CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1... dans un condominium sécurisé au Mexique, une finca en Espagne, un riad au Maroc ou une simple maison écologique en Bulgarie... La perspective d’une vie sous un ciel clément, redorée par un pouvoir d’achat plus confortable, fait rêver plus d’un futur retraité qui se sent l’envie de combiner une certaine dose d’exotisme et un projet de vie personnelle ou – pourquoi pas ? – un « travail après le travail », une véritable carrière post-professionnelle, un engagement humanitaire.

1 – Pensions peau de chagrin

2Mais ce rêve d’un ailleurs plus léger se nourrit aussi d’inquiétudes profondes, celles liées, tout d’abord, au sentiment d’une grande vulnérabilité, éprouvé par la plupart des actifs à l’approche d’un changement aussi crucial pour leur parcours de vie que la sortie officielle du monde du travail. Prenons le cas de la France, sachant que la donne n’est pas fondamentalement différente dans d’autres pays de l’Union européenne, voire de l’OCDE. Se familiariser avec la terminologie liée à la retraite n’est pas nécessairement chose aisée, et connaître ses droits par rapport à l’âge requis et la durée de cotisation correspond souvent à un véritable parcours du combattant, surtout lorsque la carrière professionnelle a été erratique.

3Les inquiétudes concernent surtout le montant de la pension de retraite et son évolution dans le temps. Alors que les décideurs, se voulant rassurants, insistent sur leur souci de sauvegarder le niveau des pensions, le « grand public », lui, pense savoir, plus ou moins vaguement, que le pouvoir d’achat des retraités est en train de s’éroder et que la « réforme » de 2010 n’y changera rien, bien au contraire. Et il ne s’y trompe pas. Après avoir permis, dès les années 1970, de sortir de la pauvreté un grand nombre de personnes âgées, tout porte à croire que le système de retraite français revient en arrière : les réformes de 1993 et 2003 ont eu pour conséquence de diminuer le niveau des pensions dès leur liquidation, du fait de l’extension de la période de référence servant de base de calcul. Plus encore, quant à l’évolution des pensions au fil du temps, les deux réformes leur ont fait perdre entre 30 et 40 % de valeur par rapport à la situation antérieure? [1]. Le principal facteur responsable de cette évolution : l’indexation des pensions sur les prix – une pratique adoptée désormais par la plupart des pays de l’OCDE –, alors qu’auparavant, c’étaient les salaires qui servaient de référence, ce qui permettait aux retraités de bénéficier de l’augmentation du niveau de vie moyen, résultat des gains de productivité. Si, en dépit de cette dégradation, les retraités français continuent à bénéficier d’un niveau de vie comparable à celui des actifs, c’est parce que la faiblesse des pensions tend à être compensée, pour une partie d’entre eux, par les revenus du patrimoine, d’une part, les activités génératrices de revenu, d’autre part.
Au-delà des considérations individuelles, c’est l’avenir même du système français des retraites qui engendre des inquiétudes. Un système soumis depuis plus de deux décennies à des « réformes » présentées comme inéluctables, élaborées à la hâte et sans véritable débat avec la société civile, décidées à un moment où elles risquaient de rencontrer le moins de contestation. Ces « réformes » ont comme ambition de faire appel à notre bon sens : puisque l’espérance de vie augmente, il est normal de travailler plus longtemps ; puisqu’il y a « déficit », il faudra cotiser davantage ; puisque nous avons une responsabilité morale à l’égard des jeunes générations, il est inadmissible de leur laisser des dettes qu’ils ne sauront pas éponger. Un discours qui, lui non plus, n’est pas propre à la France, et qui a aussi cours ailleurs, tant l’État-providence dans les pays riches est soumis à l’impératif de la compétitivité, conformément au nouveau paradigme de politique économique. Mais un discours culpabilisateur au cas où l’on douterait du bien-fondé des mesures décrétées et qui occulte surtout toute alternative possible.

2 – Prendre la clé des… plages

4Crainte justifiée d’une dégradation progressive des conditions matérielles d’un côté, promesse d’une vie légère de l’autre, dans des contrées où le pouvoir d’achat est élevé pour ceux qui viennent des pays plus riches, où les activités en plein air côtoient les « plaisirs simples de la vie ».

5Mais combien sont-ils, au juste, ceux qui prennent la clé des champs ou… plutôt, des plages ? Les données disponibles ne traduisent qu’imparfaitement les réalités, car chaque pays d’accueil a les pratiques statistiques qui lui sont propres et les définitions précises, standardisées, font défaut [Casado-Diaz et al., 2004]. Et pour cause, car la frontière entre tourisme résidentiel et installation permanente est perméable : tel préretraité dispose d’un logement aux Îles Canaries tout en ne l’occupant que pendant les mois d’hiver, tel couple de sexagénaires effectue des va-et-vient réguliers entre les États-Unis et le Mexique, pour une question de confort personnel ou à cause de contraintes liées à la législation du pays d’accueil. De même, la retraite peut s’inscrire dans la continuité d’un séjour de travail, sans qu’il y ait rupture proprement dite du parcours, comme c’est le cas de tel coopérant dans un pays subsaharien qui s’y installe définitivement, l’âge de la retraite venu. Et, enfin, la retraite au soleil peut aussi concerner des travailleurs originaires d’un pays du Sud, des travailleurs qui, après une vie professionnelle passée loin de « chez eux », (s’)investissent dans leur pays, en ayant toutes les caractéristiques de ceux qui viennent d’ailleurs. Il s’agit donc, en somme, davantage de multi-résidentialité que de migrations au sens classique du terme.

6Alors que ni les pouvoirs publics des pays d’accueil, ni les services consulaires ne disposent de données fiables sur la mobilité des personnes étrangères âgées, il y a une certitude : pour les habitants du Nord, la retraite au Sud est un phénomène qui prend de l’ampleur, notamment sous l’influence des baby-boomers. Pour la France, il s’agit d’un phénomène relativement nouveau et peu étudié ; l’on pense que, tous les ans, 40 000 citoyens de l’Hexagone décident de s’installer sous des cieux plus cléments, ne serait-ce que par intermittence. Compte tenu des récents événements de l’autre côté de la Méditerranée, ces flux sont susceptibles de s’accélérer et pourraient s’accompagner d’investissements immobiliers, à l’instar de ce qui se passe déjà au Maroc. Comparés à la France, d’autres pays européens, ceux qui connaissent un climat plus rude, ont une tradition bien plus enracinée de la mobilité spatiale des retraités. Ainsi, le pourcentage des Allemands de plus de cinquante ans et résidant à l’étranger aurait triplé entre 1980 et 2006. Quant aux « seniors » britanniques, selon les projections du Centre for Future Studies, un citoyen du Royaume-Uni sur cinq est susceptible de vivre à l’étranger en 2020, dans des pays anglophones comme l’Australie, mais aussi en Espagne et au Portugal. Dans l’Algarve, les Britanniques représenteraient désormais même dix pour cent de la population d’origine.

7C’est incontestablement outre-Atlantique que l’on peut actuellement le mieux prendre la mesure de ce phénomène qu’est la retraite au soleil. Les principaux protagonistes viennent des États-Unis, qui s’installent pour quelques mois par an au Mexique, mais de plus en plus aussi au Panama, au Costa Rica, au Belize, en Équateur et en République dominicaine. Dès les années 1960, de nombreux Américains se sont déplacés vers la Sunbelt, le Sud et l’Ouest des États-Unis avec les États emblématiques de la Californie et la Floride, avant de franchir la frontière avec les pays limitrophes, engendrant parfois des concentrations de communautés de retraités expatriés, comme c’est le cas à Chapala, Los Cabos ou San Miguel de Allende. Des projets immobiliers spécifiquement destinés aux plus de cinquante ans donnent des indications utiles sur le boom de l’industrie liée au grey power, le pouvoir des personnes âgées.

8Selon l’origine géographique des retraités friands de soleil, d’une part, et les zones d’arrivée, d’autre part, les motifs du déplacement, si temporaire soit-il, ainsi que les approches du milieu d’accueil ne sont pas les mêmes. Ainsi, les Nord-Américains affectionnent le Mexique voisin non seulement pour ses bonnes conditions climatiques, mais aussi pour les soins de santé et autres services à la personne, peu coûteux et de grande qualité, des prestations qui sont souvent assurées par un personnel anglophone et formé aux États-Unis [Migration Policy Institute, 2007]. Il s’agit, d’ailleurs, d’un public fort hétérogène, englobant à la fois des personnes âgées attirées par la vie culturelle de telle ville secondaire et celles, plus fortunées, qui privilégient des activités sportives haut de gamme, comme le golf ou la pêche sous-marine. Les Européens, eux, accordent souvent une grande importance à la facilité d’accès de leur résidence de retraite – d’où notamment l’attrait des Baléares –, même si des destinations comme la Thaïlande rencontrent un succès considérable. Une grande diversité caractérise, enfin, aussi les interactions entre retraités étrangers et populations locales ; elles sont fonction de l’ancienneté du phénomène, du rapport numérique entre locaux et étrangers, du profil socio-économique des derniers, etc.

9Il n’en reste pas moins que, des deux côtés de l’Atlantique, les facteurs push et pull sont comparables. Ce qui motive les départs, c’est tout d’abord l’ensoleillement, mais aussi les prix moins élevés pour ce qui est de l’immobilier tout d’abord, des produits de consommation courante ensuite, ainsi qu’une pression fiscale généralement bien plus faible. De même, interviennent des considérations relatives à l’insécurité physique ressentie dans le pays d’origine et l’impression d’y faire l’objet de discriminations liées à l’âge. Les coûts historiquement bas des transports, la banalisation des voyages, l’amélioration des télécommunications, une meilleure connaissance de l’autre à travers les médias, etc., ne font qu’encourager la mobilité des retraités. Pour ce qui est des pays d’accueil, leur politique à l’égard des retraités étrangers varie entre un volontarisme manifeste, comme ceci est le cas du Mexique, mais aussi du Maroc, et un certain laisser-faire, comme au Sénégal, qui semble traduire la conviction des décideurs que le seul ensoleillement suffit pour attirer un public pourtant de plus en plus exigeant…
Le marché du « pouvoir gris » peut cependant s’avérer fort instable : de nouveaux facteurs peuvent moduler les préférences de la clientèle et réorienter les flux vers de nouvelles destinations, jugées soudainement plus prometteuses en termes de « style de vie ». Pour ne prendre que le cas du Mexique, après le boom considérable dans les années 2005-2006, le secteur du bâtiment répondant à la demande des retraités nord-américains devait connaître une crise sans précédent, se traduisant par l’abandon de nombreux projets de construction, voire la faillite de certains promoteurs [Kiy et McEnany, 2010]. Accompagnée d’un recul drastique des déplacements touristiques, cette crise n’est pas seulement alimentée par des inquiétudes relatives à la sécurité publique et aux questions de santé – liées à des épidémies comme celle provoquée par le virus H1N1 –, des informations alarmantes par rapport à l’environnement juridique, mais aussi et surtout par l’affaiblissement de l’économie américaine. Autant d’éléments qui incitent à la prudence.

3 – Un projet qui se prépare

10S’expatrier à l’âge mûr n’est pas une formule accessible à toutes les couches sociales – loin s’en faut ! –, car c’est une entreprise qui nécessite à la fois un certain capital financier, de l’aisance par rapport aux moyens de communication et des compétences relationnelles. Des ressources financières sont tout d’abord indispensables pour entreprendre les démarches préalables au départ. Le parcours migratoire se construit généralement grâce à la prise de contact avec les « réalités » du futur pays d’accueil, lors d’un ou de plusieurs séjours touristiques. Le tourisme médical peut d’ailleurs représenter une étape décisive vers le choix de s’installer ailleurs, comme ceci est souvent le cas pour les États-uniens optant pour le Mexique. Des « nouvelles » destinations pour retraités, comme la Bulgarie, riche en stations thermales, semblent vouloir exploiter, elles aussi, ce lien entre tourisme médical et résidence de retraite, et sensibiliser notamment une clientèle allemande. L’investissement majeur concerne, bien entendu, le logement. Par rapport aux standards des pays riches, les prix sont généralement bien plus faibles. Ainsi, un modeste pavillon en banlieue parisienne peut se « troquer » contre un riad spacieux dans la médina de Marrakech. L’acquisition procure davantage de sécurité à moyen et long terme qu’une location, ce qui explique aussi qu’au Mexique trois retraités originaires des États-Unis sur quatre sont propriétaires de leur habitat. De même, garder un domicile dans le pays d’origine – ce qui est le cas des deux tiers des Allemands séjournant régulièrement aux Îles Canaries – représente une garantie indéniable contre des aléas de toutes sortes et facilite, au besoin, le retour ou une éventuelle réorientation vers une autre destination.

11Le chemin vers une résidence de retraite à l’étranger fait aussi intervenir le capital culturel : il faut acquérir des connaissances relatives aux risques éventuels, à leur répartition ou leur évitement, à la constitution d’un réseau de relations, relations « utiles » tout d’abord, avant de devenir, peut-être, affectives, etc. La maîtrise des technologies de la communication s’avère être un atout particulièrement précieux à cet égard. De nombreux sites internet consacrés à la mobilité des personnes âgées permettent de s’initier aux destinations potentielles, incitant à faire du tourisme virtuel? [2], à apprivoiser progressivement l’altérité, à comparer, à s’enquérir des aspects matériels comme les transferts des pensions et les conditions d’imposition. Un processus d’apprentissage qui concerne l’individu tout autant que son environnement familial immédiat, voire sa génération.
Que le déplacement, vers le Sud de préférence, ouvre des perspectives de loisirs et de sociabilité qui seraient difficilement accessibles dans le pays d’origine, est un fait bien connu. Mais la rupture spatiale peut aussi donner lieu à un nouvel élan pour un engagement social, par exemple à travers une association humanitaire. Tout comme le changement de lieu peut provoquer une réorientation professionnelle, par nécessité matérielle, par envie de « travailler ailleurs pour gagner plus » ou tout simplement par le désir d’entreprendre et de transmettre un savoir acquis. Cette réorientation est souvent facilitée par une législation plus souple, voire la tolérance des autorités par rapport à des pratiques dites informelles. À des degrés variables, toutes ces activités génèrent des liens sociaux et contribuent à la création d’emplois, directement ou indirectement, à la distribution de revenus, à l’évolution des normes dans le pays d’accueil. Mais elles risquent aussi d’engendrer de nouvelles inégalités, parfois violentes, et des distorsions quant à l’accès aux services de base, tels que l’eau, l’électricité, le recyclage des déchets. Autant de facteurs susceptibles de ternir l’image de la cohabitation heureuse des peuples sous le soleil.

4 – Vivre sans vieillir ?

12Il n’est pas inutile de replacer le désir de vivre sa retraite ailleurs dans le contexte de l’économie de marché généralisée, avec ses normes totalisantes qui n’épargnent pas la vie privée et les relations aux autres : il s’agit d’être performant dans tous les stades de la vie, de se montrer responsable, de se prendre en charge, y compris sur le plan de la santé, « trou de la sécu » oblige. D’où aussi l’injonction de « bien vieillir ». Or le successful ageing, expression anglo-saxonne popularisée dès les années 1980, n’est pas seulement synonyme de bonne santé, il renvoie aussi à l’engagement actif dans la vie tout court. La normalité de cet engagement au-delà de l’activité professionnelle s’exprime bien à travers la question récurrente adressée au « jeune » retraité : « Alors, qu’est-ce que vous allez faire maintenant ? »

13C’est comme si l’éthique du travail devait se muer en une éthique de l’occupation, et que c’est cette dernière qui allait désormais structurer la « nouvelle » vie du retraité [Ekerdt, 1986]. Et c’est tant mieux, car cette mutation, permettant d’intégrer, dans le statut du retraité, des valeurs connues du monde du travail, assure une certaine continuité dans la vie des personnes âgées. Source d’équilibre, cette continuité paraît particulièrement précieuse pour ceux qui vont passer leur retraite ailleurs, séparés de leur environnement habituel, parfois en rupture même avec leur milieu d’origine. À cet égard, l’engagement humanitaire ou la poursuite d’une activité professionnelle post-carrière peuvent utilement contribuer au « bien vieillir », et ceci d’autant plus que le retraité apporte son expérience, partie intégrante de sa personne [Andrews, 1999]. Une manière d’assumer son âge, tout simplement.

14Cependant, dans les pays riches, le « bien vieillir » est aussi souvent fantasmé comme une manière de « vivre sans vieillir », a fortiori lorsque l’environnement paraît hors du temps. C’est, en effet, une image d’Épinal qui surplombe l’idée que beaucoup se font de la retraite au soleil, faisant écho au jeunisme ambiant : un « senior », grisonnant mais sans âge, de préférence en couple, faisant son jogging matinal sur une plage déserte ou juché sur son vélo tout terrain, dans un paysage paradisiaque, épanoui. Une image qui fait bien vendre les voyages de découverte tout d’abord, les résidences pour retraités ensuite. Mais ce sont là un espace et un temps socialement construits, des lieux chargés de promesses de bien-être physique et psychique, et ceci pour longtemps, longtemps… Des lieux imaginaires devenus familiers grâce aux sites internet, aux salons immobiliers et autres brochures célébrant l’art de vivre au soleil. La moindre allusion à toute pauvreté éventuelle est soigneusement évitée. Et pourtant, c’est aussi le dénuement des populations locales qui est à l’origine de l’écart de pouvoir d’achat qui semble faire le bonheur du retraité venu d’ailleurs !
Compte tenu d’un tel conditionnement, la tentation est grande de « faire le jeune », de se sentir sans âge, a fortiori lorsque l’espace est réservé aux seuls « seniors », selon une formule initiée, il y a tout juste cinquante ans, par la Sun City, en Arizona. Ce « vivre sans vieillir » est cependant un antidote moyennement efficace contre la marche du temps, car il joue le jeu de cette séparation fallacieuse et illusoire entre un corps qui vieillit et un esprit qui prétend rester jeune. En tenant à se démarquer des « vieux » – ces autres à qui l’on ne veut surtout pas ressembler et sur lesquels on plaque des stéréotypes comme la diminution des capacités physiques, la dépression, la perte d’autonomie, la sénilité inévitable –, les adeptes du « vivre sans vieillir » sont dans le déni du vieillissement et tombent justement dans le piège autodestructeur de l’âgisme, frère jumeau du jeunisme. Décidément, le successful ageing ne se choisit pas sur catalogue.

5 – Et puisqu’il y aura bien une fin…

15Et quid alors si jamais un handicap s’installe, si la dépendance menace, si l’on ne se sent plus suffisamment protégé dans cet ailleurs pourtant si ensoleillé ? Ou si l’horizon se rétrécit, puisque le conjoint n’est plus, que les amis sont partis, eux aussi, et que les enfants ne sont pas en mesure de s’occuper d’un vieux parent ? Poursuivre au soleil ? Rentrer vers un ciel grisâtre, « chez soi », alors que celui-ci est devenu étranger et que la pension ne suffira pas pour payer des soins à domicile et encore moins une place dans un environnement médicalisé ? Ou bien s’expatrier ailleurs encore, là où le coût d’« entretien » de la personne est encore accessible ?
Des résidences pour personnes âgées en Espagne et en Croatie, en Thaïlande et en République dominicaine, sorte d’exclaves pour étrangers, elles existent déjà, permettant de vivre – sous-entendu aussi de mourir ? –dans la dignité? [3]. Mais la sécurité sociale n’est pas obligée de couvrir les dépenses, nous dit-on… La question de l’inégalité face au « vieillir dignement » reste donc entière. À moins que l’on se montre encore un peu plus ingénieux, en délocalisant les soins aux personnes dépendantes, en les exportant, en quelque sorte, au soleil – et pas seulement dans la Belgique voisine – grâce à des « charters du quatrième type ». Vision trop apocalyptique ? On peut l’espérer…

Notes

Bibliographie

  • En ligneAndrews M. (1999), « The Seductiveness of Agelessness », Ageing and Society, vol. 19, p. 301-318.
  • En ligneCasado-Diaz M. A., Kaiser C., Warnes A. M. (2004), « Northern European Retired Residents in Nine Southern European Areas: Characteristics, Motivations and Adjustments », Ageing and Society, vol. 24, p. 353-381.
  • Concialdi P. (2010), Retraites, en finir avec le catastrophisme. Éditions Lignes de repères, Paris.
  • Crenner E. (2009), « Le niveau de vie des retraités. Conséquences des réformes des retraites et influence des modes d’indexation », Retraite et société, vol. 4, n° 56, p. 41-69.
  • En ligneEkerdt D. (1986), « The Buzy Ethic. Moral Continuity between Work and Retirement », The Gerontologist, vol. 26, n° 3, p. 239-244.
  • Friot B. (2010), L’enjeu des retraites, La Dispute, Paris.
  • Kiy R., McEnany A. (2010), Housing and Real Estate Trends among Americans Retiring in Mexico’s Coastal Communities. S.l., International Community Foundation.
  • Longino Ch., Bradley D. (2006), « Internal and International Migration », in Binstock R. and George L. (eds), Handbook of Aging and the Social Sciences. 6th Edition, Elsevier, Amsterdam, Boston, New York, p. 76-93.
  • Migration Policy Institute (2006), America’s Emigrants. Retirement Migration to Mexico and Panama, Migration Policy Institute, Washington.
  • En lignePalier B. (2009), « L’Europe et les États-providence », Sociologie du travail, vol. 51, p. 518-535.
  • Queisser M., Whitehouse E. (2009), What are the Prospects for the Standard of Living of Retirees ? OECD / International Social Security Association, Paris / Geneva.
Eveline Baumann
UMR 201 « Développement et Sociétés », IRD – Université Paris 1
Mis en ligne sur Cairn.info le 17/05/2011
https://doi.org/10.3917/rfse.007.0005
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte © La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...