CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Avec l’ouverture internationale des marchés, on voit s’affirmer le caractère de plus en plus global des dynamiques économiques, lesquelles tendent à s’inscrire directement dans un espace mondial, transcendant les frontières nationales et remettant en cause les territoires locaux. Les restructurations qui résultent de cette évolution donnent à voir une instabilité accrue de l’implantation des firmes, celles-ci se délocalisant sans cesse suivant les opportunités du moment. Si la volatilité de l’inscription géographique des entreprises et notamment des grands groupes, s’est accrue au cours des dernières décennies, cela ne signifie pas pour autant que la dimension des territoires se trouverait gommée. Par-delà les questions de reconversions de sites, de réparations des dommages des délocalisations, se posent celles de savoir en quoi les territoires peuvent retenir, attirer les firmes soit, d’un point de vue plus général, en quoi ils peuvent constituer un niveau dynamique pertinent dans les processus de restructurations contemporains.

2Si de nombreux auteurs soulignent le caractère de plus en plus a-territorial de l’implantation des firmes, d’autres au contraire mettent en évidence que, dans les mutations actuelles, le niveau des territoires se trouve revalorisé. En effet, les restructurations actuelles ne sauraient être réduites à une seule recherche d’avantages de coûts comparatifs de la part des firmes. Elles correspondent aussi à une recherche d’accroissement de la performance, dans laquelle la qualité, l’innovation, l’adaptation, la réactivité, constituent des critères clefs. Dès lors, c’est de la capacité des territoires à produire des « ressources spécifiques » (Colletis, Pecqueur, 1993) propres à répondre à des problèmes productifs inédits, que naît leur attractivité pour les firmes. Loin d’une homogénéisation des espaces, c’est au contraire leur différenciation, fondée sur leur potentiel d’innovation économique et sociale qui se trouverait portée sur le devant de la scène.

3Il est à présent reconnu, comme l’ont montré les analyses des districts et des systèmes productifs locaux, que des petits espaces géographiques peuvent être le lieu d’une dynamique économique efficiente fondée sur des coopérations d’acteurs. Ces systèmes historiques et situés, ne sont pas nécessairement à considérer comme des modèles qu’il faudrait maintenir et promouvoir, ainsi que certains discours le laissent entendre (notamment des déclarations récentes des pouvoirs publics qui invoquent le soutien des districts comme l’une des solutions pour traiter des restructurations [1]). Eux aussi concernés par les mutations en cours, ils se trouvent souvent à devoir sortir d’un fonctionnement trop endogène pour s’inscrire dans des dynamiques plus globales. La question qui se trouve posée, avec les restructurations, n’est donc pas celle d’un « retour des systèmes locaux », mais celle de la pertinence du niveau des territoires comme lieu d’élaboration de solutions à des problèmes non seulement locaux mais globaux.

4Le courant de recherche de l’économie de la proximité apporte des éléments pour avancer en ce sens. En distinguant la proximité géographique de la proximité organisationnelle et institutionnelle et en étudiant comment ces dimensions se recouvrent ou pas suivant des configurations variables, l’accent est porté sur l’analyse des formes de coordinations entre les acteurs. Plus que l’espace géographique c’est la nature des relations de coopération — concurrence entre les acteurs privés et publics, locaux et nationaux (internationaux), qui paraît déterminante, car c’est de celle-ci que résultent diverses formes de gouvernances territoriales. Dès lors, c’est l’étude de l’émergence, du fonctionnement et de la stabilisation de ces gouvernances qui devient centrale pour appréhender le dynamisme d’un territoire.

5Afin de contribuer à la réflexion dans cette perspective de recherche, nous proposons d’aborder les stratégies d’inscription territoriales des grandes entreprises dans le cadre de leur restructuration, à partir de l’étude de cas du groupe Saint-Gobain. L’angle d’approche privilégié pour analyser les processus à l’œuvre dans les territoires sera donc ici l’entreprise : pour quelle raison et suivant quelles modalités un groupe choisit-il de s’investir dans l’espace local ? Avec l’exemple de Saint-Gobain, il ne s’agit pas de focaliser l’attention sur les modes d’implantation ou de délocalisation des entreprises, mais d’analyser le cas d’une démarche volontaire d’implication d’un groupe dans l’espace local.

6En effet, Saint-Gobain, à l’instar de nombreux groupes français, s’est engagé dans des appuis au développement local (avec des aides aux PME et à la création d’emploi, des actions de formations, etc.), en multipliant pour cela les partenariats avec les acteurs économiques, politiques et institutionnels locaux. Cette politique, apparue dans des contextes de fermetures d’établissements, avait pour premier objectif de faciliter la reconversion des salariés et des sites industriels ; elle est maintenue et accentuée lorsque le groupe entre dans une phase d’expansion, afin désormais de contribuer « à entretenir un environnement économique vivifié » propice aux établissements du groupe. Action « citoyenne », opération de valorisation d’image de marque ? Ce type de politique ne saurait être réduit à ces seules interprétations, notre hypothèse est qu’elle se présente comme un potentiel de moyens propres à assurer une meilleure coordination du groupe à son environnement. Au-delà des effets directs sur les tissus économiques, cette démarche soutiendrait une dynamique d’échange en réseau, fondée sur l’établissement de coopérations avec les acteurs locaux. Cette démarche donnerait à voir un processus de construction de coordination en réseau dans l’espace local. Ainsi, le groupe pourrait renforcer sa réactivité, nécessaire à sa reconfiguration mondiale, tout en entretenant un potentiel d’ajustement avec les territoires. Après avoir abordé en quoi cette inscription territoriale peut être utile à la stratégie globale du groupe, notamment dans le domaine de l’emploi, nous conduirons une réflexion quant à la nature de ce processus d’élaboration de coordination en réseaux entre le groupe et les acteurs locaux.

Méthode

On s’appuiera sur plusieurs recherches portant sur Saint-Gobain et d’autres groupes français (Raveyre, 1988, 1999). Les investigations ont reposé sur des observations de sites et des entretiens avec des responsables des groupes, des dirigeants de PME, des syndicalistes, des acteurs politiques et institutionnels locaux : élus, responsables de structures de formation, agences de développement, préfectures, Services Publics de l’Emploi, chambre de commerce… etc. Soit plus de deux cents entretiens.

1 – L’implication dans l’espace local comme moyen de reconfiguration mondiale

7Les grandes entreprises ne sont pas assimilables à un agent homogène, elles conduisent des stratégies différenciées, liées à leur histoire et à leurs caractéristiques socio-productives. Leurs restructurations sont traversées par des tensions entre des logiques globales et locales. Si certaines optent pour la volatilité, s’affranchissant des frontières géographiques, d’autres, comme Saint-Gobain, donnent à voir un ancrage renouvelé dans les territoires. Dès lors, en quoi cette dernière option peut-elle constituer un moyen au service de la stratégie du groupe ?

1.1 – Restructurations : la fin ou le retour des territoires ?

8Les restructurations des groupes ont suivi des orientations communes, avec de vastes remaniements d’activités qui se sont manifestés, par une succession d’épisodes de fermetures, de re-localisation et d’implantation d’activités. Loin d’une seule crise d’ajustement, ces mouvements récurrents seraient significatifs de l’entrée dans un « état de reconfiguration permanent » (Raveyre, 2005). Celui-ci s’inscrit dans des tendances de fond de transformation de l’économie contemporaine, appréhendé par nombre d’auteurs comme une remise en cause du modèle de développement fordien ayant prévalu antérieurement. Si le débat demeure largement ouvert quant à la nature de ces mutations, on s’accorde généralement à considérer que l’une des dimensions des changements en cours réside dans la redéfinition de l’articulation des dynamiques globales et locales, qui pose, notamment, de façon renouvelée la question des relations des groupes aux territoires. L’évolution de ces relations serait traversée par des tensions entre des logiques pour parties opposées.

9On peut voir dans les transformations actuelles du système productif, un effacement croissant de la dimension territoriale au profit de facteurs globaux. De nombreux auteurs soulignent que les stratégies des groupes s’inscrivent de plus en plus directement dans l’espace mondial, du fait du caractère plus transnational des firmes qui paraissent désor-mais souvent largement apatrides, ainsi que du fait de la montée en puissance de la « financiarisation » de l’économie (Aglietta, 1998, Coriat, 2003). Le renforcement de la logique financière et marchande, avec la prégnance croissante des marchés financiers infléchissant les modes de gouvernance des groupes, conduit à privilégier des stratégies à court terme de flexibilité des activités et de leur localisation. Dans ce cadre, les espaces locaux, évalués à l’aune d’avantages de coûts comparatifs, sont pris dans un mouvement incessant de mise en concurrence, les groupes arbitrant sur l’échiquier mondial les positionnements les plus rentables.

10Au contraire, d’autres analyses mettent en évidence que la mondialisation s’accompagne paradoxalement d’un renouveau du niveau local comme espace de coordination, d’une renaissance des « économies-territoires » (Veltz, 2002). De nouvelles formes de concurrence se développent : l’accent mis sur des critères de compétitivité fondés sur la qualité, la diversité, l’adaptation et l’innovation, nécessite des liens de proximité entre différents acteurs ; l’efficacité repose de façon accrue sur la qualité des coopérations, pour s’adapter aux clients, se coordonner avec les fournisseurs et sous-traitants, soutenir des processus de recherche-développement… Par ailleurs, plus une unité de production est spécialisée et flexible, plus elle se trouve prise dans un maillage d’interdépendances où « la qualité des ressources humaines, des infrastructures et des services publics jouent un rôle déterminant. La maîtrise de cet environnement socio-économique devient cruciale dans les nouvelles formes d’organisation du travail et pose la question de l’inscription territoriale des entreprises » (Supiot, 1999).

11Dès lors, les espaces locaux serraient moins à considérer comme des stocks de ressources dans lesquels les entreprises puisent suivant des avantages comparatifs, que comme l’un des lieux privilégiés pour l’entretien et la création de ressources : les compétences de la main-d’œuvre, la qualité des infrastructures et des institutions, les potentiels de recherche et d’innovation, le dynamisme des tissus de PME… Dans cette perspective d’analyse, on assisterait donc à une revalorisation du niveau des territoires. En effet, avec l’accroissement du « nomadisme » des entreprises, si les espaces locaux se trouvent mis en concurrence, c’est désormais de plus en plus de leur capacité à « répondre à des problèmes productifs inédits », à promouvoir la « co-construction de ressources » utiles aux entreprises, qui se présente comme un élément clef, garant de leur réactivité et de leur pérennité. S’éloignant d’une approche en terme d’attractivité d’un territoire pour les firmes, ce dernier peut être alors appréhendé dans une perspective dynamique, comme « une configuration variable et évolutive, résultat des actions effectives des acteurs concernés » (Zimmermann, 1998). L’espace local constituerait l’un des niveaux pertinents pour l’essor de liens de proximité entre les acteurs, nécessaire à la mise en place de concertations locales, voire à l’instauration de gouvernances locales.

12Les tensions entre logiques globales/locales traversent les stratégies des entreprises, et l’avenir demeure incertain quant aux options qui primeront. Toutefois, l’étude des politiques d’implication locale expérimentées par quelques grandes entreprises permet d’esquisser, à titre prospectif, une voie où l’investissement durable dans l’espace local serait une démarche valide et efficace au redéploiement des groupes et pas seulement un vœu d’acteurs soucieux de préserver des équilibres socio-économiques territoriaux. En effet, nos observations nous conduisent à mettre en évidence que ces politiques peuvent contribuer au renouvellement de la stratégie industrielle, commerciale et de la gestion des ressources humaines des groupes. C’est sur ce dernier aspect que nous nous centrerons, dans cet article, avec l’exemple de Saint-Gobain [2].

1.2 – Saint-Gobain : une inscription territoriale de la gestion du travail et de l’emploi

13La politique d’implication locale de Saint-Gobain, au-delà de ses spécificités propres, permet de mettre en évidence l’intérêt que peut représenter pour un groupe une stratégie d’ancrage dans les territoires. Avec ces appuis à l’économie locale, l’entreprise conforte le dynamisme des tissus économiques environnant ses établissements et favorise le tissage d’un réseau de relations avec des acteurs très variés, tant publics que privés. Ceci contribue à rendre moins étanches les frontières de l’entreprise et à soutenir l’essor de coopérations de diverses natures. Dans le domaine de l’emploi, l’entreprise se donnerait ainsi la possibilité d’effectuer en permanence des équilibrages tant en termes d’effectifs que de compétences, au niveau des bassins d’emploi. On peut repérer trois grandes étapes dans la politique d’implication locale de Saint-Gobain : d’interventions dans l’urgence sur les sites en difficulté, on passe à des actions préventives s’inscrivant plus dans la durée ; puis, alors que l’entreprise entre dans une phase de croissance, l’implication locale est renforcée et tend à devenir un outil permanent de la politique de gestion des ressources humaines du groupe.

14Au tournant des années quatre-vingt, Saint-Gobain procède à des restructurations lourdes. Compte tenu des prévisions de suppressions d’emplois, évaluées en 1980 à 15 000 postes sur cinq ans en France, la volonté des dirigeants d’alors est « d’améliorer la faisabilité économique et sociale des restructurations ». Les outils classiques de gestion des sureffectifs se montrant insuffisants, le groupe s’engage dans des appuis au développement local. L’objectif est alors de faciliter le reclassement des salariés et la reconversion des sites. Pour cela est élaboré un dispositif d’aides aux entreprises et de soutien aux bassins d’emploi. Une aide financière à la création d’emploi est proposée aux PME [3] : une convention est établie, comportant l’engagement d’un nombre d’emploi à créer et la possibilité de transformer le prêt en subvention, en cas d’embauche de salariés du groupe. Des appuis qualitatifs sont aussi proposés : conseils techniques, organisationnels, commerciaux… Par ailleurs, le groupe s’engage dans actions en partenariat avec les acteurs locaux : aménagement de zones d’activités, création de centres techniques, participation aux actions des services publics de l’emploi, mise en place de système de formation etc.

15À partir du milieu des années quatre-vingt, alors que les grands remaniements touchent à leur fin, après une période d’incertitude quant au maintien de la politique locale, celle-ci est finalement généralisée à l’ensemble des sites où le groupe est présent en France : « il s’agit d’intervenir non seulement là où on part, mais où on reste ». Les fermetures d’établissements deviennent plus rares, la tendance est plutôt à présent au redéploiement du groupe, ce qui se traduit toujours par des arrêts d’activités — mais de moindre ampleur —, des réorganisations d’unités, des fusions, mais aussi des créations d’activités et d’établissements. Plus que de gérer des masses de sureffectifs, il s’agit désormais pour Saint-Gobain d’accroître la fluidité de l’emploi, afin d’adapter en continu les effectifs et les compétences aux mouvements de recomposition des activités du groupe.

16Dès lors, la politique de développement local tend à devenir un outil permanent de gestion des ressources humaines. Elle vise désormais à conforter le maintien d’un environnement local dynamique, propice au renforcement de la mobilité de main-d’œuvre. En intervenant en amont des situations critiques, il s’agit d’opérer en permanence des équilibrages, tant en termes d’effectifs que de compétences. Le dispositif d’appui au développement local est renforcé. L’accompagnement social est élargi à tous les salariés, permanents ou temporaires. En soutenant la reconversion des salariés en CDD, il s’agit de « gérer en douceur la flexibilité de l’emploi ». Les actions en partenariats avec les acteurs locaux, s’amplifient : créations d’instituts de formation ; stages pour le personnel de PME, etc. En soutenant la formation, il s’agit d’adapter les compétences de la main-d’œuvre aux besoins des établissements, mais aussi de donner aux salariés des perspectives de progressions professionnelles tant dans le groupe qu’à l’extérieur de celui-ci.

17Cette implication locale facilite donc les reclassements et limite les tensions sociales, non seulement en période critique d’arrêt d’activité, mais aussi dans la durée. Au-delà de la gestion des sureffectifs, elle accompagne la flexibilité de l’emploi en soutenant en continu la mobilité externe des salariés, permanents et temporaires. Elle facilite le renouvellement des compétences et les recrutements. Dans une certaine mesure cette démarche concourt à l’élaboration conjointe de compétences au niveau des bassins d’emploi, elle tend à soutenir l’adaptation permanente de celles-ci, tout en garantissant mieux leur transférabilité interentreprises.

18Du point de vue des intérêts du groupe, cette implication dans l’espace local apparaît, en premier lieu, comme un moyen de réduire les coûts économiques et sociaux des restructurations. Ainsi sont amortis les risques de conflits de personnel et de détérioration des relations avec les collectivités territoriales, lesquelles se présentent de plus en plus comme des interlocuteurs clefs [4]. Par ailleurs, cela concourt à préserver l’image de l’entreprise dans l’opinion publique, ce qui est susceptible, notamment, d’avoir des répercussions commerciales. À plus long terme, ce type de démarche peut se révéler un moyen utile à une gestion flexible des ressources humaines. L’investissement dans l’espace local permet de gérer au plus près du terrain l’adaptation de l’emploi. Il facilite les échanges, dans les deux sens, entre l’entreprise et son environnement : reclassements, recrutement, formation. Des ajustements plus souples, plus continus, prenant mieux en compte les spécificités des établissements et des territoires, peuvent avoir lieu, tout en limitant les risques de déstabilisation des collectifs de travail interne et en évitant la détérioration des relations avec les acteurs territoriaux.

19Ce mode d’implication dans les territoires peut être considéré, à bien des égards, comme un outil au service de la reconfiguration des groupes ; reconfiguration marquée par des changements constants de structure, d’organisation et d’implantation. En évitant les « effets de terre brûlée » et en contribuant à la construction des ressources des bassins d’emploi, le groupe préserve les possibilités d’ajustements dans ces derniers dans la durée : il peut ainsi plus aisément gérer corrélativement les effectifs et les compétences, et traiter, successivement ou simultanément sur plusieurs sites, des mouvements opposés de réduction et de croissance d’effectifs. Ainsi, grâce à cette stratégie d’ancrage dans les territoires, l’entreprise se donne la possibilité d’une plus grande flexibilité dans sa gestion du travail et de l’emploi. D’une façon plus générale, en concourant à la construction d’un espace de coordination avec les acteurs locaux, le groupe garanti mieux sa capacité de reconfiguration : il peut quitter plus facilement les sites, mais aussi plus aisément s’y développer ou s’y implanter. Cette plasticité, rendue possible par son investissement local, assure la réversibilité de ses choix stratégiques et son nomadisme, condition de son redéploiement mondial.

2 – Vers la construction d’espaces de coordination localisés

20Avec ce type de politique d’implication territoriale d’entreprise, telle que celle de Saint-Gobain, on peut voir à l’œuvre une tentative volontaire de développement de coordination en réseau avec les acteurs locaux. Dans ce cas de figure, il apparaît qu’il s’agit moins, pour l’entreprise, de s’inscrire dans des systèmes locaux préexistants (bien que cela ne soit pas exclu), que d’impulser la construction d’un maillage de coopération. Cette démarche donne donc à voir des réseaux inter-organisationnels en cours de constitution, reposant sur la mise en place de coordinations de nature particulière. Ces dernières présentent divers degrés de stabilité et d’institutionnalisation ; en cela elles se différencient des gouvernances locales instituées, même si, in fine, elles peuvent s’en rapprocher.

2.1 – Districts, réseaux, gouvernances : les formes de la coordination locale

21L’analyse des districts italiens et des systèmes productifs locaux a montré, dès les années soixante-dix, que des relations de coopération au sein d’un espace géographique peuvent soutenir des coordinations interentreprises dans différents domaines : processus d’innovation technologique, relations entre donneurs d’ordres — prestataires et fournis-seurs, gestion du travail et de l’emploi. Ces analyses conduites initialement par des géographes et des sociologues (Bagnasco, 1977, Becattini, 1992, Raveyre et Saglio, 1988), ont mis l’accent sur la constitution d’ensembles industriels délimités à un territoire, enracinés dans l’histoire socio-culturelle locale. Dans ce courant de recherche, la proximité géographique est privilégiée.

22Si nombre d’analyses des réseaux interentreprises se sont inscrites dans le prolongement de cette approche territoriale, plusieurs travaux de recherches mettent en évidence la nécessité de dépasser ce modèle pour envisager d’autres modalités d’analyse des réseaux et prendre en compte d’autres formes de proximité. Sans remettre en cause la pertinence de cette approche pour certaines études de cas spécifiques, cette conception a été mise en débat, notamment en soulignant le danger d’une conception de systèmes locaux trop endogènes et territorialisés. Ainsi, sans se circonscrire à un territoire, l’analyse spatiale doit s’attacher à étudier le dosage existant entre des relations locales et globales, ainsi que le dosage entre différentes formes de proximité [5].

23Le courant de recherche de l’économie de la proximité, propose de distinguer la proximité géographique liée à l’espace, de la proximité organisationnelle qui résulte de relations sociales nées de la participation à une activité productive, et la proximité institutionnelle qui renvoie à des règles et des représentations partagées par des acteurs. Ces dimensions se recouvrent ou pas suivant des configurations variables selon les cas étudiés. Dans cette perspective, le territoire est un construit, à la confluence de ces trois formes de proximités. Dans la mesure où il revêt une certaine stabilité, il s’incarne dans des gouvernances locales. Celles-ci présentent diverses formes, notamment en fonction des rôles prédominants que peuvent jouer les divers acteurs privés et publics en présence (Colletis, Gilly, Pecqueur, 2001).

24Dans le cadre de la perspective d’analyse de l’économie des conventions et de la sociologie de l’innovation (Callon, 1991), les coordinations entre acteurs dans les réseaux sont abordées en donnant une place importante aux « intermédiaires » (personnes, objets, dispositifs) qui contribuent à établir des liens et des connections. Dans le prolongement de cette approche, l’attention a été portée sur les « intermédiaires du marché du travail » (Bessy, Eymard-Duvernay, 1997), qui contribuent à « équiper » le marché. Ce type de démarche permet une compréhension microsociologique de la constitution des réseaux, toutefois, ici, la dimension territoriale apparaît largement absente.

25Nous proposons de conduire une réflexion au carrefour de ces courants de recherche, pour l’étude du cas des coordinations impulsées par la politique territoriale de Saint-Gobain. Cette coordination sera appréhendée comme une « intermédiation en réseau », correspondant à une forme particulière de relation en réseau. Celle-ci est différente de celle observée dans les systèmes industriels locaux. Si comme dans ces derniers, l’une des caractéristiques de ce type de relations inter-organisationnelles est de reposer essentiellement sur une multitude d’accords de coopération plus ou moins formalisés entre des agents appartenant à différentes sphères, publiques et privées : groupes, PME, agence de développement, élus, services publics de l’emploi, organismes de formation… À la différence des ensembles productifs localisés, ces relations de coopération ne participent pas à l’instauration d’un système de relations revêtant une cohérence d’ensemble au niveau d’un territoire. Si elles peuvent s’inscrire dans des systèmes industriels locaux, elles ne semblent pas y concourir directement. De même, elles ne conduisent pas nécessairement à la mise en place de gouvernances locales instituées. En effet, elles peuvent demeurer instables, rester à l’état de connexions de liens se recomposant sans cesse suivant des configurations variées, en fonction des objectifs poursuivis.

26Les relations interpersonnelles de proximité occupent une place importante dans cette forme de relation en réseaux. Toutefois, il ne s’agit pas ici uniquement de liens s’établissant à partir de réseaux sociaux existants, ou de communautés culturelles historiquement constituées comme cela est le cas dans les systèmes locaux, ou encore de « proximité organisationnelle » que les agents acquièrent du fait de leur appartenance à une organisation (Rallet, Torre, 2001), mais surtout de réseaux de relations qui se créent dans le cours de l’action. Il ne s’agit pas non plus a priori de proximité institutionnelle : les acteurs en présence appartiennent, pour partie, à des mondes différents, entre lesquels on s’accorde généralement à reconnaître qu’il est difficile d’établir des passerelles. Plus que l’existence de solidarités et que le partage de représentations où de référentiels communs préexistants à l’échange, c’est la négociation (au sens large) entre les acteurs qui constituerait l’un des principaux moteurs de cette dynamique d’association. Les réseaux qui se nouent sont plutôt à considérer comme un processus émergent : les accords se construisent dans le cours de l’action, en établissant des connexions entre plusieurs types de réseaux existants, mais aussi en en créant de nouveaux ; ils supposent de mobiliser divers types acteurs, ce qui n’est pas acquis d’emblée. Dans une certaine mesure, la proximité est ici en partie construite.

27Dès lors, sans en rester à la perspective d’analyse proposée par Granovetter (1974), qui s’attache à mettre en évidence comment les acteurs recourent aux ressources de leurs réseaux sociaux d’appartenances préexistants à l’échange sur le marché du travail, nous proposons, avec cette étude de cas de la politique locale de Saint-Gobain, de porter l’attention sur le processus de construction des réseaux. C’est-à-dire qu’il ne s’agira pas seulement, ici, d’appréhender en quoi les échanges économiques sont déterminés par (ou s’appuient sur) des facteurs sociaux, mais de considérer l’échange en lui-même comme un processus socialement construit. Sans se limiter à une problématique en terme « d’encastrement » de l’économique dans le social, l’attention est portée sur la construction sociale des relations économiques.

28Par ailleurs, dans la perspective d’analyse proposée, si l’étude des interrelations entre les personnes occupe une place importante, ainsi que les processus d’apprentissages collectifs, l’attention sera aussi tournée vers le rôle des objets et dispositifs techniques. Ces derniers, qui cristallisent des accords passés, sont considérés comme partie intégrante des réseaux, lesquels deviennent de ce fait plus ou moins irréversibles (Callon, 1991). De même, les dispositifs organisationnels, tels que les normes et les règles, paraissent devoir être intégrés à l’analyse, en tant qu’objets résultants de compromis entre les acteurs soit des « dispositifs cognitifs collectifs » (Favereau, 1994). Nous proposons donc d’analyser ces relations en réseaux dans une perspective dynamique, en mettant en évidence comment les actions inter-personnelles peuvent s’enchaîner en s’appuyant sur d’autres, ainsi que sur des dispositifs, et en étudiant dans quelle mesure elles se trouvent stabilisées ou remodelées au cours du temps. Dès lors : « l’agrégation est ainsi analysée comme résultant d’un processus d’actions, potentiellement stabilisable, mais non fixé d’emblée » (Eymard-Duvernay, 1999).

2.2 – L’intermédiation en réseau comme processus émergent

Exemple d’un maillage d’intermédiation en réseau

Sur un site, par l’intermédiaire de sa cellule spécialisée, Saint-Gobain Développement (SGD), le groupe conduit divers appuis : il apporte des aides financières et des conseils à des PME, il établit des collaborations avec les acteurs institutionnels et politiques locaux à plusieurs occasions. En 1986, lorsque le Département lance l’idée de créer une agence de développement, des agents de SGD participent aux groupes de réflexion où sont représentées les communes, les chambres consulaires, des entreprises, l’Université… À l’issue de cette phase de plus d’une année, durant laquelle suivant les propos de l’un des intervenants : « chacun a pu prendre conscience des problématiques des uns et des autres, et clarifier sa position », plusieurs actions vont voir le jour. Saint-Gobain détache un cadre du groupe dans l’agence économique. Un technopole est créé regroupant des Universités, des locaux pour des entreprises, un centre de ressources techniques comportant un centre de formation permanente et des services aux entreprises.
Dans les années qui suivent, de nouveaux projets de partenariats sont envisagés avec divers acteurs ; si nombres restent sans suite, plusieurs se concrétisent. Ainsi, des établissements de Saint-Gobain contribuent à des formations au sein du technopole : interventions d’ingénieurs, ouvertures de leurs laboratoires aux étudiants et chercheurs. Par ailleurs, grâce aux contacts établis dans le cadre des opérations précédentes, des agents de SGD et des établissements du groupe participent à diverses actions avec les acteurs locaux : Plate Forme d’Initiative Locale, étude sur les PME du site, aides à des entreprises d’insertion, dépollution de sites, etc. S’appuyant sur ces actions passées, le groupe accompagne dans les années qui suivent, plusieurs opérations de gestion de l’emploi dans ses établissements. Dans un site en zone rurale, le groupe doit faire face à la fermeture imprévue d’un établissement utilisant de l’amiante. Les agents de SGD prospectent de postes disponibles dans les entreprises avoisinantes. Ils rencontrent les dirigeants de PME auxquels ils ont déjà apporté des aides. Les postes proposés par ceux-ci sont en nombre insuffisant, mais ils indiquent d’autres entreprises qu’ils connaissent, susceptibles d’embaucher. De même des PME sont signalées par des acteurs institutionnels et politiques locaux, que les agents de SGD ont rencontrés en diverses circonstances. En un an, 80 % du personnel est ainsi reclassé. Sur un autre site, en prévision de la création d’un établissement, sachant que les compétences nécessaires seraient difficiles à trouver compte tenu de sa connaissance du bassin d’emploi, le groupe s’engage dans la mise en place de cursus de formation, en partenariat avec des acteurs locaux.

29L’intermédiation en réseaux, telle que l’on peut l’observer dans cette étude de cas, correspond à une forme d’action décentralisée, elle désigne un processus, une dynamique d’association, dont la charge de coordination est répartie entre des personnes, des objets, des dispositifs, qui permet de ménager des passages entre des domaines de natures hétérogènes. Cette forme intermédiation se construit au cours de l’action, elle repose sur des coopérations entre différents types d’acteurs privés et publics, qui tous peuvent jouer un rôle actif. Elle soutient la circulation d’information, facilite la mobilisation de ressources diverses et contribue à répartir les coûts de coordination, en temps et en argent entre les acteurs ; elle permet une certaine mutualisation des ressources et des coûts dans des collectifs d’acteurs. Les coopérations peuvent se matérialiser dans des dispositifs concrets (associations, conventions de financement, chartes de partenariat, sociétés d’économie mixte, etc.), mais elles procèdent, pour une grande part, de façon informelle. L’interaction entre les acteurs et l’échange de biens immatériels (informations, réputations…) occupent une place importante. Cette forme d’intermédiation contribue à stabiliser les liens entre les acteurs et à donner la possibilité de création incessante de nouvelles connexions. Ainsi, elle permet d’engager une dynamique d’action dans la durée : elle rend possible des interventions en amont du marché, prévient un certain nombre de blocages et permet de mieux faire face aux aléas et à l’imprévu.

30Si les acteurs en présence « s’accordent » pour engager une action, à caractère plus ou moins ponctuel ou durable (informations, études du site, recherche d’emplois disponibles, création d’un centre technique…), cette association ne repose pas, généralement, sur le partage de représentations communes. Ce qui est plutôt en jeu ici est la négociation, à partir de points de vue divergents, d’un objectif commun. Ce qui ne signifie pas que les acteurs interprètent ce dernier dans le même registre de valeurs. Par contre, grâce à la proximité entre les personnes permises par diverses occasions de rencontres, ils se trouvent plus à même de comprendre la logique des autres.

31Ce type de coordination peut avoir pour effet d’opérer une certaine déspécialisation des politiques d’emploi. En effet, l’implication dans l’espace local du groupe conduit au développement de liens multidimensionnels avec son environnement. Sans se limiter à l’emploi, les interventions concernent, le plus souvent, différents domaines : appui indus-triel, commercial, recherche, mesures écologiques… Aussi les actions concernant l’emploi vont reposer, pour partie, sur des liens établis dans un autre contexte. Chaque acteur pouvant jouer le rôle de médiateur et effectuer des « traductions » (Callon, 1986) pour faciliter l’accès des autres à son propre réseau, un maillage de relations locales peut se développer, susceptible à tout moment d’être réactivé pour traiter des questions d’emploi (ainsi, un chercheur, ou un élu, va indiquer une PME susceptible de recruter un salarié du groupe).

32Ces intermédiations, sont largement fondées sur des relations de proximité, relevant de plusieurs formes. Pour partie, les liens entre les acteurs d’appuient sur une proximité géographique, car c’est au sein de l’espace local qu’ils vont se rencontrer et élaborer des projets communs. Toutefois ces coopérations dépassent le niveau local, car chaque type d’acteur appartient à des ensembles et des réseaux plus globaux (grandes entreprises, agents des services publics, réseaux de PME, etc.), réseaux que les agents vont mobiliser de diverses façons pour conduire l’action commune au niveau local. Dans une certaine mesure, nous serions ici dans une configuration assez proche de celle de « small word » analysée par Zimmermann (2002), avec une articulation de liens locaux et globaux.

33Ces intermédiations en réseau sont susceptibles de revêtir des formes et des degrés de stabilité divers suivant les démarches concrètes engagées sur le terrain, ainsi qu’en fonction du comportement des acteurs en présence. Par ailleurs, elles vont se cristalliser dans des formes plus ou moins instituées. Si la coordination passe plutôt par des personnes elle aura un caractère plus informel, elle reposera pour une part importante sur les compétences de celles-ci et leur capital de connaissances accumulées (connaissance du site, des acteurs…). Plus les coopérations se matérialisent dans des dispositifs organisationnels et techniques (groupes de réflexion, chartes de partenariat, créations de structures diverses comme des centres de formations, centre technique, agence de développement…), plus elles se trouvent formalisées et relativement stabilisées : en s’incarnant dans des objets ou des accords explicites elles deviennent plus irréversibles.

34Ainsi l’intermédiation en réseau peut présenter toute une gamme de degrés de formalisation, allant du plus informel jusqu’au plus institué, pouvant même se stabiliser en partie dans des dispositifs institutionnels, des gouvernances locales, voire des procédures contractuelles publiques. On remarquera, en effet, par exemple, que ces démarches de revitalisation de sites, engagées à l’initiative de groupes, ont été reprises, pour partie, par la loi de Modernisation sociale de 2002, qui instaure une obligation d’appui au développement local aux grandes entreprises sur les sites en restructuration.

35L’efficience, pour l’entreprise, de cette intermédiation en réseau est difficile à appréhender avec des outils d’évaluation classiques. Si elle se manifeste dans des éléments plus ou moins quantifiables (nombres d’emplois créés, d’entreprises aidées, de partenariats réalisés…), elle a aussi un impact difficile à appréhender car diffus, différé, immatériel. L’un des principaux effets de cette intermédiation est de soutenir une dynamique d’interrelation. L’établissement de partenariats entre les agents de la grande entreprise et les acteurs locaux, publics et privés, favorise la mise au point et l’émergence de projets d’actions de natures diverses. Ceux-ci, prenant mieux en compte les spécificités de chacun, se présentent comme autant d’ajustements entre les partenaires qui concourent à instaurer un espace de coordination. Celui-ci permet d’éviter un certain nombre de dysfonctionnements qui auraient pu survenir en l’absence de coopération, soit des « coûts de non-coopération ». Il permet de mieux faire face aux aléas et à l’imprévu, en facilitant la connexion avec les interlocuteurs pertinents et l’élaboration de solutions spécifiques. Ainsi, la mise en place d’intermédiations en réseaux représenterait en elle-même un investissement immatériel, que l’on peut qualifier d’investissement coopératif. Ce dernier, constitué d’un maillage de relations interpersonnelles et de dispositifs concrets, contribue à équiper les échanges au niveau du territoire. Dès lors, ce mode de coordination ne se limite pas à ménager des ponts entre des mondes distincts, il est aussi susceptible d’avoir des effets sur la nature même des échanges. Sans se réduire à soutenir la circulation d’information entre les acteurs et à assurer l’accès à des ressources de différentes natures, ces liens en réseaux participent à la co-construction de nouvelles ressources.

Conclusion

36Les territoires peuvent donc constituer un niveau pertinent pour assurer la flexibilité nécessaire à la reconfiguration mondiale des groupes. Comme le met en évidence l’exemple de la politique locale de Saint-Gobain, l’investissement dans l’espace local peut favoriser, dans le domaine de la gestion du travail et de l’emploi, l’adaptation permanente des effectifs et des compétences dans les territoires tout en contribuant au renouvellement et à la co-construction des ressources matérielles et immatérielles de ces derniers. Ce type de politique, au-delà des appuis au développement des tissus économiques, concourt à l’instauration d’un espace de coordination avec les acteurs locaux. En soutenant des intermédiations en réseau, c’est à l’amélioration de la cohérence et de la souplesse de l’articulation du groupe à son environnement que peut contribuer cette politique. Dans ce cadre, le nomadisme des firmes se conjuguerait avec un essor de coordinations locales en réseaux.

37Si, avec cette étude de cas, on voit à l’œuvre une revalorisation du niveau territorial comme lieu de coordination, cet espace ne coïncide pas nécessairement avec les espaces géographiques. Les échanges en réseau qui peuvent avoir lieu ici, visent bien à permettre une meilleure prise en compte des spécificités locales, mais ceci en s’appuyant sur des maillages de coopérations dépassant les sites, sur des connexions de réseaux de natures diverses, qui ne se présentent pas nécessairement comme un système stabilisé au niveau d’un territoire. On serait ici en présence d’un mode particulier de coordination en réseau : ni système localisé, ni gouvernance locale, l’intermédiation en réseau, si elle peut participer à l’un et à l’autre, se présenterait avant tout comme un processus de construction d’espaces de coordination localisés ; espaces aux frontières mouvantes, plus où moins stabilisés, tant du point de vue de leur structure que de celui de leur degré d’institutionnalisation.

Notes

  • [*]
  • [1]
    Voir notamment : Commissariat général du Plan (2004), Datar (2004).
  • [2]
    Pour l’analyse de la contribution que peuvent apporter les politiques locales à la stratégie industrielle et commerciale des groupes se reporter à notre étude, Raveyre 1999.
  • [3]
    Sous forme de prêts, sans prises de participation au capital.
  • [4]
    notamment depuis la décentralisation de 1982.
  • [5]
    Voir notamment Pecqueur, Zimmermann, 2004.
Français

Résumé

Les restructurations actuelles posent de façon renouvelée la question des relations des grandes entreprises aux territoires. L’observation des politiques d’implication locale conduites par plusieurs groupes permet de conforter l’idée que l’investissement durable dans les territoires peut constituer un moyen efficient d’accompagnement du redéploiement des entreprises. Notre hypothèse est que ces politiques sont propres à assurer une meilleure articulation des groupes avec leur environnement. Dépassant les frontières de la firme, elles soutiennent une dynamique d’échange en réseau, fondée sur l’établissement de coopérations avec les acteurs locaux. Ainsi, les groupes pourraient renforcer leur réactivité tout en minimisant les risques de déstabilisation de leurs liens avec les territoires. Ces politiques se présenteraient comme des réponses adaptées aux enjeux du monde économique actuel. En effet, la mondialisation s’accompagne paradoxalement d’un renouveau du niveau local comme espace de nouvelles formes de coordination.

Mots-clés

  • restructurations
  • territoires
  • groupes
  • réseaux
  • mondialisation
  • coordination

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Marie Raveyre [*]
Chercheur IRES (Institut de Recherches Économiques et Sociales) 93192 Noisy le Grand Cedex.
Pour citer cet article
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