CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Questionner le choix des villes en matière d’énergie consiste à évoquer un contexte où le positionnement des collectivités locales dans leur rapport aux ressources est désormais crucial. La conjugaison de deux phénomènes, l’un climatique synonyme d’une lutte contre le réchauffement dont la nécessité est désormais acquise ; l’autre lié à la rarefaction des ressources fossiles, oblige les villes à s’interroger sur la place qu’elles donnent à la question énergétique lorsqu’elles planifient et conçoivent de nouveaux projets urbains.

2Ce numéro « Villes, territoires et énergies : enjeux et défis actuels » a pour objectif de montrer comment l’énergie est devenue une dimension intégrée, à des degrés très divers, des politiques urbaines et quelles évolutions impliquent ce changement. La question de la place de l’énergie dans les politiques urbaines est examinée comme le moyen d’interroger la structuration en cours d’une action publique de l’énergie, dans de nombreuses métropoles mais aussi dans les villes moyennes (Delpirou, 2013) ou de plus petites tailles (Mainet, 2008), à partir de l’existence de projets urbains opportuns. Elle permet de poser l’existence d’une volonté, chez un certain nombre d’acteurs locaux, d’initier une « gouvernance énergétique » fondée sur des actions d’aménagement urbain coordonnées. À cette fin, nous avons cherché à rassembler des travaux où l’énergie apparaît comme un moyen de faire émerger localement des processus de gouvernance inédits, véritables « coordinations d’acteurs, de groupes sociaux et d’institutions en vue d’atteindre des objectifs définis et discutés collectivement » (Legalès, 2010, p. 301), inscrivant les politiques urbaines dans une démarche environnementale inédite.

3Des travaux récents montrent que la question de l’énergie en ville est partie prenante, particulièrement dans les pays émergents, de problématiques d’approvisionnement. Le prix de la fourniture électrique transforme l’énergie en question de politique urbaine (Jaglin et Verdeil, 2013, p. 14) et alimente la controverse sur la quête d’autonomie de nombreuses villes. La question énergétique est également étroitement liée au développement des réseaux, le chauffage urbain devenant de plus en plus partie prenante des problématiques d’aménagement (Debizet et al., 2016). L’énergie est liée à une transformation des services urbains (Bolzon et al., 2013) et à une évolution des usages de l’énergie. Si les travaux dans ce domaine se sont multipliés ces dernières années, associés à la question de l’habitat (Desjeux et al., 1996 ; Subrémon, 2010 ; Zelem, 2010 ; Zelem et Beslays, 2015), des consommations (Desjeux, 2006 ; Dobré et Juan, 2009 ; Bartiaux, 2012 ; Lévy et al., 2014 ; Flamand et Roudil, 2013 ; Roudil et al., 2015) ou de la réception de l’innovation technique (Wallenborn et al., 2011 et Wallenborg, 2015), ils interrogent la place de l’énergie comme une dimension intégrée et limitée aux politiques du logement.

4Dans ce contexte, la question climatique et surtout sa transformation en enjeu de société incarné par la diffusion de la notion de « transition » devient prétexte à interroger l’existence d’évolutions dans les stratégies qui consistent à aménager la ville. Si la notion de « transition » renvoie à une « manière de passer d’un état à l’autre ou d’une situation à une autre » (selon le Robert) [1], il est important de souligner qu’elle est désormais une catégorie de l’action publique. Associée à l’énergie, la notion de transition doit être considérée au sens d’une situation émergente qui se fonde sur des actions parfois expérimentales ou des processus d’aménagement urbains inédits dans lesquels sont engagées les villes et dont l’objet est de faire évoluer le rapport aux ressources et aux modes de gestions de l’énergie. Il convient de souligner la dimension plurielle de ces processus de « transition » et les caractéristiques complexes qui conduisent à engager l’évolution du rapport à l’énergie. Les processus de transition reposent sur la diffusion de « systèmes sociotechniques » (Jaglin et Verdeil, 2013, p. 8). Ils engagent une transformation des savoirs et des savoir-faire des professionnels de la conception urbaine et attestent d’une volonté de transformer les pratiques des citadins.

5Ainsi ce numéro aborde la place conférée à la « transition énergétique » dans les politiques urbaines. Force est de constater, à la lecture des contributions à ce numéro, que c’est encore à partir de ses objets classiques (logement, organisation de l’espace) que les villes attribuent une dimension énergétique aux projets de conception ou d’aménagement urbain qu’elles initient. Les contributions de géographes, urbanistes et sociologues, montrent, d’abord, à partir de recherches réalisées en France et en Afrique du Sud, que l’énergie lorsqu’elle est intégrée dans des projets urbains pose la question de l’évolution de leur gouvernance. Longtemps jugées en retard en matière de démarches environnementales, les villes françaises témoignent d’une intégration hybride de la question énergétique dans les politiques urbaines. Leurs démarches sont positionnées à la fois en situation de filialition avec les expériences européennes et placées dans le sillage d’une incitation nationale à la transition. L’ensemble des contributions permet ensuite de considérer les acteurs, de plus en plus divers, qui se saisissent de la question de l’énergie soulignant la transformation en cours du paysage professionnel de la fabrique de la ville et des savoirs qui y concourent. Enfin, la dimension sociale des questions énergétiques que portent certains projets urbains n’est pas à négliger. Elle s’incarne dans la place réservée aux habitants dans les démarches de sobriétés initiées par les villes. Les contributions montrent qu’en considérant la question de l’énergie, l’échelle des villes s’efface au profit de celles de territoires plus vastes témoignant une nouvelle fois que les politiques urbaines sont avant tout le fait des acteurs qui mettent en mouvement et en évolution les projets aux échelles qui leur paraissent pertinentes.

1 – Une politique de l’énergie des villes promue par un contexte européen favorable

6L’engagement déjà ancien d’un certain nombre de pays européens en matière de politique de l’énergie montre l’émergence et le développement d’une transition énergétique initiée à partir de l’échelle locale avec comme initiateur et animateur les villes.

7Cette mise à l’agenda de la question énergétique dans des pays comme la Suède, la Grande Bretagne, l’Allemagne ou le Danemark participe dès le début des années 1990 d’une prise de conscience que l’aire urbaine est l’échelle qui témoigne le mieux des dy amiques locales de consommation d’énergie et d’émission de CO2. Elle est dès lors considérée comme un niveau d’action publique efficace car en prise avec des processus et des pratiques situées (Coutard et Rutherford, 2010, p. 3).

8La valeur environnementale dans laquelle ont investi de nombreuses villes européennes comme Manchester et Leeds, (Béal, Gauthier, Pinson, 2011 ; While et al., 2004) ou Hanovre et Copenhague (Laigle et al., 2009) participe désormais de stratégies qui ont longtemps consisté à adopter des solutions « soutenables » pour le potentiel de développement urbain qu’elles proposaient. Le glissement de l’action publique des villes européennes vers un intérêt pour la question de l’énergie est à replacer dans ce contexte post-industriel assumé. Le champ de la soutenalibilité en assurant l’émergeance de politiques urbaines et des formes de gouvernance inédites constitue un espace d’expérimentation pour les énergies renouvelables et l’habitat performant (Béal et al., 2011, p. 86). Le rôle joué par la présence de cette dose environnementale (« urban sustainability fix ») dans les projets urbains des grandes villes d’Europe du nord a, non seulement, légitimé l’existance des buts écologiques dans les processus de gouvernance verdis (While et al. 2004, p. 551) mais a aussi permis le calibrage d’une action publique énergétique locale.

9À côté de métropoles qui mobilisent la question de la sobriété énergétique dans des projets expérimentaux en faisant de ces initiatives une stratégie de marketing urbain au service de l’action politique des maires (Rutherford, 2014), beaucoup de villes impliquées dans une transition postcarbone en Europe le sont à partir de leur inscription dans des réseaux environnementaux transnationaux [2] (Emelianoff, 2013, p. 1380). Une telle démarche permet aux maires de villes moyennes d’asseoir une légitimité à développer une action locale en matière climatique, dans laquelle des choix énergétiques innovants prennent tous leur sens.

10La charte d’Aalborg des villes européennes pour la durabilité produite en étroite association avec le réseau de l’International Council for Local Environmental Initiatives (ICLEI) [3] à l’origine du lancement du programme « agenda 21 local » a autorisé de telles démarches. Elle a entériné le fait qu’il appartient aux villes seules de trouver leur chemin vers la durabilité [4], (Zetlaoui et al., 2013, p. 36). Pendant de nombreuses années, les villes françaises se sont tenues à l’écart de ces initiatives de mutualisation des compétences en matière de politiques énergétiques qui a habilité beaucoup de villes nord-européennes à s’émanciper de l’énergie fossile. Il est alors intéressant de voir apparaître, dans la mise en place d’un autre de ces réseaux transnationaux et environnementalistes européens, la caractéristique d’une action publique locale « à la française » en matière énergétique. « Energy Cities » fondé en 1990 à Besançon a constitué un moyen de s’opposer à la politique nationale nucléaire française en favorisant la diffusion des démarches de sobriété et de maîtrise énergétique, (Emelianoff, 2013, p. 1380). En devenant un partenaire privilégié de ces réseaux, la commission européenne a non seulement permis d’instituer une coopération décentralisée avec de nombreuses villes européennes, d’émanciper leur action de leur tutelle étatique mais a assuré la diffusion de sa politique en matière de réduction de gaz à effet de serre créant des stratégies gagnant-gagnant avec les maires. En échange de la mise en place d’une politique locale du climat, la commission européenne contractualise alors une aide directe avec les villes ce qui a pour objet d’augmenter la marge de manœuvre des acteurs politiques locaux, de desserrer le carcan des contraintes nationales et d’assurer la reconnaissance de leur action au niveau international. Actuellement 58 villes ou communautés d’agglomérations françaises ont adhéré au réseau « Energy Cities » [5] et en 2010, ce sont plus de 2 600 villes européennes qui sont signataires de la charte d’Aalborg [6]. Le positionnement quoique tardif des villes françaises a été permis par une collaboration avec l’Europe garantissant une forme de décentralisation tant attendue et jamais complètement avérée à l’échelle nationale. Le programme européen Concerto [7] entre 2006 et 2010 en favorisant la promotion d’un urbanisme durable, (Barthel, 2009 ; Debizet, 2011) a permis l’introduction d’une dimension environnementale mais aussi énergétique dans les politiques urbaines des villes françaises. Il a constitué un effet d’aubaine assurant le « décolage » d’une action publique en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique à Lyon, Grenoble et Nantes. C’est bien par le sas européen du programme Concerto que l’existence d’opérations emblématiques, comme celle de la ZAC de Beaune à Grenoble (Renauld, 2014) et du quartier Malakoff à Nantes, ont été permises à la fin des années 2000 [8]. Le retard français dans l’intérêt à généraliser les écoquartiers comme autre point d’appui à une action publique énergétique locale répond à un processus identique. Les écoquartiers, sont un véritable « tournant urbanistique » dans leur manière d’attester de préoccupations énergétiques dans de nombreux pays d’Europe (Emelianoff, 2007, p. 19), proposant des opérations emblématiques en matière d’énergie renouvelable, d’isolation thermique des bâtiments, d’autonomie énergétique et d’indépendance à l’égard des énergies fossiles (Zetlaoui et al., 2013, p. 42). En France, ils ont d’abord été, dès la fin des années 90, une vitrine (Souami, 2009) pour une action publique de l’énergie. Cette période consacre en France, les prémices, une action locale de l’énergie qui se structure progressivement autour des projets d’aménagement urbain inédits, soutenue par des programmes européens qui, à l’instar des écoquartiers, deviennent des terrains d’expérimentation des techniques de sobriété énergétique alors que des initiatives plus anciennes arrivent à maturité ailleurs en Europe (Emelinoff, 2013 ; Rutherford, 2014 ; Beal et al., 2011).

2 – Le retard français ou la maîtrise par l’État des initiatives des villes en matière d’énergie

2.1 – Une action locale de l’énergie d’opportunité

11En France, la transformation au niveau national de l’enjeu climatique en question de société susceptible de favoriser la formalisation d’une action publique de l’énergie à l’échelle des villes et de leurs territoires est consécutive aux travaux du Grenelle de l’environnement. Cette grand-messe environnementale a non seulement incité les collectivités locales à prendre part aux débats mais a également permis d’apporter des réponses aux problèmes tel qu’ils étaient énoncés (Boy et al., 2012). Dans le domaine de l’énergie, le Grenelle de l’environnement se traduit par une tentative d’associer deux formes d’action publique : celle de l’État qui en légiférant, à partir des lois Grenelles, a donné un cadre général aux initiatives environnementales locales et a apporté une attention spécifique aux questions de consommation énergétique ; celle des collectivités territoriales qui depuis la révision constitutionnelle de 2003 [9] ont plus de latitude pour développer une action publique en ce sens.

12La définition d’une politique énergétique à l’échelle locale se construit alors à l’articulation d’un double mouvement. Le premier repose sur la volonté émancipatrice de l’État acceptant l’évolution des compétences des régions lors d’étapes législatives entrainant localement la structuration d’une action publique de l’énergie d’opportunité. Cela a été le cas en 1999 lorsque les régions ont été invitées à participer à l’élaboration des schémas de services collectifs de l’énergie dans le cadre de la loi Voynet d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire (Poupeau, 2013, p. 5). Deux autres évolutions législatives ont constitué un terreau favorable invitant les collectivités volontaires au développement d’une action publique locale de l’énergie associée aux actes de décentralisation. L’ouverture des marchés de l’énergie (depuis le 1er juillet 2004) a, tout d’abord, transformé les relations entre les collectivités et les distributeurs d’énergie bousculant la logique d’offre organisée au niveau national. La loi POPE du 13 juillet 2005 réaffirme ensuite le rôle prééminent des collectivités locales en étendant leur capacité à intervenir dans le domaine de la maîtrise de l’énergie. Par ce moyen, elles deviennent un vecteur essentiel de sensibilisation, d’information et d’incitation à des nouveaux comportements auprès des usagers. Malgré ce contexte, l’émancipation des régions en matière d’énergie demeure encore sous surveillance des services de l’État. La « reprise en main » des Schémas Régionaux du Climat, de l’Air et de l’Énergie (SRCAE) [10] dont l’objectif initial était de recomposer la politique énergétique nationale à l’échelle des régions à l’issue du Grenelle de l’environnement en témoigne. La vision prospective développée à cette occasion par des régions comme l’Ile-de-France se heurte à une volonté de restreindre leurs compétences avec comme arrière-pensée le souhait de préserver la place du nucléaire dans le bouquet énergétique français que les régions ne manquent pas de reconsidérer (Poupeau, 2013, p. 6). L’action des régions pour être innovante en matière énergétique doit s’inscrire dans un second mouvement qui consiste à modeler une politique énergétique à partir de leur territoire portée par les projets plus situés des autres collectivités, conseils généraux et communes. Des politiques de planification stratégiques régionales voient alors le jour agissant sur un ensemble de secteurs susceptibles d’engager une réponse coordonnée au problème climatique. Le témoignage le plus important de cette démarche est celui de la région Ile-de-France qui en échafaudant en 2000 un plan de déplacement urbain, adopte un schéma directeur et modèle une politique énergétique à partir d’une approche intersecteur (Coutard et Rutherford, 2010, p. 13). Néanmoins, en France, en matière d’énergie, le rapport État-collectivité est complexe. À l’instar d’un certain nombre d’autres questions environnemenales comme l’air, l’eau ou la gestion des déchets, divers secteurs de l’administration centrale détiennent une part de compétences en matière énergétique, mettant les services en concurrence ce qui complexifie les montages de projets (Lascoumes, 2012, p. 117). Quelques années après la tenue du Grenelle de l’environnement, il demeure difficile de mesurer les effets de l’application des articles de la loi Grenelle 2 attestant des dispositions prises en matière d’énergie lors de cette importante période de « concertation institutionnelle » (Lascoumes, 2011, p. 280).

2.2 – Garder sous contrôle l’action locale en matière d’énergie : le rôle des agences d’État

13L’État valorise, en France, en matière d’énergie des stratégies nationales avec au centre de ses initiatives la défense d’un bouquet énergétique où le nucléaire tient une place centrale. L’action de l’État témoigne essentiellement dans son rapport aux acteurs locaux d’une vision transversale et sous contrôle lorsqu’il est question d’énergie. C’est en s’appuyant sur des agences comme l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME) ou l’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH) qu’une action énergétique centralisée est pensée afin que les collectivités y articulent leurs propres projets montrant combien la question énergétique se décline à l’articulation des différentes échelles de pouvoir national et local (Poupeau, 2013, p. 6). L’ADEME a, depuis 2005, un rôle majeur dans l’instigation, l’accompagnement et le financement de projets dans le domaine des énergies renouvelables et de la performance énergétique des bâtiments. Sa politique d’appel à projet pluriannuel [11] représente une aide aux investissements qui constituent un cadre de diffusion des énergies renouvelables ou de l’efficacité énergétique véritable point d’appui pour les villes ou pour les collectivités territoriales souhaitant amorcer une évolution dans leurs choix énergétiques à l’échelle de leur territoire. L’ANAH, dont la mission consiste à améliorer la qualité de vie dans le logement, a, depuis 2006, soutenu les programmes de construction d’habitat performant initiés par les bailleurs sociaux et les collectivités locales. Depuis 2012, l’agence est devenue l’acteur majeur du programme « habiter mieux » qui atteste d’une volonté institutionnelle de transformer les habitudes de consommation d’énergie à partir de la réhabilitation de l’habitat insalubre. Il s’agit d’une messure qui vient compléter un discours institué par les pouvoirs publics depuis 1974 [12] et qui a lentement transformé la diffusion des incitations aux économies d’énergie, en campagnes de communication montrant combien réduire sa consommation constituait un objectif national (Zelem, 2010). L’État se positionne en faveur d’une action publique locale de l’énergie à partir de la maîtrise de l’énergie [13], du développement des énergies renouvelables, à l’échelle industrielle (Labussière et Nadal, 2011) et domestique dont les prémisses ont été assurées par la mise en place du plan soleil en 1999 [14] puis par le lancement du plan climat [15].

14En France, l’encadrement par l’État des initiatives locales en matière d’énergie se fait à partir du déploiement d’un certain nombre d’instruments et ce dans la plus pure tradition de l’action publique. Cela entraîne une perception de son action, comme assez contraignante, voire comme un frein à l’organisation locale d’une réponse aux enjeux climatiques.

2.3 – La diversité d’approche des villes : les prémices de politiques locales de l’énergie

15Un décalage manifeste existe entre les intentions institutionnelles qui valorisent au niveau national une évolution du rapport à l’énergie et les pratiques observées dans les villes, là où se concrétise l’action publique. Depuis la première décennie des années 2000, la mise à l’agenda de la question énergétique concerne de nombreuses villes françaises qui ont développé une action destinée à contrôler et maîtriser les dépenses énergétiques de leur patrimoine associée à l’idée de plus en plus partagée de la nécessaire fabrique d’une ville durable (Bertrand et Rocher, 2011). Les politiques de l’énergie de métropoles comme Lyon, Grenoble et Nantes sont mieux connues. Elles se sont affirmées en prenant appui sur des projets européens qui leur ont permis d’éclore. Elles cherchent à rattraper leur retard en faisant de la question énergétique, le trait commun à un ensemble de projets d’aménagement qui proposent une vision transversale de la sobriété urbaine en articulant les questions de mobilités, de logement et d’approvisionnement en ressources énergiques propres. Ainsi, la ville de Grenoble, en multipliant depuis quinze ans, les projets d’écoquartier, a capitalisé une expérience qui fait de l’efficacité énergétique des bâtiments, du recours aux transports propres et à la mobilité douce, du développement des énergies renouvelables et du recours systématique au réseau de chaleur local, des éléments d’un référentiel d’action locale en matière d’aménagement urbain (Grudet et al., 2016). À l’image des projets conduits par les grandes villes françaises, le développement d’une action publique de l’énergie repose, pour une première génération de villes, sur la capacité des édiles à mobiliser les programmes européens leur permettant de développer leurs projets urbains. Ils affirmeront, dans un second temps, leur pouvoir de s’en émanciper pour mieux attester une capacité d’action sur l’échiquier local des collectivités et s’affranchir des stratégies nationales.

16À la différence de ces initiatives, l’action des villes moyennes et petites villes françaises en matière d’énergie se situe donc dans un contexte plus diffus de développement local. Elle s’articule étroitement aux besoins d’un territoire, à des rapports de dépendance entre collectivités et à la notion de service rendu aux populations. Ces villes répondent le plus souvent avant tout à des besoins d’aménagement de l’espace à partir de ressorts de financement d’ordinaire affectés à la petite enfance, au vieillissement ou à l’action culturelle et associative. Questionner l’action publique de l’énergie à cette échelle permet d’identifier la place de cet enjeu dans les projets de développement locaux dont la caractéristique majeure est de s’inscrire dans une concurrence entre territoire, l’objectif consistant avant tout à attirer l’emploi et à favoriser l’installation des populations. La question énergétique y prend donc une place inédite. Le processus relève moins de la planification d’une action publique que de projets qui réussissent à fédérer un certain nombre d’acteurs autour du développement d’une action inédite en matière énergétique au service des besoins de leur ville. De même que l’émergence du développement urbain durable a conduit les grandes agglomérations à formuler leurs objectifs en lien étroit avec « une économisation des réponses aux questions environnementales », (Béal, 2011, p. 79), une priorisation du même ordre est observable pour ce qui est de l’engagement énergétique des villes moyennes et des petites villes. Il s’inscrit de manière opportune dans une tradition de valorisation de l’entreprenariat local et cherche à proposer des projets en lien avec les activités des industriels de l’énergie locaux.

17En se lançant dans des initiatives innovantes dans le domaine énergétique, ces villes impulsent une évolution des savoir-faire des professionnels de l’urbanisme et de l’énergie. La mobilisation d’un réseau local de compétences faisant office d’espace ressource semble être un prérequis susceptible d’accompagner les villes qui optent pour une transition énergétique. Les projets sont alors à replacer dans une dynamique locale où s’observent des mutations dans les pratiques professionnelles (Biau et Tapie, 2009) tout autant qu’une évolution de l’action militante qui étend ses ramifications des villes aux zones rurales garantissant la diffusion des solutions alternatives. De ces situations d’innovation (Roudil, 2007) émergent de véritables laboratoires locaux d’une action publique de l’énergie ancrée dans la réalité des pratiques et des besoins sur lesquels la politique énergétique des autres collectivités (Région et Département) peuvent s’arrimer.

18Se pose alors la question du bénéfice social à tirer de tels engagements des villes au côté des filières locales industrielles et entrepreneuriales de l’énergie. La nécessité de mieux imbriquer la question énergétique à d’autres logiques moins marchandes se pose résolument comme celle du contre don à un investissement public en quête d’une valeur sociale ajoutée. Cette dimension n’est pas négligeable. Elle a une vocation tout autant incitative qu’utilisée comme tremplin économique. Les projets énergétiques locaux consistent alors souvent à assurer le développement d’un bassin d’emploi de sorte qu’il permette l’existence d’une activité économique locale souvent fragile. Un pragmatisme est à l’œuvre. L’objectif est alors double. Il s’agit, tout d’abord, de favoriser un mode de production maîtrisé et local de l’énergie. La politique initiée s’émancipe de la question urbaine pour valoriser des circuits courts ancrés sur le territoire car elle offre une « garantie visible » que l’action locale en matière d’énergie est bien mise au service des équipements collectifs alors qu’il est connu que les dépenses en énergie grèvent de plus en plus les budgets des communes. Cette action publique raisonnée a alors pour vocation de fédérer l’ensemble des projets autour d’une culture alternative de l’énergie, empreinte d’une dimension sociale.

3 – Faire transition : le temps du changement et des défis

19Plusieurs défis apparaissent alors que des initiatives diverses attestent désormais d’une situation de réception, à l’échelle urbaine, des politiques de transition engagées depuis parfois plus d’une décennie.

3.1 – Un système ayant pour ressort l’injonction

20Le premier défi concerne la place prépondérante prise par l’incitation au changement alors que les politiques d’aménagement urbain inédites se saisissent de la question énergétique. L’évolution de vocabulaire témoignant du passage du « développement durable » à la « transition » implique un certain nombre d’attentes qui se formulent en termes de changements. Cette perspective trouve une légitimité dans les rapports internationaux qui, à l’instar du rapport Meadows en 1972, montre les limites de la croissance des niveaux de vie des pays riches, devenus coupables d’engager la raréfaction des ressources naturelles.

21L’inscription d’un certain nombre de villes dans un processus de « transition énergétique » en fait l’entrée principale à partir de laquelle s’organise une transformation progressive des pratiques. C’est sur une scène internationale, lors de la COP 21 à Paris, que la nécessité de ces évolutions en termes de modes de vie a été proclamée, la notion de « transition » y étant érigée en principe. Ce moment « de passage » atteste de la volonté de sa transformation. Jacques Theys montre que la ville durable envisagée d’un point de vue environnemental est dès son origine marquée par une conception technocentrique (Theys, 2010). La place prise par l’énergie lorsqu’elle est partie prenante des projets urbains participe de ce processus. L’énergie permet de considérer la question environnementale comme un « ensemble de limites, de problèmes à résoudre, de risques à gérer pour que puissent fonctionner des systèmes qui sont désormais des hybrides de nature et de cultures » (Theys, 2010, p. 19). La place accordée aux systèmes artificiels dans la fabrique d’une « ville sobre » est alors prépondérante. Cette « ville sobre » à la française se fonde sur la production d’une forme d’habitat et de quartier duplicable sur le mode industriel grâce au déploiement de solutions techniques et réglementaires en matière énergétique qui assurent sa diffusion à grande échelle (Roudil, 2015). Son corollaire est normatif. Il se caractérise par des consignes et incitations à la sobriété destinées à responsabiliser les ménages afin de préserver l’efficacité des systèmes. Cette ville laisse alors une place importante aux questions de mesure, de diagnostic, de normalisation « couronnant une approche de l’environnement par celle des symptômes » (Theys, 2010, p. 33). Le défi consiste alors à faire évoluer, en France, une politique d’incitation qui se révèle être une tentative de réglementer l’habiter et de normaliser les conduites en ville. Cette tendance est en inadéquation avec les principes de l’urbanisme durable qui, ailleurs en Europe, ont fait coïncider « ville durable » avec « habiter autrement » valorisant le souhait des habitants d’être acteur dans la définition des projets urbains qui les concernent (Emelianoff, 2008, p. 16).

3.2 – Un habitant difficile acteur des processus de transition

22En effet, la manière dont la ville prend en compte la question de la sobriété énergétique en France révèle surtout un espace de mise en concurrence des « prétentions à concevoir et à habiter » et « des capacités » dont chacun dispose pour faire valoir son point de vue (Hamman, 2011, p. 26). Savoir expert et savoir d’usage (Sintomer, 2008) se font alors concurrence. Le second défi consiste donc à réintroduire les citadins dans leurs compétences d’habitant et d’acteur pleins et entiers des processus qui les concernent. Ils en sont actuellement souvent seulement les témoins. Pour qu’elle soit viable, la ville durable dans sa dimension énergétique doit permettre de « déboucher sur un accord » et de valoriser l’existence de « compromis pratiques » mettant « en relation, parfois conflictuelles, la pluralité d’acteurs qui concourent à son existence » (Hamman, 2011, p. 26).

23Cette relation entre acteurs semble déséquilibrée du fait de la revendication d’un apprentissage à habiter, implicite à la question énergétique. Elle se fait en défaveur des habitants et crée les conditions d’une concurrence des légitimités en faveur des acteurs du projet urbain. En ce sens, le propos de Jérôme Boissonnade est clair. Les institutions s’appuient sur « des justifications environnementales pour réguler les comportements des habitants jugés inconséquents » (Boisonnade, 2011, p. 58). Cette expérimentation de la ville durable à partir de la question énergétique a une dimension prescriptive non négligeable (Boissonnade, 2011 ; Roudil, 2015). Elle met en concurrence les formes d’habitat dictées par les référentiels de performance énergétique avec les pratiques ordinaires d’habiter. Ces dernières sont dévalorisées par des brochures mettant en œuvre l’incitation au changement, « sans que jamais ne soit véritablement posée la question des nouveaux pouvoirs collectifs indispensables pour gérer l’orientation et la mise en œuvre de cette transformation » (Boisonnade, 2011, p. 64).

24Se lancer dans une « transition » atteste de l’adhésion progressive des villes à des campagnes d’incitations à modifier les pratiques d’habiter et urbaines des citadins. Cette valorisation d’un « bien habiter » et d’un « bien vivre en ville » (Roudil, 2015) comme condition du succès de l’entreprise de transition fait peser sur l’habitant seul la responsabilité d’un éventuel échec.

3.3 – Les professionnels incité au changement : un moteur pour les politiques urbaines de l’énergie ?

25La place donnée au « bien habiter la ville » est à mettre en lien avec un processus opératoire dans le monde de la conception urbaine et de la construction qui attribue un rôle non négligeable à l’injonction à partir de référentiels technocentrés. La place de l’encadrement des comportements habitants y tient une place essentielle qui fait office de culture pour les professionnels de la ville. Le dernier défi consiste alors à souligner que la ville durable en se saisissant de la question énergétique doit permettre d’opérer des « transactions entre acteurs » (Hamman, 2011, p. 26). Ainsi, en France, la « transition énergétique » des villes est à replacer dans un mouvement plus global d’évolution des pratiques des professionnels de la conception architecturale et urbaine. « Les conséquences multi-dimensionnelles et pratiques de l’injonction » qu’impliquent la ville durable et son « recouvrement par la question énergétique » (Biau et Fenker, 2012) concourt à une hybridation inédite. Habiter ou concevoir une ville en transition énergétique montre combien c’est bien ensemble que les acteurs de la ville développent des postures qui se font écho et qui reposent sur des compétences et des légitimités à gagner de part et d’autre.

26Les articles de ce numéro ont pour point commun de poser les enjeux auxquels les acteurs professionnels et habitants de la fabrique énergétique de la ville se trouvent confrontés du fait de cette tendance nouvelle et diffuse qui consiste à rendre la question énergétique partie prenante des projets urbains. Si les contributions présentées ici sont diverses, elles attestent néanmoins de changements en cours qui conditionnent une transformation des savoirs et des rôles de chacun à participer à ce que sera la ville de demain.

27L’article de Guilhem Blanchard révèle combien l’apprentissage collectif constitue un déterminant de la logique de projet permettant de rendre concrète la transition énergétique des territoires. À travers l’exemple bordelais, il montre comment s’élaborent les « espaces d’incubation » où se fabriquent les choix d’aménagement en matière d’énergie. Il en ressort une mise à plat des processus, véritables « boîtes noires », qui, en matière d’énergie, mêlent acteurs et dispositifs. Ils s’incarnent dans les arbitrages à l’issue desquels se révèle la « trajectoire des choix techniques » valorisée et priorisée.

28L’article de Morgane Colombert et Youssef Diab montre que le déploiement des réseaux de chaleur représente une opportunité de taille pour les collectivités en permettant d’articuler une politique de l’énergie à des choix en matière d’urbanisme. Investie comme une alternative permettant localement de produire et de distribuer de l’énergie, leur apparition ou existence dans l’espace urbain pose la question des changements sociotechniques bouleversant les relations entre acteurs de la fabrique de la ville. Ainsi, les opérateurs de réseaux de chaleur se font une place nouvelle à l’échelon opérationnel de la conception urbaine. Elle symbolise désormais le souhait de certaines villes comme Paris de faire tenir ensemble les enjeux énergétiques d’un territoire avec ceux de son aménagement. Cette nouvelle donne, émergente, modifie également le rôle de l’aménageur. Coordonnateur en chef des compétences en matière de projet urbain, il devient la figure principale d’une gouvernance des initiatives locales en matière de transition énergétique.

29Ce sont d’autres acteurs et à travers eux une autre dimension du processus de transition énergétique qu’interroge Olivier Labussière. En s’attachant aux conditions du développement du marché de la renovation énergétique de la maison individuelle, son article pose la focale sur les nouveaux acteurs de la transition énergétique des territoires que sont les artisans du BTP. S’ils ont su s’organiser en réseaux locaux d’entreprises spécialisées dans la rénovation énergétique du logement, c’est en collaborant avec des associations porteuses d’un savoir-faire en matière de sobriété et d’efficacité énergétique qu’ils révèlent le ressort de la transition énergétique à l’échelle de la Biovallée. La mutualisation des processus d’apprentissage montre que les « nouvels agencements » constituent une réponse politique à la question énergétique à l’échelle de territoires ruraux.

30La contribution de Sylvie Jaglin, à partir de l’exemple de la ville du Cap en Afrique du Sud, atteste de la concurrence complexe qui anime les acteurs de la gouvernance énergétique à l’échelle locale. Son article révèle une situation comparable à celle vécue par les villes françaises où se fait face une intégration de la question énergétique dans les politiques urbaines et la contrainte à devoir assumer, notamment en matière d’électricité, la tutelle d’une gouvernance nationale répondant à des logiques industrielles. Si la politique énergétique qui se concrétise au Cap peut être qualifiée « d’intermédiaire » entre « imbrication et hybridation », les acteurs qui y concourent se retrouvent néanmoins en situation de passeur. L’effet des propositions alternatives éprouvées à l’échelle locale fait évoluer la gouvernance du système électrique industriel national. Les acteurs nationaux diffusent auprès des industriels du secteur, telles de bonnes pratiques, les initiatives locales marquantes.

31La contribution de Philippe Hamman et de Guillaume Christen montre enfin la légitimité qu’ont les habitants à devenir des acteurs à part entière des politiques urbaines lorsqu’elles se saisissent de la question énergétique. En interrogeant les capacités d’action et d’implication citoyenne alors que se multiplient les « projets environnementaux en ville », les auteurs soulignent qu’un facteur de production des inégalités environnementales est bien celui de la non-association des habitants aux projets symbolisant la transition énergétique. Nourris d’une enquête sur deux terrains strasbourgeois, les auteurs montrent que les inégalités environnementales se concrétisent bien plus sûrement par le fait que les ménages n’ont pas les mêmes capacités et moyens de s’extraire des injonctions à normaliser leurs conduites, ni des ressources égales leur permettant de s’approprier les solutions techniques déployées pour faire sobriété.

32Cela nous conduit à poser une nouvelle hypothèse : la fabrique de la ville sobre en France serait-elle injuste ?

Notes

  • [1]
    Rey A., 2001. Le Grand Robert de la langue française. Tome 6, p. 1411.
  • [2]
    Au nombre de trois : «International Council for Local Environmental Initiatives» (ICLEI) fondé à Toronto en 1992 et devenu «Local Governments for sustainability» in 2002 ; «Climate Aliance» fondé à Francfort et «Energy cities» crée à Besançon en 1990 in Emelianoff C. 2013. «Local Energy Transition and multilevel Climate Governance : the contrasted experiences of two pioneer cities” (Hanover, Germany and Växjö, Sweden), Urban studies.
  • [3]
    Cette association a été fondée en 1990 sous l’égide du programme des Nations Unies pour l’environnement. Elle a pour objectif de mettre en place et de soutenir des projets de développement durable à l’échelle des communes partout dans le monde.
  • [4]
    Lors de la conférence de Rio en 1992.
  • [5]
  • [6]
    http://www.energycities.eu/IMG/pdf/Les_villes__dans_la_nebuleuse_des_reseaux_verts_Territoires_octobre_2010_fr.pdf
  • [7]
    Le programme CONCERTO s’est développé dans le cadre du volet énergie du 7e Programme Cadre Recherche et Développement de l’Union Européenne. Il constitue pour la communauté européenne le moyen d’encourager les établissements publics de coopération intercommunale à développer des projets urbains en matière d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables.
  • [8]
    En France, les expériences d’écoquartiers sont minoritaires et commencent à se généraliser entre les années 2000 et 2004. Les premières sont achevées en 2009. Deux concours lancés sous l’égide du ministère français de l’écologie permettront considérablement la diffusion du modèle de l’écoquartier en 2008/09 et en 2011/12 in Zetlaoui-Léger J. et al., 2013. La concertation citoyenne dans les projets d’écoquartiers en France : évaluation constructive et mise en perspective européenne. T1, Programme CDE, APR 2008/2009, Rapport final, p. 44
  • [9]
  • [10]
    Les schémas Régionaux du Climat, de l’Air et de l’Énergie (SRCAE) deviennent les feuilles de route d’un engagement local à atteindre les objectifs dit de « 3X20 » à horizon 2020 et de facteur 4 - division par quatre des émissions de gaz à effet de serre- d’ici 2050. (Poupeau, 2013, 2).
  • [11]
    Depuis le milieu des années 2000, de nombreux appels à projet ont été lancés. À titre d’exemples : les appels réginaux « photovoltaïques raccordés aux réseaux et intégrés au bâti » (2006) ; l’appel « bâtiments basses consommations d’énergie » (2006), les appels à projets régionaux « Bâtiments Basse Consommation d’Énergie » (2007), le « programme national bois énergie » (2007). En 2007, 2011 et 2012, l’appel à projets « bâtiments et qualité énergétique et environnementale », destiné à des maîtres d’ouvrage publics et privés.
  • [12]
    Il s’agit des premières campagnes de communication pour la maîtrise de l’énergie engagées par l’Agence pour les Économie d’Énergie (AEE). De 1974 à 1979, en lien avec les deux chocs pétroliers de 1973 et 1974 des messages sont diffusées tel qu’ « En France, on n’a pas de pétrole mais des idées » (1974) ou celui prônant en 1979 « la chasse au gaspi ».
  • [13]
    Le programme national de lutte contre le changement climatique (PNLCC) fait, dès 2000, de la maîtrise de l’énergie un objectif national : http://www2.ademe.fr/servlet/KBaseShow?sort=-1&cid=96&m=3&catid=16032
  • [14]
    Campagne de sensibilisation lancée par l’ADEME auprès du grand public pour relancer l’industrie du solaire.
  • [15]
    Le plan climat 2004-2012 se veut être un plan d’action dont l’objet est d’inciter les collectivités locales à la réduction des consommations d’énergie.
Français

L’énergie est devenue une dimension intégrée, à des degrés très divers, des politiques urbaines. Cet article introductif examine la structuration en cours d’une action publique de l’énergie en France. Elle se concrétise par les prémices d’une « gouvernance énergétique » qui se fonde sur des projets urbains opportuns ou sur des actions d’aménagement coordonnées. Longtemps jugée en retard en matière de démarches environnementales, les villes françaises témoignent d’une intégration hybride de la question énergétique dans les politiques urbaines. L’évolution de leur rapport à l’énergie se situe à la fois en situation de filiation avec les expériences européennes et se place dans le sillage d’une incitation nationale à la transition. Le changement du rapport à l’énergie des villes françaises s’incarne alors dans trois démarches. Il est symbolisé par la capacité des édiles locaux à s’émanciper de cette double influence pour proposer des projets inédits ; par leur disposition à recentrer leurs engagements en matière d’énergie sur le bénéfice social et non marchand de telles initiatives et par leur possibilité à accompagner la transformation en cours du paysage professionnel de la fabrique de la ville et des savoirs qui y concourent.

Mots-clés

  • énergie
  • villes
  • transitions
  • stratégies
  • bénéfice social
  • savoirs professionnels

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Nadine Roudil
Laboratoire Architecture Ville, Urbanisme, Environnement (UMR 7218 LAVUE)
Équipe Centre de Recherche sur Habitat (CRH), ENSA Paris-Val-de-Seine
3-15, quai Panhard et Levassor, 75013 Paris
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 18/05/2017
https://doi.org/10.3166/ges.19.2017.0008
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