L’étude menée sur la communauté d’agglomération du Libournais (Gironde) revêt une portée heuristique pour saisir les ressorts de l’engagement des acteurs publics locaux dans la lutte contre les inégalités sociales de santé. Si l’on se réfère au modèle des déterminants sociaux de la santé, le cadrage du problème à traiter apparaît ici très sélectif car ces inégalités sont essentiellement appréhendées sous l’angle des obstacles faits aux droits et aux soins. Existent aussi des représentations faites de préjugés ordinaires à l’endroit de certains groupes sociaux doublées d’un phénomène de « sanitarisation du social ». Consistant à « traduire » au nom de la « santé publique » des problèmes sociaux en phénomènes sanitaires, ce processus de médicalisation permet de saisir les formes localement adoptées du travail d’invention de la santé publique. Si elles conduisent à transformer les multiples signes de la précarité en risques sanitaires et à les inscrire dans l’espace public pour en faire des objets de politique, cette traduction s’opère sans que ces autres catégories de problèmes (chômage, habitat indigne, troubles à l’ordre public, isolement, etc.) ne soient appréhendées comme des déterminants sociaux des inégalités en santé. Un tel travail d’inférence empêche la conduite d’une action globale et partenariale en ce domaine et obère la structuration de parcours coordonnés de santé.
Article
La question de l’accès aux soins est aujourd’hui présentée comme « la préoccupation numéro un des habitants des territoires ruraux tant la situation en matière de démographie médicale s’est dégradée ces dernières années et tant cette dégradation cristallise le sentiment d’abandon qui se développe dans ces espaces » (Labaronne et al., 2019, 49). Ce constat alimente les propositions visant la résorption des déserts médicaux en zones sous dotées faites au titre de l’Agenda rural du Gouvernement. Il souligne, en outre, l’importance que l’organisation et le fonctionnement du système de soins – la disponibilité des ressources sanitaires et leur accessibilité notamment – revêtent quant à la fabrique des inégalités territoriales de santé. Les indicateurs issus des Observatoires régionaux de santé (ORS) confortent régulièrement ce constat de faible niveau sanitaire des territoires ruraux, ce dernier se renforçant au cours du temps. L’enclavement favoriserait, par ailleurs, repli identitaire et adoption de normes locales tant dans les comportements à risque (pratiques alimentaires, consommation d’alcool, etc.) que dans les rapports à la maladie et aux soins (Pagès, 2018).
C’est encore au nom de ces principes égalitaires et « en missionnant des scientifiques pour produire des chiffres incontestables » (Dhumeaux, 2021, 16), documenter et publiciser ces inégalités d’accès aux soins que les représentants de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) ont récemment exprimé l’urgence à agir afin de « réparer » les conditions de ce recours aux soins, tout particulièrement pour « les populations les plus fragiles »…
Résumé
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Auteur
M. Honta. univ. Bordeaux, EPST, Centre Émile Durkheim, UMR 5116, 33076, Bordeaux, France.
- Mis en ligne sur Cairn.info le 08/12/2021
- https://doi.org/10.3917/rfas.213.0069
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