CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 « Le terme de «modernisation» n’a pas de signification juridique […] La volonté, qui y est afférente, de «simplifier» le droit de l’environnement, n’a pas davantage de sens ». Ces lignes sont extraites de la contribution de la Société française de droit de l’environnement à la consultation publique organisée en juin 2013 dans le cadre des états généraux de la modernisation du droit de l’environnement [1]. De fait, de nombreux commentateurs relèvent alors le paradoxe qu’il peut y avoir à vouloir « moderniser » un droit de l’environnement encore extrêmement récent. Depuis quelques années, l’action publique environnementale n’est pourtant plus épargnée par la volonté de simplification de l’action publique qui s’est singulièrement renforcée et institutionnalisée.

2 Les politiques de réformes de l’État ont fait l’objet d’analyses nombreuses, s’attachant à saisir les moteurs de la diffusion du New Public Management qui les a inspirées, et les configurations particulières prises par ces réformes selon les contextes nationaux (Pollit, Bouckaert, 2004 ; pour la France voir Bezes, 2009). L’idée de « réformer l’État », et la rhétorique modernisatrice dont ces politiques s’accompagnent partagent avec d’autres politiques publiques un caractère quasi « magique » tenant au fait qu’elles semblent éternellement neuves. Sans reprendre à notre compte le vocabulaire de la rupture et de la nouveauté qui accompagne, de façon récurrente, les annonces en la matière, on fait néanmoins l’hypothèse de l’émergence et la consolidation, ces dernières années, de politiques publiques spécifiques dédiées à la simplification de l’action publique. De fait, dans le cas de la France on est bel et bien en présence d’un ensemble de mesures, d’institutions, de moyens et de « structures de sens » qui permettent de parler aujourd’hui d’une véritable politique publique de simplification de l’action publique, constituant un sous-ensemble au sein des politiques de réformes de l’État.

3 C’est cette politique de simplification qu’on propose ici de saisir à travers le secteur spécifique du droit de l’environnement. L’entrée en simplification du droit de l’environnement constitue un révélateur des facteurs d’émergence et de consolidation de la politique publique de simplification.

4 Notre propos suivra un ordonnancement chronologique et reviendra – de façon inégalement précise (de manière plus détaillée en ce qui concerne les 15 dernières années) – sur les trajectoires respectives des préoccupations en matière de rationalisation de l’action publique d’une part, et d’environnement d’autre part. En effet, la dernière période est, selon nous, marquée par un tournant dans la relation entre objectif de simplification et objectif de protection de l’environnement. Depuis le processus Grenelle initié par Nicolas Sarkozy en 2007, on assiste en effet dans ce secteur à une nette évolution de paradigme : après l’importante production législative et réglementaire issue du Grenelle (deux lois et quelques 200 décrets), on assiste à une mise en cause générale de différents pans du droit de l’environnement qui conduit certains acteurs – associations et juristes en droit de l’environnement notamment – à mettre en garde contre un risque de « régression » de ce droit, et de la protection de l’environnement qu’il garantit. Nous distinguerons donc deux grandes séquences, la première allant des années 1960 à 2010, la seconde caractérisant la période 2010-2015 [2].

Émergence et consolidation simultanée de deux politiques : environnement et rationalisation de l’action publique

5 L’émergence d’une prise en charge par les pouvoirs publics d’une préoccupation en termes de « rationalisation » de l’action publique, d’une part, et de prise en compte de l’environnement d’autre part, se fait à peu près à la même période. C’est dans le contexte de l’après 1968 qu’émergent simultanément et séparément ces deux projets. De nombreuses analyses documentent chacun de ces deux processus, sur lesquels il n’y a pas lieu de revenir ici si ce n’est pour souligner leur concomitance et en rappeler quelques éléments.

Genèses

6L’idée de rationalisation de l’action publique émerge fortement à l’issue de mai 1968 et notamment dans le projet de « Nouvelle Société » porté par Jacques Chaban-Delmas. Début 1968, le gouvernement français engage une réforme profonde des méthodes budgétaires. Par un arrêté du 13 mai 1968, le ministre de l’Économie et des Finances crée dans ce cadre un groupe de travail (la mission « Rationalisation des choix budgétaires [RCB] ») dont l’objectif est « d’expérimenter une méthode tendant à la rationalisation des choix budgétaires et au contrôle des résultats de l’action administrative par des études d’analyse de système et de coût – efficacité ». La méthode consiste à définir des objectifs précis et à comparer systématiquement tous les moyens utilisables pour les atteindre. Ce travail sera conduit jusqu’au début des années 1980, notamment avec la mise en place de « cellules RCB » dans les ministères, visant à développer des budgets de programme associés à une évaluation ex-ante plutôt qu’à une évaluation ex-post.

7 De son côté, l’idée d’environnement comme problème public émerge directement après mai 1968. Si l’on trouve des lois constituant les prémisses de ce mouvement dès le XIXe siècle, la « mise sur agenda » de l’environnement se fait à la fin des années 1960 et au début des années 1970. De nombreux récits et analyses ont désormais bien balisé les conditions dans lesquelles le ministère de l’environnement est créé en 1971, à la faveur d’un remaniement ministériel.

8 Dans le contexte du « néo-corporatisme à la française » (Muller, 1984), caractérisé par une logique sectorielle très forte, une forme de faiblesse structurelle marque dès ses origines l’action publique en matière d’environnement, pourvu de peu de moyens tant humains que financiers. La connaissance sur l’environnement est, quant à elle, largement issue de grands corps existants (Ponts, Eaux et forêts, Mines, rattachés au ministère de l’équipement, de l’agriculture ou encore des mines). Pourtant, contrairement aux autres secteurs, la politique de l’environnement ne s’appuie pas sur un grand corps d’État dédié, formule envisagée un temps mais abandonnée, notamment pour des raisons de coûts (Kessler, 1999). De nombreux ministres de l’environnement ont ainsi témoigné de la difficulté à faire face à d’autres secteurs mieux établis de l’action publique dont le poids social et la place dans la hiérarchie administrative semblent mieux établis (Poujade, 1975, Bouchardeau, 1986, Lepage 1998). La politique de l’environnement s’est ainsi construite en s’appuyant sur un « milieu de soutien » où les associations de protection de l’environnement jouent un rôle de premier plan, et qui va parfois faire office de services déconcentrés dont le ministère est longtemps dépourvu [3].

Consolidations : étatisation du New Public Management et constitutionnalisation de l’environnement

9Si comme on l’a vu, une forme d’esprit gestionnaire se met en place dès les années 1970 avec la RCB, une dimension plus managériale apparaît vers la fin des années 1980. Le registre n’est plus tant celui de la rationalité, que celui de la modernité et du renouveau : « Renouveau du service public » avec le gouvernement de Michel Rocard [4] ; circulaire du 26 juillet 1995 relative à la préparation et à la mise en œuvre de la réforme de l’État et des services publics d’Alain Juppé. Ce « moment Juppé » consacrerait selon Philippe Bezes une forme d’étatisation du Nouveau management public.

10 La « LOLF » marque sans aucun doute une étape clé de ce processus de modernisation « managériale ». La Loi organique relative aux lois de finances, promulguée le 1er août 2001, est l’aboutissement de nombreuses tentatives pour réformer l’ordonnance du 2 janvier 1959 (souvent appelée « Constitution financière de la France »). Elle a fait l’objet de très nombreuses analyses et nous n’en rappellerons ici que les grandes lignes. Les deux objectifs principaux sont, d’une part, de réformer le cadre de la gestion publique pour l’orienter vers les résultats et la recherche de l’efficacité ; d’autre part, de renforcer la transparence des informations budgétaires, notamment afin d’informer davantage le Parlement.

11 Entrée en vigueur au 1er janvier 2005, la LOLF a sans doute été inspirée des réformes menées au sein de différents pays tels que : le Royaume-Uni, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas, les États-Unis, le Canada, et l’Australie. Elle met donc l’accent sur la responsabilisation des gestionnaires et sur le contrôle de la performance publique. Elle promeut une perspective stratégique et pluriannuelle qui constitue une innovation importante en matière de gestion publique. Performance et recherche de l’efficacité en sont les maîtres mots.

12 Après dix ans de mise en œuvre, les bilans sont en demi-teinte [5] (Cour des Comptes, 2011, Commission des finances de l’Assemblée nationale, 2011, Trosa, 2013) : Selon l’expression d’Alain Lambert, un de ses concepteurs, la LOLF ne serait ainsi qu’ « une Rolls sur un chemin de terre ». Si les apports sont peu remis en cause, la LOLF n’est pas parvenue à atteindre certains de ses objectifs.

13 Au-delà des récits soulignant le rôle de parlementaires de gauche comme de droite (notamment Didier Migaud président de la commission des finances de l’Assemblée nationale et Alain Lambert, son homologue au Sénat), Philippe Bezes met en évidence une deuxième dynamique explicative correspondant à une stratégie de la part de la Direction du Budget : « Initialement, les instruments de fixation d’objectifs et de mesure des performances sont destinés aux parlementaires et doivent permettre un meilleur contrôle « externe » de l’administration par les assemblées. Ces instruments managériaux sont en quelque sorte déplacés et étendus pour servir la mise en place d’un pilotage et d’un contrôle « interne », largement dirigé par la Direction du budget » (Bezes, 2009, 455).

14 Du côté de l’environnement, les années 2000 sont, elles aussi, marquées par une consolidation dont témoignent particulièrement deux dates clés : la codification du droit de l’environnement en 2000, et la Charte de l’environnement en 2005.

15 En 2000, le code de l’environnement permet de clarifier ce droit et de le rendre plus lisible et accessible. L’ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000 relative à la codification (à droit constant) du code de l’environnement sera ratifiée par la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit. La première rencontre de l’environnement avec la simplification se fait donc sous les auspices des plus grandes lisibilité et accessibilité que permet une codification longtemps attendue (Lascoumes et Martin, 1995).

16 Mais c’est surtout la Charte de l’environnement qui va marquer une forme d’apogée dans la consolidation de l’action publique environnementale. Contrairement à de nombreuses constitutions, la Constitution française n’avait pas pris en compte la question de l’environnement et n’avait jamais été révisée en ce sens.

17 C’est à l’occasion de deux discours, prononcés à Orléans le 3 mai 2001, et à Avranches le 18 mars 2002, que Jacques Chirac annonce son intention de proposer aux français une Charte de l’environnement « adossée à la Constitution ». Les dix-huit membres de la commission présidée par Yves Coppens, représentant le secteur économique et social, les scientifiques, et les organisations non gouvernementales sont désignés par J. Chirac en juin 2002. Une consultation des citoyens est organisée parallèlement aux travaux de la Commission et s’appuie largement sur internet.

18 La préparation de la Charte au sein de la Commission Coppens, est marquée par des conflits et de fortes réticences qui continuent à s’exprimer au moment de l’adoption de la loi constitutionnelle et qui perdurent après son adoption. L’idée qu’il puisse exister un droit de l’homme à l’environnement fait l’objet d’attaques vigoureuses par de nombreux juristes. Les débats parlementaires sont marqués par les clivages partisans, et par « la peur viscérale des juges » (Prieur, 2008, 56). Tout au long de la préparation et l’adoption de la Charte, c’est bien le principe de précaution qui occupe les deux-tiers des débats (Jégouzo, 2005, 1064), et la plupart des articles publiés à cette époque. Des positions très hostiles à ce principe sont exprimées à l’époque au sein de l’Académie des sciences et l’Académie de médecine. C’est donc sur le principe de précaution que se concentrent progressivement les critiques, indépendamment de la charte en tant que telle avec, par exemple, la mise en place par le MEDEF d’un observatoire du principe de précaution [6] ou encore la proposition du rapport Attali [7] de déconstitutionnaliser le principe de précaution. Une forte implication du Président de la République sera ainsi nécessaire pour imposer la Charte à sa propre majorité.

19 En mars 2005 la Charte est adoptée par le Parlement réuni en Congrès sous la forme d’une loi constitutionnelle [8].

20 Au plan juridique, certaines analyses défendaient dans un premier temps l’idée d’une portée limitée de cette Charte, d’autres y voyant le résultat du poids de certains lobbies soucieux de relativiser l’importance de la Charte. La décision du Conseil constitutionnel relative à la loi sur les OGM [9] et l’arrêt du Conseil d’État Commune d’Annecy[10] vont définitivement lever les doutes sur ce point : tous les principes énoncés dans la Charte de l’environnement, dont le principe d’information et de participation, ont pleine valeur constitutionnelle, et peuvent dès lors être invoqués devant le juge.

21 Désormais, le nouveau préambule est rédigé de la façon suivante : « le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004, annexée à la Constitution qui proclame le droit de toute personne à vivre dans un environnement sain de qualité. »

22 Dans ce contexte de consolidation, le droit de l’environnement semble relativement épargné des démarches de modernisation, même si des textes concernant certains secteurs sont déjà pris [11].

2007-2010 : L’amorce d’un tournant : RGPP, Grenelle et réorganisation de l’administration de l’environnement

23Deux grands chantiers sont lancés par Nicolas Sarkozy une fois élu Président de la République : la Révision générale des politiques publiques (RGPP) d’une part, le Grenelle de l’environnement, d’autre part.

24 Initiée par le Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP), la Révision générale des politiques publiques est supposée s’inscrire dans la lignée de la LOLF. Elle repose sur une analyse et une évaluation approfondies des politiques publiques existantes, et sur leurs modalités de mise en œuvre au sein des administrations et des organismes interministériels.

25 La RGPP concerne l’ensemble des ministères, ainsi que des chantiers transversaux (comme « les relations État/collectivités locales », ou « l’amélioration de la gestion des ressources humaines »), et des politiques publiques (telles que « ville et logement » ou « santé et assurance-maladie »). Elle donne lieu à la conduite d’audits de modernisation, et à des propositions de mesures étudiées dans des réunions du « Conseil de modernisation des politiques publiques »

26 Parmi les critiques portées sur ce processus, seront soulignées les restrictions budgétaires et diminutions d’effectifs dont elle s’accompagne, conduisant certains analystes à voir dans la RGPP un exercice de réorganisation des structures plutôt qu’une révision des missions.

27 Le bien-fondé d’une approche de révision des politiques publiques qui se ferait sans la participation des usagers et citoyens est également questionné.

28 La campagne électorale pour l’élection présidentielle de 2007 a été marquée par l’importance de l’enjeu environnemental, porté notamment par Nicolas Hulot à travers son « Pacte écologique ». Conformément à l’engagement pris lors de la campagne, Nicolas Sarkozy annonce dès le 18 mai 2007 le lancement du Grenelle de l’environnement. De mai à fin septembre 2007 des Groupes de travail de quarante membres chacun, répartis en cinq collèges se réuniront quatre à six fois, et les rapports de chaque groupe seront présentés dès le mois d’octobre 2007, donnant lieu à la mise en place de trente-trois chantiers opérationnels. Les mesures retenues dans le cadre de ce processus donneront lieu à deux lois : la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement du 3 août 2009 ; la loi portant engagement national pour l’environnement, dite loi Grenelle II du 12 juillet 2010.

29 La RGPP va conduire à une reconfiguration du paysage institutionnel en charge de l’environnement. D’abord avec la création d’un grand ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et du logement (Lascoumes et autres, 2014). Par ailleurs une déclinaison de la RGPP à l’échelon local est initiée par le Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP), lors de sa 3e réunion le 11 juin 2008 : la Réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE). Cette réforme met en place un niveau de « droit commun » de la mise en œuvre des politiques publiques : la région ; elle conduit à la création d’un nombre réduit de directions correspondant globalement au périmètre des ministères. Ainsi sur le modèle du nouveau « grand ministère », direction générale de l’équipement (DRE), Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (DRIRE), Direction régionale de l’environnement (DIREN) fusionnent au sein des Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL).

30 C’est dans ce paysage institutionnel reconfiguré que les textes d’application des lois Grenelle vont devoir être élaborés, à partir de 2009. Plus encore, le contexte économique a changé depuis la campagne présidentielle : la crise économique et financière est la nouvelle toile de fond, qui caractérise cette période d’intense fabrique réglementaire (on évalue à plus de 200 les décrets nécessaires pour appliquer les deux lois) et tend à faire passer au second plan les préoccupations à l’égard de l’environnement. C’est ce que montre l’analyse de l’élaboration des textes réglementaires issus des lois Grenelle. Une disposition de la loi Grenelle II mettant en place une consultation du public sur les projets de textes réglementaires nationaux, nous avons pu suivre de 2010 à 2012 l’élaboration des décrets d’application des lois Grenelle [12]. Cette analyse fait apparaître le recours à deux techniques pour contourner certaines mesures.

31 Il peut être tenant, lors de l’élaboration des décrets d’application, et pour prendre en compte les préoccupations exprimées par divers groupes d’intérêt, de revoir à la baisse les conditions d’application de telle ou telle mesure. En tout état de cause, la version finale du texte donne lieu à une validation politique voire, le cas échéant, à un arbitrage. Dans d’autres cas, c’est dans le cadre d’une loi de simplification du droit que l’on va défaire ce qui avait été fait par le Grenelle. Trois lois de simplification vont ainsi abriter des mesures revenant sur les lois Grenelle, toutes trois ayant été pilotées par un député, Jean-Luc Warsmann, à l’issue d’une démarche de proposition de loi d’origine gouvernementale [13].

32 Un autre résultat de cette analyse mérite d’être souligné. En effet, le suivi du processus d’élaboration des décrets fait apparaître un nouvel acteur important de ce processus. Il s’agit de la Commission consultative d’évaluation des normes (CCEN). Cette instance avait été créée, au sein du Comité des finances locales (CFL) par la loi de finances rectificative n° 2007-1824 du 25 décembre 2007. La CCEN, présidée par Alain Lambert, était chargée d’émettre un avis sur l’incidence financière des mesures réglementaires créant ou modifiant des normes à caractère obligatoire concernant les collectivités territoriales et leurs établissements, ainsi que sur l’impact technique et financier des propositions de textes européens sur les collectivités territoriales et leurs établissements. Avec les lois Grenelle, les collectivités locales vont être confrontées à de nombreuses mesures dont elles ont la charge, d’où la nécessité et l’intérêt de cette instance où les collectivités sont bien représentées, et qui va avoir à examiner l’ensemble des décrets issus des lois Grenelle [14]. La mise en œuvre du Grenelle va donner une importance accrue à la CCEN, où les élus locaux peuvent faire valoir leurs points de vue et leurs demandes de simplification. L’existence de cette nouvelle instance et son rôle de plus en plus important semble ainsi rompre avec la logique jusqu’ici très sectorielle des concertations conduites tout au long de la fabrique réglementaire à travers l’administration consultative (par type d’enjeux : bruit, déchets, etc.) [15]. C’est notamment à travers cette instance que va s’exprimer de la part des élus locaux une demande de simplification du droit de l’environnement.

La construction d’une cause : la simplification du droit de l’environnement

33L’émergence de projets de simplification du droit de l’environnement semble relativement récente du point de vue de la production normative. En effet, si l’on observe clairement, depuis les années 2000, la multiplication et l’accélération de la production de lois et d’ordonnances se voulant être « de simplification du droit », le phénomène est plus récent dans le domaine du droit de l’environnement et semble émerger plus particulièrement après 2007 à partir de la crise économique et financière [16].

34 On peut dater à 2010 une forme de tournant qui se traduit, d’une part, dans une « mise en cause » du droit de l’environnement, et d’autre part, dans des réformes de simplification qui désormais le visent explicitement et très directement. La politique publique en matière d’environnement reste fortement déterminée par la conjoncture économique ; la période 2000-2015 est marquée selon nous par un tournant important, où la protection de l’environnement devient officiellement tout à la fois une préoccupation, un objectif, mais aussi un problème, une contrainte, une difficulté.

« L’environnement, ça commence à bien faire »

35Cette formule lancée par Nicolas Sarkozy en 2010 à l’occasion d’une visite au Salon de l’agriculture est révélatrice, au-delà de l’anecdote, d’un changement de contexte (résultant notamment de la crise économique) qui ne semble plus aussi favorable à ce que l’environnement fasse partie des priorités politiques.

36 Une des manifestations les plus évidentes de ce processus de « mise en cause » est le débat relancé autour du principe de précaution : à travers essais et tribunes, de multiples acteurs décrient le principe de précaution (Bruckner, 2011 et Bronner-Géhin, 2014). Celui-ci est accusé d’entraver l’activité économique et d’empêcher l’innovation (). Certains proposent même de le retirer de la Constitution ou de l’équilibrer par un « principe d’innovation » (Beulin et Gaulois, 2014 ; Hulot et Bourg, 2014). L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) va constituer un des principaux relais de cette mise en cause, à travers plusieurs rapports [17]. Des tentatives de déstabilisation du principe de précaution seraient ainsi régulièrement orchestrées, selon N. Hulot et D. Bourg pour qui la dernière en date, « conduite par quelques sénateurs avec le soutien de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques ». Il s’agit de « marquer, au sens des stades de football, le principe de précaution par un principe d’innovation », et donc à en limiter l’efficacité.

37 Cette mise en cause est concomitante d’une prolifération de rapports appelant de leurs vœux la nécessaire simplification de l’action publique. Parmi ces rapports deux sont signés en 2009 et 2011 par Jean-Luc Warsmann. C’est dans ce contexte que le droit de l’environnement est désormais placé au cœur des politiques dites de simplification du droit.

Modernisation de l’action publique (MAP) et Conférence environnementale

38En 2012, avec l’alternance, on passe de la RGPP à la MAP : la Modernisation de l’action publique est d’abord marquée par une volonté de se démarquer de la RGPP pour promouvoir une vision présentée comme différente. Les objectifs mis en avant sont de simplifier la vie des entreprises et des particuliers, mettre fin à l’inflation des normes… « À bien des égards la MAP apparaît comme un prolongement de la RGPP, même si cette filiation est rejetée par le gouvernement » (Bartoli, Blatrix, 2015). Les changements par rapport à la RGPP concernent surtout l’organisation institutionnelle mise en place pour porter cette politique, et la méthode choisie pour la mettre en œuvre. Un rapport réalisé par les trois inspections générales (IGF, IGA, IGAS) à la demande de Jean-Marc Ayrault et remis en septembre 2012, souligne ainsi que la RGPP, dont la nécessité n’est pas mise en cause, a été mal vécue car mise en place de manière trop brutale et souvent sans dialogue.

39 Un « choc de simplification » est annoncé par le Président de la République le 28 mars 2013. Le Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (CIMAP) annonce rapidement des décisions visant à mettre en place ce « choc », rapidement décliné dans plusieurs textes. Dans le cadre de ce travail, le gouvernement indique avoir engagé l’évaluation de la liste des normes pointées du doigt pour leur absurdité par le rapport Lambert-Boulard. On note que ce travail de simplification des normes se fait quasi systématiquement par ordonnance.

40 Le gouvernement annonce aussi un élargissement des pouvoirs de la Commission consultative d’évaluation des normes (CCEN). C’est chose faite en octobre 2013 : le CCEN est transformé en Conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics (CNEN) [18] qui pourra être saisi de textes plus nombreux que ceux qui étaient soumis à la CCEN et qui pourra proposer la modification ou l’abrogation de textes. Un moratoire général des normes est annoncé, selon lequel toute proposition de texte réglementaire nouveau ne sera acceptée que si elle s’accompagne d’une simplification correspondante.

41 La réforme concerne désormais l’ensemble des secteurs de l’action publique, et tous les ministres ont à élaborer un Programme ministériel de modernisation et de simplification (PMMS) qui repose sur « la simplification des services aux usagers [et] l’amélioration du fonctionnement des administrations ».

42 La recherche, non plus seulement d’une meilleure efficacité ou performance, mais d’une plus grande compétitivité, est au cœur du discours du gouvernement : il s’agit d’« alléger les contraintes pesant sur la croissance et renforcer la compétitivité de notre économie ».

43 La réforme comprend également une préoccupation forte à l’égard des entreprises. Afin d’impulser et d’animer le chantier de la simplification, un conseil de la simplification pour les entreprises, co-présidé par Laurent Grandguillaume et par Guillaume Poitrinal, chef d’entreprise, est créé en janvier 2014. Placé auprès du Premier ministre pour une durée de trois ans, ce conseil est chargé de proposer au Gouvernement les orientations stratégiques de la politique de simplification à l’égard des entreprises.

44 S’il est trop tôt pour dresser le bilan de la MAP, ce qui dépasse de loin l’objectif de la présente communication, on soulignera que « moderniser l’action publique a sans doute une portée bien différente selon que l’on est ou pas dans un contexte de pénurie de fonds publics. La crise survenue en 2007-2008 ne peut pas ne pas être évoquée pour comprendre les enjeux budgétaires indissociablement liés à la «modernisation» de l’action publique aujourd’hui » (Bartoli, Blatrix, 2015).

45 Du point de vue de l’environnement, force est de constater que l’environnement n’est pas au cœur de la campagne présidentielle de 2012.

46 L’alternance va entraîner un relatif abandon du format du Grenelle au profit de la combinaison de plusieurs démarches : d’une part, un évènement public annuel – sorte de « mini-Grenelle » est mis en place : la Conférence environnementale. D’autre part, des chantiers sont lancés en vue de moderniser le droit de l’environnement ; en particulier une consultation est lancée, intitulée « États généraux de la modernisation du droit de l’environnement ». Tout se passe comme si le droit de l’environnement, droit récent et donc à ce titre, moderne « par nature », devenait désormais constitutif du problème que vise à traiter la politique de simplification. Cela ne signifie pas que les critiques, notamment de la part de certaines catégories d’acteurs et de secteurs d’activité, étaient jusqu’ici absentes ; mais désormais ces critiques sont reprises à leurs comptes par des responsables publics et politiques ; le droit de l’environnement est présenté publiquement comme un problème nécessitant une action correctrice de la part des pouvoirs publics.

47 Cette cause va se structurer autour du discours de simplification ; en ligne de mire : la « norme » avec toute l’imprécision et l’ambivalence de ce terme. Le discours mêle des éléments d’analyse juridique où est dénoncée souvent indistinctement la prolifération de lois et de règlements ; et la norme en tant qu’instrument d’action publique contraignant, par opposition à la subvention, l’engagement volontaire, etc.

Les états généraux de la modernisation du droit de l’environnement

48À l’issue de la première conférence environnementale, qui se tient les 14 et 15 septembre 2012, le Président de la République annonce l’objectif de faire de la France la « nation de l’excellence environnementale ». Une feuille de route pour la transition écologique est définie à l’issue de cette conférence, affirmant la volonté de traduire dans la réalité l’objectif de développement durable inscrit dans la Constitution par la Charte de l’environnement.

49 La ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Delphine Batho, confie le pilotage de cette réforme à Delphine Hedary, membre du Conseil d’État qui avait été responsable de la préparation de la Charte de l’environnement, et qui sera entourée de Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l’environnement, et de Claude Chardonnet, consultante spécialisée dans l’accompagnement des maîtres d’ouvrages dans les démarches de concertation sur des projets d’équipement ou d’aménagement.

50 Dans la lettre de mission adressée par la ministre à D. Hédary, il est souligné que « Près de la moitié des normes juridiques nationales émanent du Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. […] Or, l’édifice normatif de notre droit de l’environnement subit aujourd’hui une double critique. Alors que, d’un côté, sa complexité et la longueur des délais des procédures sont vécues comme autant de freins administratifs dont le sens n’est plus perçu, de l’autre, l’efficience de la protection de l’environnement qui résulte de ces normes, trop souvent mises en œuvre comme des formalités à accomplir, suscite des interrogations. En outre ces règlementations, qui contiennent à hauteur de 80 % des dispositions transposées parfois littéralement de directives européennes, sont devenues d’une extrême technicité, rendant leur compréhension par les usagers et leur maniement par les services déconcentrés de plus en plus difficile […] À côté de toilettage consistant à éliminer les redondances ou les obsolescences, une réforme est en effet nécessaire pour assurer une meilleure efficience du droit de l’environnement. L’objectif du Gouvernement est que soit assurée une protection de l’environnement réelle, et non pas seulement formelle, tout en facilitant la réalisation des projets d’intérêt économique et social ».

51 Cette consultation qui va donner à lieu à 800 contributions, de la part de l’ensemble des acteurs impliqués va malheureusement s’arrêter de manière soudaine à la fin de l’année 2013. À la suite de la « démission forcée de Delphine Batho au moment où des propositions inspirées des EGMDE devaient être présentées en Conseil des ministres, la démarche fera long feu. Aucun rapport ou bilan n’en sera dressé, les 800 contributions n’étant d’ailleurs pas accessibles, ce qui n’empêchera pas de s’en prévaloir pour justifier certaines mesures de « simplification » [19]. L’analyse des débats à l’occasion de la réunion de clôture de la consultation témoigne pourtant de l’absence de tout « diagnostic partagé » des causes de la complexité du droit de l’environnement et des remèdes appropriés. Simplifier, pour qui ? Les attentes des différents acteurs composant l’écosystème de l’action publique environnementale sont, à l’évidence, bien diverses et en partie contradictoires selon que l’on se tourne vers les organisations professionnels agricoles, les organisations patronales, les collectivités locales ou les associations de protection de l’environnement.

52 De fait, comme le dénoncent les associations de protection de l’environnement, on peut penser qu’une partie de ces mesures, et plus généralement le discours autour de la complexité de ce droit, sont inspirés par une volonté de remise en cause des règles qui protégeant l’environnement dans un contexte tendu économiquement. Citons à nouveau la contribution rédigée par la Société française de droit de l’environnement : « … le droit de l’environnement est surtout mal appliqué, il n’est pas évalué, et ne constitue pas une priorité : il entre en conflit avec d’autres droits visant d’autres objectifs et ne fait jamais «le poids» face à d’autres «priorités». En réalité, le droit de l’environnement est un droit résolument «moderne» comme l’a montré dès 1993 le travail du professeur Gilles Martin […] (Martin, 1993). Il présente par ailleurs la particularité d’être en relation avec les domaines scientifiques les plus innovants pour faire face à de nouvelles contraintes et menaces qui pèsent sur l’environnement et la santé humaine. […] Évoquer sa «modernisation» est inapproprié. Il y a fort à craindre que ce terme cache celui plus général de «simplification» dans le sens d’une régression des normes ».

Encadré n° 1 : Les grandes étapes de la rencontre entre politiques d’environnement et politiques de simplification

tableau im1
ENVIRONNEMENT SIMPLIFICATION 1971 : Le « Ministère de l’impossible » 1976 : loi relative à la protection de la nature Arrêté du 13 mai 1968 du ministre de l’économie et des finances : mission « RCB » 2000 : Code de l’environnement 2005 : Charte de l’environnement 2007 : campagne présidentielle : Pacte écologique – « Grand ministère » Grenelle RGPP Loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit 2010 : « L’environnement, ça commence à bien faire ! » 2012 : campagne présidentielle Conférence environnementale Loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures Loi 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit Loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches admi-nistratives MAP 2013 : États généraux de la modernisation du droit de l’environnement

Encadré n° 1 : Les grandes étapes de la rencontre entre politiques d’environnement et politiques de simplification

53 * * *

54 L’exigence de rationalisation et d’une plus grande « performance » de l’action publique se déploie dans un contexte général qui affecte l’ensemble des secteurs de l’action publique. On aurait pu penser cependant que le droit de l’environnement, droit moderne par excellence, appuyant l’action d’une toute jeune administration de l’environnement, resterait durablement épargné par l’exigence de simplification. Cette exigence va cependant reconfigurer d’abord le paysage institutionnel (administration centrale et administration déconcentrée) en charge de l’environnement (2007-2012). Depuis 2010 environ, elle vise plus directement le droit de l’environnement et son contenu. D’où un débat important : ne risque-t-on pas, sous couvert de modernisation ou de simplification, de mettre en place des mesures allant dans le sens d’une régression du droit de l’environnement…? En retraçant chacune des étapes qui ont conduit à la rencontre des politiques de simplification avec les politiques d’environnement, on éclaire les enjeux sous-jacents à l’idée de simplification telle qu’elle se déploie actuellement. Un lien entre contexte de crise économique, discours sur la crise, et politiques de simplification se dégage ainsi assez clairement. Une réflexion autour de la question des indicateurs et de critères appropriés pour évaluer la simplification du droit de l’environnement permettra peut-être de clarifier les objectifs de cette politique et les conditions de sa mise en œuvre.

Notes

  • [*]
    cecile.blatrix@agroparistech.fr
  • [1]
    L’organisation de ces états généraux, décidée à l’issue de la première conférence environnementale, avait été conclue le 23 juin 2013 par une grande réunion plénière en présence de la ministre Delphine Batho au Muséum national d’histoire naturelle.
  • [2]
    En 2010, dans un important article centré sur une analyse critique de la phase « Grenelle » Valérie Lacroix et Edwin Zaccaï s’attelaient à poursuivre l’essai d’évaluation réalisé en 1998 à propos des deux premières décennies de politiques d’environnement par un collectif d’experts. La présente communication se propose de poursuivre cette réflexion en revenant sur des évolutions qui nous paraissent marquantes sur les 15 dernières années.
  • [3]
    La création des DIREN date de 1991. On doit à Calliope Spanou (1991) d’avoir théorisé, sur la base d’une ample enquête de terrain, cette relation des ministères structurellement « dominés » à leur « milieu de soutien ».
  • [4]
    Circulaire du 23 février 1989.
  • [5]
    Deux rapports importants dressent ce bilan : Cour des Comptes, La mise en œuvre de la LOLF : un bilan pour de nouvelles perspectives, Paris : Bibliothèque des rapports publics, La Documentation Française ; Rapport d’information de la commission des finances de l’Assemblée Nationale, n°3644, sur les décisions d’attribution des moyens budgétaires, présenté par MM Bouvard, Brard, Carcenac, de Courson, 12 juillet 2011. Voir également Trosa 2013.
  • [6]
    Présidé par François Ewald. Voir le site : http://www.o-p-p.fr.
  • [7]
    Rapport au Président de la République : 316 propositions pour libérer la croissance – 23 janvier 2008.
  • [8]
    Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005, JORF du 2 mars 2005.

  • [9]
    Décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008.
  • [ 10 ]
    CE, ass., 3/10/2008, Com. d’Annecy.
  • [ 11 ]
    Ordonnance du 18 juillet 2005 portant simplification, harmonisation et adaptation des polices de l’eau et des milieux aquatiques, de la pêche et de l’immersion des déchets, ordonnance du 8 septembre 2005 portant simplification en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement et d’élimination des déchets, ordonnance du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l’environnement.
  • [ 12 ]
    Mettre en débat l’activité réglementaire en matière d’environnement : entre exigence démocratique et nécessité juridique, Rapport de recherche dans le cadre du Programme concertation, décision, environnement, 2013. Voir pour une synthèse (Blatrix et autres, 2015).
  • [ 13 ]
    Pas moins de 3 lois ont ainsi été portées par Jean-Luc Warsmann, avec plusieurs dispositions relevant de cette logique : loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures ; loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit ; loi n° 2012- 387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives.
  • [ 14 ]
    Voir notamment le Bilan 2010 de la CCEN.
  • [ 15 ]
    En France la participation en amont d’un texte gouvernemental est généralement organisée au seul profit de représentants d’intérêts choisis et nommés par l’administration pour siéger dans des comités ou commissions consultatives qui, selon les cas, peuvent ou non donner un « avis » sur le projet de décret. Un grand nombre d’instances consultatives interviennent dans le processus d’élaboration réglementaires en matière d’environnement, selon des configurations variables selon les enjeux considérés.
  • [ 16 ]
    Des lois sectorielles de simplification ont été votées depuis le milieu du XXe siècle. Quelques exemples (liste non exhaustive) : loi du 11 octobre 1940 de simplification des procédures d’expropriation pour l’exécution d’urgence des travaux destinés à lutter contre le chômage, lois du 26 décembre 1969 et du 2 juillet 1970 portant simplifications fiscales, loi du 6 janvier 1986 relative à diverses simplifications administratives en matière d’urbanisme, loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification intercommunale…
  • [ 17 ]
    Voir en particulier les deux rapports publiés en 2012 et en 2014 : Claude Birraux, Jean-Yves Le Déaut, L’innovation à l’épreuve des peurs et des risques, Rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, janvier 2012, Rapport n° 4214 (Assemblée nationale) et n° 286 (Sénat). Jean-Yves Le Déaut, Bruno Sido, Le principe d’innovation, Rapport au nom de l’OPECST, Rapport n° 2409 (Assemblée nationale) et n°403 (Sénat), novembre 2014.
  • [ 18 ]
    Loi n° 2013-921 du 17 octobre 2013 portant création d’un Conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. Le CNEN se distingue de la CCEN par une nouvelle mission que le législateur lui a confiée en matière d’évaluation des normes réglementaires en vigueur applicables aux collectivités territoriales. Il ne constitue plus une formation particulière du Comité des finances locales (CFL) mais une instance indépendante de ce dernier. Par ailleurs, ses avis sont dorénavant rendus publics (ils sont tous accessibles sur le site internet du CNEN à la rubrique « délibérations » : http://www.cnen.dgcl.interieur.gouv.fr/articles/deliberations- h1a12.html).
  • [ 19 ]
    Pour plus de précisions on se reportera ici au texte publié sur son blog en novembre 2013 par Arnaud Gossement, dont voici un extrait : « J’espère sincèrement qu’il sera possible un jour d’exploiter ce formidable matériau constitué des 800 contributions écrites recueillies avant le 25 juin 2013. […] Nul n’envisage de moderniser le droit social sans dialogue social. Nul ne peut moderniser le droit de l’environnement sans dialogue environnemental. Les outils mis en place aujourd’hui sont éclatés, disparates et souvent mal conçus. Il faut engager une réflexion de fond à ce sujet. A défaut, les normes continueront de s’accumuler et le vivant ne sera pas mieux protégé ».
Français

Résumé

Dans le cadre de l’actuelle politique de simplification de l’action publique, le droit de l’environnement fait l’objet de mises en causes, à tel point que certains acteurs évoquent un risque de « régression » de ce droit, et de la protection de l’environnement qu’il garantit. Distinguant deux grandes séquences, la première allant des années 60’s à 2010, la seconde caractérisant la période 2010-2015, l’article retrace les trajectoires respectives des préoccupations en matière de rationalisation de l’action publique d’une part, et d’environnement d’autre part. Le droit de l’environnement est un droit récent, et l’émergence de projets de modernisation de ce droit pose question.

Mots-clefs

  • Droit de l’environnement
  • « mise en cause »
  • modernisation
  • régression du droit

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Cécile Blatrix
Professeure de science politique, AgroParisTech / Institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement, Centre européen de sociologie et de science politique (CESSP) [*]
  • [*]
    cecile.blatrix@agroparistech.fr
Mis en ligne sur Cairn.info le 03/06/2016
https://doi.org/10.3917/rfap.157.0067
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