettes numériques et autres smartphones connectés au wifi ou aux réseaux téléphoniques mobiles favorisent l’ubiquité spatiale de chaque individu. A priori, la distance physique est abolie et la sociabilité peut s’affranchir de la nécessité de se rencontrer dans un lieu (Rallet et Torre, 2007 ; Beaude, 2012).

3Pourtant, dans les années 2000, émergent de nouveaux lieux de travail qui combinent les avantages de la mobilité, la puissance de travail des outils numériques portables ou miniaturisés, la libre circulation des connaissances et la possibilité d’établir des liens de convivialité personnelle et professionnelle. Ces espaces de travail collaboratif sont appelés tiers-lieux (Burret, 2015). Le concept de Ray Oldenburg est revisité à l’ère du numérique mais parle avant tout de collaboration, de partage et de lien social. La notion de tiers-lieu revisitée est cependant difficile à manier du point de vue scientifique car la littérature qui présente les avantages de ces nouveaux espaces de sociabilité urbaine se partage en trois acceptions. Dans une première définition, les tiers-lieux peuvent être des cafés, des restaurants, des halls de gare ou tout autre lieu public pourvu qu’ils offrent une connexion wifi et permettent à chacun de surfer sur les réseaux sociaux ou de travailler à distance. On est ici très proche du concept de Ray Oldenburg mais revu à l’aune des technologies de l’Internet et du Web 2.0. Une deuxième approche considère comme tiers-lieux des espaces de bureau partagés connectés à Internet (coworking spaces), des ateliers de machines numériques ouverts à tous (Fab Labs, Makerspaces) ou des espaces de coworking spécialisés en services numériques (le réseau des Cantines numériques en France, par exemple). Un troisième angle d’analyse considère que ces lieux de travail collaboratif ne peuvent être qualifiés de tiers-lieux qu’à la condition d’être aussi des lieux de sociabilité largement ouverts sur le quartier et la ville, lieu de distribution de paniers de produits biologiques, de rassemblement autour de petits événements, etc. Dans cet article, nous ne prendrons en compte que les tiers-lieux dédiés au travail collaboratif (coworking spaces, Fab Labs voire Makerspaces, Cantines numériques) dans la mesure où notre axe de recherche porte sur la mutation des systèmes productifs et sur les modèles induits de développement économique des territoires.

4Le succès médiatique et politique de la notion de tiers-lieu tient en effet pour partie aux espoirs que suscitent ces nouvelles formes de travail dans un monde où l’emploi salarié semble en perte de vitesse (Marzloff, 2013 ; Enlart et Charbonnier, 2013) et où l’innovation et la créativité semblent être les seules portes de sortie pour relancer la croissance des économies (Liefooghe, 2014, 2015a, 2015b ; Liefooghe et Taniguchi, 2015), voire pour engendrer une nouvelle révolution industrielle (Anderson, 2012 ; Eychenne, 2012). Mais cet espoir va bien au-delà de la transition numérique des entreprises (Barlette et al., 2015) et des économies territoriales. La « révolution digitale » transforme le consommateur en consom-acteur, l’usager-citoyen en co-créateur de son cadre de vie, l’amateur de technologie en co-producteur créatif. La démocratisation des tiers-lieux (Burret, 2013) participe alors à la métamorphose de la société par le numérique et la coopération (Jutand, 2013 ; Novel et Riot, 2012), dans une optique parfois libertaire et anarchiste revendiquée par les Hackers (Jollivet, 2002 ; Bottollier-Depois, 2012 ; Lallement, 2015). Dans cette littérature à vocation de vulgarisation, le modèle sociétal proposé s’adresse au consommateur désabusé, au salarié de moins en moins syndiqué, au citoyen isolé dans une « société » urbaine qui n’en porte plus souvent que le nom. Les tiers-lieux, dans une définition qui dépasse le simple lieu de travail partagé, deviennent des espaces d’expérimentation collective d’un développement durable contributif et d’innovations sociales à l’échelle des territoires locaux. La notion de tiers-lieu porte donc une forte charge utopique, en tant qu’exploration d’une alternative au système socio-économique existant (Ricœur, 1997).

5Dans cet article, nous ne chercherons pas à valider ou infirmer ces visions prospectives. Notre objectif est d’analyser la croissance du nombre des tiers-lieux et leur dispersion géographique au filtre de la théorie de la diffusion spatiale des innovations (Saint-Julien, 1992). Comme les données dont on dispose pour le moment ne sont pas scientifiquement fiables, il ne s’agira pas de prouver par une méthode quantitative que la dynamique spatiale des tiers-lieux suit bien un schéma de diffusion des innovations. Nous utilisons par contre cette approche pour sa valeur heuristique. Si les tiers-lieux sont amenés, par hypothèse, à transformer le système productif voire les sociétés urbaines, alors quels sont les processus et canaux de propagation de ce concept ? Dans une première section, nous présentons une « histoire-géographie » des coworking spaces et Fab Labs dans le monde, puis une analyse des travaux de recherche qui tentent de décrypter les tiers-lieux et leur rôle dans le développement économique des territoires, et enfin l’intérêt d’une approche en termes de diffusion spatiale des innovations. Dans une seconde section, nous analysons la dynamique d’émergence des tiers-lieux et les canaux de diffusion de ce concept, à partir de l’exemple du Nord-Pas de Calais. Si la dynamique communautaire et le marché sont des forces susceptibles d’amplifier - ou non - la diffusion spatiale de ces nouveaux lieux de travail, nous analysons dans une troisième section le rôle des politiques publiques. La quatrième section mettra en débat les apports et les limites d’une approche de la dynamique spatiale des tiers-lieux sous l’angle de la diffusion des innovations.

1 – Les tiers-lieux : un objet de recherche hybride et émergent

6Livres, articles et statistiques sur les tiers-lieux fleurissent en librairies comme sur Internet. Pourtant, la notion de tiers-lieu s’apparente à un mot-valise porteur d’utopie socio-économique, voire politique. L’objectif de cette section est dans un premier temps d’exposer une généalogie du concept de tiers-lieu et de ses déclinaisons fonctionnelles ainsi qu’une ébauche de la distribution spatiale de ces types de lieux. Puis nous discuterons des approches théoriques et méthodologiques que les chercheurs de diverses disciplines adoptent pour décrypter ce phénomène socio-économique et spatial. Enfin, nous exposerons l’intérêt d’une approche en termes de diffusion spatiale des innovations.

1.1 – Géographie pointilliste d’un concept américain en voie de diffusion mondiale

7Si le concept originel de tiers-lieu remonte aux travaux précurseurs du sociologue Ray Oldenburg, la résurgence de ce terme dans le cadre de la transition numérique des économies, des sociétés et des territoires relève d’une appellation générique qui rassemblent par leur dénominateur commun - un lieu de sociabilité et d’échanges - des structures telles que les coworking spaces, Fab Labs, Hackerspaces, Makerspaces et autres dispositifs en cours d’émergence. Dans une approche généalogique, E. Eveno (2015) relève que ces espaces émergent dans les milieux innovateurs des États-Unis (Californie et Boston essentiellement). Mais chaque type d’espace a son histoire propre, voire sa mythologie (Lallement, 2015), et ses modes de diffusion à l’échelle du globe.

8La jeune histoire du coworking attribue à Brad Neuberg la création du premier espace de travail collaboratif, The Hat Factory, à San Francisco en 2005. Depuis, le concept a été imité sur tous les continents. Une enquête réalisée en 2012 à l’échelle mondiale dénombrait alors près de 1800 coworking spaces[2]. C’est en Europe que l’on comptait alors le plus d’espaces de coworking mais, dans un classement par pays, les États-Unis se plaçaient au premier rang, suivis de l’Allemagne, puis de l’Espagne et du Royaume-Uni. L’Australie et le Japon étaient aussi en bonne place. Dans un classement par villes, New-York, puis Berlin et Londres étaient les mieux dotées même si, en 2014, Barcelone comptait près d’une centaine de coworking spaces et devenait un des plus gros pôles européens (Capdevilla, 2015a). En 2013, le nombre d’espaces de travail collaboratif dans le monde s’élève à près de 2500 : la croissance est exponentielle mais l’Europe garde sa place de leader. Depuis, le rythme des créations ralentit mais les coworking spaces existants accroissent leur capacité d’accueil pour répondre à une demande qui ne fléchit pas [3]. Néanmoins, dans le même temps, des espaces de coworking disparaissent faute d’avoir su construire un modèle économique viable. Une lecture de cette géographie au filtre de la théorie de la diffusion des innovations suggère que le modèle du coworking space est sorti de la phase pionnière pour entrer dans une croissance de type exponentielle. Le ralentissement de la croissance ne pourrait être que provisoire, dans l’hypothèse où, après une diffusion dans les plus grandes villes, le modèle est appelé à se diffuser vers le bas de la hiérarchie urbaine. Mais les données sont pour le moment trop peu nombreuses et trop peu fiables pour valider ce schéma de diffusion spatiale.

9Le Fab Lab repose sur les mêmes principes que le coworking - partage et collaboration - mais il intègre une dimension de production matérielle sur des machines, le plus souvent, numériques (Bosqué et al., 2014). Le modèle a été inventé aux États-Unis, par le MIT Media Lab, un laboratoire du Massachusetts Institute of Technology de Boston. Conçu à l’origine comme espace d’expérimentation pour étudiants dans le cadre d’un cours de Neil Gershenfeld, professeur en physique et informatique, le principe du laboratoire de fabrication est devenu un label, accordé aux espaces qui s’engagent à respecter la charte établie par le MIT (Eychenne, 2012). Cette charte propose des temps de libre accès et de formation pour favoriser la démocratisation des technologies de fabrication numérique. Les projets doivent en outre être documentés et mis à disposition de tous sur Internet à des fins de diffusion de la connaissance et pour autoriser l’innovation contributive en mode Open Source. Néanmoins, tous les ateliers de fabrication numérique n’adhèrent pas à cette charte même s’ils s’attribuent le nom de Fab Lab, ce qui complique la recension de ce type de tiers-lieu. De fait, l’étude réalisée pour le Ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique préfère utiliser le terme générique d’atelier de fabrication numérique (AFN) pour tenir compte de la diversité des modèles : Fab Labs, Makerspaces, TechShops[4] ou tout autre espace qui joue un « rôle d’explorateurs des frontières de l’innovation et de l’empowerment » (Conseil et recherche/FING, 2014, p. 105). Inventé au États-Unis, le modèle du Fab Lab se démultiplie dans ce même pays dans les années 2000 puis arrive en France et en Europe à la fin de cette décennie. Le nombre des Fab Labs s’élève en 2014 à près de 350 dans le monde [5]. Le site Fabwiki en dénombre 363 en 2015 dont 309 en Europe [6].

10En France, si le premier espace de coworking est fondé à Paris en 2008, le premier Fab Lab est créé à Toulouse dès 2009 [7]. En 2015, 250 espaces de coworking ont été recensés, qui attirent près de 10 000 coworkers[8]. Selon ce recensement, l’Île-de-France est en tête du classement, suivie des régions Rhône-Alpes et PACA. Une enquête réalisée en 2016 par Néo-nomade, site de réservation en ligne d’espaces de travail, montre que ce classement n’a pas changé et que les espaces de coworking amorcent une croissance exponentielle [9]. Quant aux Fab Labs ou recensés comme tels par les sites collaboratifs, on en compterait 50 fin 2013 selon la Fab Foundation[10], 74 en 2015 selon le site Fabwiki.

11Comme le montrent les statistiques qui précèdent, l’inventaire des tiers-lieux de travail est souvent réalisé par les fondateurs eux-mêmes, avec toutes les incertitudes que représentent le biais de l’auto-déclaration et le flou de la définition de ce qui est ou non pris en compte. Ces incertitudes ne permettent pas de comparer les statistiques d’une année sur l’autre ou d’un pays à l’autre. Si l’on s’en tient aux seules cartes disponibles, c’est-à-dire celles créées par les sites collaboratifs sur le principe de l’auto-inscription, la géographie des tiers-lieux reflète cependant le niveau de développement économique des pays. De même, les créations sont plus nombreuses dans les plus grandes villes mais la diffusion spatiale est en train de s’opérer dans les rangs inférieurs de la hiérarchie urbaine, voire dans certains territoires ruraux. Reste qu’on peut qualifier cette géographie de pointilliste dans la mesure où les tiers-lieux de travail se comptent souvent sur les doigts d’une main dans chaque ville, même si le phénomène se diffuse à l’échelle mondiale. Par ailleurs, l’engouement des politiques vis-à-vis de ce qu’ils considèrent comme un nouvel outil de développement des territoires pousse les autorités locales à subventionner la création de tiers-lieux, tandis que la demande potentielle des coworkers incite les promoteurs immobiliers à investir dans des espaces de bureau partagés sous la dénomination de coworking space. La typologie, l’inventaire et la géographie des tiers-lieux de travail restent donc un axe de recherche à explorer.

1.2 – Les tiers-lieux comme objet de recherche : approches théoriques et méthodologiques

12La littérature portant sur les tiers-lieux devient foisonnante car le concept - au sens commercial du terme - est donc porteur. Nombre d’ouvrages sont écrits par des fondateurs ou des animateurs de tiers-lieux (Le Barzic et Distinguin, 2010 ; Burret A., 2013, 2015 ; Bosqué, Noor et Ricard, 2014) ou par des journalistes, entrepreneurs ou prospectivistes qui alertent le (grand) public sur l’importance des transformations économiques et sociales induites par le numérique (Anderson, 2012 ; Eychenne, 2012 ; Babinet, 2014) ou les pratiques collaboratives (Novel et Riot, 2012). À cette littérature s’ajoutent les communications et articles scientifiques qui, dans les champs du management, de la gestion, des organisations, de l’économie, de la sociologie ou de la géographie, abordent le thème des tiers-lieux comme un objet de recherche émergent. Le tableau 1 présente, en première approche, les différents angles par lesquels les tiers-lieux sont analysés, le plus souvent de manière empirique et exploratoire, même si les chercheurs tendent ensuite à interpréter ces observations au filtre des théories existantes. Ces approches scientifiques peuvent se classer selon trois entrées analytiques.

Tableau 1

Les thèmes de la littérature sur les tiers-lieux

Angles d’analyse des tiers-lieux de travail
Qui ?freelance / auto-entrepreneur / indépendant / startupper / changemaker / nouvel entrepreneur / talent
Défis à relevermarché du travail / chômage / carrière / isolement / précarité
création d’un marché / concurrence / construction d’une réputation / nomadisme physique et digital / reconnaissance sociale
Ressourcesbesoin d’indépendance / passion / coolness attitude
travail en mode projet / partenariat / capital social / réseaux / relations interpersonnelles / coopération / communautés créatives
Rôle social du lieuorganisation de l’espace physique / relations entre individus / animation de la communauté / interactions / intermédiation / (re)territorialisation des réseaux virtuels
Rôle économique du lieumicroclusters / réseaux d’innovation / organisation distribuée
milieux / territoires / local-global…
Origines et valeurséthique hacker / monde de l’opensource / mouvement du coworking / mouvement maker / éthique du développement durable / innovation sociale / anarchie…
Relecture des cadres d’interprétation classiques
Impacts sur les firmesnouvelles formes de management / nouvelle organisation / nouveaux espaces de travail / plateformes d’innovation ouverte…
Évolution du système productiféconomie des médias / industries culturelles et créatives / économie digitale / économie créative / économie de la connaissance / économie flexible / néo-libéralisme / économie collaborative…
Sociétéclasses sociales / classe créative / coworking class / Génération Y /individualisme…
TerritoiresTerritorialisation des modèles internationaux / diffusion spatiale / villes créatives / développement des territoires / projets urbains…

Les thèmes de la littérature sur les tiers-lieux

1.2.1 – Les tiers-lieux comme révélateurs des transformations de l’économie et de l’emploi

13Un premier groupe de travaux (dont Genoud et Moeckli, 2010 ; Liefooghe, 2014 ; Moriset, 2016) explore les transformations de l’emploi dans une économie de la connaissance et de la créativité qui valorise les talents, la flexibilité de l’emploi et le travail en mode projet (Grabher, 2001 ; Howkins, 2001 ; Florida, 2002 ; Menger, 2002 ; Bouchez, 2004). Les tiers-lieux répondent ainsi aux besoins de travailleurs nomades qui peuvent travailler à distance et en mobilité grâce aux outils numériques portables (Spinuzzi, 2012 ; Marzloff, 2013 ; Perrin et Aguiléra, 2016). Ces lieux de travail et de sociabilité seraient alors les révélateurs d’une société hyper-moderne (Moriset, 2014) telle qu’annoncée par F. Ascher (2005). De nouvelles formes d’entrepreneuriat en émergent (Fabbri et Charue-Duboc, 2013, 2014 ; Pierre et Burret, 2014 ; Capdevilla, 2015c ; Le Roux, 2016), ainsi que de nouveaux modes de travail qui répondraient aux aspirations de ladite génération Y [11], appelée aussi Digital Natives (Tapscott, 2008) : autonomie, responsabilité, préférence pour l’épanouissement personnel et le travail collaboratif, etc. [12]. Réfractaire à la hiérarchie formaliste et privilégiant les échanges par les réseaux sociaux numériques, cette génération Y explore la création de projets ou d’entreprise. Néanmoins, d’autres travaux contestent cette spécificité générationnelle et constatent que ces critères s’appliquent plutôt à la portion la mieux éduquée d’une génération elle-même plus qualifiée que les précédentes (Bennett et al., 2008 ; Pichault et Pleyers, 2012).

14Ces lectures positives des transformations économiques et du rôle moteur que peuvent y jouer les tiers-lieux sont cependant controversées (Gandini, 2015). D’autres auteurs ont en effet une lecture qui met l’accent sur la désintégration du rapport salarial au profit d’un travail en mode projet, voire sans contrats. L’économie flexible post-industrielle atomise de plus en plus les organisations jusqu’à les réduire à leur plus simple expression : le travailleur flexible, indépendant, « agile » certes, mais aussi précaire, solitaire, mal payé voire pauvre (Moriset, 2014 ; Gramaccia, 2015). Les tiers-lieux sont alors les réceptacles des victimes de cette désintégration des organisations et du marché du travail, des palliatifs de la disparition des sociabilités professionnelles classiques (Boboc et al., 2014). Dans la même ligne critique, les valeurs des coworkers ou des makers qui sont au fondement de la diffusion des tiers-lieux sont parfois présentées comme contraires aux valeurs du capitalisme : les rapports au travail, à la gestion du temps et à l’argent y seraient le reflet de l’éthique Hacker, propre au monde du logiciel libre, dans une optique parfois anarchiste (Jollivet, 2002 ; Bottollier-Depois, 2012 ; Lallement, 2015).

1.2.2 – Le tiers-lieu comme « espace de rencontres physiques au cœur d’une économie virtuelle » [13]

15De fait, nombre d’articles en gestion, en management ou en sociologie du travail portent sur l’importance du tiers-lieu pour sortir de l’isolement le travailleur flexible et précaire (Boboc et al., 2014). L’engouement pour ces nouveaux espaces de travail révèle alors un autre paradoxe de l’économie de la connaissance et de la créativité : le besoin de co-présence physique dans un lieu dédié au travail à l’ère de la mobilité numérique et des plateformes de réseaux sociaux sur Internet (Gramaccia, 2015 ; Scaillerez et Tremblay, 2016). La proximité - spatiale puis relationnelle puis organisationnelle - favorise la formation du capital social (Suire, 2013) et permet l’accès aux ressources (Fabbri et Charue-Duboc, 2014 ; Capdevilla, 2015a), nécessaires à la naissance et au développement des projets. Ces travaux portent souvent sur le cas spécifique des coworking spaces et sur leur organisation spatiale, voire leur aménagement intérieur au sens du décor. La matérialité de l’espace aurait une influence sur le comportement des travailleurs (le Spatial Turn des réflexions sur les organisations) et sur l’émergence de pratiques collaboratives (Fabbri et Charue-Duboc, 2014 ; Capdevilla, 2015a, 2015c ; Paris et Raulet-Croset, 2016). Selon A. Boboc et al. (2014), la sociabilisation dans les coworking spaces repose sur un processus en quatre étapes, celle de la co-présence puis celle des affinités, dont peuvent émerger des collectifs d’entraide et de partage de ressources, voire enfin de la coopération sur des projets communs. Les deux dernières étapes sont les plus valorisées dans la littérature sur les tiers-lieux et leur rôle dans l’émergence d’un nouvel ordre économique. Le système socio-technique que constitue l’articulation entre Internet et un tiers-lieu permet la mutualisation des ressources et l’accompagnement des travailleurs isolés dans l’économie de la connaissance et de la créativité mais, selon A. Burret (2013), selon un modèle bien éloigné de l’idéal-type des start-up.

1.2.3 – Les tiers-lieux comme accélérateurs d’innovation et de créativité

16L’hypothèse qui sous-tend nombre de travaux et participe à l’engouement - des fondateurs comme des acteurs publics - pour les tiers-lieux est que la proximité spatiale peut engendrer un écosystème créatif, voire innovant. La co-construction de projets nécessite la confiance, donc des relations en face-à-face qui favorisent le partage de connaissances tacites, celles qui ont le plus de valeur pour innover (Suire, 2013 ; Paris et Raulet-Croset, 2016). La structuration spatiale spécifique des coworking spaces, notamment, permettrait d’offrir les conditions de la sérendipité (Trupia, 2016) et d’expérimenter des méthodes de travail plus créatives et collaboratives (Fabbri et Charue-Duboc, 2014 ; Liefooghe et Taniguchi, 2015). Les tiers-lieux, dans un sens plus large que les seuls coworking spaces, permettent aussi de tester des innovations de service ou de produits dans des environnements exploratoires (Leonard et Yurchyshyna, 2013), voire de contribuer à la « fabrique urbaine » revisitée à l’aune de la transition numérique (Ferchaud, 2016). Les tiers-lieux sont alors des espaces dans lesquels peuvent s’expérimenter les théories de l’innovation avec les usagers (User Innovation) et de l’innovation ouverte (Burret, 2014 ; Fabbri et Charue-Duboc, 2016), théories qui, initialement, s’adressent plutôt à l’innovation dans les entreprises classiques (Chesbrough, 2003 ; Von Hippel, 2005). Par effet boomerang, le développement des pratiques collaboratives dans les tiers-lieux inspire les grandes entreprises, qui aménagent ce genre d’espace au sein de leurs structures pour favoriser la créativité.

17À l’échelle des territoires et de leur développement économique, certains tiers-lieux peuvent être des micro-clusters de micro-entreprises innovantes et la circulation des connaissances entre ces tiers-lieux contribue à la dynamique locale d’innovation (Capdevilla, 2013, 2015b). Inversement, la performance des tiers-lieux, notamment des Fab Labs (Suire, 2016), dépend des interactions entre ces micro-espaces et l’écosystème territorial dans lequel ils s’inscrivent. R. Suire (2013) transpose d’ailleurs le modèle de la ville créative en trois strates, proposé par Cohendet et al. (2010) à partir de leur analyse du rôle des communautés de savoir et des pratiques collaboratives dans l’industrie du logiciel libre (Cohendet et al., 2006). Selon ce modèle (Simon, 2009), les tiers-lieux joueraient le rôle du Middle Ground, qui a vocation à connecter les acteurs de l’Upperground (entreprises, institutions publiques) et ceux de l’Underground (collectifs informels, acteurs alternatifs). Encore que certains tiers-lieux, notamment liés au monde artistique ou aux Hackers informatiques, se classeraient plutôt dans la sphère de l’Underground. Le débat reste ouvert. En fait, les acteurs publics retiennent de la question des tiers-lieux leur rôle dans la transition vers une économie numérique, créative et collaborative [14]. Coworking spaces et Fab Labs deviennent des éléments incontournables de nombreux projets urbains (Liefooghe, 2015c, 2016).

1.3 – Une approche des tiers-lieux en termes de diffusion socio-spatiale d’une innovation

18L’objectif de cet article n’est pas de revenir sur le rôle et l’efficience des tiers-lieux dans l’émergence de communautés collaboratives, encore moins d’en analyser l’impact en matière de développement économique des territoires et de transition vers une économie de la connaissance et de la créativité. Nous proposons plutôt d’aborder le tiers-lieu comme une innovation - spatiale et organisationnelle - et d’analyser l’émergence des tiers-lieux (ici les coworking spaces et les Fablabs) dans le cadre de la théorie de la diffusion spatiale des innovations (Saint-Julien, 1985, 1992 ; Baudet-Michel, 2001 ; Liefooghe, 2002, 2004-2005). Les données fiables sur les tiers-lieux étant encore rares, le but n’est pas de démontrer, par des méthodes de géographie quantitative, qu’il existe une dynamique spatio-temporelle de ces espaces de travail mais d’analyser, en adoptant une méthode qualitative, les conditions de la diffusion spatiale. La théorie de la diffusion spatiale des innovations analyse en effet le rôle des pionniers, des canaux de propagation de l’information, de la structuration sociale d’un territoire pour comprendre la pénétration d’une innovation dans un système socio-spatial. Elle prend acte du fait que les acteurs agissent moins en fonction de principes rationnels qu’en fonction de leurs représentations, de leurs motivations, de leurs pratiques au jour le jour. Ce faisant, cette dimension a été explorée via la méthode de l’entretien compréhensif, qui permet de décrypter les discours tout en explorant le matériau très riche des savoirs communs (Kaufmann, 2001). Cette entrée nous a permis de contourner l’obstacle de ce qui était a priori un matériau pauvre pour un chercheur, du moins d’un point de vue statistique.

19Nous avons également mobilisé la méthode de la Grounded Theory (théorie ancrée), qui permet d’explorer des objets de recherche émergents en évitant d’adopter un cadre théorique pré-établi (Glaser, 2002) : la construction des données passe par l’interaction entre le chercheur et les personnes interrogées pour tenter de découvrir de nouvelles catégories d’analyse autour de questions exploratoires. Pour notre sujet, les questions étaient : qui sont les pionniers qui initient les tiers-lieux de la Métropole lilloise ? Quels leviers utilisent-ils pour attirer des coworkers et des makers ? Comment ce mouvement pionnier entraine-t-il d’autres acteurs à imiter les premiers entrants ? Pourquoi la Métropole lilloise est-elle le foyer de cette innovation spatiale et organisationnelle ? Observe-t-on une diffusion des tiers-lieux vers le reste de la région ? Quel est le rôle des politiques publiques, dans la région Nord-Pas de Calais et dans d’autres territoires français ou belges, dans la diffusion de ce que les acteurs politiques considèrent comme un nouvel outil de développement ? Peut-on d’ores et déjà observer les prémices d’une diversification du modèle au cours de sa diffusion spatiale ? Ces questions ont été testées lors d’une recherche exploratoire réalisée dans le cadre d’un programme national portant sur l’économie de la connaissance et de la créativité [15] (Liefooghe, 2015a, 2015c, 2016) et poursuivie sous l’égide de la MESHS de Lille [16]. Des entretiens ont été menés auprès de fondateurs ou animateurs de coworking spaces et de Fab Labs, à Lille Métropole, en Bretagne (Rennes, Lorient), à Nancy et en Wallonie (Belgique), de même qu’auprès d’acteurs publics (Nord-Pas de Calais, Wallonie) soutenant ou souhaitant soutenir la création de tiers-lieux. Nous avons suivi des débats entre coworkers ou makers sous la forme d’une « observation participante » lors d’événements organisés par ces communautés [17], lors de réunions de débats ou de montage de projets lancées par des communautés ou collectifs lillois (ANIS, Catalyst, Mutualab) ou à l’initiative d’acteurs publics. Nous avons également, en 2013, organisé un séminaire de travail avec des acteurs de ces deux mondes, venus de différents horizons français et wallons, pendant lequel de riches débats ont fait émerger les aspirations des fondateurs de tiers-lieux, les contraintes auxquelles ils sont confrontés ainsi que les aspirations des autorités publiques à soutenir ce mouvement [18].

2 – La diffusion du concept de tiers-lieux : une dialectique entre valeurs communautaires et logiques de marché. L’exemple du Nord-Pas de Calais

20Le matériau collecté lors de notre démarche exploratoire est ici retravaillé à l’aune de la théorie de la diffusion spatiale des innovations. Dans un premier temps, nous présentons un panorama de la géographie des tiers-lieux dans le Nord-Pas de Calais [19], analyse on ne peut plus classique de la distribution spatiale vu que le manque de données ne permet pas de faire une analyse spatiale quantitative du phénomène. Dans un second temps, nous essayons de comprendre pourquoi, comment et grâce à qui des tiers-lieux ont émergé sur la métropole lilloise, pour présenter ensuite les canaux de la diffusion sociale et spatiale de ce concept. Le Nord-Pas de Calais - et même la Métropole lilloise - est le point d’entrée de l’étude compte tenu de l’immersion nécessaire du chercheur dans les milieux locaux pour en décrypter les dynamiques, les valeurs et les représentations.

2.1 – Les tiers-lieux dans le Nord-Pas de Calais : un phénomène métropolitain ?

21Le Nord-Pas de Calais compte, fin 2016, 19 espaces de coworking (14 en 2015), 6 Fab Labs (4 en 2015) et 4 Hacker/makerspaces[20]. Lille Métropole concentre 14 des 19 coworking spaces et 2 des 6 ateliers de fabrication numérique. Le reste des tiers-lieux se répartit dans les villes de rang 2 voire 3 de la hiérarchie urbaine, essentiellement des villes en restructuration économique. Le premier espace de coworking apparaît à Lille en 2010. En 2013, les tiers-lieux sont au nombre de 5, tous dans la métropole lilloise. À partir de 2014, la croissance continue dans la métropole, notamment sous la forme d’entreprises privées proposant de la location de bureau à la carte, même si certains lieux ne trouvent pas leur clientèle et disparaissent dans l’année de leur ouverture. Mais la création de tiers-lieux touche aussi le reste de la région, pour beaucoup sous l’impulsion de collectivités locales et/ou de chambres de commerce, avec l’appui de la Région voire de l’État (Fab Lab de Calais). La majorité des coworking spaces de la région ont été créés dans les centres-villes, même celui d’Orchies, dans la campagne au sud de Lille, qui se présente comme un lieu pour « travailler au vert ». Les coworking spaces d’initiative privée s’implantent au plus près de leur clientèle potentielle, sur les grands axes routiers, les lignes de transport en commun ou dans les zones d’immobilier de bureau. Par contre, la localisation des Fab Labs ou des tiers-lieux mixant coworking, fabrication numérique, voire espaces de création culturelle et de restauration, est plus diverse, au gré des structures qui les portent (association, université, chambre de commerce, commune) voire des politiques de régénération urbaine (gare, usine, quartier d’habitat social, etc.).

22La diffusion spatiale des tiers-lieux s’accompagne d’une diversification des porteurs de projets de coworking spaces ou de Fab Labs. Sans tenir compte pour le moment des acteurs publics, que nous aborderons dans la troisième section de cet article, on peut distinguer d’une part, les tiers-lieux d’initiative privée, d’autre part, les tiers-lieux d’initiative communautaire ou associative. Ces derniers cherchent à fonder une communauté informelle qui va de l’étudiant à l’entrepreneur en freelance en passant par le chômeur, l’artiste voire le bricoleur du dimanche. Les premiers ciblent une clientèle plus solvable de travailleurs nomades et/ou indépendants. Les lieux destinés aux entrepreneurs voire aux petites entreprises offrent des espaces esthétiquement conformes aux pratiques classiques de ces milieux, ce qui se reflète dans des tarifs, plus élevés, de location d’espace ou de temps de machine. Certains proposent des services d’accompagnement, voire de l’expertise et de la domiciliation d’entreprise. Ce modèle privé, qui se démultiplie depuis 2015 et surtout dans la métropole lilloise, est plus proche du concept des centres d’affaires même si les fondateurs revendiquent de créer des communautés de travail selon le principe initié par les tiers-lieux communautaires. Cependant, ces espaces privés de travail partagé ou de fabrication numérique ne modifient pas fondamentalement le système productif. Ils profitent au contraire des transformations en cours de l’économie locale - et nationale - vers l’économie de la connaissance, de la créativité et du numérique. Certains lieux se spécialisent d’ailleurs sur les métiers du digital, des jeux vidéo ou du e-commerce et se localisent dans le voisinage des grands projets urbains porteurs de ces mutations économiques. L’aire de recrutement de ces espaces privés est a minima à l’échelle de la métropole lilloise, avec des ambitions d’attractivité nationale voire internationale [21]. À l’inverse, les tiers-lieux créés à l’initiative de communautés informelles visent à transformer en profondeur le système socio-économique, en commençant par l’échelle locale.

2.2 – L’émergence de tiers-lieux sur Lille Métropole : expérimentations collectives dans un monde en mutation

23Le premier espace de coworking de Lille, La Coroutine, émerge au printemps 2010 sous la forme d’un squat. Réponse provisoire pour un embryon de communauté qui profite d’une implantation, plus légale, dans un quartier ouvrier où se créent des commerces alternatifs et des lieux d’économie sociale et solidaire, pour expérimenter de nouvelles formes de service avec les habitants du quartier. La Coroutine cristallise alors des étudiants, des chômeurs, des travailleurs indépendants qui ne s’attribuent pas encore le nom de coworkers. Au gré d’une pérégrination spatiale imposée par la croissance continue de ses membres, La Coroutine investit un bâtiment à proximité de la mairie de Lille, élargissant l’impact du tiers-lieu à l’échelle d’un centre-ville dynamique tout en revendiquant le maintien de ses valeurs originelles. La Couroutine se réfère en effet à un modèle d’engagement associatif et communautaire, où chacun partage ses connaissances et donne de son temps. La viabilité financière du lieu est assurée par un système de participation volontaire [22] voire par des appels au financement participatif (crowdfunding) auprès de la communauté des coworkers lors de ses déménagements successifs.

24Le second embryon communautaire lillois émerge à partir de 2011 au centre-ville de Lille, dans un immeuble de bureau des plus classique. CoworkingLille est fondé à l’initiative de deux amis en réorientation professionnelle, qui imaginent initialement un espace de travail partagé offrant de la formation et du conseil, pour obtenir l’appui des banques. Afin d’offrir des tarifs à la carte attractifs aux indépendants et télétravailleurs en recherche d’espace de bureau au centre-ville, la maintenance et l’animation du lieu reposent sur un partage des tâches entre les co-fondateurs et un noyau dur de coworkers fidèles. Bien que le modèle économique repose sur la location d’espace, l’équipe de CoworkingLille vise à construire pas à pas une communauté collaborative et conviviale malgré le turn over des coworkers occasionnels et la diversité des milieux professionnels qui fréquentent le lieu. Deux ans plus tard et du fait de son succès, CoworkingLille déménage dans un bâtiment plus vaste, toujours au cœur de Lille. Rebaptisé Mutualab, l’espace de coworking devient un tiers-lieu à part entière : restauration « bio », événements, formations et ateliers collaboratifs y font se rencontrer diverses communautés ou milieux professionnels de la métropole. Désormais, Mutualab s’affiche comme un « lieu ouvert d’innovation sociale » autour d’une communauté de près de cent personnes. Un Makerspace y accueille aussi l’association LilleMakers pour des expériences de fabrication numérique.

25De ces deux tiers-lieux pionniers, dont les membres se côtoient et partagent leur expérience naissante sur la création et la structuration d’espaces de travail collaboratif, émerge par essaimage un troisième modèle de coworking space. Cofactory naît en 2013 de l’aventure entrepreneuriale de trois personnes ayant des compétences dans le conseil aux entreprises et qui saisissent l’opportunité de créer une société sous la forme d’un espace de coworking. Le modèle économique repose sur la facturation d’une clientèle d’indépendants ou de commerciaux très mobiles qui n’ont a priori rien à partager sinon un espace à moindre coût situé sur le Grand boulevard qui relie Lille à Roubaix et Tourcoing, axe névralgique de la dynamique tertiaire métropolitaine. L’équilibre financier est aussi assuré par la location de salles pour l’organisation de formations ou d’événements professionnels. Néanmoins, les co-fondateurs ont à cœur de mettre leurs clients en relation, de jouer le rôle d’animateurs de communautés pour fidéliser des coworkers en recherche de liens sociaux et professionnels. Bien que conçu comme un espace ressource pour des entrepreneurs ou travailleurs mobiles, Cofactory est aussi devenu un point de ralliement communautaire pour des indépendants qui circulent d’un espace de coworking à un autre de la métropole lilloise, au gré de leurs besoins et des événements collaboratifs qui y sont organisés.

26La création et la structuration pas à pas, par essais et erreurs, de ces trois types d’espaces de coworking lillois sont au fondement de l’émergence d’un milieu local qui fait la promotion, auprès de la population comme des institutions métropolitaines et régionales, du travail collaboratif et des tiers-lieux. Si le nombre des espaces de travail partagés s’accroît, par imitation et diversification des modèles, reste que cette dynamique s’enracine dans une construction communautaire qui s’appuie sur la mise en réseau de personnes issues des mondes de l’entreprise, des associations, de l’enseignement, de la culture, des technologies numériques, voire des institutions publiques.

2.3 – Les canaux de la diffusion sociale et spatiale du concept de tiers-lieux

27Embarqués dans la même aventure locale, celle d’inventer de nouveaux lieux de travail selon des pratiques encore émergentes, les fondateurs de tiers-lieux de la métropole lilloise ont noué des liens pour partager informations et expériences. Jeunes diplômés ou professionnels en reconversion, tentés par le monde de l’entreprise ou par les valeurs associatives, ces pionniers ont peu à peu fait émerger un réseau métropolitain d’individus tentés par l’aventure des tiers-lieux et de l’économie collaborative. Les canaux de diffusion de ces concepts sont à la fois médiatiques (presse, sites Internet, forums de discussion, wiki, etc.) et relationnels (échanges au sein des tiers-lieux, organisation d’événements, démarches auprès des institutions locales, constitution de collectifs de réflexion et d’action). Toutes les échelles spatiales sont concernées : les lieux qui font office de coworking space, de Fab Lab ou de Makerspace ; la métropole lilloise ; la région et même la Belgique francophone proche (Wallonie) via des échanges avec les community managers du réseau CoWallonia [23]. À l’échelle nationale et internationale, des échanges en face-à-face ont lieu ponctuellement, lors des grands événements organisés, en France, en Europe ou ailleurs, sur le thème des tiers-lieux.

28Mais les échanges de connaissances et d’expériences qui permettent d’améliorer le montage de projets et de co-construire des modèles viables de tiers-lieux se font aussi par le biais d’Internet avec des outils en Open Source. Certains fondateurs de tiers-lieux lillois ont, par exemple, collaboré avec des coworkers d’autres territoires francophones (au Québec, en Afrique, etc.) via Imagination for People (I4P) [24], une plateforme numérique de projets innovants et sociaux. Localement, le collectif Catalyst, constitué de coworkers, de makers, de chercheurs voire de chargés de mission des institutions publiques, organise des réunions en présentiel, lance des débats via des listes de discussion et diffuse via un wiki toute l’information produite. Catalyst, soutenu par des dons et une subvention de la Métropole Européenne de Lille, développe ses actions depuis 2011 dans le cadre juridique de l’association ANIS (diffusion des usages citoyens et solidaires des TIC) ou lors des ROUMICS (rencontres ouvertes du multimédia et de l’Internet citoyen et solidaire), événementiel grand public de la région Nord-Pas de Calais. Autour de ce noyau dur d’acteurs très engagés dans la diffusion des concepts de tiers-lieu et d’économie collaborative gravitent de plus en plus d’acteurs issus des mondes de l’économie sociale et solidaire, de la protection de l’environnement, de la création artistique, de la « culture du logiciel libre et du DIY [25] » et de la fabrication numérique locale et participative. Affinités personnelles, relations professionnelles et événements collectifs locaux (Maker Faire, ROUMICS, MeetUp Coworking, Bar camps, Openbidouille, Cafés citoyens et autres rencontres organisées par des associations ou des collectifs d’artistes) contribuent à créer des « liens faibles » qui relient ces acteurs au cœur plus structuré du réseau et de la communauté en train de se constituer (Granovetter, 1973 ; Suire, 2013 ; Comunian, 2015).

29La mise en réseau des acteurs et l’émergence de communautés d’intérêt et de pratique s’effectue donc autant à l’échelle locale qu’à une échelle internationale, autant dans le face-à-face physique qu’à travers les réseaux sociaux du web 2.0. Pour adopter la grille analytique de Bathelt et al. (2004), on peut émettre l’hypothèse que le développement des tiers-lieux à l’échelle de la métropole lilloise, voire la diffusion du modèle dans d’autres villes de la région, repose sur du local buzz, circulation informelle d’informations via les réseaux de relations, les associations et les événements locaux. Ce local buzz est d’ailleurs entretenu par les fondateurs de tiers-lieux, notamment à travers la mobilisation des médias pour porter à la connaissance des citoyens, donc des clients potentiels, le phénomène du coworking et du Do it yourself. Par ailleurs, fondateurs, animateurs et autres coworkers ou makers participent à la construction de l’information sur ce phénomène émergent à travers des échanges nationaux et internationaux sur Internet : le global pipeline permet de rendre plus efficient le(s) modèle(s) ainsi que de le(s) diffuser à l’échelle de la planète pour, peut-être, changer le monde.

2.4 – Des tiers-lieux pour co-créer et co-produire, mais quoi ?

30Toutes les personnes qui fréquentent les tiers-lieux lillois ne sont pas pour autant impliquées dans ces communautés engagées dans la création de tiers-lieux et dans leur animation. Elles gravitent autour de ces communautés, comme usagers d’un espace plus que comme membres actifs d’un collectif. Pourtant, la littérature sur les tiers-lieux - tout comme les politiques qui surfent sur ce courant de pensée - considèrent que les tiers-lieux favorisent l’émergence de communautés apprenantes à partir desquelles peuvent naître des projets, des entreprises voire des innovations (parfois disruptives [26]). On peut d’ores et déjà observer, sur le terrain lillois, quelques co-créations d’entreprises ou quelques services innovants, mais le nombre des tiers-lieux tout comme la jeunesse de ces structures ne permettent pas encore de faire une analyse scientifique (mesurable) de leurs potentielles retombées locales en matière d’économie collaborative, d’innovation et de développement des territoires. Pour le moment, le changement émerge dans un autre champ. Proximité spatiale (au sein des tiers-lieux comme à l’échelle de la métropole), proximité relationnelle (entre les coworkers et makers mais aussi avec les institutions locales) et proximité cognitive (par le partage de compétences professionnelles comme par la construction de valeurs communes quant au fonctionnement des tiers-lieux) se combinent en effet pour faire converger coworkers, hackers et makers autour de la promotion d’un modèle « alternatif » de développement des territoires. Mais à partir de ce plus petit dénominateur commun, l’éventail de ce qu’on entend par alternatif s’élargit. Le débat n’est pas nouveau, ni les initiatives en la matière mais le mouvement des tiers-lieux cristallise des engagements personnels ou associatifs dans les sphères sociales, culturelles, environnementales ou technologiques.

31L’intérêt récent pour les Fab Labs et les Makerspaces prend ainsi sa source dans la promotion de l’usage des logiciels libres, à l’exemple de l’association Chtinux créée en 2002 par des étudiants d’universités publiques lilloises. De cette association a émergé le projet M.E.U.H (machines électroniques à usage humaniste), inspiré des Média Labs des années 1980 où des artistes expérimentaient les technologies numériques pour créer de la musique électronique. Le projet M.E.U.H/lab a désormais étendu son champ d’action à la « bidouille électronique » et au Do it yourself, dans une philosophie d’éducation populaire au numérique [27]. L’ambition est de créer un « Fab Lab distribué » sur le territoire régional, dans une collaboration active avec les espaces de coworking de la métropole lilloise, à des fins d’innovation sociale (Liefooghe, 2016 ; Taniguchi et Liefooghe, 2016). Dans ce contexte de curiosité pour la fabrication numérique et additive, des espaces qui se revendiquent du Fab Lab ou du Makerspace (mais sans pour autant être auto-référencés comme tels, sur Makery par exemple) se multiplient sur la métropole lilloise ou en région, tant dans des lycées, des écoles d’ingénieurs et des universités que dans des Maisons Folies (lieux culturels créés pour Lille 2004, capitale européenne de la culture) ou dans des « sites d’excellence » (Euratechnologies, Plaine Image) de Lille Métropole. Initiation, formation, apprentissage sont les pierres angulaires d’une économie collaborative encore à inventer. Mais selon quel modèle ?

32Pour certains fondateurs de tiers-lieux lillois, tout juste trentenaires, les espaces de coworking devraient, en fait, être des lieux de « reprise du pouvoir » par les citoyens, dans la ligne des idées d’Amartya Sen (1999). Plus encore, ces espaces d’activités économiques devraient fonctionner en dehors de la logique de marché, dans une perspective contributive pour « créer de l’abondance », sur le modèle de Wikipédia ou de La Mutinerie, à Paris, qui favorise l’achat groupé de produits en provenance de producteurs locaux. Ces idéaux sont portés notamment par le collectif Catalyst, qui défend le « passage d’une société de la possession à une société de la relation, d’une économie financière à une économie sociale et solidaire [grâce à une] coopération entre acteurs du numérique, de l’économie sociale et solidaire, de l’écocitoyenneté, de l’éducation populaire… » [28]. Consommation collaborative, mouvement des Makers, création de tiers-lieux sont autant de thèmes débattus et qui ont abouti plus récemment à une mobilisation autour de la notion de « communs » (Bauwens, 2015 ; Coriat, 2015). Quand un projet d’entreprise ou de produit innovant émerge du partage des connaissances et expériences au sein du tiers-lieu mais se développe à l’extérieur de ce lieu, dans le circuit économique classique, la communauté originelle peut-elle en attendre un « retour sur investissement » et sous quelle forme ? La question des droits de propriété intellectuelle est au cœur de la dynamique économique et spatiale des tiers-lieux. Le « mouvement des communs » auquel se rattache le collectif lillois vise en fait à poser les bases d’une économie de la co-création de ressources par et pour les citoyens, dans le cadre d’un modèle, à fonder, de « co-construction des politiques publiques » qui ferait aussi place aux initiatives citoyennes [29]. Il ne s’agit rien moins que de « changer le monde ». Cependant et à plus court terme, des initiatives publiques cherchent dans le concept de tiers-lieu une réponse possible à la pénurie d’emploi et au développement des territoires par la transition numérique et l’économie collaborative, quelle qu’en soit la définition (Ferry, 2016).

3 – Politiques publiques et diffusion des tiers-lieux : la confusion des objectifs

33D’après le témoignage de coworkers lillois sur les débats au sein des premières conférences européennes du coworking, la proposition des Français de faire appel aux financements publics apparaissait comme une incongruité (Liefooghe, 2016). Dans le reste du monde, en effet, les espaces de coworking sont initiés par des communautés ou des individus entreprenants et fonctionnent selon un modèle entrepreneurial. Depuis, la situation a évolué : des États, des régions, des collectivités locales élaborent des outils pour soutenir l’émergence de coworking spaces ou de Fab Labs. Cette section décrypte la façon dont les autorités publiques interviennent au nom du développement économique et territorial, au risque de brouiller les règles du jeu que veulent propulser les nouveaux entrants (Liefooghe, 2012).

3.1 – Quand le tiers-lieu devient outil de développement économique territorial

34En France, le financement public/privé de tiers-lieux, associant grandes entreprises et soutien de collectivités territoriales, existe dès 2008, à l’exemple du réseau des Cantines numériques qui œuvre à l’émergence de Start up de l’économie numérique (Le Barzic et Distinguin, 2010). À partir de 2012, la région Ile-de-France lance des appels à projet pour la création d’espaces de travail collaboratif (télécentres, espaces de coworking, Fab Labs). Entre 2012 et 2015, 70 nouveaux espaces ont ainsi été subventionnés, pour développer le travail en mode collaboratif mais aussi pour contribuer à la réduction les problèmes de circulation. En 2013, l’État français a lancé un appel à projet visant le développement d’ateliers de fabrication numérique susceptibles d’aider les entreprises à adopter de nouvelles pratiques innovantes (prototypage rapide, personnalisation, petites séries) [30]. De plus en plus de collectivités territoriales, à différentes échelles, lancent des appels à projet pour la création de tiers-lieux, et notamment de Fab Labs, dans une optique de mutation des territoires par l’appropriation citoyenne des technologies numériques. À l’échelle des villes, des politiques publiques insèrent des tiers-lieux dans des programmes de régénération urbaine, comme une pièce de puzzle que doit désormais intégrer ce genre de projet (Liefooghe, 2015c). Ainsi, dans la Métropole lilloise, un grand projet urbain à vocation économique comme la Plaine Images - usines textiles réhabilitées en pôle d’activités liées au cinéma, à la télévision et aux jeux vidéo - offre désormais un espace de coworking gratuit et ouvert à tous dans le hall d’accueil (Liefooghe, Mons et Paris, 2016). La Ville de Lille a, quant à elle, lancé en 2016 un appel à manifestation d’intérêt pour réaliser au cœur du quartier Saint-Sauveur, grand projet de régénération urbaine de l’ancienne gare de marchandises, un vaste espace dédié à l’économie créative autour du coworking, de la fabrication numérique et du design. Des projets de tiers-lieux émergent aussi dans d’autres communes de la métropole lilloise mais au titre, cette fois, de la réhabilitation de quartiers sociaux en difficulté. À Mons-en-Baroeul, par exemple, la rénovation de la ZUP en écoquartier s’accompagne de la création d’un tiers-lieu d’innovation économique et sociale, Mons Fabrica, imaginé dans une collaboration entre la Ville, les habitants et les futurs usagers. Ce tiers-lieu va prendre place dans la Maison du projet que doit désormais comporter tout projet réalisé dans le cadre du Nouveau Programme de Rénovation Urbaine [31]. Initié dès 2014, Mons Fabrica doit, selon le projet de la Ville, favoriser la création d’activités nouvelles, contribuer à l’innovation sociale et au développement de la créativité, favoriser le lien social, former au numérique, être un lieu de conférences et d’échanges, le tout autour d’un espace de coworking et de fabrication numérique et d’un espace de restauration [32]. Comme le montrent ces divers exemples, les collectivités territoriales se sont emparées du modèle du tiers-lieu comme d’un nouvel outil de développement local censé résoudre à la fois les problèmes économiques et les problèmes sociaux. Outre la dimension utopique que peuvent comporter ces ambitieux projets politiques, que devient la dimension communautaire censée être au cœur des projets de tiers-lieux ?

3.2 – Une articulation complexe entre initiative communautaire et initiative publique

35Si l’idéal-type du tiers-lieu est d’initiative communautaire, voire d’inspiration anarchiste (Lallement, 2015), force est de constater que l’irruption de la puissance publique dans la diffusion spatiale des tiers-lieux change la donne. On peut distinguer trois cas de figure. Un premier modèle d’action est celui d’une collectivité territoriale s’appuyant sur les besoins latents de divers acteurs locaux - associatifs, institutionnels ou privés - pour concevoir un ou des tiers-lieux financés et pilotés par la puissance publique au nom d’une politique de développement économique. La Ville d’Angers a, par exemple, ouvert en 2013 une Maison des projets pour faire émerger un cluster culturel et créatif autour de la filière musicale et audiovisuelle. Si des animateurs étaient chargés de faciliter la rencontre entre coworkers et de faire se croiser les communautés du numérique et celles des mondes artistiques, le portage et l’ambiance institutionnelle du lieu n’a convenu ni aux associations qui souhaitaient créer une Cantine numérique, ni à Angers Technopole qui visait le développement de la filière numérique, ni aux créateurs d’entreprise qui ont préféré le cadre des pépinières ou d’un coworking space privé. Le changement de majorité lors des élections municipales de 2014 a mis fin à cette expérimentation.

36Le deuxième modèle d’action publique, à l’inverse, consiste à accompagner un ou des acteurs privés et/ou associatifs qui restent à l’initiative de la création du tiers-lieu. À Dunkerque, par exemple, la création de l’espace de coworking Work&Co dans un quartier d’habitat social en rénovation urbaine est à l’initiative d’un couple d’entrepreneurs dans le cadre juridique d’une société civile immobilière à vocation d’entreprenariat social et avec l’aide d’investisseurs partageant la même éthique. Les fondateurs ont acquis auprès de la ville de Dunkerque un bâtiment industriel délaissé, transformé en espace de travail collaboratif éco-responsable avec crèche et café équitable. Les autorités publiques ont participé à la définition du projet et de son environnement immédiat, en collaboration avec les habitants, afin que le lieu puisse contribuer au développement du quartier dans une logique d’économie sociale et solidaire. Reste à voir si, sur le long terme, ce lieu parvient à faire émerger une communauté collaborative de coworkers ou s’il demeure un espace de travail partagé en location à la carte.

37Le troisième modèle d’action est celui d’une collectivité territoriale lançant un appel à projet voire, plus en amont, un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour la création de tiers-lieux. L’appel n’est pas toujours adressé aux seules communautés de coworkers ou de makers déjà constituées mais peut avoir pour ambition de faire émerger un marché du coworking qui permette la viabilité économique de ces lieux de travail partagé. En Belgique, par exemple, le gouvernement wallon a lancé en 2011 un appel pour la création d’un réseau d’espaces de coworking dans le cadre de Creative Wallonia, programme soutenant la mutation du système productif industriel vers l’économie créative (Liefooghe, 2016). Le réseau CoWallonia, constitué des huit tiers-lieux sélectionnés sur des critères d’accessibilité et de capacité à développer un vivier de coworkers, s’appuie sur les villes les plus importantes de la hiérarchie urbaine. Dans les villes - Mons et Liège - où des communautés de coworkers préexistaient à l’appel à projet, un modèle économique basé sur la location d’espace a pu se substituer comme prévu au financement public. Inversement, si la masse critique de coworkers était faible au moment de l’appel à projet, ni la taille du marché du travail, ni les outils d’animation mis en place dans les tiers-lieux n’ont suffi à rendre attractifs les coworking spaces de CoWallonia, y compris dans une ville universitaire comme Louvain-la-Neuve, pourtant axée sur l’entrepreneuriat et l’innovation technologique. En 2013, paradoxalement, l’émergence d’espaces de coworking privés, voire ciblés sur un domaine technologique, faisait concurrence au réseau lancé par la puissance publique. Paradoxe qui n’est pas propre à la Belgique puisque des sociétés immobilières, parfois d’envergure internationale, investissent ce nouveau marché, quand elles ne répondent pas aux divers appels à projet des collectivités territoriales. Dans un contexte d’injonction à l’efficience économique des investissements publics, la tentation est forte pour ces collectivités d’opter pour des solutions « clés-en-en main » pour travailleurs nomades et entrepreneurs isolés, d’autant que les règles de la comptabilité publique, qui privilégient l’investissement dans les bâtiments et les équipements au détriment de l’embauche d’animateurs et d’un soutien aux animations événementielles, ne garantissent en rien l’émergence et la structuration de communautés collaboratives de coworkers ou de makers.

38À travers ces exemples, on perçoit la difficulté d’initier de « vrais » tiers-lieux, dont l’attractivité et le développement reposent moins sur l’agencement spatial du lieu que sur les milieux collaboratifs et créatifs qui peuvent y prendre racine. Ces exemples posent aussi la question des modalités d’intervention des autorités publiques qui ne perçoivent pas toujours le volet « intérêt général » de ce type de lieu. Comment une organisation territoriale structurée et hiérarchisée peut-elle aider des communautés libres dans des espaces au statut encore flou ? Comment les politiques publiques classiques qui fonctionnent en silo peuvent-elles s’adapter aux tiers-lieux de travail qui, tout en proposant de nouvelles façons de produire, introduisent la problématique de l’innovation sociale voire expérimentent de nouvelles formes de démocratie ? La confusion des objectifs des tiers-lieux soutenus par les collectivités territoriales est d’autant plus grande que les discours politiques comme les appels à projet leur attribuent à la fois un rôle dans la transition des territoires vers une économie collaborative innovante et un rôle d’éducation des citoyens à la fabrication numérique et à l’apprentissage entre pairs. Le rôle de la puissance publique dans la formation des générations futures à des pratiques censées être « naturelles » pour la génération Y oblige également les différents échelons territoriaux à revoir leurs politiques.

3.3 – Travailler autrement : nouveaux lieux d’apprentissage pour la génération Y

39La transformation des modes de conception et de production liée à une économie de la connaissance démocratisée par les technologies numériques pourrait avoir un impact économique et territorial grâce à une large diffusion spatiale et sociétale de ces nouvelles pratiques (Babinet, 2014). Complémentaire à la diffusion de ces pratiques par Internet, la création de nouveaux lieux propices à la créativité - par le co-design, le Design Thinking ou le Do it Yourself - vise l’apprentissage par le jeu, la simulation et le Learning by Doing des Anglo-Saxons (Lepers et Vaesken, 2011). Les étudiants sont mis en situation quasi-professionnelle, souvent en collaboration avec des entreprises, pour adopter les savoirs, savoir-faire et savoir-être dont ils auront besoin dans leur parcours professionnel. Dans le Nord-Pas de Calais, ces nouveaux modes d’apprentissage sont expérimentés dans les établissements d’enseignement supérieur (Liefooghe, 2016). L’Université de Lille 1 (sciences et technologies), avec l’aide de la Région Nord-Pas de Calais, a transformé la bibliothèque universitaire en un Learning Center, dénommé Lilliad et inauguré fin 2016. En contrepartie du soutien de la Région, l’Université s’engage à faciliter l’accès de Lilliad aux citoyens mais surtout aux entreprises pour contribuer à la mutation de l’économie régionale vers la créativité, l’innovation et la « troisième révolution industrielle » [33]. Pour ce faire, ont été accolés au bâtiment initial des lieux de conférence et un espace de valorisation ludique et expérimentale de la recherche (Xperium). Les étudiants et les enseignants bénéficient quant à eux de salles équipées d’outils numériques de dernière génération pour des formations interactives, du co-design ou toute autre pratique pédagogique innovante. En parallèle de cet équipement majeur, Polytech Lille, l’école d’ingénieurs de l’université de Lille Sciences et Technologies, a ouvert dès octobre 2014 un Fab Lab - dénommé Fabricarium - en s’inspirant du FacLab de l’université de Cergy-Pontoise. Ce lieu doit permettre aux élèves ingénieurs d’apprendre la conception et le prototypage rapide avec une imprimante 3D et une découpeuse laser. Un « second lieu » doit être aménagé avec des machines de niveau industriel destinées à la pré-industrialisation des prototypes. Le Fabricarium est accessible aux étudiants et personnels de l’université de Lille ; le « second lieu » cherche plutôt à s’ouvrir aux entreprises partenaires de l’Université.

40L’autre pôle métropolitain de formation innovante à destination des ingénieurs en formation est l’Université catholique de Lille (FUPL) [34]. Les écoles HEI (ingénieurs généralistes), ISEN (ingénieurs en électronique) et ISA (ingénieurs en agro-alimentaire) associées à la faculté libre des sciences expérimentent la co-conception et le co-design dès 2008, en collaboration avec le milieu entrepreneurial local traditionnellement lié à la Catho. De cette expérience sont nés des « ateliers de l’innovation et du co-design » sous la marque déposée ADICODE®, projet qui a obtenu le label des initiatives d’excellence en formation innovante (IDEFI) dans le cadre du programme national d’investissements d’avenir (PIA). Cette initiative est portée par un consortium régional regroupant le pôle de La Catho (HEI ISA ISEN, institut catholique de Lille, ingénieurs arts et métiers de l’ICAM), l’institut d’électronique de microélectronique et de nanotechnologie (IEMN porté entre autres par La Catho, Lille 1 et l’Université de Valenciennes), l’École nationale d’architecture et de paysage de Lille (ENSAP) et l’institut supérieur du design (ISD) de Valenciennes. Le réseau des collaborations s’élargit d’ailleurs bien au-delà de la région puisque l’équipe de recherche en co-design et intelligence collective du groupe HEI ISA ISEN collabore avec l’École des mines de Paris, l’École centrale de Lyon, l’université de Louvain la Neuve en Belgique et le réseau international MOSAIC (HEC Montréal, Aalto University, université de Liège), avec le soutien dès 2013 du conseil régional et du FEDER. La construction de cet écosystème d’innovation pédagogique s’incarne dans trois espaces ADICODE®, en cours d’implantation : dans le quartier de la Catho, où il sera associé à un Fab Lab pour le prototypage rapide ; à Humanicité, écoquartier construit dans une collaboration entre université catholique et communauté urbaine, Living Lab (laboratoire « vivant ») où sont testés produits et services à destination des handicapées ou personnes dépendantes ; à Euratechnologies, quartier de l’économie numérique et ubiquitaire de Lille Métropole, où un bâtiment éco-conçu est voulu comme élément précurseur d’un nouveau « campus de l’innovation ». L’ensemble de ces opérations bénéficie du soutien de Lille Métropole et de la chambre de commerce et d’industrie, en collaboration avec des pôles de compétitivité régionaux.

41Comme le montrent ces exemples du Nord-Pas de Calais, les expérimentations pédagogiques et les nouveaux (tiers-)lieux qui leur sont dédiés se développent aussi comme des projets de territoire intégrés à la stratégie des acteurs publics et privés. Ils sont en fait des éléments d’un écosystème d’innovation qui s’est constitué pas à pas depuis plus de cinquante ans pour porter la mutation technopolitaine d’un territoire qui avait construit sa puissance autour d’une industrie de main d’œuvre peu qualifiée (Liefooghe et al., 2006 ; Liefooghe, 2012).

4 – Conclusion : débats et perspectives

42Les tiers-lieux sont donc en recherche de modèles pour assurer leur survie et accroître leur rôle dans la transformation de l’économie et de la société. Une analyse de ces dispositifs sous l’angle de la diffusion d’une innovation socio-économique spatialisée permet d’analyser le rôle des différents types d’acteurs dans la transition des territoires vers une économie numérique et collaborative.

4.1 – Les vecteurs de la diffusion socio-spatiale du concept de tiers-lieu

43Le phénomène des tiers-lieux et la rapidité avec laquelle il se diffuse à l’échelle mondiale peuvent s’analyser sous deux angles : la diffusion du concept de tiers-lieu, qui préside à l’envie de créer ce type de lieu, et la révélation/construction d’un besoin latent qui, des professionnels du numérique jusqu’au citoyen lambda, accroît le nombre des usagers de ces tiers-lieux (Eveno, 2015). Conformément au modèle de la diffusion spatiale des innovations, le dispositif des tiers-lieux, analysé comme une innovation spatiale et organisationnelle, est apparu dans des foyers d’innovation à forte densité de population, aux États-Unis. Le modèle se diffuse désormais par la voie hiérarchique, des plus grandes villes vers les plus petites, même si ce dernier stade n’en est encore qu’aux prémices. À l’échelle des tissus urbains, la diffusion s’opère de proche en proche : les fondateurs pionniers sont imités par des amis et/ou usagers et/ou concurrents qui deviennent fondateurs d’autres tiers-lieux. À l’une ou l’autre échelle de la diffusion spatiale, la circulation du concept initial passe par différents médias : plateformes et sites Internet ; événementiels locaux, nationaux ou internationaux ; ouvrages écrits par des fondateurs ou des animateurs de tiers-lieux ; nomadisme professionnel entre différents tiers-lieux ; voire presse, radio et télévision. Le partage d’informations et d’expériences, la diffusion de « bonnes pratiques », la mise en réseau des acteurs contribuent ainsi à l’émergence de communautés de connaissance et de pratique, d’abord entre fondateurs et usagers des tiers lieux, mais aussi dans une interaction avec des chercheurs et les pouvoirs publics (Paris et Raulet-Croset, 2016).

44La multiplication du nombre des tiers-lieux suppose la croissance du nombre des usagers qui les fréquentent. Pour E. Eveno (2015), la diffusion socio-spatiale du modèle de travail et d’organisation proposé par les tiers-lieux implique l’émergence d’une micro-société du numérique qui dépasse la sphère des communautés épistémiques (de professionnels des technologies numériques ou de l’économie collaborative, par exemple) puisqu’elle inclut des usagers de divers horizons professionnels, voire de simples habitants. La territorialisation des tiers-lieux - leur ancrage dans le tissu local et régional - accompagne alors la transition vers une culture du numérique qui peut, à terme, toucher l’ensemble du tissu économique et social du territoire.

4.2 – De la diffusion du concept de tiers-lieu à la diversification des modèles

45La littérature sur les tiers-lieux tout comme l’analyse de terrain montrent que la diffusion spatiale du concept de tiers-lieu cache en fait une diversification des modèles : la distance s’accroît entre les concepts quasi-iconiques nés aux États-Unis et leur déclinaison en différents types de lieu (de travail) collaboratif. L’analyse de la motivation et des valeurs des fondateurs, d’une part, des pratiques des usagers de ces lieux, d’autre part, permet de dégager trois schémas : le tiers-lieu comme facteur de diminution des coûts de production et de transaction ; le tiers-lieu comme espace transitionnel et d’apprentissage du travail collaboratif ; le tiers-lieu comme foyer d’émergence et d’expérimentation d’utopies socio-économiques voire politiques. Ces trois schémas peuvent à la fois correspondre à différents usages d’un même tiers-lieu et définir trois axes divergents de la diffusion socio-spatiale des tiers-lieux.

46Le schéma du tiers-lieu comme facteur de diminution des coûts de production et de transaction correspond à des usagers en recherche d’espace de bureau (coworking) ou de temps de machine numérique (Fab Lab) facturés selon le temps d’usage. L’objectif est soit de ne plus travailler chez soi, seul, mais à un coût de location le plus faible possible, soit de pouvoir produire des prototypes ou des petites séries de produits rapidement et à moindre coût. La co-présence d’usagers différents peut, en outre, favoriser le partage d’informations et ouvrir vers des marchés ou des ressources utiles au développement du projet de l’entrepreneur (potentiel). Ce schéma correspond aussi à l’apparition d’espace de coworking ou de Fab labs privés, portés soit par un entrepreneur indépendant, soit par des groupes immobiliers qui investissent le marché des travailleurs nomades, des entrepreneurs créatifs et des PME innovantes. La dénomination de coworking space et de Fab Lab est alors souvent un « produit d’appel » puisque le travail collaboratif n’en est pas le but premier. Ce sont des lieux fournis « clés en main » (décoration spécifique voire animateur de communauté compris) aux collectivités locales qui souhaitent les implanter dans leurs projets urbains. Ce schéma correspond à la phase en cours de diffusion (exponentielle ?) des implantations de tiers-lieux dans les grandes villes. Elle s’inscrit dans un modèle économique capitaliste classique qui répond à la précarisation de l’emploi lié à l’atomisation organisationnelle du système de production flexible.

47Ce schéma de diffusion lié à la dynamique spatiale du capitalisme déstabilise celui du tiers-lieu comme espace transitionnel et d’apprentissage du travail collaboratif, schéma qui est au cœur de la phase pionnière puis de la phase d’émergence de la diffusion spatiale du concept de tiers-lieu. C’est l’idéal-type du tiers-lieu tel que présenté dans les travaux de gestion, de management, d’organisation des entreprises ou de l’économie de l’innovation. Proximité spatiale, organisationnelle et relationnelle se combinent pour transformer un espace partagé (co-présence) en un lieu de sociabilité, puis de construction de collectifs et de communautés, voire de coopération en mode projet (Boboc et al., 2014). Ces lieux sont des espaces de transition (par apprentissage mutuel) d’une culture salariale vers une culture du travail indépendant en mode projet, mais aussi des espaces transitionnels dans la mesure où le collectif protège le coworker ou le maker déstabilisé par l’apprentissage de nouveaux modes de travail et de comportement. Considérés par un certain nombre de chercheurs et d’acteurs publics comme les nouveaux lieux d’émergence de projets favorables à la transition vers une économie de la connaissance, créative et collaborative, ce schéma de tiers-lieu est de plus en plus transposé au sein des grandes entreprises qui cherchent à relancer leur dynamique d’innovation selon le modèle de l’Open Innovation (Von Hippel, 2005 ; Capdevilla, 2015c). Au risque de la disparition d’une économie collaborative qui insuffle de la dynamique locale dans les territoires, et au profit d’un modèle oligopolistique de grandes entreprises, le plus souvent américaines (Ferry, 2016).

48Le troisième schéma, celui du tiers-lieu comme foyer d’émergence et d’expérimentation d’utopies socio-économiques voire politiques, tend justement à se cristalliser autour de la question de la propriété intellectuelle en situation de travail collaboratif entre acteurs juridiquement indépendants. Si le tiers-lieu favorise la circulation des connaissances puis l’émergence de projets créatifs, le collectif, voire le lieu, ont-ils à « récupérer » une partie des bénéfices de la vente d’un produit ou service innovant, qui aurait donc trouvé son marché ? Les débats au sein de ces communautés portent sur les thèmes des logiciels libres, des « communs », des innovations sociales voire du rôle des tiers-lieux dans la transition de l’économie et de la société vers un modèle alternatif au capitalisme (Mahieu, 2014, 2015). Ce schéma de tiers-lieu s’apparente à une utopie au sens d’un projet de transformation politique qui imagine un monde plus respectueux des citoyens et de l’environnement.

4.3 – Tiers-lieux et transition numérique des territoires : des politiques publiques en tension

49La diversification des types de tiers-lieu et leur diffusion spatiale sont parallèles à l’intérêt croissant que leur portent les acteurs publics. Qu’ils soient sollicités par les fondateurs de tiers-lieux ou qu’ils prennent l’initiative de nouvelles politiques publiques, ces acteurs sont poussés à intervenir dans différents champs d’action aux objectifs parfois antinomiques. Le premier champ d’action relève d’une politique de diffusion de la « culture numérique » à visée sociale et citoyenne. Différentes catégories de population sont ciblées, à travers le soutien à des lieux aussi divers que les EPN (espaces publics numériques), les centres culturels, les Makerspaces, les écoles, etc. Le deuxième champ d’action relève d’une politique d’aménagement des territoires, soit dans l’optique de réduire les problèmes de circulation et de pollution dans les aires métropolitaines par l’implantation de coworking spaces en périphérie urbaine, soit en faisant le pari de la création d’emplois dans les zones non-métropolitaines, les tiers-lieux favorisant la créativité et la mobilité professionnelle des indépendants. Le troisième champ d’action cible le développement économique des territoires, même s’il peut passer par des politiques de renouvellement urbain. Le soutien aux tiers-lieux s’inscrit dans une logique d’effet de levier, les coworking spaces et Fab Labs ayant alors pour mission d’être au service des entreprises et de l’innovation. Les cahiers des charges des projets soutenus obligent ces tiers-lieux à atteindre l’équilibre financier par autofinancement. Dans une vision plus large de la transition du système productif vers une économie digitale et collaborative, le modèle sous-jacent est celui de la « nouvelle révolution industrielle », à l’image des GAFAM [35] ou telle qu’imaginée par l’entrepreneur et journaliste américain Chris Anderson (2012) [36]. Le débat est cependant ouvert quant au rôle des tiers-lieux dans cette transition, notamment au regard des politiques nationales à destination des entreprises industrielles [37]. Le quatrième champ d’action relève de l’innovation sociale comme outil de réduction des inégalités. Par le soutien aux tiers-lieux, notamment dans des programmes nationaux de renouvellement urbain, on touche ici à l’idéal de l’empowerment (Sen, 1999) pour rendre aux individus leur capacité d’initiative par le « faire » et l’appropriation des outils numériques (Coste Lartigou et Reille-Baudrin, 2016).

50Reste que ces politiques balancent entre la nécessité de penser en termes de modèle économique, avec retour sur investissement public, et l’utopie d’un modèle socio-économique à ré-inventer. Un certain nombre de chercheurs (Suire, 2013 ; Ferchaud, 2016) ont d’ailleurs montré que les limites des politiques publiques ne tenaient pas seulement à ce flou dans les objectifs et les moyens mais aussi à la contradiction intrinsèque entre une logique d’institutionnalisation bureaucratique et un mouvement des tiers-lieux qui repose fondamentalement sur l’initiative individuelle et communautaire.

Notes

Français

Apparue dans les années 1980 aux États-Unis, la notion de tiers-lieu s’en réfère aux nouveaux lieux de sociabilité qui contribuent à la cohésion d’une société urbaine en mutation. À l’heure d’Internet et de l’économie de la connaissance, le tiers-lieu apparaît comme un nouvel espace de travail où des communautés de projet construisent le monde de demain. Ces tiers-lieux de travail se déclinent en coworking spaces, Fab Labs et autres formats mais la diffusion mondiale de ces concepts fait diverger le modèle initial, pourtant émergent. Tantôt porteur d’une utopie d’économie collaborative, tantôt réponse plus modeste à la crise de l’emploi salarié, le tiers-lieu s’accompagne de promesses en matière de développement territorial. Après une revue de la littérature portant sur les tiers-lieux, l’article propose de les analyser sous l’angle de la théorie de la diffusion spatiale des innovations et, notamment à travers l’exemple du Nord-Pas de Calais, de discuter des vecteurs et des modes de diffusion d’un changement économique et sociétal porté par les nouveaux usages des technologies numériques.

Mots-clés

  • tiers-lieu
  • coworking space
  • Fab Lab
  • diffusion spatiale
  • Nord-Pas de Calais
  1. Introduction
  2. 1 - Les tiers-lieux : un objet de recherche hybride et émergent
    1. 1.1 - Géographie pointilliste d’un concept américain en voie de diffusion mondiale
    2. 1.2 - Les tiers-lieux comme objet de recherche : approches théoriques et méthodologiques
      1. 1.2.1 - Les tiers-lieux comme révélateurs des transformations de l’économie et de l’emploi
      2. 1.2.2 - Le tiers-lieu comme « espace de rencontres physiques au cœur d’une économie virtuelle »
      3. 1.2.3 - Les tiers-lieux comme accélérateurs d’innovation et de créativité
    3. 1.3 - Une approche des tiers-lieux en termes de diffusion socio-spatiale d’une innovation
  3. 2 - La diffusion du concept de tiers-lieux : une dialectique entre valeurs communautaires et logiques de marché. L’exemple du Nord-Pas de Calais
    1. 2.1 - Les tiers-lieux dans le Nord-Pas de Calais : un phénomène métropolitain ?
    2. 2.2 - L’émergence de tiers-lieux sur Lille Métropole : expérimentations collectives dans un monde en mutation
    3. 2.3 - Les canaux de la diffusion sociale et spatiale du concept de tiers-lieux
    4. 2.4 - Des tiers-lieux pour co-créer et co-produire, mais quoi ?
  4. 3 - Politiques publiques et diffusion des tiers-lieux : la confusion des objectifs
    1. 3.1 - Quand le tiers-lieu devient outil de développement économique territorial
    2. 3.2 - Une articulation complexe entre initiative communautaire et initiative publique
    3. 3.3 - Travailler autrement : nouveaux lieux d’apprentissage pour la génération Y
  5. 4 - Conclusion : débats et perspectives
    1. 4.1 - Les vecteurs de la diffusion socio-spatiale du concept de tiers-lieu
    2. 4.2 - De la diffusion du concept de tiers-lieu à la diversification des modèles
    3. 4.3 - Tiers-lieux et transition numérique des territoires : des politiques publiques en tension

Bibliographie

  • Anderson C., 2012. Makers. La nouvelle révolution industrielle. Pearson France, Paris.
  • Ascher F., 2005. La société hypermoderne. Éditions de L’Aube, La Tour d’Aigues.
  • Babinet G., 2014. L’ère numérique, un nouvel âge de l’humanité. Cinq mutations qui vont bouleverser notre vie. Le Passeur éditeur, Paris.
  • Barlette Y., Bonnet D., Plantié M. et Riccio P-M., 2015. Réseaux numériques et performance des entreprises. Management des technologies organisationnelles. Paris, Presses de Mines, Paris.
  • En ligneBathelt H., Malmberg A. and Maskell P., 2004. Clusters and Knowledge: Local Buzz, Global Pipelines and the Process of Knowledge Creation. Progress in Human Geography 1, 31-56.
  • En ligneBaudet-Michel S., 2001. Un siècle de diffusion des services aux entreprises dans les systèmes urbains français, britannique et ouest-allemand. L’Espace Géographique 1, 53-66.
  • Bauwens M., 2015. Sauver le monde. Vers une économie post-capitaliste avec le peer-to-peer. Les Liens qui libèrent, Paris.
  • Beaude B., 2012. Internet. Changer l’espace, changer la société. Éditions FYP, Paris.
  • Bennett S., Karvin L. and Maton K., 2008. The “digital natives” debate: A critical review of the evidence. British Journal of Educational Technology 5 (4), 1-12.
  • Boboc A., Bouchareb K., Deruelle V. et Metzger J-L., 2014. Le coworking : un dispositif pour sortir de l’isolement ? SociologieS, Théories et recherches [en ligne le 10 novembre 2014 sur : http://sociologies.revues.org/4873].
  • Bosqué C., Noor O. et Ricard L., 2014. Fablabs, etc. Les nouveaux lieux de fabrication numérique. Eyrolles, Paris.
  • Bottollier-Depois F., 2012. Fab Labs, makerspaces : entre nouvelles formes d’innovation et militantisme libertaire. Cahiers de recherche HEC Paris, Observatoire du management alternatif.
  • Bouchez J.P., 2004. Les nouveaux travailleurs du savoir. Éditions d’organisation, Paris.
  • En ligneBurret A., 2013. Démocratiser les tiers-lieux. Multitudes 1 (52), 89-97.
  • Burret A., 2014. Étude exploratoire des tiers-lieux comme dispositif d’incubation libre et ouvert de projet. Communication à la XXIIIe conférence de l’AIMS (association internationale de management stratégique), Rennes, 26-28 mai.
  • Burret A., 2015. Tiers lieux et plus si affinités. FYP éditions, Paris.
  • Capdevilla I., 2013. Knowledge Dynamics in Localized Communities: Coworking Spaces as Microclusters. Working papers, december [en ligne sur : http://ssrn.com/author=2189719].
  • Capdevilla I., 2015a. Different Inter-Organizational Collaboration Approaches in Coworking Spaces in Barcelona. Communication aux 8e journées de la proximité, Tours, 20-22 mai.
  • Capdevilla I., 2015b. Knowing Communities and the Innovative Capacity of Cities. Communication aux 8e journées de la proximité, Tours, 20-22 mai.
  • Capdevilla I., 2015c. Les différentes approches entrepreneuriales dans les espaces ouverts d’innovation. Innovations 18, 87-105.
  • Chesbrough H.W., 2003. Open Innovation: The New Imperative for Creating and Profiting from Technology. Harvard Business School Publishing, Cambridge.
  • Cohendet P., Creplet F. et Dupouët O., 2006. La gestion des connaissances. Firmes et communautés de savoir. Economica, Paris.
  • En ligneCohendet P., Grandadam D. and Simon L., 2010. The Anatomy of the Creative City. Industry and Innovation 17 (1), 91-111.
  • Comunian R., 2015. Le rôle des réseaux dans l’économie créative : dynamiques économiques vs. dynamiques socio-culturelles In C. Liefooghe, L’économie créative et ses territoires, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 213-229.
  • Conseil et recherche, FING, 2014. État des lieux et typologie des ateliers de fabrication numérique. Rapport final, Paris, Ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique, DGE, avril.
  • Coriat B., 2015. Communs fonciers, communs intellectuels. Comment définir un commun ? In B. Coriat (dir.), Le retour des communs : la crise de l’idéologie propriétaire, Les Liens qui libèrent, Paris.
  • Coste Lartigou R., Reille-Baudrin E., 2016. Faire pour inventer l’avenir : une utopie concrète ? Annales des Mines, Réalités industrielles 2, 66-70.
  • Enlart S. et Charbonnier O., 2013. À quoi ressemblera le travail demain ? Technologies numériques, nouvelles organisations et relations au travail. Dunod, Paris.
  • Eveno E., 2015. Les cantines numériques et les enjeux de la territorialisation du numérique dans les métropoles In E. Campagnac-Ascher (dir.), Économie de la connaissance : une dynamique métropolitaine ? Éditions du Moniteur, Paris, 263-292.
  • Eychenne F., 2012. Fab Lab. L’avant-garde de la nouvelle révolution industrielle. FING/FYP éditions, Paris.
  • Fabbri J. et Charue-Duboc F., 2013. Un modèle d’accompagnement entrepreneurial fondé sur des apprentissages au sein d’un collectif d’entrepreneurs : le cas de La Ruche. Management international / International Management 17 (3), 86-99.
  • Fabbri J. et Charue-Duboc F., 2014. Exploring the Everyday Life of Entrepreneurs in a Coworking Space. Communication à la XXIIIe conférence de l’AIMS (association internationale de management stratégique), Rennes, 26-28 mai.
  • En ligneFabbri J. et Charue-Duboc F., 2016. Les espaces de coworking : nouveaux intermédiaires de l’innovation ouverte ? Revue française de gestion 254, 163-180.
  • Ferchaud F., 2016. Les lieux d’expérimentation numérique et la fabrique urbaine : genèse, dynamiques, inscription dans l’espace urbain et diffusion de productions. Urbia, Les cahiers du développement urbain durable Hors-série 3, 105-126.
  • Ferry L., 2016. La révolution transhumaniste. Comment la technomédecine et l’uberisation du monde vont bouleverser nos vies. Éditions Plon, Paris.
  • Florida R., 2002. The Rise of the Creative Class. Basic Books, New York.
  • Gandini A., 2015. The Rise of Coworking Spaces: A Literature Review. Ephemera Journal, Theory and Politics in Organization 15 (1), 193-205.
  • Genoud P. et Moeckli A., 2010. Les tiers-lieux, espaces d’émergence et de créativité. Revue économique et sociale 68 (2), 25-34.
  • En ligneGlaser B.G., 2002. Conceptualization: On Theory and Theorizing Using Grounded Theory. International Journal of Qualitative Methods 1 (2), 23-38.
  • En ligneGrabher G., 2001. Ecologies of Creativity: the Village, the Group, and the Heterarchic Organisation of the British Advertising Industry. Environment and Planning A 33, 351-374.
  • Gramaccia G., 2015. La coprésence sociale : un objet émergent en communication des organisations. Communiquer [En ligne], n° 13, p. 33-43 [http://communiquer.revues.org/1479].
  • En ligneGranovetter M. S., 1973. The Strength of Weak Ties. American Journal of Sociology 78 (6), 1360-1380.
  • Howkins J., 2001. The Creative Economy. How People Make Money from Ideas. Penguin Books, London.
  • Jacobs J., 2012. Déclin et survie des grandes villes américaines. Éditions Parenthèses, Marseille.
  • En ligneJollivet P., 2002. L’éthique hacker et l’esprit de l’ère de l’information de Pekka Himanen. Multitudes 1 (8), 161-170.
  • Jutand F. (dir.), 2013. La métamorphose numérique. Vers une société de la connaissance et de la coopération. Éditions Alternatives, Paris.
  • Kaufmann J.C., 2001. L’entretien compréhensif. Nathan-Université, Paris.
  • Lallement M., 2015. L’âge du faire. Hacking, travail, anarchie. Seuil, Paris.
  • Le Barzic M-V. et Distinguin S., 2010. La Cantine : un espace de rencontres physiques au cœur de l’économie virtuelle. Le journal de l’École de Paris du management 4 (84), 31-37.
  • Leonard M. and Yurchyshyna A., 2013. Tiers-lieu : Exploratory Environments for Service-Centred Innovations. Communication to the 5th International conference on emerging network intelligence [http://emerging_2013_1_30_40079-1.pdf].
  • Lepers P. et Vaesken P., 2011. Comment réussir à stimuler l’éveil à la création d’entreprise ? Le cas du challenge Télécom Lille 1/IAE de Lille. Communication au 7e congrès de l’Académie de l’entrepreneuriat et de l’innovation, Paris, 12-15 octobre [http://www.entrepreneuriat.com/fileadmin/user_upload/7eme_congres__2011/lepers_vaesken.pdf].
  • Le Roux S., 2016. Fab Labs : assembler les compétences de la communauté locale pour créer une nouvelle forme d’entreprise : l’artisanat collectif. Marché et organisations 25, 171-182.
  • Liefooghe C., 2002. La diffusion spatiale des services aux entreprises. Application à l’ancien bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Thèse de Doctorat en Géographie, Université de Lille 1.
  • Liefooghe C., 2004-2005. La diffusion spatiale des services aux entreprises : un révélateur des résistances territoriales aux innovations du système productif. Cahiers Nantais 62-63, 213-220.
  • Liefooghe C., Delmer S., Prévot M., Estienne I. et Stachowski K., 2006. De Villeneuve d’Ascq Technopole à la métropole technopolitaine : espaces, réseaux, gouvernance. Norois 200, 51-76.
  • Liefooghe C., 2012. La flèche du temps et le système, ou comment analyser la résilience d’un territoire In A. Hamdouch, M-H. Depret et C. Tanguy (dir.), Mondialisation et résilience des territoires. Trajectoires, dynamiques d’acteurs et expériences locales, Presses universitaires du Québec, Québec, 21-40.
  • En ligneLiefooghe C., 2014. L’économie de la connaissance et de la créativité : une nouvelle donne pour le système productif français. L’information géographique 4, 48-68.
  • Liefooghe C., 2015a. L’économie créative et ses territoires : nouvel enjeu, premiers bilans In C. Liefooghe (dir.), L’économie créative et ses territoires, PUR, Rennes, 9-24.
  • Liefooghe C., 2015b. Économie créative et trajectoires de développement des métropoles françaises In E. Campagnac-Ascher (dir.), Économie de la connaissance : une dynamique métropolitaine ? Éditions du Moniteur, Paris, 159-191.
  • Liefooghe C., 2015c. Des quartiers dédiés à l’économie créative : concepts et enjeux pour les métropoles régionales françaises In E. Campagnac (dir.), Économie de la connaissance et métropolisation, Éditions du Moniteur, Paris, 193-235.
  • Liefooghe C., 2016. Tiers-lieux, coworking spaces et Fab Labs : nouveaux lieux, nouveaux liens et construction de communautés de connaissance créatives In C. Liefooghe, D. Mons et D. Paris, Lille, métropole créative ? Nouveaux liens, nouveaux lieux, nouveaux territoires, Éditions du Septentrion, Villeneuve d’Ascq, 183-221.
  • Liefooghe C. et Taniguchi Y., 2015. L’air de la ville rend créatif… Compétitivité et communautés au service de l’innovation In E. Glon et B. Pecqueur (dir.), Proximités et ressources territoriales au cœur des territoires créatifs ? Presses universitaires de Rennes, Rennes, 95-105.
  • Mahieu C., 2014. La Fabrique sociale des initiatives collaboratives solidaires : comprendre les conditions de la prise d’initiative citoyenne. Communication aux XIVe Rencontres du Réseau inter-universitaire de l‘économie sociale et solidaire (RIUESS) : La créativité de l’Économie sociale et solidaire est-elle soluble dans l’entrepreneuriat, Lille, 21-23 mai [http://www.socioeco.org/bdf_fiche-document-3569_fr.html].
  • Mahieu C., 2015. Entreprendre en communs. Communication aux XVe Rencontres du Réseau inter-universitaire de l‘économie sociale et solidaire (RIUESS) : La créativité de l’Économie sociale et solidaire est-elle soluble dans l’entrepreneuriat, Université de Reims, 27-29 mai [http://www.socioeco.org/bdf_fiche-document-3965_fr.html].
  • Marzloff B., 2013. Sans bureau fixe. Transitions du travail, transitions des mobilités. ISG/FYP, Paris.
  • Menger P.M., 2002 Portrait de l’artiste en travailleur, Métamorphoses du capitalisme. Éditions du Seuil et de la République des Idées, Paris.
  • Moriset B., 2014. Building new Places of the Creative Economy. The Rise of Coworking Spaces. Communication to 2nd Geography of innovation international conference, Utrecht University (The Netherlands), 23-25 janvier [https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-0091407].
  • Moriset B., 2016. Inventer les nouveaux lieux de la ville créative : les espaces de coworking. Territoire en mouvement [En ligne], mis en ligne le 16 novembre 2016 [http://tem.revues.org/3868].
  • Novel A-S. et Riot S., 2012. Vive la co-révolution ! Pour une société collaborative. Éditions Alternatives, Paris.
  • Oldenburg R., 1989. The Great Good Place. Paragon House, New-York.
  • En ligneParis T., Raulet-Croset N., 2016. Lieux et création. Présentation. Réseaux 196, 9-24.
  • Perrin J. et Aguiléra A., 2016. Stratégies et enjeux de la localisation d’espaces de travail temporaires dans six grandes gares françaises. Territoire en mouvement [En ligne], mis en ligne le 18 novembre 2016 [http://tem.revues.org/3876].
  • En lignePichault F. et Pleyers M., 2012. Pour en finir avec la génération Y… Enquête sur une représentation managériale. Gérer et comprendre 108, 39-54
  • Pierre X. et Burret A., 2014. L’apport des espaces de travail collaboratif dans le domaine de l’accompagnement des entrepreneurs : l’animation de réseaux de pairs. Revue de l’entrepreneuriat 1, 51-73.
  • Pouget J., 2010. Intégrer et manager la génération Y. Vuibert, Paris.
  • Rallet A. et Torre A., 2007. Être proche est-il encore nécessaire à l’heure d’Internet ? In A. Rallet et A. Torre (dir.), La proximité à l’épreuve des technologies de communication, L’Harmattan, Paris.
  • Ricœur P., 1997. L’idéologie et l’utopie. Seuil, Paris.
  • Saint-Julien T., 1985. La diffusion spatiale des innovations. GIP RECLUS, Montpellier.
  • Saint-Julien T., 1992. Diffusion spatiale in A. Bailly, R. Ferras, D. Pumain (dir.), Encyclopédie de géographie, Economica, Paris, 577­598.
  • Sen A., 1999. Un nouveau modèle économique, de développement, justice et liberté. Éditions Odile Jacob, Paris.
  • Simon L., 2009. Underground, upperground et middle-ground : les collectifs créatifs et la capacité créative de la ville. International Management 13, 37-51.
  • En ligneScaillerez A. et Tremblay D-G., 2016. Les espaces de coworking : les avantages du partage. Gestion 2, 90-92.
  • En ligneSpinuzzi C., 2012. Working Alone, Together: Coworking as Emergent Collaborative Activity. Journal of Business and Technical Communication 26 (4), 399-441.
  • Suire R., 2013. Innovation, espaces de co-working et tiers-lieux : entre conformisme et créativité. Working paper, n°13, Centre de recherche en économie et management, CNRS/IDEC, Université de Rennes [http://crem.univ-rennes1.fr/wp/2013/201308.pdf].
  • En ligneSuire R., 2016. La performance des lieux de cocréation de connaissances. Le cas des Fab Labs. Réseaux 196, 81-109.
  • Taniguchi Y. et Liefooghe C., 2016. Le développement territorial à l’ère d’Internet : émergence de nouveaux acteurs dans les réseaux d’innovation territoriale. Communication pour le séminaire : de l’effervescence des initiatives territoriales à une géographie des différenciations ? Université de Lille 1, Laboratoire TVES, 10 novembre.
  • Tapscott D., 2008. Grown up Digital. Some Ideas how the Net Generation is Redefining Work, Culture, Media. McGraw Hill, New York.
  • En ligneTrupia D. V., 2016. Produire un espace hybride de coopération. Une enquête ethnographique sur La Cantine. Réseaux 196, 111-145.
  • Von Hippel E., 2005. Democratizing Innovation. The MIT Press, Boston.
  • Wieviorka M., 2013. L’impératif numérique. CNRS Éditions, Paris.
Christine Liefooghe
Maître de conférences
UFR de géographie et aménagement, Université de Lille Sciences et Technologies
Laboratoire TVES E.A. 4477/MESHS USR-3185
Mis en ligne sur Cairn.info le 29/01/2018
https://doi.org/10.3166/ges.20.2017.0028
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Lavoisier © Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...